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Les Arcanes d'Hemera
Les Arcanes d'Hemera
Auteur: Elyna E.C.

Prologue

— Anna !

Axel s’égosilla pour la quatrième fois, sans succès. Son sens de l’orientation lui faisait défaut et cela n’arrangeait en rien sa morosité : toutes ces allées de marbre blanc ­étincelant allaient finir par le rendre fou. Quant à ce soleil ! Jamais il n’aurait cru qu’un jour il en viendrait à regretter ses ­promenades dans les Affres.

— Anna !

Axel tourna sur lui-même, parvenu à un embranchement dépourvu d’indications. Ses doigts tirèrent sur les racines de ses cheveux blonds afin de ménager son impatience. C’est qu’il s’agissait à présent de la jouer stratégique s’il ne voulait pas perdre les dernières gouttes de sang froid qu’il conservait avec difficulté.

— Вы что-то ищете, молодой человек !?1

Axel n’avait rien compris à ce que cet homme vêtu d’une tunique d’un autre siècle lui avait beuglé depuis sa pelouse, et il ne chercha pas à s’étendre sur le sujet. Au loin, discernable entre deux saules pleureurs balayés par le vent, se tenait la bâtisse qu’il avait si longuement cherchée au cours de sa promenade agitée.

Avec ses tourelles taillées dans la roche saillante d’une falaise, la demeure en question était pourtant la plus originale des environs, ce qui n’était pas peu dire lorsqu’on avait l’occasion de jeter un coup d’œil au voisinage. Seulement voilà, le refuge d’Anna brillait de par son intolérable provocation, si bien qu’aucun Ange Gardien n’avait accepté d’indiquer le chemin à Axel.

— Bon sang, tu pourrais répondre quand je t’appelle ! J’ai cru que je ne te retrouverai jamais.

Axel se figea aux côtés de son amie. Immobile et le bras tendu, Anna gardait les yeux rivés sur un dolmen de pierre, où reposait sa paume de main, et ne semblait pas s’être aperçue de sa présence.

— Allô la Terre, tu es parmi nous ?

Bien qu’il sût pertinemment qu’Anna détestait qu’on la dérange dans ce genre d’occasion, Axel ne put résister à la tentation de la bousculer pour lui faire rompre le contact avec la pierre froide.

— Axel ! Espèce d’idiot ! Tu m’as fait peur.

— Et toi aussi tu fais flipper, tu décroches de là parfois ?

— Pour faire quoi ?

À cette question pleine de bon sens, Axel fut incapable d’apporter une réponse.

— Ça tombe bien que tu sois là, ajouta-t-elle en baissant les yeux vers la pelouse verdoyante, j’ai quelque chose à te montrer.

— Dois-je me méfier ?

— Ça risque de ne pas te plaire.

Axel réprima un grognement.

— Je te vois venir… Anna, si c’est encore pour plaider la cause d’Aldrik, laisse tomber, ça n’en vaut pas la peine. Tu sais très bien que je ne…

— Je ne te ferai pas cet affront, Axel, le coupa-t-elle. Et je suis très sérieuse, viens voir ça.

Le front plissé, Axel étudia l’expression figée de son amie lorsqu’elle pivota face au dolmen afin d’y reposer sa paume. Il n’était pas, pour sa part, très familier avec cet instrument. Ce dernier exigeait une sacrée maîtrise, non pas physique, mais mentale ; car il était toujours difficile de se confronter au monde des vivants tout en en étant soi-même privé pour l’éternité.

— Anna… Je sais que tu adores ce truc, mais sérieusement, ce sera sans moi.

— Reste !

Le cri qu’elle laissa échapper attisa sa curiosité. On pouvait qualifier Anna de bien des façons, mais l’hystérie n’en faisait pas partie.

— Ils cherchent à te remplacer, Axel, articula-t-elle avec difficulté. Je crois que tu devrais voir ça.

Sans comprendre un traître mot de son discours, Axel céda à ses exigences et se positionna à ses côtés pour profiter de l’écran que leur offrait le dolmen sur leur ancienne dimension.

— Si tu savais comme je suis désolée pour tout…, baragouina-t-elle au bord des larmes. Si je n’avais pas… Si je n’étais pas… Je suis vraiment, vraiment désolée. Mais avec Lucas à ses côtés, tu peux être certain que…

Mais Axel ne l’écoutait plus. Perdu dans la contemplation d’un monde dont il était désormais exclu, il se liquéfia devant la terrible vérité qui s’imposait, alors qu’il observait les protagonistes se mouvoir dans une salle blanche qu’il connaissait fort bien. Il identifia le directeur adjoint et ses manières guindées. Et surtout, ces cheveux châtains. Ces merveilleux cheveux châtains qu’Allyn avait hérités de leur mère. Comment l’Organisation avait-elle réussi à lui mettre la main dessus !? Après tous les moyens qu’il avait mis en œuvre pour les en empêcher ! Cela, Axel n’avait aucun moyen de le deviner. Une chose était sûre toutefois : il ne donnait pas cher de la vie de sa sœur à présent que la machine était lancée.

1-Cherchez-vous quelque chose, jeune homme ? (traduction russe)

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