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Battre le fer tant qu’il est chaud. Voilà ce que s’apprêtait à faire Victor Dubuisson, lui qui voyait les pièces de son ingénieux puzzle se mettre en place.

Il aurait voulu attendre un peu avant de passer directement à l’action, mais la polémique qu’il avait lancée sur le manque d’efficacité de Komniev en matière de sécurité avait dépassé toutes ses attentes. Chaque dîner en ville, chaque discussion privée mentionnait la prétendue incompétence du chef de la Chambre. Même le vieux Luzzi lui avait demandé ce qu’il en pensait, ne cachant pas une certaine exaspération à ce sujet. Komniev était décrédibilisé, la première phase du plan de Victor était un succès inespéré.

Mais désormais, il fallait penser plus grand, plus large, plus ambitieux. Et cela commencerait à la Chambre. Il y avait une session plénière l’après-midi même, et elle marquerait l’Histoire de Menel Ara, assurément. Victor se faisait fort de rester dans les mémoires à la faveur de ce coup d’éclat.

Pour l’occasion, il se permit un léger accès de coquetterie en revêtant son plus beau costume. Flora le lui avait offert pour leur premier anniversaire de mariage. Cette belle écervelée pouvait être une plaie à ses heures, mais il avait bien œuvré pour l’obtenir. Et tant qu’elle était à ses côtés, il ne risquait rien.

En le voyant sortir de la chambre ainsi vêtu, son exquise épouse sentit les larmes monter. Elle se jeta dans ses bras et resta blottie contre lui, à respirer simplement son odeur, pendant un instant qui lui parut une éternité. Elle aimait tellement son époux, son éloquence, son allure, son rire. Elle ne pourrait plus jamais vivre sans lui. Tout juste rêvait-elle de jours où il serait moins occupé, où il aurait plus de temps pour elle. Elle l’embrassa sur la joue et le lâcha. Lui continua son chemin sans un mot. Elle le connaissait et s’était habituée à son attitude. Mais elle ne lui en voulait pas. Jamais. Tant qu’il était à ses côtés, elle ne craignait rien.

Victor se sentait d’humeur conquérante et était impatient. Cela ne faisait pas partie de son caractère, d’ordinaire, mais c’était plus fort que lui : il était optimiste. Tout se déroulait comme il le souhaitait, et même un peu mieux, alors il se payait le luxe de croire en la réussite de son plan. Peut-être se trompait-il. Peut-être regretterait-il ce sourire naïf au moment de quitter sa voiture et d’entrer dans le Grand Palais.

En prenant sa place habituelle, il s’efforça de ne pas changer sa routine et gomma de son visage toute expression. Il s’installa après avoir retiré sa veste, sortit ses dossiers d’affaires courantes et salua sa voisine d’un signe de tête, comme toujours. Sa gestuelle d’élève modèle s’achevait toujours de la même façon, en levant les yeux vers la tribune et en attendant patiemment que la séance commence.

James Brandon était présent, aux côtés de Youri Komniev. Naturellement, le chef de la Chambre se devait d’aborder la sécurité de la cité après la polémique qui avait accompagné les exécutions publiques de Brinnus et Alpha. Mais Brandon, tout « monsieur sécurité » qu’il était, avait essentiellement la charge de la Basse-Ville. Sa présence était donc une surprise. Komniev attendit que la Chambre se remplisse encore un peu avant d’entamer la séance et Victor eut la satisfaction de voir que l’affluence était particulièrement élevée. Cela ferait plus de témoins. Une fois encore, la chance lui souriait.

Le grand hémicycle presque rempli, Komniev se leva et prit la parole :

— Mesdames, Messieurs, Membres de la Chambre des Familles réunis ici, veuillez observer attention et force de jugement lors de cette session.

— Dans l’esprit de Menel Ara, répondit mécaniquement la Chambre.

— Mes amis, poursuivit Komniev, je sais que ces derniers jours ont beaucoup fait parler. Mais je tiens à rappeler que les exécutions qui ont été effectuées sont le fruit de jugements rendus par la Haute-Cour de Justice de Menel Ara. Les débordements qui sont venus les troubler sont donc sans fondement, et bien sûr, illégaux.

— Monsieur le chef de la Chambre des Familles, s’il m’est permis de m’exprimer…

L’ensemble des membres présents se retournèrent et virent Victor se lever solennellement, attendant que la parole lui soit donnée.

— Monsieur Dubuisson, je vous en prie, l’invita Komniev, visiblement aussi surpris qu’inquiet.

— Mesdames, Messieurs, je m’excuse pour cette interruption, mais ce que j’ai à dire me paraît suffisamment important.

Il attendit quelques secondes que les derniers murmures et grommellements se taisent pour poursuivre :

— Mesdames, Messieurs, le spectacle qui nous a été offert il y a quelques jours n’avait rien de réjouissant. Bien sûr, je ne parle pas uniquement des exécutions, instants toujours plus propices au recueillement et à la méditation qu’à la fête. Je parle également de ce que monsieur Komniev a jugé bon de qualifier de « débordements ». Je me permets de rappeler à la Chambre qu’un de ces actes a failli coûter la vie à plusieurs chefs des Sept Familles. Et que la quasi-invasion des Putras n’augure rien de bon pour le futur immédiat de la Haute-Ville. De tout cela, deux questions directes découlent. Tout d’abord, bien sûr, que faire pour éviter que cela se reproduise ? Les mesures de sécurité dans la Haute-Ville, et notamment autour du Grand Temple des Putras, doivent être renforcées. Ces derniers nous ont montré, par leur infiltration et leur coup d’éclat lors de l’exécution du traître, en quelle estime ils tenaient notre institution. Je n’irai pas jusqu’à les qualifier d’ennemis, mais soyons honnêtes, ils n’en sont vraiment pas loin. La deuxième question qui découle de tout ceci est celle de la responsabilité. Et de ce côté-ci, après mûre réflexion et d’intenses discussions avec quelques-uns de mes camarades, je suis forcé de constater une certaine usure du pouvoir.

Victor s’attendait à une réaction intense de la Chambre et il ne fut pas déçu. Par certains côtés, des huées se firent entendre. Mais il put également se réjouir d’entendre quelques applaudissements ici et là.

— Mesdames, Messieurs, que l’on n’interprète pas mes propos de manière erronée. Youri Komniev est à la tête de la Chambre depuis près de 25 ans. Comment ne pas succomber à une forme de laisser-aller, de lassitude, de fatigue ? La chose est humaine et je ne juge pas durement l’homme. Mais peut-être serait-il temps d’envisager de mettre du sang neuf à la tête de notre institution. Pour notre sécurité à tous. Car rien ne me ferait plus de peine que de voir le sang couler à nouveau parmi nos rangs. Je vous remercie de votre attention.

Une fois encore, huées et applaudissements se mélangèrent pour saluer son discours. Il s’efforça de conserver une posture digne lorsqu’il se rassit, mais intérieurement, il jubilait. Le ver était dans le fruit. Il ne restait plus qu’à laisser faire la très bavarde haute société menelarite, et Komniev serait totalement déstabilisé.

Mais alors qu’il reporta son regard sur l’estrade principale, Victor fut stupéfait de voir Youri Komniev lui-même applaudir son laïus. En un éclair, il passa du paradis à l’enfer. Quelque chose lui échappait. Il ignorait pour l’instant de quoi il s’agissait, mais l’attitude du vieux loup était trop étrange pour ne pas cacher un énième coup fourré.

— Bravo, monsieur Dubuisson, déclara Komniev, un large sourire barrant son visage. Quelle éloquence, quelle rhétorique ! Ce discours a été longuement répété et cela se voit. Votre éthique de travail est extrêmement rare, savez-vous ?

Il marqua un temps, juste de quoi savourer le regard ahuri de son ennemi intime. À cet instant, Victor sut qu’il avait perdu. C’était aussi imperceptible que certain. Komniev posa ses mains de chaque côté de son pupitre et reprit la parole, plus sérieusement cette fois.

— Distingués membres de la Chambre, je ne me cache pas derrière mon petit doigt. Je reconnais mes erreurs et sans doute ai-je sous-estimé les dangers, notamment celui émanant des Putras. Si votre confiance m’est maintenue, j’accorderai une importance particulière à la sécurité.

Une fois cette introduction achevée, il se tourna vers Victor et implicitement, s’adressa à lui.

— Monsieur Dubuisson est un homme ambitieux, mais pour être franc, je ne vois pas très bien quel jeu il joue. Vise-t-il le poste de Chef de la Chambre ? Désire-t-il fonder sa propre grande Famille ? Je l’ignore. Ce que je sais, en revanche, c’est que cette ambition le ronge, le dévore et que, ces derniers temps, il l’a laissée prendre le dessus.

Les nombreux membres présents ne comprenaient pas exactement ce dont il retournait et Komniev le voyait bien. Victor, lui, encaissait sans broncher. Mais il savait.

— Chers membres de la Chambre, j’ai, hélas, de mauvaises nouvelles. La dernière fois que je me suis exprimé en ces termes, c’était pour vous annoncer que notre noble institution était infiltrée. J’ai bien peur que ce que je dois vous dire aujourd’hui soit du même ordre. En effet, nous sommes en mesure, aujourd’hui, de vous dire qu’Alfred Brinnus, l’homme qui a été exécuté pour avoir attenté aux vies des chefs des Sept Familles, a été payé pour commettre cet attentat. Et que le commanditaire n’est autre que Victor Dubuisson lui-même.

Une bronca historique accueillit cette nouvelle. Des cris d’horreur et d’indignation émanaient de tous les visages qui fusillaient Victor en cet instant. Celui-ci, foudroyé par la révélation de Komniev, ne trouva rien d’autre à faire que de se lever et de crier au mensonge et à l’injustice. Et c’est alors qu’il était le dernier debout, tel un accusé devant ses juges, que le chef de la Chambre lui porta le coup fatal.

— Je ne me permettrais pas de lancer de telles accusations sans preuve, aussi vais-je m’expliquer. La veille de son attentat, Alfred Brinnus, sans doute rongé par le remord, est venu me voir pour me confier le monstrueux plan de Victor Dubuisson. C’est alors que, pour mieux confondre le coupable, j’ai demandé à Brinnus d’agir comme il lui avait été demandé, mais avec une arme factice, bien entendu. C’est comme cela que les blessures ont été simulées et que nous avons pu découvrir, aujourd’hui, les véritables desseins de Victor Dubuisson. Maintenant, si les personnes pouvant attester de la véracité de mes dires veulent bien se lever, cela prouvera que je n’accuse pas injustement notre camarade.

Sous le regard horrifié de Victor, Pils Mussen, Rafael Ortiz, Han Jin, Bakari Zouma, Maxwell Phillips et Fabio Luzzi se levèrent et se tournèrent vers lui. Aucune émotion ne ressortait de leurs visages.

— Cela étant dit, et par pure honnêteté, je me dois de préciser qu’il semble qu’il ne soit pour rien dans la venue des Putras. Maintenant, c’est à contrecœur que je vais demander à la garde de bien vouloir mettre le dénommé Victor Dubuisson aux arrêts. Il sera maintenu dans les geôles du Grand Palais en attendant son jugement.

Mortifié, terrassé, Victor se laissa embarquer par quatre gardes sans se débattre. Il était vaincu, à quoi bon lutter ? Il avait dû être fou pour croire qu’il avait une chance contre Youri Komniev. Désormais, tout était fini. Et il n’avait plus que ses espoirs déchus sur lesquels pleurer…

Une fois le calme revenu et chaque membre de la Chambre de nouveau sur son siège, Youri Komniev décida de ne pas s’attarder sur l’évènement.

— Maintenant, si la Chambre le veut bien, je propose de passer aux affaires courantes, à commencer par celles concernant…

— Excusez-moi, j’aimerais dire un mot, moi aussi.

La patience des membres de la Chambre avait atteint ses limites et ce sont des dizaines de visages agacés qui se tournèrent vers Catherine Saulte épouse Phillips. De sa voix timide, elle avait osé interrompre le chef de la Chambre. Celui-ci, très irrité, l’invita à s’exprimer, mais ne cacha pas, lui non plus, son impatience.

La jeune femme se leva doucement et poussa sa voix pour se faire entendre de tous.

— Il me semble, enfin je crois, qu’en dépit de tout ce qu’il a fait, Victor Dubuisson a soulevé un point important : la sécurité n’est pas assurée dans la Haute-Ville. S’il a pu soudoyer un homme avec un peu d’argent, alors n’importe qui peut le faire, n’est-ce pas ? De plus, les Putras représentent effectivement une menace. Je ne cherche pas du tout à dédouaner Victor Dubuisson de son acte, là n’est pas la question. Mais il y a un problème de sécurité auquel il faut s’attaquer.

Une salve d’applaudissements vint saluer l’intervention de Catherine Saulte, et Youri Komniev ne put rien faire d’autre que promettre de s’atteler à la tâche. Mais au fond de lui, il se demandait si, après s’être débarrassé de Victor, il n’allait pas devoir surveiller cette petite du coin de l’œil. Maintenant qu’il avait les coudées franches, il entendait bien en profiter un peu.

***

Les prisons ne devaient pas avoir bien évolué depuis des années. Certes, il n’était pas fin connaisseur de la chose, mais adosser un homme à un mur et y attacher chacun de ses bras par une menotte et une chaîne ne paraissait pas être la manière la plus moderne ou la plus civilisée de garder un prisonnier. Après plusieurs heures d’isolement, Victor avait épuisé tous les sujets de réflexion possibles et imaginables. Et à dire vrai, ils paraissaient tous d’une incroyable stérilité après toutes ces années de plans structurés et d’intrigues tortueuses.

Là, il ne pensait plus à rien d’autre qu’à ces chaînes qui le meurtrissaient. Ses jambes étaient libres, mais cela ne lui était d’aucune utilité. Il pourrait bien mourir maintenant, tout cela n’aurait plus d’importance. Il avait échoué. Gravement. Victor savait faire des millions de choses, mais pas perdre. Il n’avait jamais eu l’occasion de l’apprendre. Et maintenant qu’il était face à l’évidence, le désespoir le submergeait.

Il devait être enfermé depuis cinq ou six heures, quand enfin, la porte de sa cellule s’ouvrit. Mais alors qu’il s’attendait à quelque chose à manger ou à boire, ce fut le visage serein de Youri Komniev qu’il vit apparaître. Celui-ci pénétra dans la pièce, referma la porte derrière lui et se posta devant Victor. Il resta ainsi, à regarder sa victime, sans expression. De longues secondes passèrent et les yeux de Komniev ne baissèrent pas plus que ceux de Victor ne se levèrent. Et le silence demeurait.

— Je dois reconnaître que tu es quelqu’un de particulier, lâcha le vieux politicien après de longues minutes. Des petits arrivistes qui veulent se faire la tête du chef, il en arrive tous les ans. Mais toi, Victor, tu es le plus intelligent et un des plus vicelard que j’ai jamais eu à affronter. Tu aurais pu aller très loin, peut-être même que tu aurais débloqué quelques verrous en accédant à des postes jusque-là interdits aux pièces rapportées. Mais tu as choisi la confrontation. Crois-moi ou non, mais cela me désole un peu.

Pour toute réponse, Victor se contenta de cracher aux pieds de Komniev. Il gardait les yeux baissés.

— Tu as été trop pressé, poursuivit le chef de la Chambre. Tu as tout voulu trop tôt, trop vite. Si tu avais patienté un peu, tu aurais pu obtenir un pouvoir inespéré. Mais tu as voulu la guerre. Et tu as perdu. Et tu veux que je te dise ? C’était facile. C’est peut-être ça qui me déçoit le plus.

Victor ne réagissait toujours pas. Subir les discours de Komniev constituait une torture suffisante pour qu’il ne s’inflige, en plus, une discussion argumentée.

— Je ne suis pas venu pour te narguer, contrairement à ce que tu pourrais croire. Je n’en ai pas besoin. La satisfaction de t’avoir vaincu me suffit, je n’ai plus douze ans. Je veux juste t’expliquer comment tout cela s’est passé. Lorsque tu es arrivé dans la Haute-Ville, Luzzi s’est tout de suite méfié de toi. Il faut dire que, via quelques petits réseaux que je me suis constitués avec le temps, ton endettement n’a pas été un secret très longtemps. Merde, Victor, tu as emprunté à tout Menel Ara ou quoi ? Luzzi voulait absolument savoir pourquoi tu étais aussi fauché, alors on a enquêté. Et on a trouvé un ou deux témoins de tes magouilles.

Il se rapprocha de Victor et posa son visage juste devant le sien dans un geste de provocation.

— Ta belle Flora est au courant que tu as acheté tous ses prétendants pour qu’il ne reste que toi ? Et que tu as été obligé de faire main basse sur l’héritage de ton père pour rembourser tout ce que ça t’a coûté, ça et tes petites enquêtes sur toute la Haute-Ville ? Est-ce qu’elle sait que c’est toi qui as balancé Tur ?

Komniev éclata de rire et recula légèrement. Il se baladait dans la grande cellule et semblait beaucoup s’amuser. Il était de ces hommes qui aimaient s’écouter parler. Victor, lui, n’était même plus surpris de la puissance de renseignement du chef de la Chambre.

— Le pire dans tout ça, c’est que la petite t’aime vraiment. Tu n’aurais probablement même pas eu besoin d’écarter la concurrence comme ça. Mais je te comprends. Moi non plus, je n’aime pas laisser des choses au hasard. Et puis, les années sont passées et tu as eu le temps, toi aussi, de dresser ton petit réseau. Mais il y a une chose que je ne comprends pas avec toi. Tu es né en bas, tu as réussi à arriver jusqu’au stade de conseiller du chef de la Chambre des Familles et toi, tu semblais en vouloir encore plus. Mais vouloir quoi ? Qu’est-ce qu’un homme comme toi pouvait bien espérer de plus ?

Victor ne répondait toujours pas. Il demeurait immobile et subissait le monologue de Komniev.

— Alors, dévoré par ton ambition, tu as commis une erreur impardonnable en voulant me déclarer responsable d’un attentat que tu as toi-même commandité. Mais comme je te l’ai dit, j’ai eu le temps de me constituer un réseau important. Je vais te confier un petit secret : Brinnus ne t’a pas vendu. Du moins, pas de son plein gré. Seulement, il se trouve que Tom Major est sous étroite surveillance. Un bookmaker clandestin dans la Haute-Ville n’est pas une personne fréquentable. Alors quand on m’a rapporté que tu t’étais longuement entretenu avec lui, je n’ai eu qu’à tirer la ficelle. Et tout ceci m’a mené à Brinnus. Au début, il niait. Alors on a été obligés de demander un peu moins gentiment. Et il a craqué. On lui a même ordonné de faire ce que tu lui avais demandé sous peine de mettre son fils en prison à vie. Tu étais en confiance, tu devais même planer de joie, mais tu as perdu. Major continue de jouer les indics, Brinnus est mort, son fils est riche et toi, tu es en prison. Les choses rentrent dans l’ordre.

Victor ne montrait aucun signe de surprise, mais il était réellement terrifié par sa propre impuissance. Tout ce temps, il avait été dépassé, surclassé par bien plus fort que lui. Il se sentait minable.

— Maintenant, Victor, avant de te laisser à ton vague à l’âme, je veux te poser une question. Après, promis, je te laisse tranquille. Explique-moi ce que tu voulais exactement. Dis-moi, cette foutue ambition, elle était censée te mener où ?

Le prisonnier demeura stoïque et cherchait quoi répondre. Son cerveau était anesthésié. Après un moment, il se racla la gorge et prononça ses premiers mots depuis l’entrée de Komniev.

— Très honnêtement, Youri, je ne sais pas, murmura-t-il. Je voulais continuer à avancer, c’est tout. J’ai atteint mes buts rapidement. Facilement. Il m’en fallait d’autres, je ne pouvais pas supporter de heurter ce plafond de verre. Mais je n’avais pas d’idée précise. Je voulais juste avancer, c’est tout.

Komniev le considéra quelques secondes et paraissait fasciné. Bien sûr, le vieil homme se reconnaissait en partie dans Victor. Après un instant, il s’avança de nouveau vers lui et, porté par une impulsion incompréhensible, il l’embrassa sur la joue.

— Tu as été un adversaire courageux, Victor. Trop faible, indigne, mais courageux. Maintenant, attends ta sentence. Tu as perdu.

Sur ces mots, Komniev quitta la pièce et laissa sa victime refaire et refaire encore l’histoire. En vain. Il était tombé sur plus fort que lui et il n’avait, en effet, plus qu’à attendre…

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