Victor claqua la porte de la pièce où se trouvaient déjà Catherine, Ibn Bassir et deux de ses lieutenants les plus influents. À en juger par l’humeur du chef, l’heure était grave.—Deux jours, putain! pesta-t-il. Ça fait deux jours que je les balade.Il constata avec amertume que bien peu de ses compagnons semblaient concernés par la situation.—Quelqu’un a une idée? poursuivit-il. Quelqu’un en a quelque chose à foutre? Non parce que si vous considérez que prendre la Zone sécurisée nous permet de couler des jours heureux et arrêter la lutte, dites-le tout de suite!La bonne humeur ambiante cessa sur-le-champ. Ibn Bassir ouvrit son petit cahier et nota quelques lignes. Catherine, elle, avait adopté la physionomie qui était la sienne depuis qu’elle avait vu les cadavres des Martyrs dans l’ascenseur. Quelque chose s’était révélé à elle, quelque chose comme la cruauté du monde et les conséquences des décisions prises dans les
Énième ironie du sort, la salle où Victor fut enfermé en compagnie d’Ibn Bassir était celle-là même où il avait été jugé et condamné par les chefs des Sept Familles.La volonté de Gaël était sans doute de ne pas les mettre en prison. Mais ils avaient interdiction de sortir de la pièce et un garde y veillait. Autant dire que, si le confort était toujours meilleur que dans les geôles du Grand Palais, le doute n’était pas permis quant à la réalité de leur condition.Les deux prisonniers n’échangèrent que des regards, lourds de sens, traduisant une incrédulité qui restait hautement suspendue. Sans doute la présence du garde y était-elle pour beaucoup, mais les deux hommes ne trouvèrent pas de choses à se dire, tant il y en avait.Un long moment passa ainsi, durant lequel chacun s’ennuya ferme. Si Gaël n’avait manifestement pas l’intention d’humilier ses visiteurs, il les faisait patienter avant «d’en finir», comme il l’avait lui-même dit.Ce fut donc
La douceur était revenue en même temps que le calme. Certains y voyaient une sorte de signe, un acte métaphysique quelconque. Mais Moussa demeurait imperméable à ce genre de balivernes. La guerre était finie depuis plus de deux mois et il se contentait de s’en réjouir. Un jour, il était dans l’ancienne Zone sécurisée et écoutait Victor promettre victoire et justice à ses partisans. Et le lendemain, plus personne ne parla d’affrontement et l’accès à la Haute-Ville devint libre à tous. Voilà, aussi simplement que cela, Menel Ara avait cessé de se battre. Et Moussa voulut savoir pourquoi. Ses finances commençaient à battre de l’aile en raison de sa longue inactivité professionnelle, mais il voulait plus que tout lever le voile sur ce mystère. Et comme le temps était tout ce qui lui restait…Bien sûr, tout d’abord, il chercha Victor. Mais il se heurta une fois de plus aux libertés que chacun prenait avec la vérité. Successivement, l’ancien leader de la résistance avait été tué par S
Tout ceci appartenait au passé, comme le reste. Moussa regardait par la fenêtre de son appartement. Il n’avait pas revu Ibn Bassir depuis ce jour, mais son œuvre était disponible. Les balivernes qui circulaient auparavant avaient majoritairement cessé, bien qu’il se trouva toujours un imbécile ou deux pour remettre en cause la légitimité de l’auteur sur le thème «il ne sait pas ce qu’il dit, j’y étais, moi…».Beaucoup de temps avait passé depuis la fin de la guerre et la première campagne électorale depuis plus d’un demi-siècle avait même commencé. Il s’agissait d’élire une centaine de députés, lesquels seraient ensuite chargés de doter Menel Ara d’un président. Jusque-là, l’opinion semblait appeler de ses vœux Catherine Saulte. Le récit d’Ibn Bassir en disait un peu plus sur la jeune femme qui avait quitté volontairement la Haute-Ville pour rejoindre le combat de la résistance. Son élection comme députée ne faisait aucun doute et, selon toute vraisemblance,
L'AuteurNé dans les années 80, Vincent Dionisio s’adonne dès la jeunesse à l’écriture de nouvelles. L’âge avançant, il se diversifie avec des scénarios, des pièces de théâtre et, inévitablement, des romans, jonglant avec les supports suivant l’inspiration du moment.Passionné de cinéma de longue date, de chefs d’œuvres prétentieux comme de navets à 150 millions, il ambitionne, un jour, d’écrire, de réaliser et de jouer dans une saga d’anticipation définitive. Une fois rattrapé par la réalité, il se remet au boulot et se contente de raconter des histoires. Parce que c’est ce qu’il préfère, finalement.PrologueCe soir-là, Gaël ne rejoignit pas David dans le hangar 2-D. Il n’avait pas la tête à jouer aux cartes ou au Propela, ce curieux jouet à hélices tant prisé par les Martyrs. Non, Gaël avait l’esprit occupé à une tâche bien plus importante. Jamais il n’aurait cru être aussi séduit par l’idéologie
Les chiens! Les rats! Les vomissures de rats! Non. Pire! Les excréments de rats! Il se vengerait. Il les tuerait tous, un par un, lentement et méticuleusement afin qu’ils souffrent un maximum comme lui-même avait souffert. Plus il y pensait, plus sa rage s’intensifiait et s’extériorisait. Il avait détruit une grosse partie de la première pièce qu’il avait trouvée, mais il y avait toujours quelque chose pour subir sa colère. Il avait même troué un mur d’un coup de poing. Peu importait que ses phalanges souffrent ou qu’il saigne abondamment: ils paieraient tout cela au centuple. Tous. Komniev, Mussen, Luzzi, le président de la Haute-Cour… S’il avait les noms, il poursuivrait même chaque membre de la Chambre pour les tuer. Voilà de quoi cette cité avait besoin: d’une purge sénatoriale digne des pires heures de la Rome antique. Les gens
Maria avait le sentiment persistant qu’elle était observée. Pire, il lui arrivait de croire qu’on l’avait repérée.Ses visites matinales à la bibliothèque de Gyan se faisaient de plus en plus rares et elle n’essayait même plus d’entrer en contact avec qui que ce soit. Elle était devenue une de ces créatures apeurées et prostrées qu’elle tentait d’approcher il n’y a pas si longtemps. Mais si sa raison à elle était son infiltration journalistique, quelle était celle des autres?Cette paranoïa avait commencé le soir où elle avait appris la vérité sur le Prophète. Gaël? Vraiment? Qu’avait-il donc fait dans sa vie qui puisse le désigner comme l’homme qui rétablirait l’équilibre à Menel Ara? Il avait bien parlé de prendre plus d’importance dans la vie publique de la cité, mais il ne pouvait tout de même pas s’agir de ça. Ses idées, déjà bien embrouillées, s’enchaînaient toujours plus vite. Et si Gaël avait été un Putra depuis des années,
Battre le fer tant qu’il est chaud. Voilà ce que s’apprêtait à faire Victor Dubuisson, lui qui voyait les pièces de son ingénieux puzzle se mettre en place.Il aurait voulu attendre un peu avant de passer directement à l’action, mais la polémique qu’il avait lancée sur le manque d’efficacité de Komniev en matière de sécurité avait dépassé toutes ses attentes. Chaque dîner en ville, chaque discussion privée mentionnait la prétendue incompétence du chef de la Chambre. Même le vieux Luzzi lui avait demandé ce qu’il en pensait, ne cachant pas une certaine exaspération à ce sujet. Komniev était décrédibilisé, la première phase du plan de Victor était un succès inespéré.Mais désormais, il fallait penser plus grand, plus large, plus ambitieux. Et cela commencerait à la Chambre. Il y avait une session plénière l’après-midi même, et elle marquerait l’Histoire de Menel Ara, assurément. Victor se faisait fort de rester dans les mémoires à la faveur de ce coup d’éclat.Pour l