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À peine une semaine avant la rentrée, alors que j’ai repris le chemin de l’école afin de la préparer, je croise une femme à l’entrée d’un centre commercial. Elle me regarde avec insistance, puis me sourit. Un sourire forcé, qui ne me semble pas naturel, pas de ceux que vous lancez aux gens que vous rencontrez simplement. Elle me sourit comme si elle me connaissait, et la crispation de ce dernier semble accréditer ma thèse.

Elle s’approche et me salue. Elle a la peau métissée, elle est jolie, brune, et est accompagnée d’une petite fille. Je suis tellement occupé à rechercher dans mon esprit qui elle peut être, que j’en oublie de répondre. Elle doit le remarquer car elle précise :

— Je suis la maman de Sarah.

Je regarde la petite, mais ne la reconnais pas. Je m’en souviendrais si elle avait été dans mon école.

— Je suis vraiment désolée de ce qui est arrivé, reprend-elle, ça a été très dur pour Sarah, elle adorait Eléanore et appréciait aussi beaucoup votre épouse.

C’est à ce moment que les détails me reviennent. Sarah, c’était le prénom de la meilleure amie d’Eléanore. Je regarde la petite fille, elle m’observe d’un regard froid, puis je me retourne vers la maman.

— Merci.

— Je…

— Je dois y aller, la coupé-je.

Elle me présente ses excuses, que je refuse, avant de lui dire que c’est de ma faute, que je dois partir. Ce que je fais.

Je m’enfonce dans les rayons du grand magasin, repensant à Eléanore, lorsqu’elle me racontait ses moments partagés avec sa copine Sarah. Puis mes pensées se tournent vers Célia, elle gérait la classe des grandes sections maternelles et a donc été la maîtresse de cette petite en même temps qu’Eléanore. Cette rencontre fait ressurgir quelques souvenirs, des bons. Je revois ma fille, enjouée, me racontant ses journées. Je crois qu’elle aimait beaucoup Sarah. Je regrette à cet instant de ne pas avoir échangé avec cette dernière lorsque j’en ai eu l’occasion quelques minutes plus tôt. Peut-être aurait-elle pu me parler d’Eléanore, me raconter des choses que je ne sais pas. Car c’est difficile à accepter, le fait que vous ne découvrirez plus jamais rien de nouveau sur votre fille, que vous ne serez plus surpris.

Je repense au regard de la petite, froid. Je ne suis pas certain qu’elle aurait voulu m’en parler. Et je ne suis pas certain non plus que sa maman aurait apprécié, elle a précisé que ça avait été très dur pour sa fille.

Je cherche alors à me sortir cette entrevue de la tête, à me concentrer sur ce que je viens faire, sur ce dont j’ai besoin d’acheter. Je n’y parviens pas et comprends que les courses sont terminées avant même de les avoir commencées. Eléanore ne quittera plus mes pensées de la journée.

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