Je reste interdite face aux regards qui pèsent sur ma personne. Des tas d’hypothèses fusent. J’ai envie de hurler. De tout casser. De fracasser tout ce qui me tombe sous la main. Mais pas maintenant, pas ici. Pas devant tout le monde. Seuls mes poings tremblants de rage peuvent attester de mon état.—Non, ce n’est pas possible, dit Tessia en secouant la tête, brisant le silence atrocement pesant de la salle.—Les yeux ne mentent jamais, la contredit Zéphyr. Tu es née sur Terre, et Evalina sur Réturis.L’entendre mettre des mots, bien réels, sur cette situation, ne fait que la rendre encore plus difficile à supporter.—Non, il doit y avoir une erreur ! Ce n’est pas possible, répète Tessia. Nos parents ne connaissaient pas l’existence de ce royaume, j’en suis persuadée !—Ils n’étaient peut-être que mes parents adoptifs, soulevé-je contre mon gré.À part Tessia, plus personne n’ose me regarder dans les yeux.—
Une tête blonde et un regard bleu. C’est la première chose que je vois en ouvrant les yeux. Je suis allongée dans un lit. Mon lit. Tessia, penchée au-dessus de moi, essuie les larmes qui perlent au coin de ses yeux.—Comment te sens-tu ? me demande-t-elle.Je me relève doucement, prends quelques secondes de réflexion, avant de lui répondre:—Faible. Je me sens faible.Je passe une main sur mon front, les idées encore obscurcies par le souvenir de la douleur. Atroce, insoutenable, et incompréhensible. Je n’ai plus mal. Je me sens seulement faible. Comme si une grande quantité de sang m’avait été retirée du corps. Cela me rappelle le jour où Mélodie m’avait torturée. La tête me tourne encore, mais je ne souffre plus. Et c’est le principal.—Pourquoi ne suis-je pas à l’infirmerie ?—Zéphyr voulait t’y conduire, mais c’est moi qui l’en ai dissuadée, m’explique-t-elle. J’ai pensé que tu préférerais te réveiller ici. Je
Je suis sous le choc. C’est le flou le plus total. Trop de questions fusent dans ma tête. Je ne comprends pas. Angie, lui, se contente de regarder fixement sa sœur, sans rompre le silence.—Co... comment ça ? Tu ne peux pas être le frère de Raven, c’est impossible ! Les rares fois où elle me parlait de sa famille, elle n’a jamais mentionné un quelconque frère ! Elle disait être fille unique.Le visage fermé et impassible du Leader semble soudainement avoir perdu toute crédibilité. Il se décompose à vue d’œil. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il ne s’attendait certainement pas à cette annonce.—Est-ce que l’un de vous deux pourrait me répondre ? continue Tessia, haussant légèrement la voix. Je suis complètement paumée, là. Est-ce que Raven m’a menti? Ou est-ce une blague de mauvais goût ?—Tu penses que je suis du genre à faire une blague pareille ? rétorque soudainement Angie, d’un ton particulièrement dur. Tu penses que m’inve
—Cette cage ne me résistera jamais ! Je m’acharnerai encore et encore jusqu’à ce qu’elle cède, et vous regretterez de m’y avoir enfermée ! s’époumone Mélodie dans sa cellule.C’est une sorte de sphère, fabriquée par de solides barreaux en acier. À l’intérieur, il y a tout juste la place pour une seule personne. J’ignorais que nous possédions des cages comme celle-ci. L’unique fois où je me suis rendue à la Chronosée, j’étais en effet bien loin d’avoir tout découvert. Je n’avais exploré qu’une petite partie, celle de gauche, où toutes les affaires de la première Démone semblent être exposées. La partie de droite rassemble toutes les affaires de la première Gémone. J’ignore pourquoi, lorsque je m’étais rendue ici, j’avais été attirée par les affaires appartenant à Eléana. La logique aurait été que je sois attirée par celles d’Evalina, et non de la première Démone.Quoi qu’il en soit, parmi les affaires de mon ancêtre se trouve cette cage en forme de sphère. La seule i
—Tu ne vas pas entrer, c’est ça ?Angie ne me répond pas. Il reste planté devant la porte de l’infirmerie que je maintiens entrouverte. Nous n’avons pas perdu un seul instant avant de nous y précipiter, mais arrivés devant, il s’est subitement arrêté.—Je vais attendre ici, finit-il par me répondre, croisant les bras sur son torse.—Tu vas attendre quoi ? Tu sais déjà qu’elle est réveillée.—Attendre que tu reviennes me dire si elle est en état de discuter avec moi.—Comment ça ? demandé-je, fronçant les sourcils d’incompréhension.—Tu comprendras quand tu la verras. Parce qu’à mon avis, elle ne le sera pas, soupire-t-il, me faisant signe de la main de rentrer sans lui.Je soupire, mais décide finalement de pousser la porte de l’infirmerie et d’y entrer seule. À peine ai-je posé un pied dans la pièce que des éclats de voix me parviennent. Il me semble percevoir des pleurs et je reconnais d’emblée la vo
—Tu penses que c’est celui-ci ?—Non, j’en suis sûre, déclaré-je, relevant mes yeux sur Zéphyr.Ce dernier observe avec attention l’objet que je tiens maintenant dans mes mains. C’est un joli bracelet en argent, tout simple, orné d’un œil ouvert. C’est celui que m’avait offert Mehdi, le petit ami de Mélodie. Il m’avait avoué qu’il avait laissé Mélodie le choisir parce qu’elle était celle qui connaissait le mieux mes goûts. Et quoi de mieux qu’un cadeau empoisonné.Le soir de mon anniversaire, elle savait ce qui allait m’arriver. Elle savait que je souffrirai quand mon pouvoir prendrait définitivement possession de moi. C’est même à elle que je me suis confiée lorsque j’ai constaté qu’il y avait vraiment quelque chose qui clochait chez moi. Le fait que je casse ma brosse à cheveux rien qu’en l’empoignant, ou encore quand je défonçais le mur de ma chambre simplement en ouvrant la porte de mon armoire. Elle s’est arrangée pour gagner ma confiance au fil de
—Isaac ?Je me fige de la tête aux pieds. Je reconnais cette voix. Et Isaac aussi. La voix de ma sœur a instantanément réussi à faire pencher la balance. Ses yeux s’éclaircissent de nouveau. J’étais tellement accaparé par la catastrophe qui menaçait d’éclater que je n’ai pas fait attention aux nouvelles arrivantes. La sœur d’Evalina a conduit la mienne jusqu’à nous. Je suis troublé de la revoir, debout et en pleine possession de ses moyens. Lorsque je l’ai récupérée des griffes de Kierân, elle était endormie. Et Isaac, dans le coma. C’est donc la première fois qu’ils se revoient.—Par Réturis, c’est vraiment toi ? s’exclame Eva, avançant d’une démarche hésitante jusqu’à lui. Je reconnais tes yeux.Elle n’aurait sûrement pas dit la même chose si elle l’avait vu quelques secondes plus tôt, avant qu’elle n’intervienne. Désormais, c’est comme si le comportement agressif d’Isaac n’avait jamais existé. Il est de nouveau lui-même. Et il regarde ma sœur exactem
Je ne sais pas si c’est une bonne idée. Mon instinct me dit clairement que non. Mais je ne peux plus reculer. La vibration est trop forte. Il m’appelle. Je le sais. Je le sens. Il est derrière cette porte. Je la fais coulisser sur le côté et pénètre à l’intérieur de la pièce. C’est une chambre toute simple, qui ressemble fortement à la mienne. La seule différence, c’est qu’il y a un bureau. Et c’est justement ici que je sens son appel s’intensifier. Je me positionne face au meuble, observant avec attention les quelques objets reposant dessus. Un pot à crayons pratiquement vide et des feuilles vierges dispersées un peu partout. Je m’accroupis pour faire face aux deux seuls tiroirs, les fixant chacun leur tour pour me décider à en ouvrir un. La vibration s’est arrêtée, ce qui signifie qu’il est ici, dans l’un des deux. J’ouvre le premier et je soupire de frustration lorsque je constate que ce n’est pas le bon. Je m’apprête à le refermer, lorsqu’une petite forme noire attire mon attention