—Tu ne pourras pas les retenir éternellement…—Tais-toi.—Tu es plus faible que d’ordinaire.—J’ai dit, tais-toi, Isaac! hurle-t-elle, les yeux luisant d’une couleur carmin.Après avoir passé plusieurs semaines en sa compagnie, ses coups de sang ne me font plus le même effet. Je m’y suis habitué. Les choses ne se passent pas exactement comme elle l’avait prévue. Elle n’est pas tranquille et ne parvient pas à le cacher. Ses talons hauts claquent sur le sol de la pièce. Celui-ci est souillé des nombreux litres de sang qui se sont écoulés durant des siècles. Mes yeux se promènent sur les cordes, les lames, les objets bizarres et les torches prêtes à meurtrir n’importe quel morceau de chair sur la peau d’un malheureux. Un râle de douleur résonne dans la pièce.—Toi, la ferme!Mélodie resserre les chaînes du prisonnier et lui lance un regard meurtrier. Je n’éprouve d’ordinaire pas de grande empathie pour les
—Je… je ne comprends pas, murmuré-je contre son cou.Raphaël. Les questions se bousculent par dizaines dans ma tête, mais aucune d’entre elles ne parvient à sortir. Je me délecte de ce moment, celui de l’avoir dans mes bras, sain et sauf. Celui de l’avoir retrouvé.—Il va falloir qu’on se décolle l’un de l’autre, Ev’, articule-t-il d’une voix amusée.—Ce serait préférable, en effet. Ce n’est pas le moment pour ce genre de chose, on a plus important qui nous attend! raille le Leader.Je soupire, mais Angie n’a pas tort. Raphaël me lâche doucement et prend mes mains dans les siennes.—La bague, murmure-t-il.—Je ne la porte plus depuis le jour où… où Mélodie… enfin, où j’ai découvert tout ça. Toute cette folie. J’avais tellement envie de revenir sur Terre, et ton cadeau me faisait trop mal. Alors je l’ai retirée.D’un geste assuré, Raphaël me saisit le menton, forçant mes yeux à plonger dans les siens.
—Evalina… Evalina! Tu m’entends? Evalina! S’il te plaît, dis quelque chose!Mes paupières sont closes. Je me sens lourde. Affreusement lourde. Je parviens finalement à bouger les mains.—Evalina, parle-moi! Fais-moi un signe, n’importe quoi signifiant que tu vas bien!Angie. Sa voix regorge d’inquiétude. Ses mains pressent les miennes en attente d’un signe, mais je n’y arrive pas. L’image d’Apolline et de Lucie hante mon esprit. C’est comme si je les entendais hurler leur souffrance. Tout est ma faute. Je n’aurais pas dû les envoyer aider les métamorphes. Qu’est-ce qui m’a pris de donner des directives? Je suis tétanisée. Mes convictions n’étaient pas assez puissantes. J’ai lamentablement échoué. Et je dois maintenant vivre avec la mort de deux nouvelles Surnaturelles sur la conscience.—Ouvre les yeux, me supplie Angie. Je sais que tu es éveillée. Et je sais que tu dois sûrement t’en vouloir, mais
—Voici votre chambre, annonce Kierân.—Notre chambre? m’étonné-je.Angie et moi pénétrons à l’intérieur d’une pièce de petite taille où la couleur marron domine largement. Il fait assez froid.—Quoi, vous n’êtes pas ensemble? nous questionne Kierân.—Si, répond Angie.—Parfait. Cette chambre sera donc la vôtre, déclare le chef des métamorphes, un sourire aux lèvres. Sachez simplement que les murs ne font pas de miracle en termes d’isolation.Puis il ferme la porte, me laissant seule avec le Leader. Je fixe le lit double, à droite de la porte. Je vais dormir avec Angie. Je ferme les paupières. Inspire un bon coup. Tout va bien se passer.—Ça te pose un problème? me questionne soudainement le Leader en s’asseyant au bord du lit.Je rouvre les yeux et fronce les sourcils.—Tout ça, précise-t-il, montrant d’un geste vague l’espace qui nous entoure.—Euh… N
—Tu es sûr que c’est une bonne idée de les avoir laissées seules?—Elles ne risquent pas de se réveiller de sitôt.—Mais… et si elles ont un problème? Que l’une des deux reprend conscience du fait de la douleur?—Matt a fait le nécessaire pour que cela n’arrive pas. Pas cette nuit, du moins.Je pousse un soupir, pas très rassurée par le fait d’avoir laissé Lucie et Apolline sans surveillance. Raphaël n’ayant pas voulu me parler là-bas, par peur des oreilles indiscrètes, il m’a invité à discuter dans sa chambre. Elle est identique à celle que je partage avec Angie, à l’exception qu’il a sa propre douche. Kierân nous avait spécifié qu’il y avait un endroit aménagé dans la grotte, mais visiblement, Raphaël n’a pas à s’embêter avec ce genre de détail. Je m’assieds sur son lit tandis qu’il prend appui contre le mur qui me fait face.—Toi aussi tu étais au courant pour Matt?—Kierân me l’a d
Cela fait plusieurs heures que je fixe le vide, incapable de me relever. La couleur du sol est complémentaire à celle de mon esprit. Noire, telles les ténèbres qui se sont emparées de moi. Elles m’ont tenté. Elles m’ont goûté. Désormais, elles refusent de me lâcher. Je suis prisonnier de cette spirale infernale. Le bien contre le mal. Suis-je le bien? Suis-je le mal? Je ne sais plus. Je ne vois plus que du gris. Des nuances de gris, qui entachent mon âme et la transforment en une matière faite de pure violence et d’horreur. Ça ne me ressemble pas. Mais peut-être que si. Elle m’a eu sous la torture, et je n’ai pas su résister. Je me suis laissé emporter par cette envie de me venger. Cette envie qui me guette depuis des années. Que je ne cessais d’éloigner. Peut-être qu’on ne peut pas repousser indéfiniment ce que l’on est.J’observe mes mains, tachées du sang de nos ennemis. J’en ai partout. J’ignore à quoi je ressemble. Je n’ai pas envie de le savoir. Je voudrais jus
Je suis essoufflée. Mes poumons me brûlent. J’ai peur. Ma course est sans fin. Malgré tout, je sais que c’est notre dernière chance. Une telle occasion ne se représentera pas deux fois, alors je cours. Personne ne fait attention à moi. Ils sont tous occupés à se battre. La terre aride est parsemée de crevasses que je m’efforce d’éviter comme je le peux. Je suis trop petite pour enjamber les nombreux obstacles, je décide donc de ramper pour passer en dessous. Le sol est brûlant, mais je dois continuer à avancer. Je ne dois pas m’arrêter. Mes oreilles bourdonnent des cris qui se répercutent sur le champ de bataille. Mes yeux se posent sur des squelettes noircis. Encore quelques mètres. L’air est irrespirable. Il fait trop chaud. Heureusement, les vestiges s’achèvent ici. Je me redresse face à un trou béant. Juste derrière, l’objet de ma convoitise. Ce pour quoi je suis ici.J’entends mon prénom faire écho au travers des ruines. On me hurle de m’arrêter, mais je n’en fais rien. San
Je peux déjà sentir le refus d’Angie, même à plusieurs mètres de distance. Edden s’est crispé à mes côtés. Les convaincre ne va pas être facile. Kierân m’observe silencieusement, en l’attente d’une réponse de ma part. Il ne prend pas la peine de se tourner vers le Leader des Surnaturels. Il semble croire que je dirige le groupe. Que si je prends une décision, la majorité me suivra.—Tu as déjà une dette concernant Isaac, déclare Angie. On t’a aidé à libérer Lacnas, fais-en de même avec lui. Respecte cette promesse, et ensuite, peut-être qu’on acceptera d’y réfléchir.—Qu’en penses-tu? me questionne Kierân, sans prêter la moindre attention aux propos du Leader.L’ennemi de mon ennemi est mon ami. Kierân a déjà pactisé avec la Démone de nombreuses fois, mais une guerre ne se gagne pas seul. On se doit de tenter le coup tout en redoublant de vigilance envers les métamorphes.—J’en pense que ça vaut le coup d’y réfléchir.Kierân so