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Supplication

CHAPITRE

2

Allée dans les toilettes pour se passer de l’eau au visage et rincer la bouche, Akpénè ressort dans la chambre reprendre le lit. Mais elle ne se couche plus. Elle s’assoit, adossée au chevet, les pieds par terre.

Le jour, déjà, se prépare à petites lumières pour bientôt, commencer par chasser les brumes et les ombres du ciel sans lune. L’heure se tend vers les quatre. Akpénè émet un léger bâillement comme si le sommeil l’engourdissait encore. Cependant, elle n’en a pas connu de bon. Elle n'a fait que rêvasser, et est plutôt en proie à la fatigue. Une grande fatigue. Qu’elle soit physique ou mentale. Avec toutes ses préoccupations morales.

Elle tourne fixer son mari. Avec hésitation, elle lève la main pour l’appeler. Ce dernier, émet de légers grognements avec quelques mouvements, puis, retourne dans son calme. Elle insiste pour qu’il se réveille ; ce qui semble être fait. « Houm ! Il y a quoi ? » lui demande-t-il, mi ensommeillé, mi éveillé.

-J‘aimerais discuter avec toi, s’il te plaît ! Il faut alors que tu te réveilles.

-Tu me laisses dormir, femme !

-Il urge que l’on parle. Nous devons discuter, je t’en prie !

-C’est quoi le problème avec toi pour ne pas avoir de paix dans ma propre maison, dormir tranquillement la nuit ? Qu’est-ce que tu me veux-tu, femme ? finit-il par la gronder en se redressant subitement, nerveux.

-Qu’est-ce qui nous arrive, mon cher mari ? Regarde comme nous sommes devenus. Quel tort ai-je commis autant ?

-Je vois. Tu es décidée à m’être de l’insomnie dans cette maison. Et je vais te la laisser. Je t’ai déjà mille et une fois fait observer que si je te suis insupportable, la sortie t’est grandement libre.

Akpénè baisse la tête à ces mots « avilissants » de son mari. Tenant le front d'une main, elle essuie des larmes de ses doigts, sanglotant.

-Merde ! J’en ai marre de tes gamineries sous ce toit ! De tes pleurnicheries ! Tu me lasses ! Je te laisse la chambre. Et je pars trouver un endroit où je pourrais encore dormir tranquillement cette nuit ! lui laisse entendre celui-ci.

Il se lève et sort de la chambre pour le salon, la laissant. Il y a les veilleuses allumées. Mais, à peine il s'allonge dans le sofa, qu'il la voit encore.

Akpénè se met sur ses genoux aux pieds de son mari qu'elle a donc suivi. Il lève les yeux la regarder avec un certain mépris et étonné.

« Pardonne-moi pour tout ce que je t'aurais fait de si mal pour que nous en arrivions là, mon mari. Je suis et je demeure ta femme, autant que tu demeures mon époux et mon homme unique. Cette situation devient de trop. Elle ne nous arrange en rien, elle ne nous arrangera en rien ! », le supplie-t-elle.

-Akpénè, si tu n'as pas sommeil, moi, si ! Et si tu n'as pas sommeil, ne cherche pas à ce que je sois comme toi !

-Nous sommes un couple et nous sommes un. Et je n'ai pas d'insomnie. J'ai mal pour nous. Pour l'avenir de ce toit. Pour ta petite fille qui souffre de cette situation.

-Nous y sommes. Tu l'impliques dans tes histoires biscornues, tu l'inities à tes désobligeances et tu penses vraiment la prendre pour me faire du chantage émotionnel !

-Comment pourrais-tu dire de telles choses sur ta propre enfant ? Une petite enfant, innocente, qui doit porter des torts que je t'aurais causés ? C’est ton enfant !

Le mari l'ignore pour ne piper mot. Soudainement, elle sent la main de sa fille se poser sur son épaule pour tourner la tête la regarder.

Sitsopé s'est réveillée pour sortir de sa chambre en écoutant ses parents. C’est alors qu’elle tombe sur sa maman sur les genoux. « Maman ! » l'appelle-t-elle.

Son papa porte sur elle son attention en l'écoutant puis repose sa tête sans y prendre garde.

-Oui, mon bébé ! répond Akpénè qui se retourne complètement à l’enfant pour l'étreindre, toujours sur ses genoux. Tu es réveillée si tôt aujourd'hui, Sitsopé !

-Tu pleures sur moi, maman, lui faire savoir plutôt la fillette en sentant ses larmes couler sur elle.

Elle tressaute en la laissant instinctivement. Reniflant, elle essuie les larmes du dos de ses mains. Puis, en essuie pour l'enfant aussi tendrement de ses pouces en lui prenant les tempes. « Ne pleure plus, mon enfant. Et je suis désolée d'avoir pleuré sur toi. Je ne l'ai pas fait exprès, chérie ! » lui dit-elle en adoucissant son visage avec un petit sourire, et continuant de lui caresser ses joues plus que lui essuyer ses pleurs.

- Toi, aussi, tu ne pleures plus à cause de papa, maman. Je suis là pour toi. Je n'aime pas te voir triste, je t'en prie ! 

Akpénè va jeter du regard à son mari. Dans le sofa, sans s'émouvoir, Amézado dort plutôt ; du sommeil de tigre. De toute aise possible. Se retournant à l'enfant, avec la même tendresse, elle lui dit :

-Je ne pleure pas à cause de papa. Et je le sais, tu es là pour moi, mon ange gardien. Tu es mon refuge à moi. Maintenant, retournons au lit. Il reste encore qu'il fasse bien jour. Et tu dois dormir un peu en attendant d'aller à l'école !

Elle lui donne de bises sur les joues et se lève. Lui tenant la main, elle se retourne une fois de plus regarder son mari avant de la mener dans sa chambre. Et les deux y reprennent le lit, et la petite qui la veut serrer à elle.

Monsieur KPOMEGBE, de son petit nom Ehli, sort de la chambre au salon. Comme à son habitude, il se rend chez sa sœur. Il y va, pour son fils qui, des mois déjà, est sous la chaleur accueillante de sa tante ; ne pouvant pas lui avoir du temps, et pis, s’occuper de lui convenablement lui-même. Mais aussi, il ne veut pas de domestique sous son toit pour en prendre. Seule la femme de ménage passe de temps à autre lui faire des entretiens dans la maison. Le repas, quelques rares fois.

Il va donc prendre la clef de sa voiture sur la table, fourre son potable dans la poche du pantalon. Il sort, lorsque, arrivé à la porte, il a cette fringale de revoir la photo de sa feue femme Enyovi au mur. Il se retourne. Il la voit. Et c'est comme elle lui souriait. Lui souriait, de ce sourire qui le condamnait, épanouissait son cœur. Elle était toute sa joie, toute sa fierté, et ce, depuis qu'ils avaient commencé de se fréquenter au lycée pour finir ensemble l'université et autres ; et de se marier.

Il retourne sur ses pas. Et, lentement, va à la photo qu'il fixe sans cillement jusqu'au mur qui le stoppe.

Son cœur s'alourdit. Ses yeux s'imbibent de larmes. Il ferme les paupières pour les rouvrir, et les laisse couler. Il n'a pas de forces de les contenir. Il revoit tous leurs bons moments : les rires joyeux de cette partie de lui perdue dans cette maison, leurs amusements, leur complicité. Elle était affectueuse. Elle était compréhensive. Enyovi était une compagne.

Et il se rappelle encore de cet après-midi, seuls dans le salon sans leur enfant. Elle le fixait avec insistance. 

-Aurais-je fait quelque chose de noir pour que me fixe ma fascinante épouse de la sorte ? lui demanda-t-il.

Elle lui plaqua comme réponse, ce sourire, si beau, dont elle seule avait le secret, pour lui procurer quiétude au cœur.

-Tu me fais encore quelle magie, mon ange ? continue-t-il.

-Tu es un homme formidable. Je suis si heureuse de t'avoir connu, de t'avoir dit oui, pour mener ma vie avec toi jusqu'ici.

-Parce que tu es une femme merveilleuse aussi, de laquelle je ne pourrais jamais me passer depuis que tu as décidé de m'offrir tout ce que tu as de beau en toi pour que je te découvre. Tu es une musique qu'aucun talent ne saura chanter à sa juste valeur. Merci d'être ma femme. Merci de m'avoir dit ce « oui ! » magnifique. Et jusqu'ici comme tu venais de le dire, n'est pas notre point d'arriver.

-Qu'en savons-nous, mon bel homme ?

-Parce que je ne risquerais jamais de te perdre. Parce que toi et moi sommes pour le dernier soupir.

Elle pouffe de rire.

-Ça ne te passe jamais par la tête que je pourrais un jour partir et à jamais ? Voyager et ne plus jamais revenir ?

-Pourquoi devrais-je penser une telle folie ? Même fou, je ne la penserais pas. Un amour comme le tien ne trahit pas. Et une femme comme toi, on se bat pour continuer de la mériter que de gaspiller un instant du précieux temps pour lui avoir du superflu.

-Et les circonstances de la vie, qu'en dis-tu, mon doux mari ?

Elle parlait, ses yeux étaient prédateurs autant que sa voix enchanteresse, cristalline et son visage qui éclatait la joie de vivre et l'amour.

-J'ai confiance en ma femme et je suis plus tranquille qu'un étang que rien ne trouble. Je vais alors comme un ruisseau majestueux, déterminé, qui ne se soucie guère de savoir si, sur son passage, il butait contre des pierres ; des rochers, des mottes de terre ; des arbres à travers la forêt, élargissant son cours, pour arriver au grand fleuve, chantant de joies, offrant de tressauts inédits, laissant de zéphyr souffler le long de sa berge aux mille délices. Tout ce que j'ai à faire, c'est de vivre la beauté de la vie, le charme de la vie ; avec toi. Je n'ai pas peur, un seul instant de temps, de te perdre, crois-moi !

Elle lui fit un visage fier avec des gamineries. Il était très heureux, lui présenta le sien heureux. Elle lui redit :

-Je réaffirme que tu es formidable et je te confirme que tu es mon dernier homme dans cette vie actuelle.

-En as-tu besoin, avant que je ne le sache ?

-Avec toi, j'ai connu un bonheur factuel dans un monde plutôt factice. Tu m'as offert des rêves. Qu'ils sont beaux ! Merci pour tout ton amour !

-Viens là, dans mes bras, ma Fée des Bois !

Elle y alla, s'adosser à son buste, entre ses jambes, leurs pieds dans le salon. Il posa les mains sur sa poitrine à son tour et lui effleurait les seins affectueusement.

-De ces rêves, je t'en offrirai toute ma vie pour que tout ton bonheur soit mien, tant tu leur trouves de valeur pour en être épanouie. C'est mon devoir de t'aimer, de te rendre heureuse, pour tout l'honneur que tu me fais !

Elle soupira et lui confia :

-Mon prochain voyage que je prépare ne sera pas comme les autres. Il risque d'être long. J'imagine juste vos endurances de mon absence. Quand j'y pense, ça me fait de la peine pour mes beaux trésors que vous m'êtes.

-C'est vrai que chaque absence de toi nous est un calvaire. Jamais, on n'arrive à s'y habituer. Mais, on tient toujours… Et on va tenir celui-ci aussi. Deux jours, trois jours, une semaine [...] de plus ! On va les endurer, mon amour. Sois relaxe !

-Et j'ai confiance en toi, que notre petit Trésor ne sera pas, un seul instant, négligé. Tu lui offriras tout soin.

-Vous deux êtes ce que j'ai de plus précieux et je ne saurai négliger aucun d'entre vous un instant !

-Vous deux êtes ce que j'ai de plus cher. Et je suis fière de toi…

Ce fut encore un après-midi magistral. Enyovi allait au Mali, au Sénégal, en Guinée Conakry payer des perles et de basins riches faits de motifs expressifs qu'elle distribuait au pays. Elle était commerçante.

Durant les deux semaines ayant suivi cet après-midi, ils vécurent de moments encore fascinants. Tout pouvait témoigner de leur bien-être. Avec leur fils. Enyovi leur semait la joie de vivre en continue ; des drôleries, de la tendresse. Car, disait-elle, ils se manqueraient de trop pendant son voyage, et il fallait profiter de cet intervalle de temps qui restait avant le vol.

A trois jours du fameux voyage, ce soir après le dîner, ils passèrent encore le reste du temps dans le salon. Ils causèrent, ils racontèrent des histoires jusqu'à ce que le sommeil ne vînt. Et pour aller au lit, Enyovi prit leur enfant. Elle l'étreignit aussi longtemps, le couvrit de plusieurs baisers avant de l’emmener dans sa chambre. Elle revint ensuite au séjour et lui dit :

-Je voudrais que tu me portes. J'ai envie d'aller au lit dans tes bras cette nuit sans que mes pieds ne touchent le sol, mon précieux mari !

Il la regardait ébahi.

-Pourrais-tu me faire cet honneur ce soir ?

-Le veux-tu accompagné de quelle berceuse, mon amour ?

-Mais, tu as une voix biscornue, toi ! [Rires...]

-Ô ! C'est moi, cet oiseau rock qui subjugue toujours par son vol inimitable ! Mets comme d’habitude ton mari à tes épreuves, et apprécie une fois de plus de quoi il est tout le temps capable.

-Tu as toujours d'arcs dans le carquois. Tu ferais bien orateur. Maintenant, lève-toi et soulève-moi !

-Aux plaisirs de mon épouse !

Il se leva et la souleva d'un geste. Il l'embrassa dans d’éclat de rire et la porta jusqu'au lit, fredonnant une berceuse de sa voix cassée. Une fois au lit, elle resta coller à lui et lui demanda de lui faire l'amour. Ce fut leur dernier [...], car elle ne se réveillera plus jamais de son sommeil : le matin, il réveilla sa femme qui restait toujours allongée au lit ; elle n'avait plus de souffle à émettre. Coup fatal. C'était son voyage duquel elle ne pouvait plus revenir.

Commentaires (2)
goodnovel comment avatar
Jérémy Douvon
oui salut cette roman la
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Jérémy Douvon
c'est génial merci beaucoup j'ai aimé
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