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Âpre tristesse

Akpénè se réveille sous des chatouillements de main sentie sur elle, mais ne voit pas son mari à ses côtés comme elle pouvait l'imaginer [...]

Suite à de « disputes » la veille pour de vétilles, elle a dû prendre des cachets. Ceci, pour éviter des maux de tête et l'insomnie à force de se fourvoyer dans sa mélancolie. Cette autre nuit, elle ne voulait aucun de ces malaises outre mesure. Apparemment, les produits ont fait effets. Elle en a pris en quantité suffisante. Elle ne pouvait pas se passer de son amertume malgré elle. Ce faisant, le marchand de sable a mis du temps à passer. Même avec les comprimés. Toutefois, il a fini par être là et à jouer son rôle : lui jeter du sable aux yeux. Et à ce que l’on peut juger, sous la force de sa consommation, il lui en a jeté abondamment, au point de ne pas se rendre compte du départ de son mari du lit, savoir que la nuit s’est déjà rétrécie.

Sa tête est lourde à ce réveil provoqué ; elle a de la migraine. Regard tourné du côté de son mari avec la tête pesante pour ne pas le voir, c’est sa fille elle peut remarquer à sa place. Cependant, sous l’engourdissement, elle referme les yeux tout simplement, pour être emportée de nouveau aussitôt.

En effet, Sitsopé réveillée ce matin sans le rituel matinal de sa maman qui la sort toujours du lit, ne perçoit aucun bruit, sort au salon pour ne remarquer aucun de ses parents. Elle se rend alors dans leur chambre et n’y voit qu’Akpénè seule dans le lit. Pointée au pied du lit à la regarder sans qu'elle ne se réveille, elle se glisse à ses côtés, posant une main sur elle ; ce qui a semblé la réveiller. Nuitamment, Amézado a quitté le lit, y laissant sa femme et s'en est même allé de la maison.

Akpénè retournée dans son sommeil, l’enfant se colle à elle pour mieux l'étreindre. Et elle reste à ses côtés, calme.

Massogblé sort du lit pour le salon et va se pointer à la porte de la cuisine. Amézado y est, préparant le petit déjeuné. « Mon doudou ! » l'appelle-t-elle. Il se retourne subitement pour la voir, avec ce sourire charmeur propre à elle, et sa dentition qu’elle lui expose. Eh, bah, oui, elle a une belle dentition. Une très belle, on pourrait dire. Avec des dents pas tout à fait blanches mais tirant sur une couleur or, bien plantées et alignées dans ses gencives, donnant impression de brasiller lorsqu'elle les montre. Un Art ! Que d'ingrédients érotiques pour son charme de séduction.

Mais, là, n'est guère ce qui éblouit Amézado lorsque son regard atterrit sur elle. Massogblé n'est qu'en sous-vêtements ; du soutien-gorge et du tanga, pour lui offrir une vue agréable d'elle comme s'il la découvrait [...]

« Ô, Merde ! Ma sucette adorée ! » marmotte-t-il, les yeux écarquillés, flambant de convoitises.

Passant la langue sur ses lèvres, il la dévisage. Massogblé lui enflamme son sourire. Et se dandinant, elle l'approche posément puis, lui colle ses lèvres aux siennes pour le biser. Matinale sensualité, il veut en être gourmand. Mais, elle se retire aussitôt.

-Tu m'as laissé ton odeur dans le lit, dit-elle.

-Et dans le lit, je voulais venir te servir en te réveillant. Mais te voilà pour me prendre la tête.

Elle tourne ses yeux et va le prendre de dos. Il tourne aussi la tête la regarder et ils s’échangent des coups de lèvres avec volupté.

Le petit déjeuner est prêt. Amézado le sert à la table. Pendant ce temps, Massogblé repartie pour sa toilette, ressort. Elle est dans une autre tenue, aguichante que la précédente et va s'installer. Il la sert, se sert et ils consomment. Du romantisme épice la partie. Ils se dévorent de regards […], et ils se sourient. Ils se mettent le met dans la bouche, ils se cajolent, se mignotent. Une matinée sous d’heureux auspices, deux papillons voltigeant de liberté dans une prairie.

Et dans du bavardage, ils concluent de passer l'après-table sous les draps. Poursuivre leurs « besognes inachevées » desquelles l’insolent sommeil était venu les priver.

Akpénè se réveille. Et cette fois-ci, pour de vrai. Mais toujours, avec cette petite sensation de migraine sur laquelle elle ne saurait s'attarder : surprise est-elle de voir sa fille à ses côtés dans le lit. Vraiment, elle ne l'avait pas remarquée. « Sitsopé ! » s'écrie-t-elle. La petite lui sourit plutôt, et lui demande dans ce sourire affectueux et innocent : « tu as bien dormi maintenant, maman ? »

Elle ne parvient pas à lui répondre. Elle prend plutôt son portable pour voir l'heure. C'est là même sa stupéfaction, grande stupéfaction pour tressauter. 9 heures ont déjà sonné.

Elle tourne un regard fort désolé sur l’enfant qui jusque-là, n'a pas encore pris le petit déjeuner et doit avoir mortellement faim. Cependant, cette dernière même ne lui manifeste rien de tel pour ne que lui sourire. Néanmoins, elle s'en veut et lui porte des excuses franches. Elle la mignarde puis, saute du lit pour se précipiter dans les toilettes desquelles elle ressort aussi hâtivement. Elle file illico au salon et se dirige directement à la cuisine pour concocter quelque chose à manger à la fillette et pour soi : réveillée est-elle, elle-même, avec ce grand trou dans le ventre. La petite la suit. Elle lui fera sa toilette matinale après s'être occupée de son ventre. Heureusement pour elle-même avec ce réveil, ce jour, c'est samedi, donc le week-end !

Le « petit déjeuner » se fait de main preste : café au lait et tartines qu'en raffole Sitsopé. Moment de passer à table, Akpénè fait une découverte en portant leur manger à l'autel du rituel. Elle en reçoit un choc émotionnel pour enfin s'éveiller d'ailleurs sur l'absence de son mari de la maison : elle n'en avait pas jusque-là ses esprits.

Amézado, avant de s'en aller nuitamment, a laissé sur la table à manger, un billet de 10 000 frs, probablement pour approvisionnement en victuailles, objet de leur dispute une fois de plus la veille. Elle va en même temps dans la chambre chercher son portable pour l'appeler.

De l'autre côté, l'appareil sonne dans le vide au séjour, sur la table à manger au milieu des plats ayant servi au petit déjeuner. A l'intérieur, dans le lit, Amézado est dans les merveilles du monde, corps à corps intime avec sa sucette. Les gémissements légers sont la mélodie qui les accompagne harmoniquement. Et ils y vont avec lenteur, sans pression, pour se savourer.

Akpénè est plus crispée, que son mari ne décroche pas ses appels à trois reprises. Vite, elle se reprend pour retourner au salon rejoindre sa fille et aller à l'essentiel de ce matin.

Ehli, sa sœur chez laquelle est son enfant, oppose un refus systématique à son projet de ramener l'enfant avec soi à la maison, ce qui l'irrite.  Néanmoins, il se refuse de s'engager d’ores et déjà dans un bras de fer avec elle. Primo, la sœur est la grande sœur de la famille. Secundo, ce serait comme s'il la remerciait du dos de la main.

Ce dimanche soir, il rentre bredouille encore de chez la tante de l’enfant où il n'a eu droit qu'à toute sorte de parole dissuasive. Sur son chemin, il s'arrête devant un maquis calme et fait son entrée pour aller prendre place à une table. Ainsi, avec une bouteille de bière, il semble flatter sa rogne.

« A quoi ressemble-je, dans ce coin à l'air livide, avec une bouteille de bière comme compagne, n'enjôlant même pas de quelque manière ma mélancolie qui se moque bien d’elle ? Ma vie est sans vie sans toi, Enyovi. Aurais-tu une réponse à me donner, une issue à me montrer, toi qui m'as fortement aimé jusqu'à ton dernier sourire, et à nos derniers plaisirs comme ton au revoir pour ne pas le pouvoir ? Je n'aurais jamais mis pieds dans cet endroit qui ne me sied guère si tu étais là, au contrôle de ma vie, comme tu savais le faire. Tu étais mon gouvernail, Douce Mélodie de ma Vie. Maintenant voilà ! Mon étambot porte les marques sanglantes de la détresse, mon souffle épars dans l’air. [Larmes sur les yeux] Amère solitude, ma damnation ; mon affliction est inouïe, mon chagrin est cruel. Mon monde, une impasse sombre et belliqueuse. Il me fait la guerre incessamment, moi, un pauvre personnage sans forces, sans armes, depuis que tu es partie, mon amour ! Que faire ? Que faire ? Dis-moi ! Que faire ? Si tu peux me répondre, Dis-moi, Enyovi ! » se languit-il, perdu dans ses pensées devant sa bouteille.

Une conversation, aussitôt, attire son attention pour le sortir de sa léthargie :

« De nos jours, peu de femmes veulent d'homme avec lequel faire chemin et bâtir ce qui sera leur. La plupart recherchent juste ceux ayant à leur masquer leur propre mouise et faire du bling-bling. Et dans cette mode, nous d'autres ne sommes pas à la page avec nos poches défrisées que nous trimballons », écoute-t-il dire, une voix masculine.

Il ne tourne même pas le regard dans la direction de la voix. Et à une table à sa proximité, se tiennent un homme de la trentaine et sa compagne, une jeune femme de 25 ans environ aussi. Cette dernière rigole des propos de son interlocuteur et lui laisse entendre :

-A qui la faute ? Elle vient de vous-mêmes le plus souvent. Sur le marché, chaque article a son prix. C’est un principe de vie ! Mais vous, vous voulez vous passer de ce principe et convoiter des femmes qui dépassent vos capacités au lieu de faire avec celles qui sont de votre niveau !

-C’est cela même le hic, le drame, avec le commun de notre société maintenant ! Une fille indigente, misérable peut convoiter un homme riche, c’est même le rêve. Tout le monde va l’encourager, le lui trouver normal et penser que c’est son mérite absolu. Mais, dès lors que l’on voit un homme approcher une femme qui a un peu de moyens que lui, on lui rappelle qu’il est pauvre et qu’il doit se trouver une femme de son rang. C’est devenu de la stigmatisation. Il n’y a guère de principes de vie de couple pour le cheminement d’un objectif commun dont on s‘imprègne à deux. Tout semble être biaisé. Mais là aussi, dans cette optique des choses, tu sembles ne pas comprendre. Celle qui est à ton niveau que tu vois est plutôt celle qui te ridiculise le plus malheureusement. Justement parce qu'elle ne voit pas en toi, un capable de la sortir de facto de sa situation et lui offrir sur la lune, ses rêves que l’on lui vend. Il faut être un homme, affronter les femmes pour comprendre.

-Tu peux avoir raison, mais c’est chacun qui connait la chaussure qui sied à son pied. Il y en a qui ont perdu leur partenaire très tôt pour trainer les blessures toute leur vie sans jamais pouvoir se refaire. D’autres n’ont jamais eu la chance de tomber sur la personne qui leur convenait. Il y a aussi ces petites gens qui passent à côté de leur bonheur à cause de la convoitise et leur orgueil. Ces personnes-ci, leur consolation est…

Elle ne finit pas quand Ehli se lève pour s’en aller, laissant, un billet de 2 000 francs sur la table pour sa consommation qui ne fait d‘ailleurs pas la moitié de cette somme.

« … ce qui est à toi sera toujours à toi, peu importe. Et moi-même je ne sais encore de quelle catégorie je suis », finit ses propos, les yeux baissés, le front pâle, la jeune femme qui ne sait même pas avoir incommodé quelqu’un.

-Comme aimait le dire mon grand-père : « Ne pourchasse pas un animal que tu ne pourras atteindre. Ou même si tu l'atteins, tu ne mangeras pas de sa chair. Non seulement tu auras perdu du temps et de l'énergie, tu offenseras la nature », lui redit son ami, plus serein.

Pendant ce temps, Ehli arrive déjà à la sortie où il croise un homme trainant une bedaine, et faisant aussi son entrée. Il va à sa voiture qu’il prend et s’en va.

Toujours au volant, sans vie, Ehli prend son portable et appelle son ami. Pas d’Amézado pour lui répondre à l’autre bout. Or, il ne veut pas rentrer. En tous cas, pas dans l’immédiat dans son état. Ne parvenant pas à avoir l’ami, il lance Akpénè. Elle décroche à la quatrième tonalité.

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