Quand arrive le matin, j’ai retrouvé mon équilibre intérieur, si ce n’est mon bon sens. Encore une fois, je zappe mon jogging – je sais que je le paierai quand je m’y remettrai enfin plus tard dans la semaine – et sors de bonne heure.
J’ai choisi une robe jaune légère, achetée en solde l’été dernier, pour 20 dollars. Elle est un peu trop féminine pour aller au travail, mais je n’ai que deux tailleurs et je les ai déjà portés, donc il faudra bien que ça passe. Le fait qu’elle aille à merveille avec mes cheveux et mon teint n’entre pas en jeu – du moins, c’est ce que je me raconte en m’habillant.Avant de partir, je remets le blender dans son carton, ainsi qu’un petit mot disant « C’est gentil, mais non merci. » Puis je fais quelque chose de vraiment idiot, que je regrette déjà au moment même où je suis en train de le faire.Je prends une enveloppe – en kraft tout bête, car je n’en ai pas de jolies – et y dépose une perle de lapis-lazuli achetée sur un coup de tête il y a que— Allez, Chloe ! Je veux sortir ! Ça fait des siècles qu’on n’a pas dansé.Tori me rend folle avec ses pleurnicheries, et c’est exactement le but.— La dernière fois qu’on est allées en boîte, je me suis fait tripoter sur la piste. Tu sais que je détesteça !— Mais c’est tout l’intérêt des boîtes de nuit, proteste-t-elle en se laissant aller sur le dossier du canapé. Je te jure, tu es pire que ma grand-mère, qui a quatre- vingt-dix ans. Elle, au moins, elle me raconte des histoires intéressantes.Je ne me vexe pas. D’abord parce que je sais qu’elle me taquine pour me pousser à me bouger, et aussi parce qu’elle n’a pas tort. Je ne suis pas très fun. Pendant l’année universitaire, je n’ai pas le temps de faire la fête, entre les cours et mon job étudiant. Et cet été, je suis prise par mon stage. C’est à se demander pourquoi elle n’a pas encore changé de meilleure amie.— Mais tu peux sortir sans moi. Ça ne me dérange pas de rester seule ici.— Je t’ai déjà la
Le château qu’Ethan construit pour moi est digne d’un architecte – ou d’un génie. Ce n’est pas le plus gros de la plage, mais aucun n’est aussi élégant. C’est le mieux réalisé. Et pour cela, il n’a utilisé qu’un seau et ses deux mains.Une fois terminé, mon palais à six tours, avec pont-levis et douves, se dresse fièrement à une bonne hauteur. Je prends quelques minutes pour l’admirer. Je me demande ce que serait la vie dans une habitation aussi parfaite, aussi bien conçue. Puis je repense à l’énorme villa de mes parents, et je me souviens pour la millionième fois que toute cette opulence reste superficielle.Ça me tord l’estomac, et je me tourne vers Ethan, trop occupé à me dévorer des yeux pour contempler son œuvre. Il est parfait, ou aussi proche de la perfection qu’on peut l’être. Brillant, drôle, beau, philanthrope, gentil. Du moins, c’est ainsi qu’il apparaît. Je me demande ce qui se cache sous ce vernis, et si j’aurai un jour l’occasion de le découvrir.Juste quand j
Après une nuit passée à me tourner et me retourner dans mon lit, je découvre en arrivant au bureau que je suis convoquée à une réunion sur le dossier Trifecta. J’y rejoins deux stagiaires d’un autre secteur du département juridique et une armée d’avocats, tous drogués à la caféine et excités par l’odeur du sang.J’ai un peu de mal à saisir, jusqu’à ce que je comprenne que cette fusion n’en est pas une. Il s’agit en réalité d’une OPA hostile, et Trifecta se débat de toutes ses forces. Mais les avocats ont trouvé comment porter l’estocade, le dernier clou pour fermer le cercueil et permettre à Frost Industries de les absorber avec leur travail en cours sur une invention qui sert à je ne sais quoi.Je devine que cette offre est dans les tuyaux depuis un certain temps
Je tente de retrouver mon souffle et de détourner les yeux de l’intensité de son regard. Mais je suis comme prise au piège, coincée dans ses filets, et il le sait. Pire, il en profite.Au lieu de s’asseoir en face de moi comme Zayn, Ethan se glisse à mes côtés sur la banquette – me contraignant à reculer, ou à accepter d’être collée à lui. Évidemment, je m’éloigne, mais ça ne change rien. Ce contact de quelques secondes m’a marquée au fer rouge, et je sens encore sa chaleur malgré l’espace qui nous sépare à présent.Furieuse, déconcertée et excitée en même temps, j’attends qu’il veuille bien dire quelque chose. C’est lui qui a fait irruption dans la conversation sans y être invité. C’est lui qui a fait fuir mon ami. Et c’est lu
Quelques heures plus tard, alors que je rentre dans l’appartement, les remarques d’Ethan me font encore mal. Ça fait une semaine qu’il me connaît... comment peut-il se permettre de me dire que je suis cul-bénit et béni-oui-oui ? Et ne connaît-il aucune insulte qui ne contienne pas le mot « béni » ? Même si je dois admettre que ça va droit au but...Peut-être que j’ai tort de croire le connaître après seulement deux heures de réunion. Mais je l’ai entendu tordre le bras à ces gens comme si c’était normal. Je l’ai vu les menacer de leur prendre tout ce qu’ils avaient, juste pour faire pression. Je regarde peut-être le monde à travers des lunettes roses, mais n’importe qui aurait estimé comme moi qu’il se comportait mal.Tori n’est pas à sa place habituelle sur le canapé, ma
S’il y a bien un endroit où je ne pensais pas qu’Ethan m’amène, c’est l’hôpital militaire, près de Balboa Park. Et pourtant, nous y sommes, en train de chercher une place pour sa voiture électrique bleue.— Qu’est-ce qu’on fait là ? dis-je alors qu’il choisit un emplacement non loin de l’entrée.— Tu vas voir.Il s’approche et m’ouvre la porte avant même que j’aie songé à toucher la poignée. Puis il me guide, lamain dans le bas de mon dos, vers le grand bâtiment de style espagnol entouré de palmiers qui semblent le protéger comme autant de sentinelles.Je sens la chaleur de sa main à travers le coton fin de mon tee-shirt, et je ne peux m’empêcher d’avoir envie de courber le dos sous sa caresse comme un chat. Je sais qu’il ne me correspond pas, que cet
En un instant, je suis dans ses bras, et il m’embrasse le front, les joues, la mâchoire, les lèvres, le cou. Je penche la tête en arrière pour lui offrir ma gorge. Je gémis lorsqu’il m’effleure le creux de la clavicule du bout des lèvres.— Tu as le cœur qui bat à cent à l’heure, commente-t-il sans cesser de déposer des baisers sur mon cou, là où bat mon pouls.— On se demande bien pourquoi.— Je ne sais pas, répond-il avec un sourire. Peut-être qu’il faut creuser la question.— Ce n’est pas ce que tu es en train de faire ?Il continue à m’embrasser quelques instants, avant de me lécher la bouche, la joue, et derrière lesoreilles.— Tu vois, il bat encore plus vite, maintenant, constate-t-il, le doigt sur ma jugulaire.Je lui pose une main sur la poitrine et
— Mais je ne sais pas surfer.— Ne t’inquiète pas. Je vais t’apprendre.Je regarde l’océan. La terrasse offre une vue parfaite sur les flots, et c’est aussi le cas de toutes lespièces de ce côté de la maison. Les vagues me paraissent énormes, et j’ai l’impression qu’elles se brisent avec fracas, à grand renfort d’écume. Je ne suis pas tout à fait rassurée. Je ne suis déjà pas très athlétique en règle générale... Me mesurer à un océan démonté paraît vraiment une très mauvaise idée.Mais Ethan est tellement enthousiaste, tellement content, que je ne peux pas refuser. Après tout, c’est moi qui lui ai demandé comment il gérait la pression. Et puis, même si je me méfie de l’eau, j’ai confiance