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Chapitre 2

Une vague.

Une seconde.

Une troisième vague se fracassa contre la falaise rocheuse où était situé un vieux bâtiment semblant abandonné. Malgré son vieil âge, il tenait bon. Les algues et les étoiles de mer lui montaient lentement dessus au fil des années et lui tenaient compagnie dans leurs derniers moments de vie. La bâtisse était faite sur le long, toute en pierre et les fenêtres n'étaient que des vulgaires barreaux. Pas de vitre.

Une prison ne l'est pas si elle est luxueuse.

Ceux qui doivent y séjourner ne méritent pas cette splendeur.

Sur une île isolée du continent, personne ne peut y échapper vivant. Cette prison a son petit secret bien à elle...

Sur l'unique quai, à peine sortis d'un vieux bateau à moteur, deux gardes venaient de débuter leur tournée sur la petite île. Le plus grand tenait un sac de plastique qui contenait une caméra et l'autre avait ses papiers de vérifications concernant les prisonniers. Ils devaient s'assurer que tout allait bien, mais la caméra ne leur servait à rien, elle n'était pas à eux.

L'escalier de pierres franchis, ils se retournèrent pour regarder la vue qu'ils avaient sur le continent. Impossible d'atteindre la terre ferme en nageant à partir d'ici. De toute façon, il fallait tout d'abord se jeter en bas de la falaise. Si les os brisés n'arrêtent pas la personne, les puissantes vagues allaient s'occuper du reste.

-Au fait, pourquoi cette caméra ?

Le détenteur de l'objet regarda son collègue puis baissa les yeux sur l'appareil.

-C'est une pièce à conviction qui n'a finalement pas servie à grand chose... Je dois la ramener à son propriétaire.

Le plus petit fronça les sourcils.

-Normalement, les prisonniers n'ont le droit à rien, non ?

Son ami haussa les épaules puis tous les deux entrèrent à l'intérieur de la prison dans un silence profond. Une odeur d'algue envahit leurs narines et les firent légèrement grimacer. Ils n'eurent pas trop le choix de s'y habituer et les deux hommes allèrent vérifier l'état des cellules ainsi que ceux qui y étaient enfermés. Tous avaient été nourris et aucun n'était malade. Physiquement, les prisonniers se portaient bien, mais certains étaient devenus fous à cause de cet endroit lugubre.

-Tomas !

Le plus grand des gardes leva la tête à l'entente de son prénom et rejoignit son collègue qui l'avait appelé. Ce dernier lui pointa une personne recroquevillée dans le fond de sa cellule, un vieil homme fou.

-Qu'est-ce qu'il y a, Yan ?

-Il a un collier, il faut lui retirer. Ils ne veulent pas que les prisonniers soient en possession d'un objet quelconque qui puisse menacer leur vie.

Tomas soupira et sortit ses clés de cellules. Il la mit dans la serrure et tourna.

-Assure-toi qu'il ne cherche pas à sortir, lui ordonna-t-il.

Son collègue Yan hocha la tête et entra ensuite dans la cellule. Il s'approcha du prisonnier et se baissa à sa hauteur.

-Monsieur...

Le soi-disant fou leva lentement la tête vers lui, le collier bien serré dans sa main. Il fit non de la tête et recula dans le coin de sa cellule.

-Jamais... Jamais vous l'aurez ! Il est à moi ! À moi et seulement moi ! Je ne vais pas m'étrangler avec, c'est mon ticket de sortie ! Je vais sortir vivant de cette saleté de prison maudite ! Je sais ce qui arrive aux prisonniers ici ! Je ne suis pas fou ! Je sais tout !

Suite à ses mots, il se mit à rire. Un rire de fou mélangé à de la panique.

Yan soupira et se redressa. Il tourna la tête vers Tomas et laissa échapper un faible murmure.

-Il est au courant... ?

Son collègue haussa les épaules et entra lui aussi dans la cellule.

-Il n'est pas supposé, et puis je ne sais pas qui aurait bien pu lui raconter cela. Il faut lui enlever tout de suite.

Yan souffla et une fois les manches retroussées, il força l'homme à se lever. Pendant qu'il se débattait en serrant toujours son précieux bijou dans sa main, Tomas se mit derrière lui et lui donna un léger coup dans le dos afin qu'il perde l'équilibre. Le vieux tomba à genou et Yan profita des quelques secondes de sa faiblesse pour récupérer l'objet. Une fois chose faite, les deux gardes sortirent de la cellule pendant que le fou les insultait de tous les noms possibles. La porte verrouillée, ils vinrent pour partir dans le couloir, mais Yan se reçu un coup de poing à la mâchoire de la part du vieux qui venait de passer son bras au travers des barreaux de sa cellule. Le collier vola dans les airs quand Yan perdit l'équilibre et tous les deux furent trop concentrés à savoir ce qui se passait pour voir où avait atterri le bijou. Tomas repoussa le vieux et aida son collègue à se relever puis ils s'éloignèrent.

-Attend, j'ai échappé le collier, il ne doit pas le récupérer ! Lâcha Yan.

Tomas tourna la tête vers la cellule du fou qui se tirait les cheveux et secoua la tête.

-Il ne l'a pas, il n'arrête pas de se plaindre. Viens, je vais t'arranger cette sale blessure, il ne t'a pas raté. Il a de la force ce vieillard.

Le couloir était redevenu silencieux, seules les plaintes du fou se faisaient entendre. Il finit par se calmer, mais il n'avait pas l'esprit tranquille. Il voulait retrouver son précieux, mais il n'était pas dans sa cellule ni même près des barreaux.

Après un moment de silence, des bruits de pas se mirent à résonner à nouveau dans le couloir. Tomas se dirigeait, seul, vers la cellule de la personne en face de celle du vieil homme fou. Une fois devant, il glissa le sac contenant la caméra au travers des barreaux et le posa doucement au sol.

-Je crois bien que cela vous appartenait, murmura-t-il en fixant la masse dans l'ombre après s'être assuré que c'était la bonne cellule.

Une main frêle vint récupérer son présent et resta dans son coin, même pas un faible merci de sa part. Tomas fronça les sourcils et se mit à feuilleter légèrement les documents contenant les informations à propos de cette personne.

-Une fille...

-Femme.

Il sentit son regard posé sur lui et fut surpris d'être aussi rapidement corrigé.

-Une femme, pardonnez-moi.

Il se tut et fit demi tour afin de rejoindre son collègue qui devait garder de la glace sur sa mâchoire pendant un moment.

Dans sa cellule, la prisonnière sortit l'appareil de son sac et fut rassurée de constater que toutes les données n'avaient pas été effacées. Elle allait regarder son contenu plus tard puisque quelque chose de brillant venait de capter son attention. La jeune femme se redressa lentement et vint ramasser un collier qui avait atterri dans sa cellule. Elle tourna ensuite la tête vers son voisin d'en face, un petit sourire en coin.

-Je crois que c'est à vous, murmura-t-elle.

Le vieillard leva la tête vers elle et se précipita sur les barreaux en tendant sa main vers elle.

-Oui ! C'est à moi, donne ! Hurla-t-il.

Elle rit moqueusement de lui et le bijou se retrouva serré contre elle.

-Il est à moi maintenant, ma cellule mes affaires... Mais dit moi, pourquoi il te serait si utile ?

Il grommela quelques mots incompréhensibles en la fixant d'un mauvais oeil puis serra le poing.

-À me garder en vie.

Il soupira et tenta de garder sa panique pour lui, mais son corps se mit à trembler.

-On va tous mourir. Tous sans exception. Sauf le détenteur de ce que tu as dans la main.

Elle fronça les sourcils en le regardant et ne put s'empêcher d'être intriguée par ce qu'il racontait

-Continue.

Il secoua la tête.

-Seulement si tu me le redonnes après.

Elle eut un petit sourire aux coin des lèvres puis posa le précieux collier à côté d'elle en attendant. La jeune femme lui fit signe de poursuivre.

-Ils ramènent des prisonniers ici pour remplir leurs cellules. Ils s'assurent que les personnes ont commis quelque chose de grave pour ne pas les tuer pour rien. Et oui, personne ne sort vivant d'ici. Mais ce ne sont pas eux qui nous éliminent... Ah ça non... Ils ne se salissent pas les mains pour ça... C'est Kýma qui s'en charge.

-Kýma ? Qui est-ce ? Ce n'est que le nom de cette prison...

La prisonnière ne fut pas sûre de comprendre complètement.

-Tu ne devrais pas te demander qui c'est... Mais plutôt ce que c'est. Il frappera très bientôt, j'en suis sûr. Maintenant, donne-moi mon collier !

La jeune fille le reprit en main et se le mit au cou.

-Non, je vais le garder.

Elle haussa les épaules en le regardant.

-Il pourrait me sauver la vie, comme tu l'as dit.

Le fou grogna et frappa l'un des murs de pierres.

-J'espère que ton âme va pourrir en enfer ! Cria-t-il. Kýma n'est pas qu'un vulgaire nom de bâtiment !

Il fût sérieusement en colère et les deux gardes furent obligés d'intervenir afin de le changer de cellule. Il était devenu beaucoup trop bruyant. Cependant, entre-temps, Tomas s'aperçut que c'était l'unique prisonnière féminine qui détenait le bijou. Cette dernière avait croisé son regard et l'avait convaincu qu'elle ne ferait rien avec. Il avait étrangement confiance en elle et se rendit en pause avec Yan.

-Tu as entendu leur conversation ? Lui demanda Yan en étant assis autour de leur petite table.

-Mh, acquiesça Tomas. Je ne sais pas d'où il tient ça. De toute façon cela serait stupide de croire un homme comme lui.

-Peu importe, souffla Yan, on doit être parti avant demain soir. Sinon, on y passe avec eux.

Le plus grand leva les yeux vers son collègue.

-La fille aussi doit subir ça ?

Yan fronça les sourcils et se mit à analyser rapidement le dossier de la jeune femme. Il finit par hocher la tête malgré lui.

-Oui, surtout qu'elle a été accusée de deux meurtres qui ne se sont pas déroulés au même moment. Cette Sky n'a l'air de rien, mais elle semble cacher beaucoup de choses... Le ciel peut être imprévisible...

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