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Chapitre 3

J'évitais leurs sorts les uns après les autres mais ils me tenaient à distance et je ne pouvais donc pas les attaquer en retour. L'irritation devait se lire sur mon visage car l'un des agresseurs se mit à rire :  

« C'est plus difficile sans tes pouvoirs ? 

-Vous devez savoir que selon le protocole de transparence envers les humains vous n'avez pas le droit d'user de vos pouvoirs dans un lieu public. Vous avez un amphithéâtre de 200 personnes comme témoins. Vous pourriez avoir de gros problèmes. »  

Ils rirent de plus belle.  

« Oh non, pauvre de nous, nous ne le savions pas. Peut-être aurions-nous dû y réfléchir avant de venir ici. 

-Oh non qu'allons-nous devenir ? »  

J'ai roulé des yeux.  

« Je dis ça pour vous. Une fois que je vous aurai assommés, vous vous réveillerez dans une cellule et n'en sortirez jamais. 

-On s'en fout. Nous sommes prêts à prendre ce risque pour t’emmener. 

-Mais vous voulez m'emmener où ? 

-Les rumeurs se sont propagées rapidement. Nous savons de quoi tes pouvoirs sont capables. Tu serais une alliée de taille pour notre rébellion. 

-Alors vous voulez m’emmener de force pour me convaincre de vous rejoindre ? Franchement, vous devriez reconsidérer vos méthodes. 

-Moque-toi de nous aussi longtemps que tu veux. Tu vas nous suivre. Et tu vas écouter ce que nous avons à te dire.

-Non merci. Je préfère rester ici.

-C’est ton choix. »

Les attaques sont devenues de plus en plus violentes et de moins en moins espacées. Je commençais à avoir du mal à les éviter et j'ai fini par être projetée contre le mur que j'ai heurté de plein fouet. Je suis tombée par terre sous les cris effrayés des étudiants et me suis levée d'une manière ou d'une autre en faisant abstraction du bourdonnement dans mon oreille gauche. Les femmes ont éclaté de rire en me voyant revenir vers elles. 

« Avoue-le. Tu ne peux pas nous battre sans utiliser tes pouvoirs. »  

Je souris douloureusement.  

« Vous devriez vraiment arrêter de me sous-estimer. Je n'existe pas juste étant donné mes pouvoirs. »  

Je me suis remise en position de combat ce qui a frustré les deux femmes devant moi. Elles ont repris leurs sorts et je les ai évités les uns après les autres. En les évitant, je me suis approchée pas à pas, ce qui a manifestement provoqué la panique dans leurs esprits. Soudain, à leur niveau, je leur ai donné à toutes les deux un coup de pied simultané qui a mis fin à la déferlante de magie. Je me tournai vers le professeur et vis que mes amis prenaient bien soin de lui. 

Emma me fit signe que l'ambulance allait bientôt arriver quand soudain ses yeux s'agrandirent de peur. J'ai évité le coup de mon agresseur qui s'était levé à la dernière seconde et me suis tournée vers elle. J'ai décidé de ne pas lui laisser le temps de réfléchir et je l'ai attaquée avec agressivité et détermination. Je ne pouvais penser qu'à une chose : la voir par terre. Mais pendant que nous nous battions, la femme essaya de me raisonner, sentant qu'elle n'allait pas tenir longtemps :  

« Écoute ce que nous avons à te dire Atalante. Nous agissons dans l’intérêt de l’humanité. Tu pourrais tous nous sauver. Cette société est pourrie jusqu'à la moelle. Tu devrais faire quelque chose pour nous sauver. Tu penses que tu es du bon côté mais ils te mentent. Ils sont comme ça et l’ont toujours été. Penses-tu vraiment que tu es importante à leurs yeux ? Tout ce dont ils se soucient, ce sont tes pouvoirs. »  

Je n'écoutais que d'une oreille tout ce qu'elle disait mais sa phrase suivante me déconcerta et la jeune femme en profita pour saisir mon bras et le casser sur son genou. J'ai crié de douleur mais j'ai refusé de tomber. Je suis restée debout déterminée à y mettre fin. Je n'ai pas eu à le faire cependant.

Un puissant sortilège a soulevé la femme de terre et l'a enfermée dans une prison avec des barreaux brillants. Arsène se tenait aux portes de l'amphithéâtre et il ne me quittait pas des yeux. Il courut vers moi et je ne l'avais jamais vu aussi inquiet depuis le peu de temps que je le connaissais. Il était souvent grincheux ou fatigué, mais je ne l'avais jamais vu craindre pour personne auparavant. Il s'agenouilla devant moi et examina mon bras. Je ne pus retenir un cri de douleur et soudain les yeux d'Arsène s'assombrirent. Il était furieux. Sans lâcher mon bras, il me cria au visage :  

« Pourquoi ne m'as-tu pas appelé ? Tu es folle ? Tu pensais vraiment que tu étais assez forte pour te battre seule contre cinq ? Et sans tes pouvoirs ! Tu es vraiment stupide ma parole. »  

Je lui arrachais mon bras d’un coup.  

« Si tu es venu pour me crier dessus, tu ferais mieux de t’en aller. »  

Arsène a essayé de rattraper mon bras mais j'ai pointé du doigt le professeur qui avait besoin de plus d'aide que moi. Arsène s'est levé contre son gré et est allé soigner le professeur en faisant le maximum avant l'arrivée de l'ambulance. Etant relayés, mes amis se sont levés et sont venus à mes côtés pour voir comment j'allais. Ils étaient très inquiets et j'étais en colère contre moi-même de les avoir laissés assister à cette scène. 

« Est-ce que ton bras va bien ? Emma me demanda doucement. »  

J'ai souris.  

« Oui. Ce n'est rien. 

-Tu es très pâle. 

-Oh c'est le manque de soleil. » 

J'avais envie de rire mais je n'en avais pas la force. Mes amis me fixaient en silence, ne sachant pas quoi dire. Je pouvais voir qu'ils avaient des tonnes de questions, mais elles n'avaient pas d'importance par rapport à mon état actuel. J'ai donc répondu à leurs questions silencieuses pour occuper leurs esprits :  

« Je ne sais pas qui sont ces gens. Et je ne sais pas exactement ce qu'ils voulaient de moi. Ils doivent être des sortes de révolutionnaires du monde sorcier ou quelque chose comme ça. Ils veulent vraiment prendre le pouvoir pour façonner le monde selon leur vision de la perfection. Mes pouvoirs les intéressaient c'est pourquoi ils sont venus ici. »

Je restai silencieuse un instant.  

« J'espère qu'ils ne reviendront pas... Si tout le monde est au courant pour mes pouvoirs alors j'ai peur que ça se reproduise... Peut-être que je devrais arrêter de venir en classe... »

Emma secoua vivement la tête.  

« Ce n'est pas pour ça que tu dois arrêter de venir. Ne les laisse pas contrôler ta vie ou ils gagneront.

-Mais cela vous mettrait en danger... »  

Nael haussa les épaules.  

« On s'en fout. »  

Je leur souris. Mes amis que j'aimais tant m'ont acceptée telle que j'étais sans me poser de questions. J'avais imaginé tant de fois leur réaction à la découverte de mes pouvoirs mais je n'aurais jamais pensé qu'ils seraient aussi tolérants. Je voulais tout leur dire. Tout partager avec eux mais je savais qu'ils allaient effacer leurs mémoires. Je me suis dit qu'il valait mieux vivre dans l'ignorance mais les voir me regarder avec autant de soutien m'a fait douter de moi. Ce n'était peut-être pas notre décision à prendre mais la leur. Peut-être qu'ils avaient le droit de savoir. Je ne voulais pas effacer leurs mémoires. Je voulais les avoir près de moi.

Comme si Arsène avait lu dans mes pensées, il apparut à côté de moi et ordonna à mes amis de retourner auprès du professeur.  

« L'ambulance arrivera bientôt. Il aura passé le pire mais je dois aussi prendre Atalante pour la soigner.

-L'ambulance pourrait s'occuper d'elle.

-Je préfère l'emmener chez notre infirmière. »  

Je me suis levée et j'ai suivi Arsène hors de l’amphi. J'ai fait un dernier sourire triste à mes amis avant de partir. Arsène m'a proposée de m'aider à marcher mais je n'en avais pas besoin. Nous avons donc marché en silence et derrière nous j'ai entendu l'ambulance arriver.

Je sentais qu'Arsène voulait me dire quelque chose mais je ne voulais vraiment pas me disputer avec lui. Un parce que j'avais mal et deux parce que je n'avais rien à lui dire au vu de comment il m'avait criée dessus. Je lui ai fait comprendre cela en accélérant d'un coup lorsqu'il a ouvert la bouche.

Arsène accéléra à son tour pour me rattraper et posa doucement une main sur mon épaule pour que je m'arrête. Je me tournai vers lui, mon visage exprimant une lassitude extrême.  

« Quoi ? »  

Arsène retira sa main et fixa son regard sur mes chaussures.  

« Je voulais juste te dire que je suis désolé. »  

Je n'ai rien dit. Il avait raison d'être désolé.  

« C'est juste que… Te voir souffrir m'a fait paniquer. J'avais vraiment peur et je ne savais pas comment gérer ce sentiment. »  

Il a souri. Un sourire qui m'a donné envie de sourire aussi, mais je me suis retenue.  

« Je me rends compte à présent que j'ai des choses à travailler. »  

J'ai soupiré d'une manière qui voulait dire : sans blague. Il me regarda dans les yeux avec une douceur que je ne lui ai jamais connue :  

« Je suis vraiment désolé.» 

J'ai soupiré avant de lui sourire:

« Allez en route j'ai mal au bras. »

Nous nous sommes dirigés vers l'ancien bâtiment et l'air entre nous était devenu beaucoup plus respirable. Ce jour-là j'avais découvert une nouvelle facette d'Arsène qui était loin de me déplaire. En une seconde, j'ai senti que je m'étais beaucoup rapprochée de lui. Nous avons donc continué à nous entraîner ensemble, mais quelque chose avait changé. C'était très léger. Presque invisible mais je pouvais le sentir. Il était légèrement plus patient qu'avant et souriait plus souvent que d'habitude.

Cependant, il avait bon avoir promis d'avoir appris de ses erreurs, il a réagi de manière assez similaire la deuxième fois que quelqu'un m'a attaquée.

Je n'avais pas réussi à convaincre Arsène et les autres de ne pas effacer le souvenir de mes amis ce qui m'avait beaucoup attristée. Une fois hors de vue, je me suis accroupie en pleurant en me disant que le monde était injuste. Je ne m'étais jamais senti aussi impuissante auparavant. Mais en échange des souvenirs de mes amis, ils m'ont assurée que je pourrais vivre en paix car ils me protégeraient de toute agression extérieure. J'aurais préféré ne pas aller en cours et laisser leurs souvenirs à mes amis mais je devais prendre ce que je pouvais.

Ils avaient été si compréhensifs et gentils envers moi et je n'avais même pas la force de les laisser garder leurs souvenirs. Je me sentais vraiment coupable. Chaque fois que je les regardais dans les yeux, je ressentais une tristesse extrême alors j'ai commencé à m'éloigner un peu d'eux. Constatant que je n'étais pas au top de ma forme, Emma m'a suggérée de faire quelques retrouvailles entre nous et Arsène m'a assurée que je pouvais partir sans problème. J'ai donc accepté.

Je voulais vraiment passer du temps avec mes amis. L'espace d'un soir, j'ai eu envie de faire comme si de rien n'était et de vivre ma vie comme avant pendant quelques heures seulement. J'en avais vraiment besoin. Je suis allée chez Artelo pour les trouver et nous avons joué à des jeux de société dans la bonne humeur. Pour une fois depuis longtemps, j'ai complètement baissé ma garde et j'ai vraiment passé un bon moment à ne me soucier de rien d'autre.

Nous avons ri de bon cœur et une partie de moi regrettait d'avoir découvert l'existence de la magie. Alors que je me disais cela, nous avons entendu quelqu'un frapper. Nous nous sommes regardés intrigués avant que je ne propose d'ouvrir. Artelo a été surpris de ma proposition car après tout c'était sa maison mais il m'a laissée y aller. J’avais beau être surveillée par Arsène, je ne voulais prendre aucun risque. J'ai regardé par l'œillet de la porte et je n'ai rien vu. Alors que je regardais encore dehors, j'entendis à nouveau frapper. Je ne voulais pas ouvrir et j'ai juste regardé la poignée de la porte. Mes amis derrière moi m'ont demandée ce que je faisais.

Je leur fis signe de se taire sans quitter la poignet des yeux. J'ai essayé de me rappeler si, après notre arrivée, Artelo avait verrouillé la porte, mais je ne m'en souvenais pas. J'ai prié intérieurement pour qu'il l’ait fais. 

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