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Chapitre 3

"C'est horrible... souffla Esdras à la vue de tous ces cadavres."

Mere s'était blottie contre le mur en béton et dut prendre sur elle pour entrer dans la pièce. L'odeur étant insoutenable elle enroula un foulard autour de son nez mais le tissus n'aida pas beaucoup. Elle finit par prendre une grande inspiration et entrer tout en gardant les yeux rivés au sol. Malheureusement le sang s'était répandu à chaque recoin de la pièce et où qu'elle regardait, Mere ne pouvait échapper aux visions d'horreur.

En la voyant tituber Esdras retira ses gants et s'approcha de la jeune femme:

"Tout va bien?"

Mere avala un grand coup avant de répondre d'une voix rauque:

"Oui."

Esdras sourit. Il avait toujours été une personne souriante mais même pour lui c'était étrange de sourire dans un tel endroit.

"Comment est-ce que tu as pu devenir chercheur? Tu n'as pas besoin de disséquer des animaux pour tes expériences?"

Mere avait de plus en plus de mal à se retenir de vomir.

"Les animaux ne saignent pas autant."

Esdras rit de nouveau et Mere commençait à avoir peur de lui. Il avait beau être une personne en or, il ne pouvait pas être normal s'il n'avait aucun problème à la vue de tous ces corps déchiquetés. Comment faisait-il pour les regarder comme si de rien n'était? Il n'avait même pas de tissu sur le nez. N'avait-il pas envie de vomir? Est-ce qu'il était vraiment humain?

Esdras donna une tape sur l'épaule de Mere avant d'aller dans un autre coin prendre des notes et des photos. Se retrouvant enfin seule, Mere ferma les yeux et prit une profonde inspiration. Elle devait lever les yeux. Elle se força donc à regarder autour d'elle petit à petit en prenant des pauses si nécessaire. Par exemple quand elle vit des corps d'enfants.

Mere fit attention à ne pas regarder les visages pour ne pas les voir dans ses cauchemars et se contenta de se concentrer sur son travail: prendre des échantillons. Elle avait été envoyée ici pour prendre des échantillons par ci par là au cas où le démon avait laissé de l'ADN ou quoi que ce soit d'utile.

Mere posa donc sa petite malette sur une surface propre et en sortie sa pipette. Une fois prête elle tourna sur elle-même ne sachant où commencer. Elle avait l'embrarras du choix. Des dizanes de corps aux coeurs arrachés et disparus dont la violence avait parfois fais sortir les poumons ou même les entrailles. La plupart gisaient les yeux clos mais certains les avaient gardés ouverts et nous pouvons voir leurs yeux blancs figés dans une expression de terreur absolue. Mere avait beau ne pas avoir été présente, elle pouvait facilement imaginer l'horreur de la scène.

D'autres chercheurs arrivés avant elles étaient entrain de finir leurs échantillons ou sortaient de la salle mais elle restait toujours les bras balants. Ce massacre avait été des plus ignobles depuis l'apparition du démon et Mere se demandait si leurs recherches avaient un but quelconque. Cela faisait des années qu'elle travaillait d'arrache pied se disant que ses recherches permettront de sauver des vies mais voilà où ils étaient arrivés: des dizaines de morts alors qu'il étaient dans une chambre forte.

Mere devina sans problème se que dirait Evelyn si elle avait entendu ses pensées sombres: "La science finit toujours par éclairer la nuit. Tu ne peux pas te permettre de baisser les bras ne serait-ce que pour les autres habitants de la cité. Ne baisse jamais les bras, Mere. Ensemble nous trouverons une solution. Nous y arrivons toujours.".

La grande part des chercheurs étaient de ce même avis. Ils se lançaient à cent pourcent dans leur travail, tellement qu'ils ne voyaient plus le monde qui les entourait. Ils sacrifiaient jusqu'à leur vies dans l'espoir d'un jour sauver la cité de ce démon mais personne ne prenait le temps de les en remercier. Les habitants étaient occupés à sauver leurs vies ou même à critiquer la lenteur des recherches.

Cela avait le don d'énerver Mere. Elle aurait aimé avoir le même sang froid qu'Evelyn devant les critiques mais quand elle les entendait, elle avait envie d'arracher la tête de toute personne croisant son chemin.

C'était facile de critiquer. Toutes ces personnes étaient tranquillement protégées derrière leurs chambre fortes et profitaient du calme et du confort de leurs maisons en dehors des alertes tandis qu'eux dormaient à peine espérant sauver l'humanité. Ils sacrifiaient tout. Mere avait remarqué plusieurs fois qu'Evelyn oubliait jusqu'à manger tellement elle était plongée dans son travail. Et pourtant personne ne les remerciait.

Les habitants partaient du principe que c'était normal que les chercheurs donnent tant et s'ils ne travaillaient pas assez vite ils se faisaient cracher dessus. Ils n'avaient qu'à venir prendre les échantillons sur les scènes de crime, prendre en photo les blessures, nettoyer les corps. Et encore derrière il y avait toutes les expériences et toutes les heures passées devant le microscope.

Les habitants ne savaient rien de ce qu'il se passait vraiment derrière les murs de la cité. Ils ne voulaient pas savoir en vérité. Savoir était une force mais aussi une malédiction dans ce cas. Ils étaient chanceux tant qu'ils ne savaient pas ce qui rôdait au dessus de leurs têtes. Ainsi ils pouvaient aller dormir la tête vide et continuer à se plaindre. Tant qu'il y avait de la force pour se plaindre il n'y avait pas de réel problème.

Certes les habitants étaient sous conditions de stresse atroce, Mere en était consciente. Mais les chercheurs aussi étaient exposés à ce même stresse et derrière ils devaient vivre tout ce dont elle avait déjà parlé.

Mere voulait tout abandonner. A quoi bon faire toutes ces recherches après tout? Ils n'avaient pas avancé depuis six ans, personne n'allait les remercier s'ils trouvaient vraiment quelque chose d'intéressant et en plus ils venaient de trouver une chambre forte que le démon a réussi à forcer d'une manière ou d'une autre. Mais comment?

Ce n'était pas le rôle de Mere de découvrir cela. Mere se tourna vers Nora, Totuk et Seong-Min qui étaient justement entrain d'observer la porte en métal. Cette porte qui comme pour toues les autres chambres fortes avait été inventée de sorte que personne ne puisse la forcer même pas le démon, et pourtant il était entré d'une manière ou d'une autre.

La prote était introuvable de l'extérieur une fois que quelqu'un été entré alors ils avaient dû la forcer mais avant cela ils ont bien vu qu'aucun dommage n'avait été fais à cette dernière. Mere sut tout cela plus tard de part ses collègues. Les informations restaient privées pour que les habitants ne paniquent pas mais les faits étaient tels que le démon n'avait pas forcé la porte.

Plusieurs hypothèses plus farfelues les une que les autres apparurent dans l'esprit des jeunes enquêteurs et enquêtrices: Peut-être que la porte n'avait pas été bien fermée. Mais elle l'avait été quand les équipes étaient arrivées après l'alarme. Alors peut-être que le démon peut changer de forme ou passer dans des toutes petites fentes. Pourquoi ne l'aurait-il pas fais jusque là? Peut-être qu'avant comme il tombait sur des victimes en chemin il n'avait pas besoin d'entrer dans des chambres fortes. Peut-être que la porte était endommagée d'une certaine manière que nous n'avions pas encore remarquée. Peut-être qu'il y a un nouveau démon. Cette hypothèse serait des plus effrayantes mais pas autant que la dernière: Peut-être que quelqu'un a ouvert la porte de l'intérieur.

Serait-ce une erreur? Pourquoi est-ce que quelqu'un aurait laissé entrer le démon? Peut-être que c'était une personne suicidaire (il n'en manquait pas à la cité) ou peut-être était-ce pour aller sauver quelqu'un. Les enquêteurs/trices ne voulurent pas penser à l'hypothèse comme quoi quelqu'un était de mèche avec le démon. Ils proposèrent cette hypothèse mais la mirent vite de côté. Qui aurait voulu aider le démon à tuer d'autres humains? Cela n'avait aucun sens.

Malheureusement toutes les personnes avaient été retrouvées mortes et il n'y avait donc personne pour expliquer ce qu'il s'était passé.

Tout comme les officiers, Mere se retrouva dans une impasse. Elle avait beau avoir ramassé de nombreux échantillons, elle n'avait rien trouvé d'incroyable. Elle avait fini par relever ses échantillons en se disant que la recherche était la seule chose pour laquelle elle avait un talent et donc autant continuer comme elle était coincée ici mais elle n'avait rien trouvé. Pas d'ADN de démon, pas de sang, pas de bout de tissu, rien. Mere ne savait même pas vraiment ce qu'elle cherchait mais une chose était sûre: elle ne le trouva pas.

Elle soupira un grand coup avant de ranger ses lames dans le frigo. Elle resta devant ce dernier pensive pendant un moment. C'était impossible de ne laisser aucune trace. Le démon ne brûlait pas ses victimes. Il arrachait les coeurs et les dévorait ou en faisait quelque chose pour qu'ils disparaissent mais autour des plaies il n'y avait aucune trace de brûlure ou même de griffes. C'était comme si les coeurs étaient sortis d'eux-mêmes. Arrachés de l'intérieur.

Au début des meurtres, ils avaient pensé que c'était un tueur en série mais les événements étaient beaucoup trop étranges pour que ce soit humain et ils ont donc commencé à appeler la chose le démon. Ils n'avaient cependant aucune idée de ce que c'était ou de si ce n'était vraiment pas humain. Et ils pouvaient encore moins travailler si la créature ne laissait aucune trace.

Des traces de griffes aurait pu renseigner sur la taille de l'être vivant et plein d'autres choses mais ils n'avaient rien. Seulement un trou béant à la place du coeur.

Mere imaginait la chose comme l'aurait fais n'importe quelle enfant. Un monstre immense aux dents pointues et macculées de sang. Dans son esprit ce monstre marchait à quatre pattes, crachait du feu et était bleu foncé.

Evidemment elle savait que c'était impossible. Comme dis plus tôt, le monstre ne laissait pas de traces de griffes donc s'il avait des griffes, l'animal ne les utilisait pas mais dans ce cas ce ne serait pas logique qu'il ait des griffes.

Mere ne croyait pas dans sa vision du monstre mais elle aimait néanmoins croire que c'était un animal et non un humain. Parce que d'une certaine manière, tout devenait plus effrayant et proche si c'était humain.

La solution la plus simple à leur problème aurait été de filmer le monstre ce qu'ils avaient tenté de faire mais toutes les caméras s'étaient miraculeusement éteintes à chaque fois que le démon était passé par là. Evelyn avait été la première à s'être portée volontaire pour rester dehors lors d'une alarme et de filmer le monstre mais ainsi le plan était tombé à l'eau. Mere était profondément soulagé de cela.

N'ayant plus de tests à lancer, Mere retira sa blouse et put se rendre en silence à la commémoration des victimes. Cette dernière se tint dans la plus grande salle de la cité et cette dernière se remplie en quelques instants avec des centaines de visages renfermés. Mere balaya du regard la foule mais n'arriva pas à se sentir proche de ces personnes malgré ce qu'ils vivaient ensemble.

"Ils sont pitoyables n'est-ce pas?"

Mere sursauta en entendant la voix d'Evelyn.

"C'est ce que tu te dis non?"

Mere rougit imperceptiblement.

"Ils sont tous sincèrement tristes et effrayés suite à cette attaque mais au fond ils sont heureux que ce ne soit pas eux."

Après avoir enendu ces mots, Mere vit les visages différemment. Les larmes se transformèrent en paillettes et les grimaces en sourires cachés. Evelyn sourit à son tour. Un sourire léger qui contrastait en tout point avec ses cernes des plus marqués:

"Je suis heureuse qu'ils se sentent ainsi. Ce serait nettement plus graves s'ils étaient jaloux des morts."

Mere ne dit rien. Les suicidaires ou les personnes dépressives occupaient la majeure partie de leurs hôpitaux et à chaque alerte c'était un véritable défi de les mettre à l'abri. Mere était sincèrement reconnaissante de ne pas être devenue infirmière.

Arès le discour du maire et de l'affiche des photos des défunts, les habitants se prirent les mains et entonnèrent une minute de silence pour les victimes. Pendant cette minute Mere pensa à quel point la vie entre ces murs était déprimante.

Tandis que la moitié de la population aurait tout donné pour mourir contre l'autre moitié qui donnait tout pour garder les autres en vie, Mere se sentait simplement vide. Elle n'avait pas spécialement peur ou du moins plus après tout ce temps et n'était même pas persuadée qu'elle avait peur de mourir.

Bien sûr elle ne voulait pas mourir. Elle n'arrivait seulement pas à trouver sa place dans ce monde où tout ne tenait qu'à un fil et pourtant où tout stagnait.

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