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Chapitre 3

Tout avait perdu sa saveur. Mon petit quotidien avait changé. Je n'étais pas concentrée en cours, je dessinais le panneau de mes souvenirs et tous les soirs je le cherchais sans succès.

Je croisais le robot quelques fois mais nous ne parlions pas. Parfois il était à la frontière de la ville quand j'arrivais le soir et nous regardions l'herbe en silence.

Un soir je me dis accoster par des jeunes hommes mal élevés. Tandis que j'allais les remettre à leur place avec toute la douceur qui m'était donné j'entendis une moto arriver. Les garçons s'enfuirent tandis que je restais à fixer le robot perplexe. Jamais personne n'était venu m'aider. Je me demandais ce qui lui avait pris.

Nous n'étions pas amis après tout. Nous avions parlé une seule fois mais malgré tout je ressentais une certaine chaleur envers lui. Pas d'amour ou quelque chose de similaire. Je me voyais juste en lui. Après tous ces moments de silence passés ensemble je ne pouvais plus dire que nous étions des inconnus.

À la fac je devins très vite d'après les rumeurs la petite amie du motard et tandis que jusque là j'étais membre du décor sans qu'on me lance un seul regard je devins vite source de coups d'oeils ce qui était assez perturbant mais ne m'affecta pas plus que cela.

Heureusement personne n'osait venir me parler pensant que j'étais la petite amie de la personne tant crainte de la ville.

Je continuais à chercher le panneau tous les soirs mais un soir j'eus beaucoup de devoirs et ne pus pas aller à la frontière. Ce fut aussi le soir où le motard l'avait franchie. Je le sentais. Je le sus dès que je vis qu'il n'était pas venu en anglais le lundi suivant. Je courais donc à la frontière mais ne vis pas de panneau.

Ce ne fut que quelques jours plus tard qu'en arrivant sur les lieux je vis quelque chose de blanc et rouge refléter la lumière de la lune. Je me mis à courir pleine d'excitation et m'immobilisais devant pour bien le détailler du regard.

Maintenant que je l'avais enfin trouvé je ne pouvais pas revenir en arrière. Sans réfléchir je franchissais la frontière invisible et m'enfonçais dans l'obscurité.

Je marchais durant des heures. Le soleil se leva. Je devais traverser des rivières, monter des collines, traverser une forêt. J'avais peur de me perdre mais continuais tout droit sans me retourner. Ne sentant plus mes jambes je finis par voir au loin ce qui ressemblait à une ville.

Mes jambes reprirent de l'énergie d'un coup et je me dépêchais d'atteindre ce point urbain au plus vite. Les bâtiments commencèrent d'un coup après l'herbe changeant drastiquement le paysage.

Cette ville n'avait rien à voir avec celle où je vivais. Je le sentis immédiatement. C'était beaucoup plus habité et vivant pourtant je m'y du temps avant de croiser des êtres humains.

J'avais l'impression qu'ils me fixaient sachant que je n'avais rien à faire ici mais je m'en fichais. Je savais que je me faisais des idées. Je continuais donc à marcher la tête haute décidée à voir tout ce qu'il y avait à voir ici.

Il n'y avait pas eu de ville sur la carte à cet endroit. Je le savais parce que j'avais bien étudié l'emplacement supposé après le panneau. Il devait y avoir encore quelques hectares de forêt avant la prochaine ville alors je ne savais pas où j'étais. Je ne savais pas quel était cet endroit mais j'étais sûre que s'il était caché c'était parce qu'il avait un secret que je comptais découvrir.

Il y avait des immeubles aussi loin que mes yeux pouvaient voir. Ils n'avaient rien de spécial et pourtant ils étaient très différents des immeubles de ma ville. Ils étaient plus... délabrés.

Je trouvais cela étrange de ne tomber que sur des immeubles sans voir aucune boulangerie ou gendarmerie ou quelque chose qui n'est pas un habitat. Je continuais donc à marcher encore et encore.

Comme par hasard alors que je tournais dans un coin de rue je me retrouvais face à face avec le motard. Il n'eut pas du tout l'air surpris de me voir mais je savais qu'il ne s'était pas attendu à me voir. Il me fixa un moment avant de secouer la tête.

"Je t'ai dis de ne pas venir.

-Je t'ai dis que je chercherai le panneau.

-Tu l'as trouvé.

-Oui."

Des inconnus apparurent derrière lui. Ils ils interpellèrent le motard voulant lui dire quelque chose mais se turent immédiatement en me voyant. Visiblement ils comprirent de suite que je n'étais pas du coin et leurs visages se renfermèrent. Ils avancèrent vers moi d'un pas menaçant. Je ne reculais pas.

"Comment elle est arrivée ici? Je croyais que personne n'avait encore jamais franchie la frontière."

Le motard ne répondit pas mais tout le monde sut la réponse.

"On doit l'emmener."

Comme ils avançaient vers moi je finis par reculer.

"Vous voulez m'emmener où ?"

Ils ne répondirent pas.

"Je vais rentrer.

-Tu ne peux plus rentrer."

Sur ce je compris le danger de la situation et tournais les talons avant de me mettre à courir de toutes mes forces. Je fus cependant bien vite stoppée et plaquée au sol par le motard. Il m'aida à me lever ne lâchant pas mon bras pour éviter que je m'enfuis.

Les autres inconnus nous encerclèrent et ils se mirent tous en route en même temps me tirant après eux.

Je n'aimais pas du tout être tirée contre mon grès et arrivais à m'échapper de la poigne du motard avant de me mettre de nouveau à courir. Cependant je me fis de nouveau plaquer au sol et nous reprîmes notre marche.

Je les suivais en silence. Je n'avais encore jamais été si faible. J'avais toujours été la meilleure de mon cours de taekwondo. Peu importe le sexe ou le gabarit de mes opposants je gagnais toujours haut la main. Or là je venais de me faire attraper deux fois de suite. Mon égo avait pris un énorme coup et il me fallut quelques minutes de silence pour m'en remettre.

Une fois ce silence passé j'étais prête à réessayer de m'enfuir. Avec une prise de taekwondo j'essayais de me libérer de l'emprise du motard mais sa poigne littéralement de fer me donna du fil à retordre. Je décidais donc d'attendre le moment opportun et les suivais en silence.

Les inconnus devant parlaient de l'improbabilité de ma présence dans cette ville mais je disaient rien d'intéressant que je pouvais écouter.

Je regardais donc autour de moi et me rendis compte que les rues étaient devenues vides. À ce même moment la conversation attira mon attention:

"Qu'une d'entre eux vienne ici de son plein gré c'est du jamais vu.

-En cent ans je n'ai jamais entendu ça.

-C'est une première.

-Si tous ceux qui sont intéressants pouvaient venir à nous au lieu que nous devions les enlever ce serait beaucoup plus simple.

-On aurait qu'à les attendre tranquillement à la frontière."

Tout comme le soir où j'avais suivi le motard, je suivais ce groupe étrange sans poser de questions.

En tournant à un coin de rue nous nous retrouvâmes dans une grande allée entre plusieurs immeubles où nous avions une ligne d'objets espacés de la même distance à chaque fois. Des fauteilles, frigos... Pleins d'objets tous séparés de quelques centimètres de vide. Cette ligne était pile au milieu de l'allée et semblait avoir parfaitement sa place là.

Nous nous mîmes à marcher le long de cette allée à droite des objets vers un immeuble. J'étais entrain de réfléchir à ce que j'allais faire quand presque arrivés devant l'immeuble une flèche fut tirée. Les inconnus se baissèrent tous en même temps tandis que le motard se postait devant moi pour me protéger.

Je profitais de cette distraction pour courir et me cacher derrière un objet tandis que les flèches continuaient de fuser. Les inconnus se collèrent à l'immeuble pour être protégés tandis qu'un d'entre eux s'accroupit derrière les objets à gauche de l'allée avançant petit à petit pour me retrouver.

Je rampais donc à mon tour de l'autre côté priant pour ne pas me faire remarquer. Soudain je le vis apparaître alors montais dans un fauteuil mais ce dernier craqua sous moi et attira le regard de l'inconnu qui était visiblement en colère.

Me fichant des flèches je sautais sur les pieds et courais tout droit dans une ruelle entre deux immeubles espérant être sauvée. Ce fut à ce moment que deux bras m'attrapèrent et que je me sentis enlacée.

Une main derrière mon coup et une autre de ma taille j'entendis le motard me chuchoter quelque chose. Sa poigne se renferma petit à petit sur mon corps et je sentis que j'avais de plus en plus de mal à respirer.

J'essayais de parler mais mes forces me quittaient et je tombais dans ses bras. Je ne m'étais pas évanouie mais je ne pouvais plus contrôler mon corps. N'ayant plus d'oxygène je me sentis relâcher son étreinte et me porter dans ses bras une main derrière mes genoux et une derrière mon dos.

Ma vision était brouillée mais je le vis sortir de la ruelle et aller vers l'immeuble de tout à l'heure. Soudain une flèche au bout lisse se planta droit dans la main du motard et il fût donc contraint de me lâcher.

Je tombais par terre et le choc me ramena à mes esprits. Je compris immédiatement que les flèches n'allaient pas m'être tirée dessus alors je me mis à courir vers l'immeuble du fond tandis que les flèches empêchaient les autres de me suivre.

Je remarquais qu'une fenêtre au deuxième étage était ouverte et je montais donc dans l'immeuble à la recherche de la personne qui m'avait aidée. Je la trouvais sans problème car cet immeuble n'avait pas de pièces seulement des étages.

Je trouvais un jeune homme à barbe tenant un arc et continuant à tirer des flèches vers la rue aux objets. Il ne se tourna pas vers moi quand il parla:

"Je pensais que tu allais continuer à courir tout droit. Je t'aurais rattrapée.

-Je ne savais pas où aller. Je me suis dis que je viendrais voir qui m'avait aidée.

-Allons-y."

Sur ce il attrapa mon poignet et me tira loin de l'immeuble.

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