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Clear Sunlight: Un été de faiblesses
Clear Sunlight: Un été de faiblesses
Auteur: Michelle Mbanzoulou

1

— Le dernier jour de cours est incontestablement le jour de l’année que je préfère !

J’ai esquissé un sourire à l’intention de Kristen pendant qu’elle regardait son reflet dans son miroir de poche et qu’elle remettait en place sa frange.

Elle avait toujours aimé les derniers jours d’école, aussi loin que je me souvienne. Comme à peu près tous les écoliers, certainement.

— Tu te rends compte, Dène, que l’on va passer les meilleures vacances de notre vie ? À nous le soleil, la plage, les beaux gosses !

J’ai ricané en dessinant une étoile sur mon bras gauche. Le cours d’arts plastiques m’inspirait, on dirait bien… (Ironie, au cas où vous n’auriez pas compris.)

— Tu ne penses qu’à ça, les beaux gosses. Mais je te ferais remarquer que les garçons sont à 99 % nos sources d’ennuis. Moi, pendant ces vacances, je ne penserai qu’à m’éclater, rien d’autre.

Kristen a explosé de rire en secouant la tête.

— Je sais que les garçons et nous, ce n’est pas le grand amour. Mais tout va changer, cet été, Edène. J’en suis convaincue.

J’ai haussé les épaules avec nonchalance. J’étais très dubitative. Les mecs, ça n’apporte rien de bon, à part du chagrin et du désespoir. J’en avais fait l’amer constat.

— Je suis impatiente d’arborer mon bikini bleu et blanc sur les plages brûlantes de Bachertown. Nous serons magnifiques !

— Je suis vraiment pressée d’y être. Ça va nous faire un bien fou, de passer des vacances entre filles. Les vacances de nos rêves.

Kristen et moi préparions notre séjour estival à Bachertown depuis au moins six mois. Cette ville était la septième de Maloudie, l’île superbe et immense sur laquelle nous vivions. Surnommée La Fraise à cause de sa forme, la Maloudie se situait entre l’Europe et les États-Unis et subissait les influences américaine et française. Mais c’était un pays à part entière, dirigé par un Roi bienveillant et respecté et un Premier ministre loyal et juste.

Songeuse, j’ai levé un œil vers l’écran plat de la télévision du prof d’arts plastiques. Il nous passait un film pour ados super intéressant, mais que je ne suivais qu’à moitié. J’étais trop occupée à m’imaginer bronzant sur la plage de Bachertown, à côté de Kristen.

— Hé, les filles ! nous a soudain hélées Andrew Greyns.

Nous avons tourné la tête vers lui en un mouvement synchronisé.

— J’ai entendu votre conversation. Je vais à Bachertown, moi aussi. Ça vous dirait, qu’on fasse le trajet ensemble ?

Kristen et moi nous sommes observées, perplexes. Que pouvions-nous répondre à un garçon comme lui ?

— On devait y aller en train, tu vois, lui a appris ma meilleure amie en haussant les épaules.

— Vous avez déjà réservé vos billets ? Dommage. Il y avait assez de place, dans ma décapotable.

Il s’est retourné et a fixé l’écran.

Kristen m’a regardée en faisant la moue. Elle mourait d’envie d’accepter, je le voyais bien. Je savais qu’elle était attirée par Andrew. De plus, par-dessus tout, c’était un Sportif. Il faisait donc partie de l’élite. On ne pouvait pas refuser, pas vrai ? On se ferait assassiner par les autres filles, qui auraient tout donné pour être à notre place. J’en voyais déjà qui nous toisaient d’un air méprisant. Du coup, j’ai hoché la tête en signe de résignation.

— Hé, Andrew ! l’a appelé mon amie. (Il s’est retourné vers nous.) On n’a pas réservé nos billets, à vrai dire, il nous manque un peu d’argent. On voulait aller à la gare demain, pour les prendre. Mais ta proposition est très alléchante.

— Ah ouais ? Pas la peine d’aller les chercher, dans ce cas. Sincèrement, vous préférez un chauffeur dans mon genre ou bien un vieux croûton tout dégarni ?

Kristen a ri de bon cœur en lui certifiant que la première option était de loin la plus attractive.

— Qu’est-ce que ça t’apporte, Andrew ? me suis-je sentie obligée de demander. Je veux dire, tu fais partie de l’équipe de foot, tu es un gars branché, tout ça. Nous, on est juste des filles banales.

Le meilleur des halfbacks de l’équipe de foot a ri chaleureusement. Je crois que Kristen aurait pu lui sauter dessus, si je ne l’avais pas raisonnée au travers d’un regard réprobateur. Et si elle n’avait pas été scrutée par autant de jalouses.

— Les filles banales sont parfois mieux que les filles excessivement branchées. Et puis, je me demande pourquoi tu t’étonnes, Edène. Toi qui es sortie avec Kenther.

J’ai plissé les yeux. Je détestais entendre parler de Kenther Klayde, mon ex-petit ami. Mais venant d’Andrew, c’était inévitable : il était le meilleur ami du quidam.

— Eh bien, vu qu’il a fini par me tromper avec la capitaine des pom-pom girls, j’ai de sacrés doutes.

J’ai perçu une grimace sur le doux et beau visage d’Andrew. Oui, effectivement, la trahison de Kenther suscitait du dégoût.

— En fait, Andrew, je pense que tu es le seul Sportif qui apprécie les filles banales. Cela fait de toi quelqu’un de différent.

Dans la bouche de Kristen, ça sonnait comme le plus beau de tous les compliments.

J’aime la différence.

Il était bien le seul footballeur à aimer la différence. La grande majorité des pom-pom girls sortait avec des Sportifs. Les cheerleaders se ressemblaient justement toutes. Elles et leurs idoles formaient une espèce de clan. Le clan des Sportifs, le clan de l’élite.

Soudain, alors que je me concentrais enfin sur le film, la sonnerie a retenti, annonçant la fin des cours pour cette année scolaire. Tous les élèves se sont précipités vers la sortie, une fois que le prof nous a souhaité de bonnes vacances.

C’était super cool, de finir l’année avec le cours d’arts plastiques. On ne se prenait pas la tête, avec monsieur Honeyfun.

— Bon, les filles, on s’appelle, a dit Andrew en nous dépassant.

— Oui, O.K.

Il a disparu et Kristen s’est arrêtée pour sautiller sur place.

— Tu te rends compte qu’il a pris mon numéro ? Oh, mon Dieu, je n’arrive pas à y croire ! Je dois sûrement vivre un rêve.

— Non, tu ne rêves pas. Andrew Greyns a bel et bien pris ton numéro de portable.

— Oh, et puis, qu’est-ce qu’il est beau ! Je sens vraiment que ces vacances seront exceptionnelles !

— Ne me dis pas que tu espères qu’il se passera quoi que ce soit avec lui ! Les Sportifs sont nocifs, Kris ! Tu le sais, non ?

Mon interlocutrice a haussé les épaules en sortant ses clés de voiture de son sac à main.

— Andrew est un Sportif très sympa. Il n’est pas comme son pote Kenther, j’en suis sûre. Tu devrais arrêter ce blocage. Tous les mecs populaires ne sont pas des sans-cœur.

J’avais d’énormes doutes là-dessus. Kristen était aveuglée par la beauté d’Andrew. Comme je l’avais été par celle de Kenther. Mais cela n’allait mener à rien.

— Bon, est-ce qu’il arrive, ton frère ? C’est que je suis pressée, moi !

J’ai soupiré en m’adossant à la portière arrière gauche de la voiture de ma camarade.

Chaque dernier jour d’école, mon frère traînait après les cours pour discuter avec ses potes. Sauf que nous rentrions grâce à la voiture de Kristen, et cette dernière n’était pas spécialement patiente – Kristen, pas la voiture. Il valait mieux qu’il se dépêche.

C’est alors qu’il est arrivé, souriant de toutes ses dents.

— Vous êtes déjà là, les filles ? Décidément, vous n’avez pas beaucoup d’amis ! Essayez de traîner, un jour, juste pour voir. C’est cool.

— La ferme, beau gosse, et monte. Je suis déjà bien gentille de jouer les chauffeurs.

Dylan a ricané en s’installant à l’arrière. Lui et Kristen adoraient se taquiner. Ça datait de l’époque de la Quatrième, quand Kris en pinçait pour Lan.

Je suis entrée dans la voiture après avoir jeté un coup d’œil vers celle de mon ex-petit ami. Il était devant elle et papotait avec des footballeurs et des pom-pom girls.

— Enfin, les vacances ! Je les attendais avec impatience.

— Tu n’es pas le seul, Dylan ! J’en avais tellement marre, des profs ! Mais, enfin, l’été est à nous !

— Hum, la blonde, je crois que tu veux dire que l’été est à moi. Espérons que je ne le passe pas seul.

Je me suis retournée vers mon frère avec un sourire malicieux, tandis que Kristen se moquait de lui.

— Beau comme tu es, frangin, tu n’as aucun souci à te faire.

— Oh, c’est gentil, ça, sœurette !

Kristen a démarré la voiture, puis est passée devant celle de Kenther Klayde. Ce dernier m’a regardée. Ses yeux bleus m’ont électrisée, même s’il m’observait de loin.

Je n’allais pas le voir pendant deux mois. Ça allait être long. Mais c’était tant mieux ! Il était beaucoup trop beau pour que je me permette de le voir pendant les vacances d’été, quand la chaleur grillait mes neurones. Une erreur pouvait si vite être commise.

Le capitaine des BlackTense de Hugh Hampson, qui se trouvait accessoirement être mon ex-petit ami, était vraiment beau. Mais, parallèlement, il était salaud. Remarquez, ça rime.

— Bon, à demain, Kris ! D’ici là, ne rêve pas trop d’Andrew, ai-je taquiné mon amie en sortant de la voiture quand nous sommes arrivés à destination.

— Andrew ? Andrew Greyns ? s’est étonné Dylan.

— N’essaie pas de comprendre, lui a soufflé Kristen en claquant la portière que j’avais laissée ouverte, pour ensuite démarrer en trombe.

Nous sommes entrés dans la maison tandis que mon frère soupirait :

— Vous, les filles, êtes vraiment des énigmes.

— Ton espèce aussi fait partie des mystères non élucidés. Sauf que j’ai arrêté d’essayer de la comprendre. J’ai mieux à faire.

Beaucoup mieux, à vrai dire. Je devais faire ma valise, quand même ! Je n’avais plus de temps à perdre.

À peine suis-je entrée dans ma chambre que j’ai entendu quelqu’un frapper à la porte.

— Déjà là ? s’est étonné Stanley.

— Tu connais Kristen, ai-je soupiré en rangeant mon bikini dans ma valise. Alors, ce HSD ? C’était comment ?

En Maloudie, le système scolaire était un mélange du français et de l’américain, avec quelques idées purement maloudiennes. Du coup, au lieu du brevet comme en France, les élèves de Troisième passaient le « High School Dare », leur passeport pour le lycée. Sans lui, personne ne pouvait passer en Seconde.

Cette épreuve durait toute une journée et se déroulait de la façon suivante : les Troisièmes devaient répondre à trois sujets sur feuille, correspondant à trois matières tirées au hasard. Le tout était sur trois cents points.

Je l’avais passé deux ans auparavant, et je l’avais trouvé plutôt dur. Mais je l’avais réussi avec la mention bien, l’obtenant avec deux cent soixante-six points.

— C’était chaud. Je suis tombé sur la physique, le français et l’anglais. Je pense avoir géré l’anglais. Mais c’était chiant parce qu’ils nous ont foutu un texte complètement incompréhensible d’un soi-disant philosophe britannique. La grosse arnaque, quoi.

— Tu m’étonnes. Ils font tout pour nous casser. Mais je suis sûre que tu l’auras haut la main. Tu vises quoi, la mention bien ?

— Voyons, j’ai plus d’ambition que toi, Edène ! Je vise la mention très bien, comme ça au moins, je vous serai supérieur, à toi et ton jumeau.

J’ai ri. Toi et ton jumeau. Stanley prenait toujours ce ton méprisant lorsqu’il voulait nous faire croire qu’il ne supportait pas d’être le petit frère de jumeaux. Il se prétendait mis à l’écart, ce qui était totalement faux.

— Mon petit, tu nous seras supérieur si tu obtiens la mention très bien et que tu obtiens ton CDR demain. Sinon, eh bien… loser !

En Quatrième, une nouvelle matière entrait dans l’emploi du temps : le CDR, le code de la route, à compter de deux heures par semaine. Et c’était en fin de Troisième que les élèves le passaient, le lendemain de leur HSD. Mais le taux de réussite était excellent, puisque le code était étudié pendant près de deux ans.

Mon petit frère m’a fait une grimace en me regardant remplir ma valise.

— Je l’aurai, je peux te le jurer. Plus la mention très bien. Et là, ce sera vous, les losers.

J’ai hoché la tête, pas convaincue le moins du monde. Je croyais en mon frère, vraiment. Mais pour obtenir la mention très bien, il lui fallait au moins avoir deux cent soixante-quinze points sur trois cents. C’était quasiment impossible, surtout au vu de la matière qu’il avait eue, la physique. Il était nul, en physique.

— Tu pars quand, déjà ?

— Dans trois jours.

J’attendais le départ avec une grande impatience. Les vraies vacances n’allaient commencer qu’à ce moment-là.

J’ai saisi mon jean préféré, l’ai plié et l’ai posé dans ma valise rose.

— Hé, les gosses ! s’est écrié Dylan. Maman veut nous voir.

Oh, super ! Qu’est-ce qu’elle voulait nous dire, encore ? Je n’avais franchement pas le temps.

— C’est injuste, que ta jumelle parte et pas nous, s’est plaint Stanley à Dylan, dans un soupir.

— Chacun son tour, les gars ! L’année dernière, Dylan est parti en Angleterre. Je ne vais qu’à Bachertown. C’est à deux heures de route d’ici. C’est plutôt moi qui me fais arnaquer.

— Il n’empêche que nous, on reste à Loudyland. On n’a qu’à bouger, Lan ! On prend la voiture de maman et on décampe.

Dylan a ricané en s’appuyant à ma porte.

— Tu rêves, Stan ! Maman ne nous passera jamais sa voiture. Le mieux qu’on ait à faire, c’est rester à la maison et profiter de la plage loudienne. La plage la plus grande de Maloudie, après tout.

Eh oui ! De quoi se plaignait Stan, finalement ? Loudyland, la capitale de la Maloudie, était super cool. Cette ville était immense et très animée. C’était une capitale de mode, en plus. Même si ce fait ne l’intéressait certainement pas.

J’ai entendu ma mère nous appeler. Oups. Elle avait l’air de s’impatienter.

— Allons-y, a décrété Dylan en commençant à avancer. Je n’ai aucune envie de me faire priver de dessert ou quelque chose dans le même genre.

Stan et moi avons ri en descendant les marches de l’escalier. C’était la punition la plus nulle qui soit.

Nos parents étaient assis côte-à-côte sur le canapé gris du salon.

— Qu’est-ce qui se passe ? s’est enquis Dylan en s’asseyant face à eux. Stan et moi l’avons rejoint sans enthousiasme.

— Stan, Dylan, nous savons que cela vous déplaît de passer toutes vos vacances à la maison. Du coup, nous vous avons inscrits à un camp de vacances pour adolescents.

Mes deux frères se sont observés. L’expression qui s’est peinte sur le visage de Dylan mélangeait surprise et désenchantement.

— Quoi ?!

— Maman, ce n’est pas cool, a râlé Stan.

— Vraiment ? Nous pensions vous faire plaisir.

Notre mère avait l’air déçue. Dylan et Stanley pouvaient faire preuve d’un peu plus d’enthousiasme !

— Allez, les gars ! Je suis sûre que vous aimerez. Au moins, ça vous dégoûtera moins de me savoir à Bachertown.

— Justement, ma chérie, est intervenu papa. Tu es inscrite, toi aussi. Tu vas y aller avec eux.

— Pardon ?! Mais pourquoi ? Vous savez parfaitement que je dois aller à Bachertown avec Kristen ! On l’a prévu depuis des mois !

Je n’arrivais pas à croire qu’ils m’avaient fait ça !

J’ai eu l’impression que Stan mourait d’envie d’exploser de rire. J’aurais pu le tuer.

— Tu pourras la rejoindre plus tard. Le séjour en camp ne durera que trois semaines.

— Trois semaines !? me suis-je horrifiée en chœur avec mes frères. Mais maman, c’est pratiquement la moitié de nos vacances ! Vous ne pouvez pas faire ça.

— Ton « pratiquement » est bien large. Il est plutôt question du tiers de vos vacances. Et puis, de toute façon, vous êtes déjà inscrits, les enfants. Nous avons payé cher, pour vous trois, alors tâchez d’être satisfaits. Je suis persuadée que vous adorerez. Vous ferez un tas de rencontres très intéressantes.

— Mais…

— Ce n’est pas discutable ! a tranché notre mère en se levant pour se diriger vers la cuisine.

J’ai essayé de trouver de l’aide dans le regard de notre père, mais il a préféré partir lui aussi.

— Oh, le bordel, a soupiré Dylan en se levant à son tour.

— Ne te lamente pas ! Je suis la seule à plaindre… J’avais des vacances déjà prévues, je vous signale !

Ce n’était franchement pas juste, que mes parents annulent mes vacances de rêve avec ma meilleure amie pour m’envoyer en camp pour ados avec mes frères.

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