Elle allait regagner sa tour, lorsqu’une anomalie infime attira son attention. Au pied d’un rhododendron qui élevait ses branches le long du mur du parc, trois magnifiques roses de Noël ouvraient leurs corolles. Il n’y avait là rien d’extraordinaire pour des fleurs censées s’épanouir en hiver, sauf que les blancs pétales de celles-ci s’ornaient d’une traînée de poudre d’or pas vraiment naturelle.
Un des siens se trouvait dans le secteur. Il ne se cachait d’ailleurs même pas. Maintenant qu’elle était plus attentive, elle sentait parfaitement les vibrations d’une aura magique à peu de distance derrière elle, là où les branches du grand cèdre s’inclinaient jusqu’au sol. Intriguée, elle se dirigea avec prudence vers l’arbre. Qui pouvait bien contrevenir ainsi aux ordres des Anciens, qui avaient interdit à quiconque de la contacter jusqu’au terme de sa punition ? 1867
Son visiteur attendit qu
Pierre fit tourner son véhicule pour s’engager dans la petite allée qui menait à la vaste demeure avec un sentiment de contentement absolu. Enfin, il allait la revoir. Depuis l’intervention inattendue de Gaëlle, la veille, pour le tirer des griffes de Sonia, il vivait sur un petit nuage d’allégresse. Un tel hasard ne pouvait pas être fortuit. Il s’agissait certainement là d’un signe du destin qui lui indiquait de suivre son cœur, malgré le prochain départ de la jeune femme. Car à quoi bon se voiler la face ? Il avait retourné la question sous tous les angles durant les dernières vingt-quatre heures, pour en revenir toujours à la même conclusion : il était bel et bien victime d’un coup de foudre. Un de ceux qui existaient dans les livres qu’il aimait lire enfant, et auxquels il ne croyait plus depuis qu’il avait dépassé le stade de l’adolescence. D’illustre inconnue il y a une semaine encore, G
Le matin les trouva enlacés dans le grand lit à baldaquin. Nichée au creux de l’épaule de son nouvel amant, Gaëlle s’éveilla avec un sentiment de béatitude absolue. Levant les yeux, elle croisa le regard limpide de Pierre qui l’observait. — Bien dormi ? lui demanda-t-il. — Merveilleusement », répondit-elle en s’installant plus confortablement contre son torse. La main posée sur sa hanche s’anima d’un léger mouvement sur le satin de sa peau, et elle se lova davantage contre le jeune homme pour profiter de ce réveil tout en douceur. Piquant d’un baiser la clavicule sous sa joue, elle songeait à s’abandonner à d’autres câlins, lorsqu’elle ressentit soudain le bourdonnement caractéristique d
Les jours suivants s’égrenèrent en une succession de joies simples et de bonheur à dévorer à deux. Émerveillé par la femme pétillante et pleine de surprises que le hasard avait mis sur son chemin, Pierre vivait sur un petit nuage. Il était certain d’avoir découvert la compagne de sa vie. Cela le désolait un peu pour Sonia, mais entre une amitié amoureuse pas même éclose et la tendre passion qui le poussait vers la jolie brune, son cœur n’hésitait pas un instant. Il évitait simplement de songer au départ annoncé de son amante, retranchant cette information dans un coin de son esprit. Après sa sortie précipitée du lit le matin de leur premier réveil, Gaëlle était revenue se fondre entre ses bras pour enfouir son visage dans le creux de son cou. Il avait d’abord cru qu’elle cherchait simplement à se réchauffer, mais en serrant contre lui son corps tiède, il avait compris son erreur. Ses membres raidis et son sil
Fin janvier, Gaëlle adressa une invitation à Pierre pour la reprise d’une comédie musicale futuriste qu’elle avait précédemment aidé à monter. Le jeune homme n’hésita pas une seconde à poser trois journées de congé pour la rejoindre. Malgré le couac de la semaine de Noël, il faisait entièrement confiance à Sonia pour s’assurer de la bonne marche de leurs projets en cours. Il ne s’absentait que trois jours, et la jolie rousse se montrait une assistante toujours aussi assidue et efficace. Elle n’était jamais revenue sur sa rencontre avec Gaëlle et la désillusion qui s’en était suivie. Leurs rapports se concentraient dorénavant sur le travail, et Pierre considérait que l’incident était clos. Il préférait maintenant s’abstenir de tous rapprochements autres que ceux liés au travail. Il ne pouvait néanmoins ignorer les regards parfois un peu appuyés de son assistante. Il lui parlait donc à doses hom
Contrairement à ce qu’espérait Pierre, Sonia n’avait pas renoncé au désir de se rapprocher de lui. Et plus le jeune homme prenait ses distances, plus ce désir l’obsédait. Elle n’avait pas l’habitude qu’on la dédaigne, et encore moins de se voir coiffée au poteau par une femme surgie de nulle part. Elle était persuadé que son charme naturel et ses qualités étaient des atouts de séduction suffisants pour qu'on la remarque, et elle prenait rarement la peine de faire le premier pas lorsque quelqu’un lui plaisait. Cela renforçait son impression de posséder un pouvoir particulier. Elle aimait cette idée, et elle en jouait. Mais apparemment, elle avait surévalué cette tactique avec Pierre. Elle s’en mordait d’autant plus les doigts qu’elle ressentait véritablement quelque cho
Le cri terrifié de Sonia lui répondit, tandis que la jeune femme se ramassait inutilement sur elle-même. Les premières ramures frôlaient déjà sa tête. La masse compacte de la branche qui suivait allait lui fracasser directement le crâne. Horrifiée, Gaëlle réagit en parant au plus pressé. Sans se soucier des témoins éventuels, elle tendit un bras devant elle, paume ouverte et doigts écartés, pour engendrer une violente bourrasque. Habilement orienté, le souffle puissant dévia instantanément la trajectoire de la branche, empêchant ainsi sa partie la plus lourde de frapper Sonia. Le bois s’écrasa sur le sol dans un froissement de feuilles et de brindilles brisées. Projetée à terre par la rafale et l’impact des branchages annexes, Sonia paraissait sonnée. Sautant par-dessus les buissons de roses, Pierre se précipitait déjà auprès d’elle. Inquiète pour la jeune femme, Gaëlle le rejoignit en emprunt
Ils étaient arrivés au bout de l’embarcadère. L’air était doux. Un clapotis léger s’élevait de sous leurs pieds. Debout et immobiles l’un près de l’autre, ils accordaient leurs esprits en les mariant à la beauté sereine du paysage. — Où sommes-nous ? demanda Gaëlle alors qu’elle enlevait son trench coat pour offrir ses bras nus aux rayons du soleil.— Cet endroit s’appelle le lac des Amants. La jeune femme retint un sourire. — Un nom prédestiné, commenta-t-elle sobrement. — Tout dépend de ce que tu vas me dire, trépondit-il, en posant son regard clair sur elle pour la première fois depuis ce qui lui semblait une éternité.&nbs
Toujours liée par la punition qui l’exilait sur Terre, Gaëlle ne disposait que d’une marge de manœuvre réduite, qui l’exposait à toutes les insatisfactions. Impossible d’emmener le jeune homme en Féérie pour le présenter à son peuple. Et difficile de lui expliquer en quoi consistait le rôle d’un Passeuravant qu’il ne soit en mesure de mettre en pratique ses nouvelles fonctions. Sa peine ne s’achevait que la veille du prochain Noël, et Gaëlle en frémissait autant d’impatience que d’inquiétude. Elle savait d’expérience que tout pouvait arriver durant ce laps de temps incompressible. Un peu plus de sept mois d’attente, durant lesquels le danger le plus grave serait que Pierre révèle leur secret à un tiers.&nb