Joachim détestait devoir s’enfuir, mais privé de ses pouvoirs, il devait admettre qu’il ne faisait que la gêner. Rageant contre son inutilité, il fila le long de la barre rocheuse. Il évitait de trop s’approcher du bord de la crevasse qui déroulait un sol uniformément plat à perte de vue. S’il voulait aider Kalinda, il devait d’abord trouver un endroit où se dissimuler.
Le sable ralentissait sa course, mais il atteignit un amoncellement de gros rochers sans être inquiété. Derrière lui, les explosions, les cris et les imprécations se multipliaient. Tant que le combat se poursuivait, il avait une chance de tirer la jeune femme de ce mauvais pas.
Demeurant à couvert, il escalada une petite butte en espérant avoir un meilleur point de vue sur la bataille. Arrivé en haut, il se retourna. Kalinda parvenait encore à faire front à ses adversaires. Elle reculait toutefois de plus en plus contre la mura
— Alors, mon Pierrot, encore en train de rêvasser ? La question de sa mère le tira de son rêve éveillé. Avec légèreté, la main de la jeune femme passa dans ses courts cheveux noirs, relevant ceux-ci en épi sur son front. Comme souvent depuis que son ventre s’arrondissait, elle portait son ample tunique de velours rouge, toute douce, contre laquelle l'enfant aimait frotter son visage. Avec sa queue de cheval haute et ses joues un peu plus rebondies, elle lui apparaissait comme la plus jolie des mamans. Il eut envie de venir se blottir dans ses bras. Un bref instant pourtant, l’inquiétude l’envahit. Il se demanda quand la petite sœur qu’elle leur avait promise les rejoindrait. Parce qu’un bébé à la maison allait sûrement réclamer une grosse part de câlins. Mais déjà, il oubliait son souci. Les doigts fins de sa mère caressaient le bout de son nez. Son regard brun était si tendre qu’il ne pu
Une fois à table, sa triste mine n’échappa pas à ses parents. Encore moins enclin à dire la vérité sous l’œil inquisiteur de son frère aîné, le petit garçon grogna qu’il ne se sentait pas bien et qu’il désirait aller se coucher tôt. — Avec ce temps glacial, ce n’est pas drôle s’il a pris froid, dit son père avec un sourire compatissant. Que son mensonge passe aussi facilement troubla un peu Pierre. Il n’aimait pas mentir et il baissa la tête. Sans aucun appétit, il contempla la coquille Saint-Jacques qui refroidissait dans son assiette. Aussitôt, sa mère posa une main préoccupée sur son front. — Il n’a pas de fièvre pourtant. Tu es sûr que tu
Pierre retint un soupir d’exaspération. Pour la troisième fois en moins d’une heure, un soulier trop pressé s’écrasait sur son pied. La journée s’annonçait éprouvante. Elle s’assombrissait même de minute en minute, alors qu’il parcourait les rayons d’un grand magasin décoré à tous les étages d’insignes dorés, de petits anges resplendissants et de guirlandes rutilantes. À lui donner une overdose des ornementations lumineuses, lui qui appréciait pourtant particulièrement les parures qui éclairaient tous les coins de rues à l’approche des fêtes de fin d’année. Il avait pour principe de choisir les cadeaux qu’il offrirait à Noël consciencieusement, toujours avant la grande ruée des retardataires en tout genre. I
Un peu abasourdi par ses changements d’humeur, Pierre lui emboîta le pas en se demandant si elle faisait exprès de se comporter de façon si ambiguë. Mais hors de question qu’il l’abandonne dans l’ascenseur, déjà pris d’assaut par une horde de clients pressés de regagner leur logis. Tassés l’un contre l’autre entre un monsieur bedonnant presque aussi chargé que la jeune femme et une vieille dame qui, très sournoisement, jouait des coudes pour conserver le plus grand espace vital, ils atteignirent le sous-sol. D’un geste, Pierre désigna sa voiture garée à peu de distance. Une veille Land Rover qui ne payait pas de mine, mais d’une robustesse à toute épreuve lorsqu’il s’agissait de s’engager dans les chemins de terre que l’obligeait parfois à emprunte
Ils roulèrent dans les rues d’Angers durant une vingtaine de minutes. Ses études d’ingénierie achevées, Pierre avait dû quitter sa Touraine natale pour venir s’installer dans cette grande ville de province. Major de promotion, il avait réussi à obtenir un poste à responsabilités dans un des plus grands centres du réseau agronome de la région et, depuis trois ans, il menait sa mission à l’entière satisfaction de son employeur. Ils sortirent finalement du centre historique pour rejoindre les quartiers pavillonnaires de l’autre côté de la Maine. Pendant le trajet, la jeune femme lui parla un peu de son travail. Apparemment, elle se rendait fréquemment à l’étranger pour assister les plus grands réalisateurs. Un peu étonné qu’elle ait une carrière aussi brillante à son âge, Pierre se retint de l’interroger. N’était-il pas lui-même un peu en-deçà de l’âge moyen de ses collègues, pourtant tous relativement jeunes ? &nbs
Cette année-là, Noël tombait un dimanche. Un roulement régulier des congés d’hiver entre les membres de son service obligeait Pierre à assumer l’intérim jusqu’au jour de l’An. Il retourna donc au bureau dès le lundi. Comme prévu, il offrit son cadeau à Sonia. L’arrivée récente dans l’entreprise de la jeune femme la positionnait quant à elle d’office parmi le personnel réquisitionné durant les fêtes. Elle accueillit l’attention de ses collègues avec un réel plaisir. Attentif à la moindre de ses réactions, Pierre eut rapidement la confirmation que son choix la touchait dans le sens qu’il espérait. Sonia profita en effet du baiser de remerciement qu’elle posa sur sa joue pour lui chuchoter à l’oreille, derrièr
Le reste de la semaine, Pierre eut toutes les peines du monde à conserver la tête froide au bureau. Il n’avait rencontré en tout et pour tout Gaëlle que deux fois, et elle lui avait promis de lui faire signe avant son départ pour New York, où l’attendait la mise en chantier d’une grosse production à Broadway. Mais, déjà, il s’impatientait de la revoir. Plus il regardait la rousse Sonia, plus il pensait à la brune Gaëlle. Contre toute attente, il sentait qu’il tombait amoureux. Mais pour quel résultat ? Sonia était toujours là. Disponible et n’attendant apparemment qu’un mot de sa part pour s’engager vers une relation sérieuse. Au contraire, Gaëlle le trouvait incontestablement sympathique, mais elle n’avait jamais fait la moindre allusion à un intérêt plus marqué et, de toute façon, elle s’envolerait pour les États-Unis d’ici le 15 janvier. Pris dans ce tourbillon inattendu, il s’aperçut le ve
Elle allait regagner sa tour, lorsqu’une anomalie infime attira son attention. Au pied d’un rhododendron qui élevait ses branches le long du mur du parc, trois magnifiques roses de Noël ouvraient leurs corolles. Il n’y avait là rien d’extraordinaire pour des fleurs censées s’épanouir en hiver, sauf que les blancs pétales de celles-ci s’ornaient d’une traînée de poudre d’or pas vraiment naturelle. Un des siens se trouvait dans le secteur. Il ne se cachait d’ailleurs même pas. Maintenant qu’elle était plus attentive, elle sentait parfaitement les vibrations d’une aura magique à peu de distance derrière elle, là où les branches du grand cèdre s’inclinaient jusqu’au sol. Intriguée, elle se dirigea avec prudence vers l’arbre. Qui pouvait bien contrevenir ainsi aux ordres des Anciens, qui avaient interdit à quiconque de la contacter jusqu’au terme de sa punition ? 1867 Son visiteur attendit qu