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Les portes d'Euphoria
Les portes d'Euphoria
Auteur: Jean-Baptiste Messier

Le lys noir

La lumière crue de ma lampe de bureau éclaire les pages du manuel de pharmacologie. Je caresse distraitement la tranche des pages en méditant la phrase suivante de Paracelse :

« Tout est poison et rien n’est sans poison : seule la dose fait l’absence de poison. »

Ce médecin qui traînait aussi une réputation sulfureuse d’alchimiste et d’occultiste avait des aphorismes d’une clarté absolue. Même l’eau peut devenir poison si vous en avalez en trop grande quantité.

À travers la cloison qui sépare ma chambre de celle de ma sœur, j’entends une conversation étouffée, dont la vibration basse et pleine de chuchotis me donne à penser que la discussion est intime et peut-être coquine. Éric, mon beau-frère, a bien du mal à contrôler la portée de sa voix et de toute manière, tous les trois, depuis la mort accidentelle de nos parents, nous vivons dans une réconfortante intimité. Bien sûr, je fais mine de respecter leur lien amoureux, de ne pas m’immiscer, ni d’être voyeuse, mais en réalité ce sont des rôles et personne n’est dupe. Ils savent bien que lorsqu’ils baisent, je participe à leurs ébats, au moins en les entendant voire en les écoutant. Et cela m’excite la plupart du temps.

J’aime concevoir Éric, un brun poivre et sel, aux yeux gris-verts qui pénètre ma frangine. J’aime rêver à son corps hâlé et musclé, ses fesses toutes blanches, et, en fait, je m’imagine très bien à la place de Paola, ma sœur, subir les assauts fougueux de mon beau-frère. Pour l’instant, ils n’en sont pas encore arrivés à ce point mais le murmure de leur discussion m’intrigue, en même temps qu’elle m’élance dans les reins et fait pointer mes seins. Car je sais que ce n’est qu’un prélude et que la baise viendra.

En attendant, j’observe le sachet de thé qui infuse dans ma tasse, je respire son odeur délicate, et regarde le nuage de thé qui se propage dans toute la tasse pour colorer l’eau chaude de sa teinte brune. Avec Paola, nous partageons cette passion du thé, nous n’hésitons pas à parcourir la capitale à la recherche de variétés spéciales, au goût raffiné. C’est l’un des rares points communs qui nous rapproche, car autant Paola est de caractère solaire à l’image de sa fausse couleur blonde, autant je peux être secrète et introvertie. D’ailleurs, si l’on compare nos chambres, celle de Paola est tapissée de posters du Brésil ou des îles tandis que la mienne est recouverte d’étagères remplies de livres de Kundera, Kafka, Poe ainsi que des livres de médecine bien sûr. Ma sœur du fait qu’elle est fondamentalement gentille a tendance à faire confiance d’emblée. Paola, sans doute plus que moi, aurait tendance à se faire rouler dans la farine à plus d’un titre.

Parfois on pourrait se demander si je suis bien la fille de mes parents. En ce qui concerne Paola, il n’y a aucun doute malheureusement pour elle : elle a hérité de la maladie de sang paternelle, une hématopathologie dangereuse, et, chaque jour, elle doit prendre un traitement assez contraignant. Elle souffre d’une forme assez rare de la maladie et peut-être est-ce cela qui m’a poussée vers les études de médecine.

Paola a repris l’affaire de nos parents : une boulangerie, « La baguette d’or », rue de la République à Montrouge. Elle n’a pas été plus loin que le CAP de vendeuse et Éric fabrique les pains. C’est donc un couple au four et au moulin si je puis dire. Un employé vient s’adjoindre pour la production de succulentes pâtisseries. C’est vers trois heures du matin que la boulangerie sort de sa torpeur pour exhaler mille odeurs plus agréables les unes que les autres : pâte en train de lever, odeurs de croissants chauds et de baguettes en train de cuire. Effluves plaisants qui viennent chatouiller mes narines, car j’ai pris le pli de me lever en même temps que mon beau-frère et de réviser mes cours dans la petite pièce qui jouxte l’atelier. À l’origine c’était une remise, et je l’ai transformée en bureau. Je laisse la porte ouverte et j’observe Éric et Manuel, le pâtissier, s’affairer.

Voir Éric enfourner des baguettes dans l’immense four luisant me remplit d’émois. Je regarde ses épaules que découpe le Marcel blanc, son jeans troué moulant qui laisse deviner de belles promesses en termes de bouchées à la reine. Plus tard, Paola viendra pour l’ouverture de la boutique. Avant de s’afficher en vitrine, elle prendra soin de déboutonner son chemisier laissant entrevoir de belles miches et accueillera les clients matinaux avec un sourire chaleureux qui leur ira droit au ventre. L’affaire tourne bien. Au moment où Paola apparaît, je m’éclipse pour regagner mon lit et me reposer (ou me caresser, c’est selon) une heure avant d’aller à la faculté de médecine.

Pour l’instant, alors que je me concentre sur les effets néfastes de la ricine, Paola et Éric se sont tus et seuls des bruissements d’étoffe et des bruits de matelas me parviennent. Je reconnais la respiration caractéristique de ma sœur quand elle se fait mettre. Les gémissements de plaisir d’Éric percent bientôt. Dans quelle position sont-ils ? Je me plais à l’imaginer.

Paola se retourne vers Éric, alors qu’ils viennent de pénétrer dans leur chambre :

« Chéri, j’ai une surprise pour toi.

— Ah bon ? »répond-il en refermant la porte.

Comme tous les soirs, il a hâte que la journée se termine afin de pouvoir rejoindre les bras de Morphée. Même s’il est d’un naturel curieux, à ce moment-là, il ne se sent guère d’énergie pour faire autre chose que se jeter sur le lit.

« Oui, avec ma sœur, on a été faire les boutiques cet après-midi. Tu sais que c’est la coupe du monde au Brésil en juin ?

— Euh, oui. Bon tu accouches ?

— Ah la délicatesse des hommes ! On a été essayer des maillots de bain. J’ai un nouveau brésilien. Tu penses que tu pourrais me donner ton avis ? Si tu estimes qu’il ne me va pas, je le rendrai…

Soudainement, Éric n’a plus envie de dormir.

— Oh mais c’est intéressant ça. Enfile-le ma poule que je te dise !

— M’appelle pas ma poule ! Sinon tu pourras aller te faire cuire un œuf !

— Allez, allez ! »

Paola fait semblant de râler quand Éric joue le macho mais elle adore ça. Et puis cette attitude va bien avec ses beaux pectoraux et ses bras musclés, sans parler de ses fesses à se damner. Éric quant à lui songe que la coupe du monde s’annonce sous les meilleurs auspices. La jolie blonde va se changer dans le petit cabinet qui donne directement sur leur chambre. Elle réapparaît, sûre de son effet. Elle s’est regardée dans le miroir, les petits triangles de tissus recouvrent à peine ses beaux seins ronds, et les ficelles qui nouent son slip sur les hanches bronzées ne peuvent donner qu’une envie.

« Oh purée, y a deux ballons sur le terrain, viens par là que j’en profite !

— Attention au hors-jeu Monsieur l’arbitre ! »

Éric a passé une main sous le tissu et caresse avec bonheur un des seins. Paola, quant à elle, s’occupe avec vigueur de son pénis, droit comme un poteau de corner.

« Je tirerais bien un coup… de pied en coin moi. », halète Éric, pleinement dans son personnage.

Il commence à investir le gazon. Il aime le frisottis du pubis de Paola et découvrir avec sa bouche les sucs qui l’attendent plus bas. Les deux amants se mettent tête-bêche, dans une parfaite complicité des corps et des envies.

« Monsieur, j’ai trouvé deux autres ballons, ils n’ont pas l’air en grande forme, rétorque Paola en léchant les boules d’Éric. Je vais les pomper, ils le méritent bien ! » La jolie blonde entoure de ses lèvres les couilles d’Eric. Elle les gourmande puis embrasse de petits baisers le membre gorgé de désir.

« Hein… » geint Éric tandis que Paola aspire son gland.

Éric se positionne au-dessus du ventre de Paola. Il embrasse tout d’abord sa compagne d’un long baiser puis se redresse et commence à faire coulisser son pénis entre les beaux seins. Paola, excitée, presse ses sphères moelleuses contre le membre. Elle enduit de salive le pénis pour un meilleur va-et-vient. Les souffles s’accentuent.

Finalement Éric, le regard brillant, décide une passe vers l’arrière et prend en main le cul de Paola dont le string doré dessine parfaitement les globes. Sûr qu’elle aura le ballon d’or ! D’un mouvement autoritaire, il décide de faire main dans la surface, enlève le bas de son adversaire et la retourne sur le ventre. Paola gémit. Il n’a pas le droit, il mérite un carton rouge ! Curieusement, quand Éric se décide à lui mordiller avidement les fesses, elle ne rêve plus que d’une chose, un tir en pleine lucarne ! Du coup elle soulève son postérieur pour l’attirer dans ses filets. La langue d’Éric s’infiltre dans son sexe. L’arrière-train de Paola sous le feu des sensations entame une samba langoureuse.

Éric se régale de la dévorer. Puis, il se met à genoux, la queue à l’horizontale vers la chatte de Paola. Il n’a plus qu’à enfourner sans plus tarder, le préchauffage a assez duré. Il rentre avec délice dans le sexe de sa compagne et bientôt la bête à deux dos vibre de cris d’enthousiasme. Le boulanger éjacule à grandes rasades de plaisir tandis que Paola s’étire pour en profiter un maximum.

« On joue les prolongations ? demande finalement Éric. Puis voyant l’air pâlichon de Paola, il comprend que les crampes ne sont pas loin.

— Non, tu as marqué le but en or. Heureusement, car je ne tiens plus sur mes jambes, répond Paola, essoufflée.

— Oui, tu n’as pas l’air d’aller très bien.

— Ce doit être la maladie, depuis quelque temps, je me sens plus fatiguée. »

J’ai pris un traversin tandis que j’imagine ainsi les ébats de ma sœur et de mon beau-frère. Quand Éric lâche son hurlement de jouissance qu’il a longtemps contenu, ma main jette au loin le boudin blanc et s’infiltre parmi mes six mètres. J’exhale un cri. Je les entends rire. Cela ne me gêne pas outre mesure, car en fait nous n’avons pas tant de secrets les uns pour les autres.

Je me regarde dans le miroir et j’enlève ma nuisette. Une jeune fille brune aux longs cheveux bouclés me fait face et me sourit. On devine la naissance de mes seins qui n’ont rien à envier à ceux de ma sœur. D’ailleurs une fois, on s’était amusées à les comparer en les soupesant. Je ne suis pas un top-modèle, je suis petite, des jambes légèrement arquées, des fesses pas aussi rondes que j’aimerais mais je m’attribue sans fausse modestie un joli visage aux lèvres pulpeuses qui fait facilement craquer les garçons, ma poitrine étant, sans conteste, mon arme fatale.

Je prends mon vernis à ongles noir et finis de m’enivrer à son odeur. Un jour, un copain de promotion m’a dit, alors que j’étais habillée en noir, que je lui faisais penser à quelque chose comme une belle juive, une « belle petite sorcière juive ensorcelante ». Je ne sais pas si le terme « ensorcelante » en ce qui me concerne est assez fort. Mais il avait touché juste d’une certaine manière, même si je ne suis pas juive.

Une fois ma chair apaisée, je me glisse dans mon lit, mon livre du moment à la main. C’est un pavé qui m’accompagne depuis quelque temps : « Le mémorial de Sainte-Hélène ».

C’est le testament politique de Napoléon, et cela m’emmène bien loin de mes études de médecine avant de m’endormir, ce qui ne manque pas de se produire après la lecture d’une dizaine de pages. Un vrai livre de chevet en somme.

Bruit de porte de la chambre voisine, Éric se lève discrètement. Mais mon oreille habituée l’entend. Coup d’œil machinal vers mon radio-réveil, trois heures du matin. J’enfile rapidement une nuisette échancrée et me lève. Je me faufile jusqu’à la salle de bain où je le trouve comme d’habitude en train de se laver les dents et s’asperger d’eau le visage. Il est en boxer noir bien moulant. Il prendra sa douche après le travail. Je me déshabille rapidement à côté de lui ce qui me vaut un regard appréciateur et me glisse dans la cabine de douche. Il faut croire que le spectacle est suffisamment réjouissant pour que mon beau-frère prenne le temps de se raser et l’air de rien, de passer plus de temps dans la salle de bain en ma gracieuse compagnie. Il me mate tandis qu’il se badigeonne les joues de savon à raser à l’aide de son blaireau. J’aime la sensualité de ce geste. Et je l’observe tandis que l’eau perle sur moi. Je me mets à sa place, et j’imagine la vision de mon corps désirable à travers la paroi transparente mais légèrement fumée.

Il sourit dans sa barbe blanche et m’adresse un clin d’œil. Un vrai coq en pâte. Deux sœurs à disposition. Je prends le gel douche et entreprends le lavage minutieux du moindre recoin de ma peau. Ça y est, il s’est coupé à force de me regarder. Je me hausse sur la pointe des pieds et je lui tire la langue. Ça lui apprendra à ne pas se concentrer sur ce qu’il fait.

Je me rince à grand jet. Il m’a semblé déceler une bosse révélatrice à son entrejambe, du coup ma main s’attarde plus que de nécessité à l’intérieur de mes cuisses. Subjugué, il arrête son geste. Au moins, il ne s’entaillera pas. Finalement, j’arrête le jet d’eau, ouvre la porte et me saisit d’une grande serviette qui représente une sirène sexy.

« Dis donc t’es pas mal comme nana ! Si t’étais pas ma belle-sœur ! Je crois bien que…

— Que quoi ? Et puis ma sœur est plus jolie, je minaude.

— Non, franchement…

— Tu t’enfonces ! » Je lui pose un doigt sur les lèvres.

Provocante, je m’essuie puis noue délibérément la serviette en dessous de mes seins. Éric, silencieux, m’observe dans le miroir embué tout en finissant de se raser. Je pense que le reflet est trop ennuagé, car il se retourne délibérément vers moi.

« Allez, finis de te raser, je chuchote. »

Éric reprend son activité et je me colle à son dos, j’entoure de mes bras son torse. J’aime les odeurs de rasage et j’aime sentir son corps. Il prend son after – shave que je respire avec délice et s’en humecte les joues. Il esquisse une petite grimace. Sans doute que l’alcool brûle les égratignures qu’il s’est faites. Je l’embrasse sur la joue et nous nous séparons pour nous habiller.

Je le rejoins à la cuisine. Il prend son café sans aucune viennoiserie, à croire qu’il en est écœuré, à force d’en préparer. Ou plus simplement il veut garder la ligne, étant donné qu’il est souvent trop fatigué, en complet décalage jour/nuit, pour se traîner jusqu’à un club de sport. Éric prend soin de lui. Et moi aussi, je veille sur lui, à ma façon.

Le bourdonnement de la radio fait entendre les informations. Dans des lasagnes surgelées, on a retrouvé de la viande de cheval. Dans certains pays, on serait bien content de manger des lasagnes, viande de cheval ou pas. Pour le moment, je me suis vêtue d’un jogging confortable qui reste néanmoins féminin. Je prépare mon thé. A trois heures du matin, l’esprit, malgré une bonne douche, est toujours dans un état à moitié comateux. Un silence ouaté et lourd semble nous envelopper. Le moindre son se distingue facilement, le bruit d’une goutte, ou le choc d’une cuillère contre une tasse.

Mes parents ont travaillé ainsi des années, selon le même schéma, mon père au fourneau et ma mère au comptoir, sauf que, curieusement, cette dernière ne disposait pas des mêmes gourmandises que ses filles à part de bonnes joues qui lui donnaient un air enjoué et avenant de bon matin. Paola a sans doute aussi hérité de ce tempérament. Enfant, je me levais souvent la nuit et venais me coller contre mon père et chiper un peu de pâte pas encore cuite. Puis je retournais me coucher, le cœur béat de contentement. Finalement, au cours de notre vie, nous ne faisons que développer des motifs qui remontent à l’enfance, un peu comme les dessins fractals.

Je cligne des yeux et reviens dans le moment présent. Éric met sa tasse dans l’évier et la rince aussitôt. Encore un rituel qui lui permet de se concentrer sans se presser. J’aime ces moments d’intimité.

Dans l’atelier, Éric et Manuel, le pâtissier, s’affairent. Préchauffage des fours. Une chaleur bienvenue commence à envahir la pièce refroidie par la nuit. J’enlève mon sweat-shirt, et ne garde qu’un débardeur court qui dévoile mon piercing au niveau du nombril. Manuel est complètement absorbé par sa tâche, la pâtisserie est vraiment un art complexe qui exige beaucoup d’attention. Je vais de son côté et pique une cerise confite. Le côté sucré, la consistance, plaisent à mon palais. Il me sourit, complice. Simplement content de me voir égayer cet endroit, à cette heure-là de la nuit. Une bonne odeur mêlée de chocolat, de pâte qui lève, de beurre règne dans la pièce.

« Alors la belle, les études ça avance ?

— Ah tu sais, médecine, c’est pas facile. À la fin de l’année, concours, beaucoup resteront sur le carreau !

— Bah, je m’inquiète pas pour toi ! »

Il accompagne son geste d’une petite tape sur mes fesses, ce qui ne m’offense pas, y voyant plus une marque d’affection qu’autre chose. Jamais, je n’ai vu réellement dans ses yeux la lueur du désir. Manuel apprécie simplement ma présence, sans chercher plus loin. Il est d’origine espagnole et a une petite famille. La croix qu’il porte au cou ne me semble pas être pour lui qu’une breloque sans signification.

Je m’éloigne de lui et rejoins Éric qui travaille à l’autre bout de la pièce, il est en train de malaxer la pâte et de l’étendre en longs cylindres qu’il va couper en plusieurs parties.

« Tu veux m’aider ? me demande-t-il.

— Oh tu sais, je ne suis pas très manuelle, j’ajoute, inconsciente de mon lapsus.

— Ah oui tu es plus « Éric » ?

— Ah, hem… Je jette un coup d’œil autour de nous. Manuel est absorbé par ses profiteroles et en aucun cas, diverti par mes brioches. Oui, mon cher beauf, tu sais bien que je craque devant tes baguettes. »

Éric prend mes mains et fait rouler entre celles-ci les cylindres de pâtes. Il passe derrière moi et se colle contre mes fesses. Une chaleur m’envahit soudain et mes jambes tremblent. Ce diable me fait toujours autant d’effet ! Je sens sa bite qui enfle et qui semble me dire : euh… un message tout à fait explicite.

Je roule consciencieusement les pains pendant quelques minutes. Éric, hypnotisé, jouit de la vision de mes gestes appliqués. N’y tenant plus, je me retourne vers lui et caresse son entrejambe, à la recherche d’une viennoiserie traditionnelle.

« Virginie, on ne peut pas faire ça maintenant. On ne doit pas. »

Je m’éloigne de lui, je sais qu’il a raison.

Je gagne mon bureau aménagé et me concentre sur mon manuel de médecine. Je sens de temps en temps les regards d’Éric sur mon visage et mon ventre dénudé. Je fais mine de rien et m’absorbe complètement dans mon sujet d’étude.

Je remonte me coucher. Un peu de repos…

C’est l’heure de se préparer. Je me vêts d’une mini-robe noire et contrairement à mes habitudes, me chausse d’escarpins de la même couleur, alors que d’ordinaire j’enfile de petites bottines noires à lacets qui me donne un air vaguement gothique. Je lisse avec délice les nouveaux bas DIM. Tout ça n’est pas innocent, je sais ce que je veux. Je me maquille. Pas trop de fond de teint, je n’en ai pas besoin. Du fard à paupières, crayon noir pour accentuer la profondeur des yeux, du mascara qui rend mon regard encore plus captivant qu’il ne l’est. Un rose fuchsia sur les lèvres. Je pince mes lèvres et forme avec mes lèvres un cul de poule vers la glace. Je suis craquante. Et prête à prendre au piège la mouche de passage.

Ce matin, j’ai cours d’anatomie. Autant, les cours en amphi m’ennuient, autant les TD où l’on dissèque les cadavres me passionnent voire m’excitent de manière presque déraisonnable. Je me positionne sur l’aile gauche de l’amphithéâtre, un peu en hauteur, à l’abri des regards et surtout de l’attention du professeur, M. Duric. Notre professeur d’anatomie se distingue par une bedaine impressionnante et un teint presque livide, conséquence, j’imagine, des nombreuses heures passées en compagnie des cadavres. Il travaille aussi à l’institut médico-légal en tant que médecin légiste. Quand je regarde son ventre qui déborde de son pantalon, il me vient par association d’idées la peinture de Goya, « Saturne mangeant un de ses fils ». Vous savez, il s’agit de cette œuvre macabre où un géant monstrueux dévore le bras d’un corps dont la tête est déjà manquante. Le détail amusant, c’est que Goya l’a peinte pour décorer sa salle à manger. Ambiance. Je le connais un peu trop bien, M. Duric. Nous nous rendons parfois des services mutuels et je suis obligée de fermer les yeux pour remplir ma part du contrat. Bref. C’est un vieil amphi dont les bancs et l’estrade en bois sentent bon la cire. Ce qui s’est passé avec Éric m’a bien allumée.

Je croise mes jambes et vérifie que ma mini-robe laisse deviner le haut de mes bas. Pierre, un copain, ne va sûrement pas tarder à me rejoindre. Le voici ! Il scrute la salle à ma recherche. Généralement, je m’assois vers le centre. Quand il m’aperçoit enfin, il esquisse un sourire de connivence et se dirige vers un strapontin libre à côté de moi.

Je le laisse se pencher vers moi pour me faire la bise. Ses lèvres effleurent le coin des miennes. J’ai choisi Pierre, car il divertit des études parfois mortellement assommantes. De plus, il sait d’une façon subtile où se trouvent les limites et où chercher l’intensité. C’est un joueur, un bon partenaire que, du coup, j’ai envie de bichonner. Une denrée rare d’un goût précieux puisqu’il sait m’apprécier et ne pas demander trop. Un bon servant. Mais jamais un copain, je veux dire un amoureux.

Il s’assied, tandis que M. Duric arrive. Généralement le professeur fait mine de ne pas me voir. Il est tôt et presque la moitié de l’assemblée est absente. Tant mieux. Pierre jette un coup d’œil ravi sur ma tenue et semble s’interroger sur la raison de ma délocalisation à gauche. Il me jette un second coup d’œil auquel je réponds par un petit sourire. Il ne lui en faut pas plus pour comprendre mon envie.

Le professeur commence à débiter son cours, routine qu’il continue sûrement depuis des années et qui ne le motive plus outre mesure.

Alors que je prends des notes consciencieuses sur mon cahier, je sens la main gauche de Pierre qui s’appuie négligemment sur mon fauteuil et effleure ainsi ma cuisse. Je fais mine de rien mais ma bouche involontairement s’humecte et ma tension artérielle augmente légèrement tandis que la prunelle de mes yeux sans doute augmente de circonférence. Enfin. The game a débuté.

Pierre lui aussi paraît très concentré et se penche sur son cahier mais de telle manière qu’il se colle contre moi. Son coude se presse contre mon sein. Il me tient chaud.

Je me détends et le laisse pénétrer mon espace intime.

Le professeur détaille l’anatomie du foie et du pancréas sur une grande planche. Mon esprit tente de se focaliser sur l’enseignement tandis que je sens le manège de Pierre à mes côtés. Mon sexe s’ouvre d’excitation comme une rose le matin. Cette fois-ci j’ai envie qu’il aille un peu plus loin que d’habitude. Depuis peu, nous pratiquons ce jeu. Il ne se passe rien de plus que des gestes légèrement transgressifs, des effleurages à caractère sensuel prononcé. Rien de plus mais ça a le don d’animer nos journées parfois bien mornes ou fatigantes.

Ce jeu me vivifie, me met de bonne humeur et visiblement lui aussi. C’est bien le moins ! C’est une histoire de libido, d’énergie comme un dragon qu’on éveille ; le bon docteur Freud, tous les tantrika de la Terre ou encore les sorciers, le comprendraient sans difficulté. Je fronce les sourcils, paraissant me concentrer sur un point du discours de M. Duric. Celui-ci nous a posé une question à laquelle je n’ai prêté aucune attention. En réalité, les doigts agiles de Pierre ont entrepris de me caresser le haut de la cuisse. Je m’avance vers la tablette de manière à rendre moins flagrants les gestes de Pierre pour un œil extérieur. Dans l’amphithéâtre, personne ne fait attention à nous et semble soit attentif, soit être au bord du coma.

Le professeur nous glisse de temps en temps un coup d’œil qui me semble intéressé. Sûr qu’il n’est pas aveugle ce gros pervers. Peut-être cela le distrait-il. Il se retourne vers le tableau :

« Chères têtes brunes, j’ai pitié de vos cerveaux nourris à toutes sortes de vidéos abrutissantes et vous expose la solution. »

Pendant qu’il parle, Pierre se met à explorer ma cuisse et le dessous de ma robe. J’entrouvre mes cuisses ce qui a pour effet de coller celle de droite contre la jambe gauche de Pierre. Comme si un soudain afflux d’excitation le paralysait, sa main s’immobilise puis il caresse fermement le haut de ma cuisse laissé nu par le bas. Ma respiration s’accélère, la chaleur m’envahit.

Pierre doit sans nul doute exercer une contorsion sévère de son bras gauche pour opérer une telle inclination de sa main, qui plus est discrètement. Si vous avez l’opportunité, essayez, vous verrez !

Il prend plaisir à découvrir ce territoire inconnu et peut-être, plaisir supplémentaire, à savourer mon total accord en cet instant érotique. Pour pimenter plus le débat, je fais glisser discrètement mon coude vers ma cuisse surmontée de la main de Pierre puis doucement, je prends sa main et l’oriente plus en profondeur vers moi. Tout en accomplissant ce geste, j’observe son visage qui, d’un coup, ne semble pas loin de la rigidité cadavérique ou de la suffocation. Puis les couleurs reviennent sur son visage alors que je révisais intérieurement les techniques de premier secours.

Enfin, je sens le bout de ses doigts qui parviennent jusqu’à toucher le tissu de ma petite culotte. Va-t-il pouvoir accéder, non à la toison d’or, mais à mon pubis brun et légèrement duveteux ?

Le professeur, pendant toutes ces péripéties, a fini sa démonstration et se tourne vers nous, je veux dire, pas nous spécialement, tous les étudiants heureusement. Néanmoins, ceci a pour effet de stopper la progression assidue et passionnée de Pierre. Je sens bien que la tension ne se relâche pas et qu’il est bien déterminé à pousser son avantage. D’ailleurs le mouvement taquin de son majeur contre ma dentelle ne me trompe pas sur ses intentions coquines. J’ai envie de son doigt en moi. Je me trémousse d’excitation sur mon siège mais cet abruti prend ça pour une protestation. Sa main recule, bien sûr je ne me laisse pas faire et de mon coude je l’incite à reprendre sa position initiale.

Perverse, je me tourne d’un quart vers lui, et le fixe :

« Ta main est bien au chaud, non ? »

Pierre, décontenancé par mon impertinence, regarde son cahier comme si je lui avais demandé ce qu’avait dit le professeur, puis me répond :

« Elle pourrait être encore plus au chaud. »

Je ne dis rien, je n’ai pas envie de le rassurer par une parole approbatrice, cela diminuerait son excitation. Je rappelle tout de même que son bras occupe une position inconfortable, en tout cas bien loin de celle que l’on attend d’un étudiant studieux… mais elle lui permet de me toucher en toute impunité. C’est ce que le professeur paraît penser en nous regardant de plus en plus fréquemment. Aussi, je décide de lui faciliter la tâche en inclinant légèrement mon buste de manière à ce que ses caresses soient plus discrètes. Quant à votre servante, elle décide de s’incliner sur sa tablette en prenant soin que son buste prenne une position légèrement en diagonale vers la gauche de manière à rendre moins visible le mouvement lubrique de son copain. Décidément, je trouve ce début de matinée passionnant ! M. Duric, notre professeur, paraît réfléchir puis de manière inattendue nous pose une autre question. Le fait-il exprès ? Du coup, les étudiants plongent leur nez dans leur manuel pour chercher une éventuelle solution. Mon envie se décuple. Mais Pierre, comprenant l’avantage qu’il pouvait tirer de cette nouvelle opportunité, entreprend de me caresser le haut et l’intérieur de la cuisse. Même si c’est rendu malaisé par la torsion de son bras, j’avoue que c’est agréable et mes seins s’appesantissent sur son bras.

Les yeux de M. Duric, de temps en temps, se lèvent du manuel qu’il a lui-même écrit, et nous surveillent. Sa moustache en frémit, il me semble. En me détendant, j’écarte de plus en plus les jambes. Pierre profite de cette avancée en terrain conquis pour inspecter l’élastique de ma petite culotte. Je sens ses ongles qui soulèvent presque la dentelle. J’ai chaud. Enfin, ses doigts soulèvent le ruban et effleurent mes petits poils. Je retiens un gémissement d’excitation et me concentre sur une « poker face », je suis en mode masque, je ne laisse rien transparaître. Mais je veux qu’il me pénètre !

Pierre est obligé de se pencher de plus en plus vers moi pour permettre à son bras et sa main de m’explorer plus encore. Je sais que ça lui est difficile et, en signe d’encouragement, je presse mes seins contre lui. Il est devenu tout rouge depuis quelques minutes. Derrière moi, j’entends des chuchotis et des gloussements. Je m’en fous ! Et puis si ça se trouve, cela ne nous concerne pas. Le professeur quant à lui nous mate clairement, sans montrer ni réprobation ni excitation particulière. Je fais glisser d’une manière naturelle qui n’attirera l’attention de personne ma main vers l’entrejambe de Pierre qui se raidit à de nombreux égards sous ma caresse. Ça fait un peu trop longtemps que je n’ai pas eu la queue d’un homme (même jeune comme Pierre) entre mes mains, ou dans ma bouche, ou entre mes jambes.

Les doigts progressent et me tripotent franchement. C’est la première fois que nous allons si loin et ce n’est pas terminé, puisque M. Duric ne semble pas y voir d’inconvénient et que cela ne provoque pas de trouble à l’ordre public. Les lèvres de ma chatte deviennent toutes humides et d’autant plus quand Pierre a trouvé le chemin qui mène à la plage. Les vagues de plaisir m’inondent au fur et à mesure que le bout de ses doigts me pénètrent. Enfin ! Dommage qu’il ne puisse pas plus les enfoncer mais mon excitation est telle que je m’enflamme. Je ne peux m’empêcher de fermer les yeux une seconde, rien qu’une pour mieux savourer ce plaisir.

« Allez, arrêtez de faire semblant de réfléchir, le cours est terminé, vous verrez les solutions en TD avec M. Champfleury. »

Pierre enlève brusquement sa main. Terriblement frustrée, je me réajuste et range mes affaires.

Alors que je me dirige vers la sortie, M. Duric m’interpelle : « Mlle Meyeur, vous voudrez bien passer à mon bureau dans dix minutes ? Je vous ai trouvée un peu dissipée. »

Oh non !

Les talons de mes escarpins claquent dans le couloir. Je roule involontairement de mes hanches rondes, je le sens aux regards appuyés de la gent masculine qui me croise. Du coup, je ne peux me retenir de me balancer encore plus et de me sentir la bombasse du coin. Foutu instinct incontrôlable. J’arrive au niveau de son bureau. Sur la porte à la fenêtre fumée est inscrit : M. Duric, professeur émérite ». Ouais, je sais pas ce qu’il mérite, enfin si, hum, je le sais.

Je vais essayer de faire contre fortune bon cœur, après tout, ces moments avec Pierre m’ont sévèrement excitée et laissée complètement frustrée. Je suis en feu. Avec un peu d’imagination…

Je toque.

« Entrez !

— Ah, Mlle Meyeur, je vous attendais. » me dit-il avec un regard lubrique. Il ne m’a jamais appelé Virginie, sans doute que ça l’excite plus de se faire sucer par une « demoiselle ». Au lieu de me contracter sous son regard pervers, j’en accepte tout le vice. Je dois être bien mouillée.

M. Duric, Robert de son prénom, se soulève de son fauteuil et vient fermer la porte à clé. Je reste debout sagement. Je suis sûre qu’il apprécie cette attitude docile. Je salue « Casper ». C’est ainsi que j’ai surnommé le squelette en plastique, droit debout, qui surveille la pièce de son regard vide. Pendant ce temps-là, Robert tout à son affaire, pousse son fauteuil à roulettes de professeur émérite devant son bureau.

Je baisse le haut de ma robe révélant mon soutien-gorge en dentelle de tulle noire bien rempli par mes seins. Robert s’assoit sur son fauteuil et me sourit. Sa bedaine me cache son entrecuisse d’autant que ma vision est plongeante. Je ne hais point M. Duric. Au moins, il assume ses perversions et fait en sorte de les satisfaire avec une volonté plaisante et sans irrespect. On est dans l’échange de bons procédés.

« Robert, j’aurais besoin du passe qui permet d’accéder à la morgue pour demain soir. »

Hé oui, moi je l’appelle par son prénom, chacun son plaisir.

« Très bien jeune fille, vous connaissez le tarif. »

Il écarte ses grasses cuisses habillées d’un pantalon en velours de vieux garçon. Je m’agenouille et ouvre sa braguette. Son ventre est si gros qu’il m’est malaisé de voir sa belle limace. Car Robert possède un membre qui pourrait rendre jaloux des jeunes hommes de physiques plus agréable. Il avance ses grosses fesses pour me faciliter la tâche. Je caresse ses couilles et un rictus de satisfaction détend ses traits. D’un coup, il retrouve un regard d’enfant. Il est tout à son bonheur et ça me fait plaisir. Plus rien n’existe que moi et les caresses que je vais lui prodiguer. Je saisis son pénis et le branle doucement. La limace se raidit et gonfle entre mes mains. Le gland violacé surgit du prépuce qui sous l’érection se retrousse. Merveille de la nature. Heureusement, Robert, le matin, se lave avec un gel douche parfum vanille puissant. Du coup, en faisant abstraction du reste, sucer devient un plaisir gourmand. J’approche mes lèvres du sexe bien tendu et le prend dans ma bouche tout doucement. Hmmmm… C’est bon. Robert lâche un fort soupir de plaisir. Aucune inhibition, aucune résistance ne l’agite. Mes mains s’appuient sur ses hanches et ma bouche gobe le plus profondément possible son pénis. Au début, j’avais du mal, car mécaniquement en touchant la glotte, cela donne envie de vomir, mais j’ai appris à dominer ce réflexe. Robert, comme n’importe quel homme, adore quand je fais ça. Mon professeur s’incline vers moi pour retrousser ma robe sur mes fesses. Je les dandine pour son plus grand plaisir. Il se concentre sur son souffle, expire longuement, pour ne pas venir trop vite dans ma bouche. Je sens pourtant son pénis qui enfle démesurément. Vas-y Robert. Quant à moi, une envie d’autre chose commence à me traverser l’esprit et mes reins, bouillants comme de l’eau sur une tôle surchauffée, sont affamés. Je le tète avec voracité. Robet râle de contentement. Il va lâcher son foutre. Je m’arrête. Robert, désappointé, prend ma tête dans sa main dans le but que je finisse mon travail. Mais non ! Je me dégage énergiquement. Je me plie en deux, les coudes et avant-bras posés sur bureau, dos cambré, postérieur relevé.

« Robert, finis-moi ! »

Robert, bien sûr, n’a pas le choix, l’envie d’éjaculer est trop forte en lui, il ne pense plus qu’avec sa bite. Je n’ai pas de préservatif mais heureusement, il m’a montré avant sa première pipe des analyses de sang qui m’ôtent tous scrupules. Je fais glisser mon string noir le long de mes jambes et il m’enfile d’un coup. Ma fente est tellement mouillée, c’est un vrai bonheur de se sentir aussi bien remplie et cognée. Son gros ventre se pose sur mes fesses et mon dos tandis que ses mains potelées s’agrippent à mes épaules. Et, ce que je n’aurais pas cru, le contact de cette chair grasse m’environne d’une chaleur très agréable. Il ne peut bien sûr, vue sa corpulence, me besogner comme un lapin, du coup il se concentre sur de longs coups de bûcheron qui font frémir tout ma colonne vertébrale depuis le sacrum jusqu’à mes cervicales. Il explose, et je me remplis de son sperme. J’adore. Je gémis sourdement comme une louve et remue mes fesses pour bien le traire jusqu’à la dernière goutte.

Je me retourne vers M. Duric dont le visage devenu tout rouge sue à grosses gouttes. Sa limace s’est recroquevillée sous sa bedaine. Nous nous rhabillons. Il fouille dans un tiroir puis me tend le passe.

« Vous l’avez bien mérité, Mlle Meyeur. N’oubliez pas de me le rendre. »

Oui, Robert, professeur émérite.

Fin des cours qui se terminent en milieu d’après-midi heureusement. Je rentre directement à la maison, pas mal de matières et d’exercices à potasser.

Je retrouve Éric affalé sur le canapé en train de regarder « Enquêtes criminelles ». Ses yeux sont mi-clos, pas loin d’être vitreux. Il doit lutter désespérément contre le coup de barre comme il le fait chaque jour sauf le dimanche et le mardi, jours de congé. Car s’il se laisse aller à dormir l’après-midi, il ne dort pas la nuit. Ses prunelles bougent vaguement quand j’arrive. Déterminée à le secouer, je le pousse, me serre contre lui, prends son bras et le mets autour de mon épaule. Au final, je le pince. Il me répond d’un « aïe » sans grande intensité.

« Tu regardes quoi ?

— Ben tu vois bien !

— Pfff, d’accord, mais ça raconte quoi ?

Éric me lance un coup d’œil, semblant me dire « mais qu’est-ce qu’elle me fait chier celle-là ? j’étais peinard ! » puis se ravise en faisant glisser familièrement sa main vers mon sein.

— Une affaire incroyable : l’affaire Cabard et Micheton ou Mique… Miquelon, je sais plus. Bref. C’était un barbier, le mec, il tuait ses victimes avec un rasoir avant de partager les cadavres avec un copain pâtissier qui en faisait des pâtés !1

— Woooah, le réel dépasse la fiction. »

Ça nous laisse rêveurs tous les deux. Pendant ce temps-là, la main d’Éric caresse mon sein de manière éhontée ce qui m’incite à me rapprocher encore plus de lui et incliner ma bouche vers la sienne. L’attirance devient trop forte. Paola est sans doute à l’étage en train de se reposer. Éric finit par demander :

« On se demande pourquoi ces gens-là tuent ?

— Pour le plaisir, je pense… Il n’y a pas vraiment de mobile. C’est comme Hannibal Lecter !

— Le plaisir n’est pas forcément moral, hein ?

— Oui, et peut-être est-il d’autant plus fort ou fascinant qu’il ne l’est pas.

— Jusqu’à perdre notre âme, finit Éric d’une voix un rien envieuse. Comme si cette noirceur entrevue le subjuguait, l’attirait très fortement.

Nos visages sont très proches et l’attraction palpable. Je glisse :

— Et l’attente peut être délicieuse.

— Oui… »

Nous entendons Paola qui descend de l’escalier. Je me décolle de mon beau-frère et sa main regagne une position moins explicite. Le visage de Paola se creuse de jour en jour et sous son bronzage, made in salon d’UV, perce la hideuse figure de la grande faucheuse.

Ma sœur se dirige avec un faible sourire vers nous et se laisse tomber sur le canapé :

« Alors qu’est-ce que vous regardez ?

— Enquêtes criminelles ! Mais, c’est terminé. Bon on se mate « Un dîner presque parfait » ? » enchaîne Éric.

Me voilà pressée contre mon beau-frère avec la sensation du corps moelleux et parfumé de ma sœur, appuyé à mes côtés. Nous regardons l’émission sans trop parler dans la plus agréable des torpeurs. Après un temps d’hébétude, Paola me glisse à l’oreille :

« Sœurette, je me sens vraiment pas bien depuis quelque temps…

— Tu as été voir le médecin ?

— Oui, il pense que je fais une anémie. Il a demandé des analyses de sang, on aura les résultats la semaine prochaine.

— Bon, on va attendre tranquillement, d’accord ? »

Je l’entoure de mon bras et Paola s’alanguit contre moi, en partie rassérénée.

Il est tard la nuit, l’heure où la chouette hulule et la chauve-souris part en chasse. Paola et Éric doivent dormir du sommeil des innocents. Face à mon miroir, j’ai allumé trois bougies et un bâton d’encens. Je suis nue, assise sur ma chaise recouverte d’une serviette. Je me suis tatouée des signes cabalistiques sur tout le corps à l’aide de mon crayon noir. Il y a quelques instants, une danse démoniaque animait tout mon corps, mon esprit possédé par de noirs desseins.

Sur le bureau est ouvert un livre à ne pas mettre entre toutes les mains, pas entre celles des biens pensants et autres personnes ennuyeuses que la moralité écrase sans même qu’ils s’en rendent compte. Oh non, je ne suis pas fréquentable, et en cette heure moins que jamais. D’ailleurs, si j’avais un conseil à vous donner, levez votre tête, arrêtez de me lire si vous ne voulez pas que je vous empoisonne. Moralement parlant.

« Les portes d’Euphoria » tel est le titre du livre en question et ça n’a rien à voir avec le monde de Narnia. Les démons les plus vicieux, les maléfices les plus meurtriers hantent ses pages et nous décrivent Euphoria, terre du chaos, de la liberté et de la licence la plus totale. Il est l’œuvre d’un auteur anonyme, une sorte d’anti-thèse d’Hermès Trismégiste, un sorcier, un mage noir qui a réussi à nous communiquer dans ces pages incendiaires venues d’un autre monde sa connaissance interdite.

Je trempe des sachets de thé noir du Tibet dans un récipient métallique rempli d’un liquide incolore, inodore, mélange d’eau et de ricine tout en psalmodiant des paroles taboues. Ces incantations n’augmentent pas l’efficacité du produit mais me transforment petit à petit en agent infernal. Les sachets vont rester à mariner toute la nuit puis je les laisserai sécher le jour. Je placerai ces nouveaux sachets dans l’armoire du haut de la cuisine. En ce moment, Paola connaît une période tibétaine comme il y a quelque temps, elle s’intéressait à la culture hippie et aux champignons hallucinogènes. Paola voyage beaucoup, au moins dans ses rêves. Et Éric boit du café.

Dans le miroir, un beau petit bout de femme aux cheveux longs ondulés et aux seins pointant, me contemple et sourit en dévoilant des canines pointues. Certainement qu’elle prend soin de les limer de temps en temps, cette créature de Satan.

J’entreprends une incantation de clôture et je gagne mon lit. Nul doute que mes rêves seront animés par des loups-garous voraces aux pénis proéminents.

**

Je me réveille. Je me sens en forme. Cette nuit, je ne me suis pas levée en même temps qu’Éric. Douche, déjeuner. Je m’habille. Robe, bas en laine, bottines, le tout en noir jusqu’au bout des ongles et des cils. Parfum : Poison. J’accroche mon pendentif orné d’un pentacle entouré d’un cercle autour de mon cou. Il trouve parfaitement sa place dans mon décolleté qui sinon exhiberait généreusement mes seins. Tout ça met en valeur ma peau laiteuse nourrie au lait d’ânesse, non je vous taquine. J’enfile un manteau noir que je cintre autour de ma taille. J’ai hâte de retrouver Pierre et de l’envoûter par des propositions ignominieuses. Lecteur MP3 dégainé, Sister of Mercy dans les oreilles, la sorcière est de sortie.

« Tu plaisantes !

— Non, et tu n’es pas encore au bout de tes surprises ! »

C’est ainsi que Pierre avait accueilli ma proposition. Finalement je l’avais convaincu ou disons, mes attributs et son imagination avaient fini de le persuader. Il faut savoir préparer le terrain et puis appuyer sur les bons boutons.

L’odeur méphitique du formol envahit nos narines et des rangées de placards métalliques nous entourent. Je lui ai donné rendez-vous après nos cours à la morgue au sous-sol de la faculté. C’est là qu’ils entreposent les cadavres qui doivent servir au cours d’anatomie.

Pierre approche ses lèvres pour cueillir ma bouche. Auparavant, j’ai suçoté un bonbon m’assurant ainsi d’une haleine parfumée à la fraise. Royal, non ?

Je le repousse, les conditions ne sont pas encore tout à fait réunies pour que notre orgie à deux puisse commencer. Je pose mes mains sur sa poitrine et le repousse légèrement. Il est dans un tel état d’excitation que je sais ne pas devoir le frustrer sinon ça pourrait mal tourner.

« Attends, je suis à toi, mais j’ai quelque chose à te demander…

— Quoi ?

— J’ai un fantasme…

— Hmmm ? Pierre me dévisage, contrarié et vaguement inquiet. L’esprit de jeu a déserté son esprit, et il n’est plus tendu que vers la satisfaction de son désir.

— J’aimerais pouvoir t’appeler Éric.

— Quoi ? – Surpris, il recule, puis voit que je suis sérieuse – Après tout, s’il n’y a que cela pour te faire plaisir… Il sourit. D’accord mais alors en contrepartie, est-ce que je peux t’appeler Florence ?

— … Bien sûr. » Je réponds d’une voix à peine audible, mon corps déjà enjôleur.

Je sors un bandeau noir de la poche puis dénoue la ceinture de mon manteau, me révélant dans toute ma splendeur (votre servante n’est pas forcément très modeste). Monsieur n’a qu’à se servir. Pierre m’embrasse pendant que je ceins le bout de tissu autour de mon crâne me rendant aveugle.

Nos lèvres se chevauchent longuement, l’attente a ça de bon qu’elle décuple le désir. Il n’y a rien à forcer, nous sommes simplement emportés par une force électrique qui nous embrase.

Au lieu de Pierre, j’imagine Éric et c’est encore meilleur. Je l’entends qui murmure « Florence » de temps en temps comme s’il pouvait ainsi rentrer dans son fantasme qu’il n’aurait jamais pensé réaliser. Mes mains parcourent son corps, je défais sa veste en cuir. Ses épaules me paraissent larges et musclées. Les mains d’Éric parcourent mes hanches, mes fesses, mes seins, sa tête s’enfouit dans mon cou et sa bouche me dévore.

« Éric… »

Je suis collée contre la porte d’un placard et sa poignée me rentre dans le dos. De la main, j’ouvre un tiroir et demande à Éric de tirer un cadavre au-dehors. Je sens l’odeur douceâtre d’un corps mort. Un sentiment de « no limit » nous gagne. Ma main se pose sur un sein froid.

À cette heure-ci, les sous-sols sont déserts, déjà qu’ils ne sont pas souvent fréquentés. Bien sûr notre présence, sans même parler de nos ébats naissants, en ces lieux sont formellement interdits.

J’entends Éric qui ouvre un nouveau casier et tire un chariot.

« Viens par là… »

Mon beau-frère me tire par la main, me soulève par les aisselles. Il me dépose sur une planche métallique que je réchauffe bien vite de mon postérieur, vu que j’ai le feu aux fesses. Par l’ouverture de mon décolleté, il caresse mes seins d’abord doucement puis plus sauvagement. Mon soutien-gorge ne tiendra jamais. Heureusement le jeu de ses lèvres reste sensuel, un vrai délice. Il retrousse ma robe sous mon cul pendant que je défais sa ceinture. Son pantalon tombe et le ceinturon cogne sur le sol. Froissement d’étoffe, son boxer qu’il enlève, j’imagine. Déchirement d’un emballage. Pour vérifier, je prends ses hanches puis mes mains s’aventurent jusqu’à son pénis couvert d’un préservatif.

Ah, monsieur est en forme. Ça fait plaisir et ça me donne envie. Monsieur est pressé, moi aussi, ça tombe bien. Il me bascule sur le chariot et prend mes jambes à son cou. Et là… je le sens qui presse le bout de son membre contre ma rose à peine humide. Le début d’effraction se fait en douceur et le va-et-vient aidant, le piston de la machine s’en trouve correctement lubrifié. De la fumée commence à sortir de nos narines. J’halète tandis que des grincements métalliques envahissent la chambre mortuaire. Va-t-on réveiller les morts ?

« Florence, Florence… » balbutie-t-il. Je sens que rien que le fait de prononcer ce nom l’excite et qu’il est au bord de la jouissance, d’autant qu’après une accalmie, son rythme augmente dangereusement.

« Éric, Éric… », et là je sens la boule de chaleur qui se forme et envahit tout mon corps. Je resserre la prise de mes jambes autour de son cou et l’asphyxie légèrement. Ses mains agrippent mes hanches tandis qu’il me besogne dans un ultime sprint qui me fait perdre la tête. Éric lâche son foutre et je pousse un hurlement. Je n’ai pas réfléchi, je ne me suis pas contrôlée. Heureusement, seul le silence nous répond.

« Putain… »

Oui d’accord avec lui, difficile d’être poétique après une telle envolée. Putain…

Vendredi, au-dehors, l’astre de la nuit est dans une phase croissante. Je l’avais bien cochée dans mon calendrier lunaire. En plus je suis dans ma période menstruelle. Tout est réuni pour que ma mixture ait le maximum de pouvoir. J’ouvre mon grimoire, rempli de recettes malfaisantes. Je parcours les lignes écrites à l’encre rouge que je connais par cœur. Concocter ce philtre d’amour est un jeu d’enfant ou plutôt de garce démoniaque.

J’ai allumé cinq bougies pour y voir mieux et brûlé de l’encens de santal – j’adore cette odeur. Le miroir quant à lui est le témoin impassible de mes opérations ténébreuses. Je serai la plus belle, oui, pour le cœur d’Éric !

Théoriquement pour toute opération d’envoûtement (tendez bien l’oreille, aujourd’hui c’est moi la prof), il faut une photo d’identité qui permettra de bien visualiser notre victime. Dans le cas présent, je n’en ai nul besoin, étant donné que tous les jours, je vois Eric et qu’il y a peine trois heures, il me caressait les fesses.

Je me déshabille et me dresse nue dans la pièce. Je ferme les yeux et entame une danse langoureuse. Je m’oins les mains d’une huile essentielle à l’ylang-ylang. Je me caresse en imaginant que les mains de mon beau boulanger me parcourent et qu’il me prend dans son atelier avec une bonne levrette. Bientôt l’excitation m’envahit et une sueur qui ne trompe pas me rend toute moite. Ma main droite se dirige vers mon intimité, et mes doigts humides caressent mon clitoris. La jouissance m’envahit. Parfait.

Lucide malgré tout, je saisis ma pince à épiler et comme le recommande le livre, j’arrache trois poils de mon pubis puis trois sous mon aisselle gauche. La douleur se mêle à la volupté. Je m’immobilise et me calme. Dans le miroir, j’ai l’air d’une folle. Je mets les poils dans une jolie coupelle en porcelaine. Je prends une aiguille à coudre que j’avais disposée sur mon bureau et me perce le majeur gauche. Trois gouttes de sang, d’un sang bien cramoisi, sur les fils noirs de mon intimité. Parfait, je vais laisser sécher et demain je continuerai le rituel. En attendant, direction le lit, mes jours et mes nuits sont bien remplis !

Éric m’a rapporté que Paola était de plus en plus faible. Parfait. Tout fonctionne comme sur des roulettes. Je ne la vois guère en ce moment.

C’est la nuit et je continue tranquillement mon opération. Je fais chauffer une plaque métallique au-dessus d’une bougie allumée et j’attends que le métal soit bien rouge. Pour dissimuler l’odeur, un charbon d’encens de rose brûle. Tandis que la plaque chauffe, à l’aide d’une spatule, je récupère les poils et le sang séché et projette les ingrédients sur le métal rougeoyant.

J’observe l’amalgame qui grésille et finit par se réduire en cendres. Je récupère la précieuse poudre grise. Cette nuit, à trois heures du matin, c’est-à-dire dans moins de deux heures, je préparerai le café d’Éric qui sera content de cette charmante attention, et nous le boirons ensemble. Bien sûr au préalable, j’aurais mélangé avec le café la précieuse poudre 2. Et mon beau-frère sera en mon pouvoir.

Les jours passent et oscillent entre rituels de magie noire et partie de jambes en l’air avec Pierre. Nos hurlements affamés animent les couloirs lugubres de la morgue.

Je me gorge de vie et d’instinct de mort. Les forces de Pierre s’amenuisent.

Paola ressemble de plus en plus à une morte vivante. Les médecins parlent d’un « syndrome anémique hélas inéluctable ».

Dans le bus, mon portable sonne joyeusement ; la musique d’une chanson de Sepultura arrache quelques trilles et les visages autour de moi m’auscultent soit d’un regard amusé ou au contraire agacé. C’est un texto et les notes s’éteignent rapidement. C’est un message d’Eric.

« Paola est morte… Je suis bouleversé, viens dès que tu peux. La police est ici. »

À lecture du message, j’esquisse un sourire. Le « Je suis bouleversé » est un code dont on a convenu pour m’informer que mon beau-frère avait bien eu le temps de supprimer toutes traces de preuves, notamment la ricine et les sachets de thé. Ne soyez pas surpris de la complicité de mon beau-frère, vous pensez bien que je ne vous raconte pas tout quand même.

La ricine a pour avantage d’être un poison indétectable lors d’une autopsie. Le démon m’a tellement envahi que je ne ressens que satisfaction et aucune sorte de remords. À moins que ma sœur ne vienne hanter mes cauchemars.

La police va sans nul doute demander par acquit de conscience une expertise médico-légale et je vais demander à mon cher docteur Duric de s’en charger. Histoire qu’il me réserve les bons morceaux. Par contre, en termes de contrepartie, je crains de prendre cher.

« Tiens, je t’ai rapporté un peu de viande… de la morgue.

— Cool, je vais la mettre tout de suite au réfrigérateur. Manuel s’en servira pour les pâtés en croûte. Les clients vont se régaler. »

Eric, sans s’émouvoir, prend le sachet en plastique et descend vers l’atelier. Je le suis… Il est à moi. Cette nuit, je continuerai ma production de philtres d’amour.

En attendant :

« Viens par là ma coquine, que je t’enduise de farine et que je t’enfourne bien profondément. » Il me désigne le grand établi en bois et a déjà ouvert un grand sac de farine.

Miam, Miam.

Il remarque mon nouveau parfum et me demande son nom. Philtre d’amour de Guerlain. Évidemment.

Demain, je me fais tatouer un lys noir sur l’épaule droite, je le mérite bien.

1Affaire véridique, source wikipedia : h**p://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_d%27affaires_criminelles_fran%C3 %A7aises

2On trouvera la recette de cette coction ici : h**p://sorcellerie.perso.sfr.fr/pages/Forcez_son_amour_avec_quelques_gouttes_de_votre_sang.html

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