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CHAPITRE 2

LE HASARD

  • Sérieusement mec, dépêche-toi.
  • Je fais de mon mieux, mais tu me mets une de ces pressions que j’en perd la tête.
  • On n'en serait pas là si tu avais au moins le sens de la ponctualité.

 Nous y revoilà. C'est le même discours chaque matin. Il y a que je suis en retard de quelques minutes, 30 minutes pour être précis, et monsieur en fait toute une scène. Franchement ça en devient presque insupportable. N'empêche que cela me profite bien parce que sans lui pour me rappeler incessamment que je dois me dépêcher, je crois que je serais encore au lit à l’heure qu’il est ; pas que je sois un marmotte, loin de là. C'est juste que j'ai une de ses paresse les matins, le genre de paresse qui t’incite à vouloir rester au lit le reste de la journée mais nous sommes à Cotonou, et qui dit Cotonou dit dépenses, qui dit dépenses dit argent et qui dit argent dit travail. Pas le temps de paresser surtout pour un jeune comme moi.

  Et oui nous sommes Lundi matin, début de semaine, jour de travail. Les week-ends ont été particulièrement mouvementés pour moi surtout quand je repense à ce coup que m'a fait Marzouk. J'en reviens toujours pas. Moi qui pensait qu'il voulait se la couler douce en soirée, monsieur m'avait réservé une de ses surprises et pour une surprise, ça en était une. Ashley, oui cette fameuse cousine que j'étais censée séduire et puis cette Kalicha. Cette fille avec sa langue de vipère, quelle effrontée celle-là. J'en ai encore la boule au ventre quand j’y pense mais bon je vais pas me pourrir ma semaine avec la pensée d'une soirée moyennement satisfaisante. Après tout c'est ma précieuse semaine où je pourrais baiser, niquer, savourer la chatte d'Anita dans tous les sens du terme. Qu'il vous souvienne, mon ami et moi avions fait un gage. Je l’aidais à approcher Kalicha, il m'arrangeait un coup avec Anita. Peu importe que ce soit lui qui ai tout manigancé, un gage reste un gage et je compte bien le lui faire rappeler.

  • Tu fais chier mec. Écoute si tu ramènes pas tes fesses dans les secondes qui suivent, je peux te jurer que tu viendras au boulot en taxi. C’était Marzouk qui venait de me faire sortir de mes pensées en ces termes. Il avait élevé sa voix suffisamment fort pour que je comprenne la profondeur et la sincérité qui émanait de cette phrase mais j'aimais bien le charrier alors je lui ai répondu :
  • T'oserais pas. Je savais au fond qu'il en était capable mais j'étais bien tenté de le pousser dans ses derniers retranchements.
  • Tu veux parier ?

 Le regard qu’il me lançait voulait tout dire. Je me suis donc plié à ses exigences. J'ai finalement pu me préparer du moins fini de me préparer alors j'suis passé devant lui, mon sac au dos prêt à en découdre avec la nouvelle journée de travail. Marzouk et moi avions une amitié si fusionnelle à telle enseigne qu'on avait jugé meilleur de trouver un boulot dans une même institut ce que heureusement fut le cas. Aujourd’hui nous travaillons tous deux en tant qu'associés séniors à la Société Bobitom Tourismes. C’est comme son nom l'indique, la grosse boîte de tourisme à l'échelle nationale. Nous avons tous deux nos permis de conduire mais il aime bien conduire alors je lui laisse jouir de son plaisir. C'est la seule chose dans laquelle l’altruisme de mon pote n'a pas d'égale.

 Nous voilà donc tous deux en direction de notre véhicule commun ; moi vérifiant mes derniers messages de la vieille auxquels j'ai pas répondu. Mon pote par contre lui semblait bien plus heureux vue qu'il était entrain de passer un appel avec devinez qui ? Kalicha. Bien sûr que c'est elle. Totalement ridicule cette histoire aussi bien que le supposé << amour >> qui semble vouloir naître si ce n'est déjà le cas.

 Mon portable se mit à sonner. C'était Anita. Ça s'annonce bien pour moi cette nouvelle semaine.

  • Bonjour Anita

J'avais fait exprès de préciser le nom d'Anita pour avoir l’attention de mon ami et cela semble marcher vu qu’il était toute ouïe. J’en était sûr.

  • Chéri raté, comment tu vas ?

J'avais voulu la charrier un peu alors je lui ai répondu en ces termes.

  • Il va bien mais cela aurait pu être mieux.
  • Toujours à te plaindre toi.
  • Quoi ? C’est comme ça tu me vois ? Sympa ta remarque.
  • Oh j'ai vexé mon petit chou ce matin, bon bah considère cela comme l’annonce d'une bonne journée.
  • Mouais, je vais faire ça.
  • Tu passes ce soir ?

C'est toujours comme cela avec elle. Elle me demande de passer pour qu'à la suite nous passions la soirée devant Netflix sauf que moi j'en veux plus, beaucoup plus qu'une simple série. Bien sûr je parle pas d'amour, comment oserais-je d'ailleurs ? Je parle d'une nuit entre adultes où l'on pourrait unifier nos corps sous la couette avec une mélodie somptueuse de gémissements. J'en bave déjà rien qu'à y penser parce qu'il faut se l'avouer, le cul de cette nana me retourne la tête. J'en perd presque le sommeil.

  • Je sais pas, je suis pas sûr d'être disponible ce soir.
  • S'il te plaît, et puis j'ai une surprise pour toi.
  • Est-ce que cela implique de te voir twerker pour moi ?
  • Ohlala t'es trop embarrassant Martin mais non.
  • Alors je viens pas.
  • T'es sérieux là ?
  • Très. Écoute je suis en retard là pour le boulot. On en reparlera plus tard.
  • Non non non Martin ….

Je l'avais pas laissé continuer sa phrase que j'avais déjà raccroché ; pas question que je la laisse me dissuader avec sa voix de chien battue. Il y a Marzouk qui me fixait avec un sourire aux coins des lèvres.

  • Ça parle de moi, non mais sérieusement tu t'es regardé ? Tu es complètement à l'ouest avec cette fille.
  • Je l'aurai sa chatte. Et puis t'étais pas censée m'arranger un coup avec elle toi en guise de gage ?
  • Tu y as cru ?

Je venais de lui lancer un regard noir déjà que j'ai eu assez de mal à approcher cette fille. Marzouk ne semblait pas par contre du même avis et sa réponse tenait à me le préciser :

  • C'était un gage gagné d'avance. J'avais juste voulu te mettre un peu en rogne avec sa cousine et quoi de mieux qu'une bonne motivation ?
  • Sérieusement ça se fait pas mec de promettre ce genre de truc à son frère et de décliner le jour d'après.
  • Mec parlons sérieusement, elle t'a friendzoné cette Anita. Pourquoi veux-tu absolument forcer les choses ? Y’a pleines d'autres filles frangin et puis il y a cette Viviane qui te rôde autour. Tu pourrais te la mettre dans ton lit ce soir si l'envie te prenait mais non, monsieur préfère risquer de vouloir niquer une chatte qu'il n'aura peut-être jamais.
  • Primo, qu'Anita m'est friendzoné ou pas je m'en moque. Je suis pas parti pour être amoureux. Secundo il n'y a que sa chatte qui m'intéresse. Bien sûr, j'aime sa personnalité et c’est une super amie mais avoue qu'entre potes on peut se permettre certaines conneries.
  • Je sais pas de quoi tu parles frère.
  • Tu l’as entendu, je n'en demandais pas plus enfoiré.

Cette manie qu'il avait à me jouer l’amnésique en pleine conversation avait le don de m'irriter et il en était conscient, cela ne l'empêchait quand même pas de me faire le même coup à chaque fois qu'il en avait l’occasion. Bon il fallait mettre terme à cette conversation et on était suffisamment en retard pour vouloir prendre un petit déjeuner. On le fera plus tard, pour le moment nous devons tâcher d'arriver à l’heure ou du moins ne pas arriver très en retard.

***

On est au boulot il y a plus d'une heure. Bien sûr qu'on est arrivé en retard mais assez tôt pour devancer le patron. Le bémol c'est qu'il faut émarger l'heure d'arrivée et la responsable, parce que c'est une femme, est une dure à cuire. Pas moyen de la corrompre, aucun sauf un seul et son nom c’est Marzouk. Mon frère s'est plusieurs fois tapé la meuf. Elle est belle j'avoue, un énorme cul en plus. De quoi se faire désirer ; mon pote ne demandait que ça d'ailleurs. J'ai su pour eux parce qu'il me l'avait pas caché et aujourd’hui cela nous profite assez bien. On pouvait truqué notre heure d'arrivée ou de sortie, elle n'en dirait rien pourvue que mon frère assure avec elle comme toujours mais cela va bientôt nous poser problème d’ailleurs parce que monsieur est amoureux.

  • Donc comme ça monsieur a envie de voir Anita twerker pour lui.

  • Ah bon ? Donc comme ça tu prêtes oreilles à mes appels.

  • Ta voix était assez audible et t'étais à moins d’un mètre de moi alors désolé mec mais c'était entré tout seul dans mes oreilles.

  • Va leur faire avaler ça, pas à moi.

  • Arrête de fuir ma question, tu es à fond sur la fille.

  • Ça c'est pas nouveau pour toi mais reconnais quand même qu'elle a un corps qui mérite d'être scruté.

  • Dans toute sa profondeur en plus

Il l'avait dit avec un rire tellement moqueur que j'ai pas pu me retenir non plus. Nous sommes tous deux partis donc dans un fou rire après sa remarque.

  • Oui mais n'y pense pas trop non plus, il n'y a que moi qui ai accès.
  • Pour le moment t'es même pas capable de lui voler un baiser alors permets-moi d’en douter.
  • Je te ferai ravaler tes propos d'ici là.
  • J'en suis impatient mais pour le moment occupe-toi de la vieille dame qui arrive là-bas. C'est ce que tu sais faire le mieux.

C'est toujours comme ça, il me lègue les vieux et vieillards et lui s'occupe des jeunes, jeunes filles surtout. Nous sommes une grande boîte du pays et nous conservons les précieux vestiges des rois qui ont tant lutté pour notre pays alors on peut comprendre que les gens veuillent voir, toucher, entendre, comprendre la vie de ses valeureux souverains et de leur peuple. Cette vielle qui arrive, c'est Mamie Raissa, comme elle aime bien se faire appeler sauf que moi que je préfère l’appeler Mamie Behanzin. Drôle de nom j'avoue mais cette dame c'est la centième fois qu'elle vient juste pour se faire conter l’histoire de Behanzin. Elle m'écoute chaque fois lui conter les exploits de notre valeureux roi à commencer par la bravoure de ses vaillantes amazone, la grande réussite de la guerre d'Atchoukpa, la toute puissance qu'incarnait ce roi Behanzin. C'est une histoire que Mamie Behanzin savourait avec passion et j'avoue que l'attention qu'elle y accorde me touche énormément c'est pourquoi je faisais des mimiques à des moments donnés pour lui faire plaisir.

  • Bonjour Mamie.
  • Bonjour mon fils, ça va ?
  • Bien Mamie, et de ton côté ?
  • Pour une vieille comme moi, pouvoir faire une conversation est signe de bonne santé.
  • Oh arrête mamie, tu n'es pas si vieille que ça.
  • Il est bien flatteur ton compliment mon fils. Tu as toujours les bons mots.
  • Je pourrais devenir poète par excellence pour ma mamie adorée.

Je l'aimais bien cette dame. Elle a un corps fragile certes mais elle arrive encore à tenir sur ses deux pieds. Elle peine à marcher mais elle s'efforce. Son amour pour la culture est remarquable et j'aime bien cela en elle. C'est l'une de nos clientes les plus fidèles. Je crois que je l'estime au rang de la grand-mère que je n'ai jamais eu la chance de connaître.

  • Alors Mamie, prête pour l'histoire du roi Kondo ?
  • Je ne m'en lasserai jamais mon fils mais ce matin mamie préfère s'asseoir là et te tenir compagnie.
  • Pourquoi ? Mamie se sent pas bien ? Il y a un souci ?
  • Oh non mon petit mais merci de t'inquiéter pour ta charmante mamie.
  • Ravissante en plus.
  • Arrête tu vas me faire rougir.

Je l'aime bien cette mamie. J’ai jamais eu la chance de connaître la mienne mais je crois qu’avec cette vieille je ne regrette nullement. Certes j'aurais aimé connaître les miennes, parce que j'ai deux géniteurs bien sûr donc logiquement deux grand-mères, mais avec cette mamie je m’entends super bien. Assez bien qu'on se permet une conversation de jeunes amants :

  • Oh ta beauté en vaut le prix ma chère.
  • N'est-ce pas mon beau prince ?
  • Tout à fait. Quelle chance pour moi de pouvoir t'admirer. Toujours aussi resplendissante que la première fois que je t'ai connu.
  • Beaucoup plus belle tu veux dire.

J'en peux plus, cette mamie a de ses répliques qui me donnent le sourire aux lèvres. J'essaie chaque fois de repousser ses limites et elle se montre toujours à la hauteur de mes attentes. Je l’adore cette mamie. Quelle chance pour ses petits enfants de l'avoir. Mais curieusement, nous n'en avons jamais parlé. Nous avons longuement conversé sur bien de sujets mais jamais à propos de sa famille et réciproquement, elle sait rien de la mienne. D'habitude les mamies sont bien fouineuses mais elle en fait bien l'exception. Très ouverte d'esprit, assez sociable et toujours ce sourire charmeur même pour une vieille de son âge, je crois que l'homme qui a eu la chance de l'avoir à ses côtés a sans doute eu l'une des plus belles expériences de sa vie.

  • Tout à fait mamie. Tu es la plus belle.
  • Une vraie beauté.
  • Alors mamie, tu vas attendre longtemps ici ? Pas que ta présence m'indispose mais ça fait bizarre que tu viennes pour juste me tenir compagnie.

J'étais bien curieux de le savoir. Elle n'était jamais venue pour une raison de ce genre, c'était une première.

  • Ah mon petit, ta curiosité est des plus étonnantes mais pour la peine je te dirai ce qu'il en est réellement. J'attends ma charmante fille.
  • Bah voilà, je me disais bien que ta présence ici n'était pas anodin. Elle est où donc ta charmante fille ?
  • Parti faire quelques courses. Elle repassera d'ici là me chercher. Je te vois venir alors je tiens à te le préciser, je lui ai demandé de me conduire ici.

 Elle m'a scotché là. C’est vrai que je lui aurais demandé pourquoi êtes venu ici mais j'ai déjà ma réponse.

  • À présent les choses sont claires mamie, alors comment puis-je t’occuper ?
  • Tu n'en auras pas besoin mon fils car voilà ma ille de l'autre bout de la porte.

 Curieux de pouvoir connaître enfin l'un des membres de la famille de cette mamie que j'adore, je me décidai à regarder en direction de la porte. À peine ai-je décidé cela que j'entendis :

  • Me voilà mamie, j'espère que tu ne t'es pas ennuyée en mon absence.

Cette voix, je l'ai déjà entendu quelque part. Elle me rappelle quelque chose, un lieu, une personne. Elle me rappelle … Ashley.

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