Share

1. Retour aux sources

 

À peine son œil est-il ouvert qu’un semblant de lumière transperce son cerveau, lui assurant ainsi que le soleil est déjà bien haut dans le ciel. Il est tard.Comme chaque jour. Et pourtant, la nuit a été si courte. Elle soupire, se tourne et se retourne. Ses hanches craquent. Elle aura encore un peu de mal à marcher, mais c’est plus fort qu’elle. Elle ne peut pas résister à une bonne séance d’escalade. Dès qu’un rideau se présente, elle veut forcément y grimper.

Silence. Silence. Plop. Une goutte tombe. Puis une deuxième. Qu’est-ce donc encore que ce bruit ? Elle ne se souvient pourtant pas s’être levée dans la nuit pour ouvrir le robinet. Et il ne lui semble pas non plus qu’il y ait une fuite. Agacée par le bruit incessant, elle se lève, les cheveux en bataille et le reste de crayon mal démaquillé coulant sous ses yeux. 

Hmm… ce qu’il fait froid une fois sortie de la couette et de l’oreiller douillet. Un bon chocolat chaud et ce sera réglé. Des chaussons moelleux aux pieds, elle enfile son sarouel, son short de pyjama encore en-dessous, et passe la porte de la chambre, non sans se cogner au meuble. Que serait une journée sans bleu ? Hier c’était le coffre de la voiture, aujourd’hui ce sera la commode. Parfait ! Un brin ronchon, elle entre dans le salon. Oh ! Délicieux spectacle au réveil. Décidément, faudrait qu’elle arrête la beuh. Si dès le réveil, elle hallucine, c’est que ses neurones se sont un peu trop entrechoqués. Chassant l’image qu’elle vient de provoquer d’un geste de la main, elle désembue ses pensées et trace à la cuisine. 

Un peu de lait, une touche de cacao et le tout au micro-onde. Histoire de se réveiller un peu de vaisselle sale et « ting » ! C’est prêt. L’odeur est exquise. Une gorgée les yeux fermés pour mieux savourer et c’est le bonheur. Ça y est. Son corps se réveille. Mais un son étrange titille encore ses oreilles. Elle pivote légèrement vers la droite et se retrouve face au salon qui la sépare de sa chambre. Elle ouvre les yeux. La bouche encore pleine de boisson chaude, elle lâche sa tasse qui vient se fracasser sur le carrelage. Ses pieds sentent l’onde de chaleur sans pour autant qu’elle hurle à la brûlure. Un cri de stupeur est de toute manière bloqué au fond de sa gorge, empêchant ainsi tout cri de douleur. Elle n’en revient pas. Ce n’est donc pas dû à la weed d’hier soir. A-t-elle pris quelque chose de plus fort ? Elle ne se souvient de rien. Mais depuis combien de temps dormait-elle au final pour ne pas se rendre compte du goutte à goutte plus tôt ? Et surtout… comment restait-il encore de quoi goutter ? 

Son cerveau ne parvient toujours pas à exprimer avec des mots le tableau peint devant ses yeux. Il faut bien avouer que tout ce rouge s’apparente aisément à de la peinture. Finalement, les mots lui viennent. Un corps. Une corde. Une plaie. La tête en bas, les bras ballants, l’ouverture sous le menton, et une flaque vermeille sur le sol. Qui a bien pu égorger ce type dans son salon ? Non ! Sérieusement, il a ruiné son ménage. Minute. N’est-ce pas son étalon de la veille ? Disons que les griffures en moins en travers du visage, il est tout de même drôlement appétissant. Elle réprime un pincement de lèvres sensuel. Décidément, elle est incorrigible. Incapable de se tenir. Une fois remise de ses émotions, elle s’approche doucement. Elle le scrute avec envie. Son torse nu luit. Il est si beau, inconscient. C’est alors qu’il a un mouvement de sursaut et l’attrape par la taille. Elle pousse un cri de surprise. Qu’est-ce que c’est que ce bordel ? Il a ses derniers spasmes ? 

« Viens par-là ma belle », lui susurre-t-il.

Décidément, elle n’a pas fait que fumer hier soir. « T’en as trop pris… » Elle est dans un flou total. Il est vivant ? 

Comme si de rien n’était, il tire sur la corde qui le retient à la poutre du plafond et saute sur ses pieds, l’attirant plus près de lui dans un élan si rapide qu’elle a à peine le temps de respirer. 

« Ne me dis pas que tu y as vraiment cru ? »

Elle ne sait plus quoi dire. Elle ne comprend pas.

« C’est toi qui m’a dit que tu adorais les jeux de rôles. »

Toujours rien.

« Je t’ai dit que j’étais maquilleur professionnel sur des tournages de films fantastiques. »

Une boîte de sucre aurait été plus expressive.

Ne la laissant guère tergiverser, il glisse ses doigts entre ses cheveux qu’il tire en arrière, offrant ainsi son cou en proie à ses dents. Il la dépose sur le canapé, l’embrasse, l’embrase. Alors c’est désormais ainsi ? Elle est finalement devenue la nymphomane que tous avaient décelée depuis des années ? Qu’allait-il donc advenir ? Débauche, déchéance ? 

Son pouls s’accélère. Elle sent bien qu’elle est en train de perdre pied de nouveau. Sa tension en pleine montée, son cerveau aux bords de la rupture, elle se redresse telle une marionnette effrayante et le repousse violemment. Il la regarde, sceptique. À quoi joue-t-elle ? Elle se lève, les yeux vides. Elle le relève avec force et le plaque contre le mur. Il sourit. Il aime qu’elle prenne le dessus mais perd vite de son assurance lorsqu’il sent ses ongles percer lentement la peau de son cou. Il réprime une grimace. Soudain, la porte s’ouvreavec fracas. Un homme muni d’une arbalète entre en furie et se positionne face aux deux corps à peine vêtus.

« Ailec, lâche-le ! »

La poupée désarticulée penche la tête dans sa direction. Ses cervicales craquent. Ses yeux reflètent les ténèbres.

« Laisse-le partir. Il n’a rien fait. » 

L’homme armé s’approche lentement tandis qu’Ailec le fixe sans relâcher son étreinte. Il parvient finalement à son niveau et la prend dans ses bras avec précaution. C’est alors que le charme se rompt et qu’elle perd connaissance. L’autre inconnu, torse nu et totalement paniqué, attrape son sac au vol, enfile à la va-vite ses baskets et déguerpit en vitesse. Quelque chose laisse à supposer qu’il ne reviendra pas. 

« Vince, les autres nous attendent. » exprime un homme qui vient d’entrer dans l’appartement.

Vince soulève alors délicatement le corps inerte d’Ailec et la transporte jusqu’à la voiture garée sur le parking. Une fois déposée sur la banquette arrière, il fait signe à son collègue de patienter un instant, le temps de préparer un sac à la jeune fille. Elle risque de s’absenter un moment.

Ailec se réveille, à demi-consciente. Une secousse lui permet de réaliser qu’elle est dans une voiture qui file à vive allure à travers la forêt. Il fait presque nuit. Depuis quand roulent-ils ? Les yeux semi-ouverts, elle reconnaît Vince. Apaisée par sa présence, elle sombre de nouveau dans les ténèbres.

Palpant la matière qui s’étend autour d’elle, elle reconnaît les draps fins du Manoir. Seuls de pareils adeptes de la délicatesse et de la classe peuvent se payer un linge de lit aussi doux et soyeux. Pour le commun des mortels, cela serait bien trop onéreux. Elle émerge doucement, étirant ses bras au-dessus de sa tête. Une bien étrange matinée. Elle n’en garde que de vagues souvenirs. Pourquoi Vince est-il venu la chercher ? Et pourquoi l’avoir conduite ici ?

Elle regarde autour d’elle et observe cette chambre qui l’a autrefois si souvent vue dormir. Le grand lit à baldaquin en 160 contre le mur opposé à la porte d’entrée est couvert de rideaux violine. La fenêtre située sur la droite de la pièce est plutôt large et laisse amplement passer la lumière du jour – on peut y voir le parking et une partie de la forêt. Une armoire extra large pour accueillir sa garde-robe et un meuble à chaussures se trouvent sur le pan adjacent droit de la porte. Une coiffeuse à l’ancienne où reposent ses nombreux bijoux accompagne finalement sur le dernier pan une porte donnant sur une salle de bains munie d’une douche à jets et d’un jacuzzi. L’ambiance sombre donnée par les tons violets et rouges de la pièce contraste avec le soleil qui inonde la pièce. 

Dressée sur ses deux jambes interminables, chaussée de bottes en cuir à lacets noires, une robe munie de dentelle suffisamment courte pour mettre en appétit, elle se lance dans le couloir. Elle sourit. Elle se doute bien que le choix des vêtements a été réalisé par Vince. Il adore cette robe. Il était d’ailleurs avec elle le jour où elle l’a choisie. Elle hésitait, il l’a convaincue. Il fallait bien admettre que son regard avait changé une fois qu’elle l’avait enfilée. Impossible de décoller ses yeux. Elle n’avait donc pas réfléchi bien longtemps.

Elle est dans le couloir. Elle s’avance à pas de louve. Avec élégance, elle descend les marches d’escalier, laissant sa main manucurée valser avec la rampe en bois. Elle lève les yeux en l’air, le plafond est toujours aussi haut, toujours aussi magnifiquement peint des scènes les plus fantastiques qui soient. Elle baisse le regard et celui-ci croise les yeux chocolat de Vince. Elle sent son cœur se comprimer légèrement dans sa poitrine. Si seulement elle avait su briser ses chaînes plus tôt…

Il attend qu’elle descende pour la prendre par la main et l’entraîner jusqu’au salon où le Conseil a déjà pris place. Elle retrouve une fois de plus ces murs qu’elle connaît si bien. L’espace est grand, des fauteuils confortables sont disposés en cercle au centre de la pièce. Une cheminée est située à côté de l’entrée et permet de chauffer toute la salle. Un bureau se trouve quant à lui au fond de la pièce avec quelques étagères recouvertes de livres. Ce n’est qu’un aperçu de l’étendue de la bibliothèque située dans la pièce d’à côté. Sur le mur opposé se trouvent trois baies vitrées habillées de rideaux rouges flamboyants. 

« Bonsoir Ailec, entame Sylvain. Tu es toute en beauté ce soir, comme à ton habitude. »

Par chance, Vince a pensé à son maquillage. Elle a ainsi pu se repoudrer rapidement le nez ce qui la rend plus vivante que son teint cadavérique quotidien. Elle remercie Sylvain d’un hochement de tête et d’un sourire puis suit Vince qui lui offre un siège de velours rouge. Tous les regards sont braqués sur elle. Elle se sent comme déshabillée, entièrement nue. Ce qui n’est pas pour lui déplaire. 

Elle constate qu’une fois de plus, aucune autre femme trône.

« Toujours aucune femme dans ce Conseil à ce que je vois, murmure-t-elle.

— Nous t’entendons Ailec, raille l’homme à ses côtés.

— Heureusement. Le contraire serait inquiétant. N’est-ce pas ? »

Elle lui glisse un petit clin d’œil provocateur. 

« Ailec, nous ne sommes pas là pour juger, poursuit le Mentor. Tu as presque tué cet homme !

— Ah ! C’est pour ça. Je me demandais ce que je fichais ici. »

Elle sourit avant de reprendre.

« En même temps, c’est vous qui m’avez poussée à devenir ainsi. »

Sa phrase reste en suspens, comme si cela sonnait juste dans leur petite tête.

« Alors maintenant, si vous avez un remède pour me rendre mon humanité, peut-être que nous pourrons trouver un arrangement. 

— Tu ne peux donc pas te contrôler ? grogne le voisin du Mentor.

— Tiens Jean-Charles, je ne t’avais pas reconnu. Qu’est-ce qu’il y a ? Tu n’as pas pris ton latté du matin ? Ou bien est-ce parce que je t’ai toujours refusé ma couche ? »

Elle explose de rire, fière de sa répartie.

« Enfin les garçons, reprend-t-elle, si vous me trouvez quelque chose pour que je ne perde plus pied, je le prendrai. Maintenant, si vous voulez bien m’excuser. Mon ouvrage m’attend. J’ai attaqué un magnifique petit corset en broderie et je souhaiterais l’avoir fini pour ce soir. »

Elle se redresse et s’avance vers la porte. 

« Tu sais que tu es dangereuse lâchée ainsi dans la nature ? » lui demande calmement le Mentor.

Elle s’arrête net. Elle le sait. Elle s’en rend bien compte. Ces pertes de mémoire ne sont jamais une bonne chose. Et elles surviennent n’importe quand.

« Ailec, ce n’est pas la première fois que nous te rattrapons au vol. La prochaine fois pourrait t’être fatale. »

Elle prend sa respiration et sort. S’ils ne l’avaient pas poussée, s’ils ne l’avaient pas attirée ici la première fois, rien de tout cela ne serait arrivé. Rien de tout cela ne serait réel et elle demeurerait toujours dans ce même rêve. Dans cette vie, certes de cauchemars, mais sa propre vie. Dans celle de qui demeure-t-elle désormais ? Si seulement elle le savait.

Son aiguille en main, elle pique et repique la toile afin de lui donner un visage. Elle a presque terminé. Son pouce commence à la faire souffrir, comme si l’os cherchait à sortir. Elle n’a jamais ressenti cela. Sans doute le trop grand nombre d’œuvres réalisées ces dernières semaines. Il faut avouer que sans ses escapades du soir et ses journées de travail à lire et écrire, sa vie est jonchée de creux. Et elle déteste ne rien faire. 

On toque à la porte. Elle ouvre et, comme elle s’y attendait, Vince est accoudé à l’encadrement. Toujours aussi séduisant. Il la fixe de ses yeux profondément intenses. Elle le laisse entrer. Ils n’ont guère besoin de parler. Cela a toujours été ainsi entre eux. Ils s’installent ainsi côte à côte sur le lit.

« Qu’est-ce qu’il t’arrive ? lui demande-t-il. Je ne t’avais jamais vue comme ça. Ce regard vide. Un personnage digne de film d’horreur, mais en plus terrifiant. 

— Je te remercie, répond-t-elle en souriant.

— Tu étais comme possédée.

— Sans rire… 

— Que s’est-il passé dans la grotte cette nuit-là ? »

Elle ferme les yeux. Se remémorer cette soirée n’est pas aisé. Le souvenir ravive la douleur et son corps se trouve parcouru de spasmes. Elle s’allonge sur le dos, il l’imite.

« Est-ce qu’on est vraiment obligé d’en parler ? »

Il prend sa main et la porte à ses lèvres pour y déposer un simple baiser. 

« Je suis là si tu as besoin. »

Elle hoche la tête en guise d’acquiescement. Il caresse sa joue pour y stopper la course d’une larme. Elle lui parlera quand elle se sentira prête. Elle pose sa tête sur son torse et ils commencent ainsi à parler de tout, du temps, de la vie au Manoir, de la chasse. Tout semble plus simple en groupe. Il lui explique combien son départ a coûté au Manoir et à ses habitants. Elle réplique en exprimant que forcément, lorsque la maman-bonne-à-tout-faire met les voiles, le navire se retrouve sans capitaine. Il faut d’ailleurs bien admettre qu’elle porte à merveille le costume de pirate.

« Au fait, pourquoi étais-tu chez moi ce matin ? l’interroge-t-elle. 

— Ruby a encore fait des siennes et nous avons besoin de ton aide. 

— C’est une blague ? Je croyais qu’elle était enfermée celle-là depuis le temps. Vous attendez quoi pour l’arrêter ?

— Toi, justement. »

Irritée, elle se redresse sur le coude afin de le regarder droit dans les yeux. Leurs visages se frôlent presque. 

« Sérieusement ? Vous pensez que je fais des miracles ?

— Tu es comme une grande sœur pour elle. Toi au moins elle t’écoutera. »

Elle soupire.

« Et où est-elle en ce moment ?

— C’est en ville que nous l’avons vue pour la dernière fois. »

Elle se rallonge, la tête toujours lovée sur son torse.

« Je verrai ce que je peux faire demain. »

Il l’embrasse sur le front.

« Tu es un ange. 

— Fais attention aux mots que tu emploies. »

Ils continuent ainsi à discuter des heures durant, jusqu’à ce que Morphée passe sur leurs paupières et les fasse tomber. Sentant ainsi la fatigue l’envahir, Vince prend congé et sort de la pièce.

Il est dans le couloir, prêt à entrer dans sa chambre. Il hésite, ne sait quelle direction prendre. Il fait encore un pas avant de faire demi-tour. Il se fige devant la porte de la chambre d’Ailec. Il peut sentir sa présence dans la pièce. Il souffle, prend une grande inspiration puis ouvre en grand la porte et la pousse brutalement dans son dos. Il avance d’un pas décidé et l’attrape par la taille. Leurs lèvres se touchent avec fougue. Elle ne le repousse pas et demeure plutôt passionnée. Cela faisait si longtemps… Elle se laisse porter jusqu’au lit, une jambe de chaque côté de son torse solidement musclé, il l’étend dessus avec beaucoup de douceur. Une main passe dans ses longs cheveux bouclés tandis qu’il continue de l’embrasser. Il descend la bretelle de son soutien-gorge tout en lui mordillant la lèvre inférieure. Elle frémit. Il peut la sentir frissonnante de plaisir entre ses mains. Puissant, il pourrait la broyer en un rien de temps. Pourtant, il prend son temps. Les vêtements glissent peu à peu sur le sol et les voilà qui s’envolent sous les draps. Finalement, Morphée n’aura de prise sur eux que de longues minutes plus tard.

Elle se réveille dans la nuit, couverte de sueur. La faim la tiraille. Elle n’a pas mangé de toute la veille. Entre son réveil tardif, la balade en voiture qui a pris plusieurs heures et le reste, elle n’en a pas eu le temps. Et n’en a pas eu envie non plus. Elle se faufile donc jusqu’aux cuisines. Faites qu’il reste un peu de brioche. Elle aime tant les gouttes de fleurs d’oranger qui la parfument si bien. Elle finit par mettre la main dessus dans un torchon tout chaud. Elle s’installe sur le plan de travail, attire une chaise et s’en découpe deux tranches. Quel régal ! Elle savoure cet instant de jouissance buccale et de solitude quand une souris se faufile entre ses jambes. Elle n’a pas même le temps de s’en rendre compte que Jean-Charles l’a déjà écrasée violemment avec son pied contre le sol.

« Des souris, ici ? l’interroge-t-elle, non surprise de le voir là.

— Elles aiment les pestiférées dans ton genre.

— Allons, ne sois pas vexant à cette heure avancée de la nuit et viens donc manger un bout pour t’adoucir les rides.

— Tu es trop bonne », raille-t-il.

S’adoucissant, il prend une chaise et se joint à elle.

« En réalité, c’est le sucre qui les attire.

— Je le sais », lui murmure-t-elle, le sourire aux lèvres.

Elle lui donne un petit coup d’épaule pour le détendre un peu.

« Pourquoi es-tu partie ? lui demande-t-il.

— C’est pour cela que tu m’en veux ? »

Il fait la moue tout en évitant son regard.

« Eh bien, disons que je n’avais plus ma place parmi vous. Je devais partir vers d’autres horizons. Changer d’air. Il était temps.

— Tu ne t’es pas demandé ce qu’il allait advenir de nous ?

— Vous êtes de grandes personnes. Vous n’avez pas besoin qu’on vous tienne la main à chaque instant.

— Tu sais très bien que je ne parle pas de ça.

— Ah oui, et de quoi parles-tu exactement ? Parce que justement, je ne saisis pas bien à quoi je vous servais en dehors des repas et des amusements.

— Tu es… importante pour nous.

— À quel point ? » souffle-t-elle.

Il pose sa main sur la sienne et plonge son regard vert d’eau dans le sien.

« Tu apprendras certaines choses dans les prochains jours. Sois patiente. »

Il caresse sa joue avant de prendre le chemin du retour. Elle le retient quelques instants par la main.

« Je suis revenue. »

Il sourit puis s’en va. Elle les rendra tous fous.

Elle savoure encore une tranche de ce mets divin et regagne sa chambre.

Elle traverse le sas d’entrée quand un objet s’écrasant avec fracas sur le sol attire son attention derrière l’escalier. Elle avance pas à pas, penchant la tête afin de s’étendre tout en gardant le corps en arrière en cas de repli. Rien. Le noir. Sûrement un nouveau rongeur. Étonnant. Il n’y en avait pas de son temps. Elle monte les escaliers et rejoint sa chambre. Il est toujours là. Elle se glisse à ses côtés silencieusement, telle une ombre. Elle se tourne du côté opposé à lui afin de ne pas le déranger. Il l’a sentie et s’approche afin de la serrer tout contre lui. Elle sourit. Elle doit bien admettre que cette sensation de bien-être lui a manqué. Elle s’endort finalement, apaisée et enlacée d’un sentiment de sécurité.

Related chapter

Latest chapter

DMCA.com Protection Status