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4. Un parfum de fleurs

 

Ruby est en train de préparer son sac quand Ailec entre dans la chambre. 

 « Tu t’en vas ? s’enquit Ailec.

— Tu dois comprendre. Je ne suis pas à ma place ici.

— Tu devras porter un masque si tu nous quittes.

— Tu es tellement mal placée pour parler… la reprend Ruby. Tu portes un masque depuis des années.

— Je peux le gérer, répond Ailec.

— Moi aussi. 

— Ruby… Tu es jeune et…

— Oh ça va ! Ne me joue pas le couplet de l’ancêtre. Tu n’as que cinq ans de plus que moi. Quant à ce qui est de l’expérience… toi aussi tu les as quittés. Plus d’une fois.

— Et comme tu peux le constater, je reviens inévitablement ici. Je ne peux pas rester loin bien longtemps. »

Ruby tombe sur le lit. Elle place sa tête entre ses mains, les coudes sur les genoux. Ailec prend place à ses côtés. Elle lui caresse l’épaule. Ruby pose alors ses yeux de verre sur son aînée. 

« Tu devras aussi porter des lentilles. »

Toutes deux sourient. Ruby ne peut clairement pas se balader dans la rue sans cacher sa véritable apparence. Des lunettes de soleil sont obligatoires, à défaut de lentilles de couleur. Son cœur, lui peut passer inaperçu, dissimuler sous une épaisse couche de peau. 

« Pourquoi es-tu partie ? demande Ruby. 

— Mais qu’est-ce que vous avez tous avec cette question ? J’avais simplement besoin de prendre l’air.

— Deux fois ?

— Allez zou, tu m’agaces. Récupère ton bracelet – je l’ai récupéré au cimetière – et raconte-moi plutôt comment s’est passé ton kidnapping ? »

Ailec tente l’approche amicale. Elle sait bien que si Ruby prend le large c’est pour éviter d’en parler et surtout, éviter d’avoir à y revenir, encore et encore. C’est le genre de souvenir que les gens adorent revivre et ressasser, c’est facile quand on n’est pas en cause. Ruby, elle, ne le souhaite pas. Tout comme Ailec ne le souhaitait pas. Chacune porte les marques d’un passé douloureux qu’elle préfère taire.

« Ooh merci ! J’ai dû le perdre en me cognant aux pierres. Enfin. Alors, voilà. Je suis passée voir Jo. J’avais besoin d’un petit remontant après que mon dernier mec m’ait plaquée. Il m’a fourni un peu d’herbe et je suis partie la fumer tranquillement à notre spot. Au cimetière. J’étais défoncée. La bouteille de vodka que j’avais menée pour m’accompagner était presque totalement vide. Ma bouche devenait pâteuse et mes yeux n’y voyaient plus guère. Je vacillais. Me rattrapant à chaque pierre tombale à portée de main, je valsais au milieu des morts. Mon cerveau me jouait des tours. J’hallucinais légèrement. Des ombres m’entouraient. Elles voulaient danser avec moi. L’une d’elle s’est approchée davantage et m’a prise par la main. J’ai senti le froid s’insinuer en moi. Il grandissait. Pénétrant d’abord mon bras puis remontant peu à peu. Il s’infiltra dans mon cœur et l’enroba d’une fine couche de glace. Lorsque j’ai repris conscience de mon corps, j’étais enfermée dans une cage. Mes yeux ont eu du mal à s’adapter à l’obscurité régnante. J’étais seule et l’odeur omniprésente était sponsorisée par la poissonnerie du coin. Mais je n’ai compris que j’étais sur le bateau qu’au moment où le bourreau m’a conduite devant toi. Je pense qu’ils m’ont injecté quelque chose, j’avais une marque de piqure sur l’avant-bras. Et non, je lis le cynisme dans tes yeux, ce n’est pas la trace d’une de mes anciennes perversions. Je suis clean à ce niveau-là. Et pour avoir soumis mon corps à tout type de substance lui étant étrangère, je peux t’assurer que je n’avais encore jamais ressenti ça. J’étais ailleurs. Un peu comme si mon esprit était là mais que mon enveloppe charnelle ne lui répondait plus. J’étais prisonnière de mon propre corps. Plus rien ne répondait. Je n’étais plus aux commandes. Ce n’est qu’une fois dans les bras de Vince que tous mes sens sont revenus. Un peu comme si le charme avait été rompu. Enfin. Je n’ai rien saisi et ne pourrai donc rien t’apprendre sur ce cher Lord Chrisler que je ne connais pas davantage qu’il y a quelques jours. »

Ailec lui prend la main. Elle ne lui demande rien. Elle souhaitait simplement qu’elle vide son cœur. 

« Ne t’en fais pas Ruby, je le connais suffisamment pour deux. »

Ruby pose sa tête sur l’épaule d’Ailec. Cette dernière est reconnaissante qu’elle ne lui demande pas où et quand ils se sont rencontrés. Elle ne souhaite pas entrer dans les détails. Pas dans ce genre de détails.

*****

Ailec était étendue sur le sable chaud. Elle regardait le ciel de ses grands yeux afin d’en percer le mystère. Une pluie fine tombait sur son visage. Elle ruisselait paisiblement avant de rejoindre le sable. C’est son ombre qui lui indiqua sa présence. Sa peau avait brutalement cessé d’être éclairée par le peu de soleil présent. Elle s’était alors rehaussée sur ses coudes afin d’examiner le visage de celui qui troublait sa quiétude. Il lui tendait un ballon de volley.

« Une petite partie ? »

Elle ne refusa pas. Toujours partante pour se dégourdir un peu les jambes. 

La partie allait bon train. Elle servait des missiles et rattrapait quelques smatchs. Ses bras étaient écarlates. Les autres joueurs appréciaient sa compagnie et lui proposèrent d’aller boire un coup par la suite. Une fois de plus, elle accepta. C’est ainsi qu’elle se retrouva dans cette bande de potes. L’été passa, les cours reprirent, et elle ne garda contact qu’avec un seul. Lord Chrisler. Ils étaient au même bahut et se voyaient donc tous les jours. Rien de tel pour nouer des liens. De fil en aiguille, elle recommença à fréquenter le reste de la bande et leur petite troupe traversa les années lycée dans la bonne humeur et la débauche la plus pure qui soit. Mais cette période ne fut pas seulement semée d’ours en peluche et de confettis. Elle connut ses premières fois et il faut bien reconnaître qu’elles ne furent pas toutes fructueuses. Déjà à l’époque, elle avait ce « je-ne-sais-quoi » qui plaisait. Elle n’y prêtait guère attention, en profitant seulement en soirée. Malheureusement, il y a des soirées où il vaut mieux éviter d’user de ses charmes. 

La routine des jeux absurdes, un cul sec par-ci, un cul sec par-là. Quelques dossiers qui ressortent. Quelques flirts qui s’amorcent. Et des chansons qui résonnent. Qui résonnent encore et toujours. Qui soulèvent le cœur dès les premières notes. Qui se rappellent à nous alors qu’on souhaiterait les effacer. Ces mélodies qui pourtant un jour nous ont connus ivres de joie, l’instant d’avant le cauchemar. 

Il ne s’était jamais rien passé entre eux. Ailec, simple, se contentait de proies extérieures à sa meute. Elle ne voulait en aucun cas mélanger histoire de cœur et amitié. Elle y parvenait très bien. Mais ce soir-là, son ami en avait décidé autrement. Cela faisait quelques temps déjà qu’il lui faisait des propositions. Elle était toujours parvenue à le repousser. Repoussant ses : « Allez ! On est jeune. » Ne pouvant obtenir d’elle ce qu’il souhaitait, il la prit au jeu. Et il jouait très bien. Trop bien. Elle ne le vit pas venir. Sans protester, elle but et but encore, et encore. Ses dents du fond baignaient parfaitement. Elle ne savait plus bien ce qu’elle faisait et se laissa entraîner. Pourquoi fallait-il qu’elle relève à ce point tous les défis ? Sa chance fut sa perte. Elle était résistante à l’alcool. Pas suffisamment pour être pleinement consciente mais suffisamment pour ne pas être au bord du coma, endormie. Alors ce qui se présageait arriva. Les vêtements volèrent et son innocence avec. Elle fut souillée dans son être, dans son âme, dans sa chair. Son salut fut simplement que l’alcool rend les hommes moins performants. Il ne devint pas assez ferme pour pouvoir entrer mais le mal était déjà fait. Il s’était lui-même pris au piège, mordant ainsi sa propre queue. Quel beau jeu de mots pour ce sombre idiot. La grâce qui touchait Ailec depuis sa naissance l’avait une fois de plus protégée. Du moins à sa manière. Bien particulière d’ailleurs. Mais au moins gardait-elle une part de son intégrité. 

Le jeune Lord, encore bien conscient bien qu’ivre mort, remballa ses affaires et s’éclipsa au plus vite, espérant que la belle aurait tout oublié le lendemain. Erreur. Encore une fois. Ailec n’oublie jamais. Elle se souvient et se forge autour de sa rancœur. Elle a donc laissé passer quelques jours, l’observant insidieusement. Elle n’avait pas l’esprit revanchard, du moins pas à cette époque, bien que déjà au Manoir depuis quelques années. Elle enregistrait seulement les informations pour les réutiliser éventuellement si besoin. Orpheline assez tardivement, le Mentor avait eu un coup de cœur pour elle et avait tout de suite noté son potentiel. Il l’avait donc prise sous son aile pour en faire une véritable guerrière. Alors quand le lycée se termina, chacun prit une voie différente. Ailec en profita pour couper les ponts et se construire une nouvelle forme d’elle. Elle garda toutefois cet évènement en mémoire. Et recroiser Lord Chrisler quelques temps plus tard raviva sa flamme, sa brûlure intérieure. Elle ne se priva pas. La vengeance est un plat qui se mange froid. Et il faut des années pour qu’il décongèle.

*****

Le repas est servi. Sortant Ailec de ses réflexions, le Mentor frappe son verre du bord du couteau afin d’attirer l’attention de toute la tablée.

« Chers amis, nous sommes réunis en ce jour… »

Il marque une légère pause, comme s’il allait annoncer quelque chose d’important ou de grave.

« … pour savourer ce festin et s’éclater la panse ! Allez-y ! Le buffet est servi. »

Tout le monde se met à rire et les festivités attaquent. Ruby ne semble pas avoir prévenu la troupe de son intention de mettre les voiles en fin de soirée. Cette fâcheuse tendance qu’ont les femmes autour de cette table à s’enfuir sans laisser de mot devient décidément une habitude. Et Ruby ne souhaite pas déroger à la règle. Elle a tout prévu. Elle sait pertinemment qu’elle ne leur manquera pas, sauf peut-être à Ailec, mais elle lui a bien expliqué les raisons de son départ et sa grande sœur de cœur a très bien compris. Ruby est la plus jeune du groupe et l’évènement lui ayant ôté sa normalité a toujours été source de problème. Elle a désormais besoin de prendre le large à son tour, loin de ceux qui la connaissent, afin de se construire un nouvel avenir plus stable. Ailec la comprend, elle a fait de même, deux fois. Alors Ruby regarde l’assemblée, profitant de sa dernière soirée. Quelques regards complices avec sa grande sœur la confortent dans son choix. Elle prend la bonne décision. Elles savent qu’elles se retrouveront. 

JC rejoint Ailec qui s’est éclipsée rapidement à la fin du festin. Il s’assoit à ses côtés sur le lit. La tête baissée, il ne sait pas par quoi commencer.

« Ruby est partie, lâche-t-il finalement.

— Je sais, poursuit Ailec, une main réconfortante sur son épaule. Elle ne pouvait pas rester. Elle a besoin de prendre l’air après ce qui vient de lui arriver. Elle est jeune. Elle veut voler de ses propres ailes.

— Tant qu’elle ne vole pas tout court, soupire JC.

— Ne sois pas si tranchant avec elle. Je suis persuadée qu’elle a changé.

— Tu ne l’as pas connue ces derniers temps. Quelque chose de sombre naît en elle. La crise de l’adolescence est terminée. C’est autre chose. J’ai essayé de veiller sur elle mais elle ne se confie pas facilement. J’espérais qu’avec ton retour elle s’ouvrirait davantage. À croire que les femmes ne sont pas faites pour rester sous ce toit. »

Ailec ne sait quoi répondre alors elle sourit. Elle lui caresse la joue et lui attrape la main. 

« Ça te tente une petite sortie ? J’ai envie de prendre l’air maintenant que j’ai récupéré !

— Soyons fous ! »

Attrapant manteaux et bonnets dans l’entrée, ils sortent dans le froid hivernal. 

Ils se baladent, respirant à plein poumons l’air qui les entoure. Oxygénation. Les échanges sont colorés par les souvenirs passés. Discussion. Les arbres sont leur terrain de jeu, un cache-cache se dessine à l’horizon. Inspiration. Sauter, jouer, trébucher. Émotion. Ils courent, se défoulent, crient leurs joies, leurs peines. Extériorisation. Le parc est grand, l’heure tardive, peu de personnes sont de sortie. Apparition. Ailec s’interrompt dans son élan. Interrogation. JC lui demande ce qu’il lui arrive. Attention. 

« Rien. Je croyais avoir aperçu quelqu’un. Ce n’est rien. Seulement une hallucination.

— Est-ce que tu veux rentrer ? Cette image semble t’avoir bouleversée. 

— Ça va pas non ! Il est encore tôt. Que dirais-tu d’aller manger une bonne crêpe bien chaude ?

— Ah, si tu me prends par les sentiments aussi, je ne saurai te dire non ma chère. »

Et les voilà partant, bras dessus, bras dessous, en direction de leur café traditionnel, ouvert 24 heures sur 24. Ailec ne peut cependant s’empêcher de jeter un regard en arrière. Les arbres du parc se fondent dans l’obscurité. Elle ne peut ôter de son esprit cette pensée. Le temps a passé mais elle ressent toujours ce trou dans sa poitrine, ce manque à son espace vital. Elle détourne le regard. Son cœur se serre. Ses deux mains autour du bras de JC se contractent. Elle n’a rien vu. Un rêve. Un mirage. Une image. Un souvenir. Un soupir. Un rien. Un destin. Le hasard. Regard hagard. 

« Avec un monticule de chantilly », renchérit-elle la gourmandise au bord des lèvres.

Le café est éclairé. Pas un chat. Les rues sont désertes. Personne ne se tient derrière le comptoir. Personne non plus autour des tables. La porte indique pourtant l’ouverture de l’enseigne. Méfiant, JC entre le premier, une main en arrière pour « protéger » Ailec. Ce n’est pas comme si elle était meilleure que lui en combat rapproché. Enfin, égo masculin. Besoin de supériorité protectrice. Elle le laisse faire et sourit de cette attention. Il disparaît cependant soudainement quand elle sent un courant d’air derrière elle la faisant frissonner. Une présence. Une silhouette furtive. Elle se retourne rapidement mais n’aperçoit que l’intensité de la nuit. Des murmures incombent son esprit. Des caresses, des chaleurs, des entailles. Ça chuchote inaudiblement. Elle enserre sa tête mais la douleur empire. 

« Ailec ? »

La voix de JC la ramène à la réalité. Elle le rejoint. Ils ne mangeront pas de crêpes ce soir. JC saute par-dessus le comptoir afin de prendre le pouls du serveur étalé sur le sol. 

« Sérieusement ? raille Ailec. Vu l’entaille sous sa gorge je doute qu’il soit nécessaire de prendre en compte ses palpitations pour savoir s’il fait encore partie de notre monde.

— On ne sait jamais », poursuit JC.

Dans le fond, c’est lui qui a raison et elle le sait bien. Ils s’étaient fait avoir dans leurs premières années. Le corps baignait dans le sang et pourtant la jeune femme n’avait rien d’un cadavre. Une simple illusion. Elle les avait ainsi surpris alors qu’ils avaient baissé leur garde et avait poignardé JC par derrière. Ne s’y attendant pas, ils avaient mis un moment avant de réagir et la fausse victime avait eu le temps de filer avec le trésor tant convoité. Par chance, elle avait été capturée par la suite par le Mentor qui lui avait fait regretter son orgueil. Oh, un œil arraché à la petite cuillère, ce n’était pas cher payé pour le coup de poignard dans le dos du plus jeune de ses recrues de l’époque. Il avait cependant été clément et l’avait achevée avant qu’elle ne se soit totalement vidée de son sang. 

« Allons-nous-en avant que les flics rappliquent, suggère JC.

— En voilà une bonne idée ! Je n’y avais pas songé, tiens. »

JC pince le bras de sa partenaire pour lui faire ravaler son ironie. Laissant le corps baigner dans son sang, les deux créatures nocturnes s’éloignent. Et c’est le ventre vide, ou presque, qu’ils rejoignent le Manoir. 

Ailec n’est pas tranquille. L’apparition survenue un peu plus tôt dans la nuit l’intrigue. Elle sait que c’est impossible mais semble persuadée du contraire. Ses tripes ne mentent pas. Ses sens sont en éveil. Elle ne trouve pas le sommeil.

« Un homme a été retrouvé mort hier soir, déclare le Mentor d’un ton grave.

— Merci, c’est parfaitement opportun comme nouvelle au petit dej’, répond Vince, ronchon comme toujours avant son premier thé de la journée.

— Vous n’y êtes pour rien ? »

JC regarde Ailec avant de prendre la parole.

« Nous sommes sortis hier soir après le banquet et nous avons découvert le corps avec Ailec. Il n’y avait personne sur les lieux du crime et aucune bagarre ne semblait avoir été déclenchée. Il y avait simplement le patron, mort, la gorge tranchée. »

Le Mentor se frotte le menton, l’air songeur. Il espère que cette affaire ne leur retombera pas dessus. Soucieux, il passe une main dans ses cheveux qui lui arrivent légèrement au-dessus des épaules. JC, qui connaît bien ce regard, poursuit :

« A-t-on des raisons de nous inquiéter ? C’est peut-être simplement un règlement de compte. Ou un taré sorti de l’asile d’à côté et qui a eu un besoin de se purger. 

— Il vaut mieux se méfier. Je ne pense pas que cette histoire soit pour nous mais je vais tout de même me renseigner auprès de la gendarmerie du coin pour en apprendre davantage. »

Le liquide chaud coule dans le gosier de Vince dégageant rapidement ses traits tirés du matin. Arborant un simple sourire en coin, il est prêt pour cette journée. 

« Alors, qui doit-on buter ? »

Ailec éclate de rire.

« Décidément, tu es hermétique à la discussion avant ton rafraîchissement. On ne doit pas buter quelqu’un mais bel et bien découvrir qui a tué ce pauvre bougre du café H24. 

— Aaaah ! Mais fallait le dire plus tôt. Vous parlez trop le matin aussi, ça m’embrume. »

Elle lui tapote l’épaule en compatissant à sa souffrance. Il n’est vraiment pas fait pour le matin. Contrairement à elle qui saute du lit à peine la première sonnerie retentie. Une musique bien électro ou une douce mélodie au piano ? Qu’importe, le résultat est le même. Une bouffée d’air et c’est parti. Dans son corps coule l’énergie. À croire que cette fille se shoote à la vie. Une vraie boule de folie.

Vince l’embrasse sur la joue et prend le chemin de la douche. L’imaginer nu sous l’eau chaude laisse Ailec rêveuse un bref instant. JC vient de se caler à côté d’elle pour terminer son petit déjeuner et commence à lui parler de leur prochaine mission. Boulet…

« Maintenant que tu as retrouvé ta paire de saïs, tu es redevenue l’Intouchable.

— Ne parle pas trop vite. Je suis juste Ailec pour l’instant. Et c’est bien suffisant.

— Toujours aussi modeste. »

Elle lui lance un regard noir tandis qu’il croque fièrement dans sa tartine confiturée après l’avoir examinée sous toutes ses coutures pour savoir de quel côté l’entamer. Ailec le regarde, partagée. Elle hésite entre le dégoût que cet homme lui évoque, l’amusement de sa bêtise omniprésente et l’agacement de son comportement. L’amusement et l’amitié l’emportent toujours. Dans le fond, elle l’adore et elle le sait bien. Mais alors quel con parfois !

Elle met à son tour une bouchée de pain perdu dans la bouche. Quel mets…

Le buffet matinal se poursuit ainsi jusqu’à ce que Vince revienne en tenue de combat. Littéralement. Il n’a pas le short et le T-shirt de boxe mais ça n’est pas loin tant son accoutrement est… sportif disons. 

« Tu pars pour le championnat ? raille JC.

— Pour t’en coller une plutôt. C’est l’heure de l’entraînement mon grand. Alors change-toi qu’on puisse ensuite partir en chasse.

— Non mais t’as vu l’heure ? s’effraye l’autre.

— Justement. Tu es frais comme un gardon, c’est parfait. Allez, bouge. »

Grommelant, JC monte les marches quatre à quatre pour revêtir un jogging. 

« Tu te joins à nous ? lance Vince à Ailec. 

— Toujours, répond celle-ci un sourire aux lèvres.

— Au moins, toi tu es déjà en tenue, fait-il remarquer d’un mouvement de menton en direction de ses fringues.

— Je n’ai pas perdu mes bonnes vieilles habitudes quotidiennes. Toujours cette petite séance de sport pour me maintenir en forme. Là que j’ai le temps, j’en profite pour la faire dès le début de la journée. Comme ça j’en suis débarrassée et ça me met d’attaque. 

— On t’a déjà dit que t’es complétement fêlée comme nana ? »

Il lui sourit tandis qu’elle hausse les épaules. 

« Y en a que ça dérange pas. »

Elle lui lance un clin d’œil. Il s’approche et l’attrape par l’épaule pour déposer un baiser sur son front.

« En effet. »

Il l’entoure de ses bras musclés. La serrant tout contre lui, ils savourent cet instant de tendresse. Mais une fois de plus, JC arrive sur ces entrefaites mettant un terme à cette bulle de douceur.

« Prêt à prendre ta raclée ? chantonne JC en toute humilité.

— À coq qui chante, plumes qui rampent. »

Ailec le regarde d’un air interrogateur.

« Oui, je sais, ça ne veut rien dire mais au moins ça rime, se défend Vince. »

Et tous explosent de rire. Les larmes en viennent même à monter. Cela fait du bien de se sentir léger. Sur ces bonnes camaraderies, ils prennent le chemin du terrain vague situé derrière le Manoir. Un parfait mélange de gadoue et d’herbe. Idéal pour un combat à mains nues. 

Ailec se positionne un peu en retrait, l’écharpe autour du cou et les mains enfoncées dans son pull-over bien trop large pour ses formes finement arrondies. Elle les regarde se retourner sans ménagement. Leurs os craquent, leurs corps frappent le sol avec brutalité. Ce n’est qu’après un énième roulé-boulé dans la boue que les deux hommes se redressent, ont un regard entendu, et s’avancent vers la jeune femme. Elle sourit. Elle a bien senti qu’à un moment cela se produirait. Cela se produit toujours. Confiants, ils s’approchent et très vite, l’entourent. Elle les observe calmement, sortant lentement les mains de ses poches. Elle dégage sa bouche du tissu qui lui tenait chaud jusqu’alors. Son regard est concentré et ses lèvres retroussées en un sourire en coin. Elle les laisse approcher, encore, puis encore un peu, jusqu’à ce qu’ils s’élancent sur elle dans l’idée de la plaquer au sol. Agile et féline, elle effectue un saut périlleux vers l’avant se dégageant ainsi de leur emprise. Les deux compères se retrouvent ainsi enlacés, face contre terre, tandis qu’Ailec pose un genou et la main opposée sur le sol. Elle a tout juste le temps de se relever que Vince bondit déjà dans sa direction. Elle évite un premier coup en se penchant sur son côté gauche et parvient à contrer son genou qui tente de faire un enfant à ses côtes. Vince prend alors un peu de recul et fonce dans sa direction. Qu’à cela ne tienne. Elle s’élance, prend appui sur ses épaules fraîchement servies, et saute par-dessus lui. Il retombe une fois de plus la tête la première dans la fange. JC, jusque-là spectateur, en profite pour la prendre à revers. Elle bloque son bras contre ses côtes et le fait basculer sur le sol. Quelques mèches de ses cheveux se sont échappées de son chignon. Elle les souffle de devant son visage tout en maintenant une main fermement autour du cou de JC. Elle se redresse juste à temps pour sentir Vince lui serrer le cou d’une main puissante alors qu’il se colle tout contre son dos.

« Bien joué ma belle. Tu nous as encore mis K.O. À ce que je vois ta blessure s’est bien remise.

— Carrément même ! Je pète le feu ! »

Ravi que JC soit encore à patauger dans la boue, coincé sous le pied d’Ailec, Vince dépose un léger bisou sur sa joue. Elle le libère et lui tend une main amicale pour l’aider à se relever. Il profite de ce geste pour l’attirer à lui et la faire ainsi rouler dans la boue.

« Hmm... rien de mieux pour tes cheveux ! » ajoute-t-il tout content, tel un enfant.

Une lueur noire dans les yeux, elle prend sa tête par derrière et la lui enfonce dans la boue.

« Et pour toi, ça fera du bien à ta grande gueule ! »

Vince l’aide à se relever et JC, un tantinet grincheux, les laisse s’éloigner en direction du Manoir avant de prendre la suite. Il a eu sa dose de bain de boue pour la journée. 

L’eau coule sur sa peau. Le savon dégouline lentement sur ses muscles, sur ses formes. Des mains habiles la caressent délicieusement. Prise d’une poussée de température, elle entrouvre le battant de la porte afin de prendre un peu d’air. Elle respire lentement mais son pouls ne cesse d’accélérer. Il l’attire de nouveau vers l’intérieur. Saisissant ses hanches de part et d’autre de son corps. Il la soulève pour qu’elle parvienne à hauteur de ses hanches à lui. Coincée contre le mur, elle l’enlace. Ses lèvres frôlent les siennes puis parcourent son cou. Ses mains aux ongles acérés labourent son dos. Quant à lui, désormais fièrement dressé, il se fraye un chemin jusqu’en elle. Elle en laisse échapper un soupir de contentement. Elle sent alors sa main puissante presser ses côtes. Il n’a peut-être pas autant d’ongles qu’elle, mais le peu qu’il possède parvient tout de même à lacérer sa peau. Elle sent la chaleur de la douleur l’inonder. Il redouble d’ardeur. Ses va-et-vient se font plus pressant. Il est sur le point de finir. Il saisit son visage entre ses doigts et l’attire à lui, déposant ainsi un baiser plein de fougue sur ses lèvres endiablées. Il la caresse, encore et encore. Se décollant un peu d’elle, il la laisse redescendre ses jambes. Ses pieds touchent enfin le bac de douche.

Elle ouvre brusquement les yeux, une main posée sur son cou. Rien. Elle est seule. Ce souvenir, bien que réellement troublant a eu la force d’un moment présent. Elle coupe l’eau et attrape son peignoir. Elle s’emmitoufle à l’intérieur, comme s’il pouvait la protéger d’elle-même. Elle se sèche rapidement puis s’habille. Ses cheveux dégoulinent sur le sol. Elle les enroule dans une petite serviette puis enfile son soutien-gorge. Elle se tourne alors vers le miroir, troublée. Cinq traits sont ancrés dans sa peau au niveau des côtes. Était-elle réellement en train de rêver ? Ou bien rêvait-elle la réalité ?

Elle s’apprête pour le combat. Les yeux rivés sur son armoire, elle en sort un jean simple, noir, un haut suffisamment ajusté pour ne pas s’accrocher à toutes les poignées de portes et une paire de bottines sans talon. Les cheveux noués en un chignon, elle est parée. Ne reste qu’à glisser ses lames le long de ses jambes ainsi que sa paire de saïs dans son dos. L’arbalète restera dans la voiture jusqu’à ce qu’ils en aient réellement besoin. Elle finit par enfiler son pull-over à capuche qu’elle bascule sur sa chevelure. Parfait ! 

Impatient de partir en chasse, JC tambourine contre sa porte. Ne s’attendant pas à ce qu’elle ouvre aussi vite, il bascule légèrement vers l’avant lorsqu’elle entrebâille la porte.

« C’était trop long de m’attendre en bas ? fait-elle remarquer.

— Une soudaine envie de te voir te préparer, plaisante-t-il, le sourire du chat de Cheshire aux lèvres.

— En route ! » ordonne-t-elle en le poussant dans le couloir avant de fermer derrière elle.

Vince les attend, fier dans son blouson de cuir. Il tient deux casques à la main ainsi qu’un autre blouson.

« Ça te tente un tour en bécane ? lance-t-il à l’attention d’Ailec.

— On n’a pas besoin de la voiture ? s’étonne-t-elle, songeant à son arbalète.

— Je m’en charge ! » annonce JC en jetant les clés en l’air.

Il passe à côté d’Ailec qui récupère le casque et enfile le blouson, un grand sourire moqueur aux lèvres.

 « Alors ça me tente carrément », répond Ailec tout enjouée à l’idée de prendre un peu l’air en moto.

Autant elle était terrifiée enfant, autant désormais elle est toujours la première à vouloir faire une balade en deux roues. Cette sensation de liberté mais également de vulnérabilité la fait frissonner. Elle aime se sentir vivante. Il suffirait d’un rien pour que sa vie bascule. Elle en a conscience et apprécie le fait de laisser quelqu’un d’autre aux commandes l’espace d’une virée. Elle ne contrôle plus rien et parvient ainsi à déconnecter. 

Ils se dirigent vers le garage où les attendent quelques belles pièces. JC récupère son Qashqai tandis que Vince fait signe à Ailec de le suivre. Il s’approche d’une rangée de bécanes pour finalement arrêter son choix sur une roadster GSX Titanium. D’un mouvement de tête, Vince fait signe à Ailec de monter. Il fait ronronner le moteur.

« Prête ?

— Toujours », dit-elle suffisamment fort pour qu’il l’entende.

Chacun abaisse sa visière tandis que JC remonte l’ouverture du garage. 

« C’est parti », l’entend-t-elle crier avant de s’élancer bruyamment sur le chemin menant à la route.

Et JC de suivre comme un bolide.

Les arbres défilent à toute allure de chaque côté de la route. L’adrénaline l’enivre. Elle se sent voler. Serrée tout contre le dos de Vince, elle laisse ses pensées voguer. Gauche. Droite. La moto se penche au gré des virages. Ses yeux se ferment. Elle apprécie cet instant. Soudain un visage la surprend dans ses rêveries. Elle ouvre brusquement les yeux et dans son élan manque de déséquilibrer le conducteur. Il sent sa panique et, ralentissant l’allure, pose une main réconfortante sur sa cuisse. Le calme revient. Elle dresse un pouce en l’air afin qu’il le comprenne et les voici repartis de plus belle. Défiant le code de la route, les voilà qui explosent le compteur.

JC sort de la voiture tandis que Vince pose un pied à terre. Le temps qu’il cale la moto et Ailec descend. Elle libère ses cheveux. Des nœuds ! Un élastique, un chignon rapide et la voilà recoiffée.

Ils laissent leurs véhicules dans une allée, s’assurant, bien qu’un peu tard, que leurs armes sont toujours dans le coffre, laissées là lors de leur dernière excursion. Tout est en place. Ils peuvent aller inspecter les lieux. 

Le café est entouré de bandes jaunes. Quelques flics font une ronde afin de s’assurer que personne ne puisse pénétrer dans l’enceinte. JC sort alors fièrement son insigne. En soit, elle n’est pas fausse, il est réellement de la Criminelle. Il est simplement suspendu depuis un certain temps. Mais ça, bien sûr, il ne compte pas le dire. 

Le flic hoche la tête, parcourant à peine sa plaque du regard. JC indique que les deux autres sont avec lui et les voilà ainsi de retour sur la scène de crime. 

Ailec regarde autour d’elle d’un air agité.

« Est-ce que vous sentez ça ? s’enquiert-elle.

— Non, quoi ? répond JC avec indifférence, occupé par la scène macabre à ses pieds.

— On dirait que quelqu’un s’est aspergé de jasmin.

— La moto t’as un peu trop aéré l’esprit », se moque Vince qui, de toute évidence, ne sent absolument rien.

Perplexe, Ailec chasse l’odeur de son esprit et se dirige vers la réserve à l’arrière de la boutique. Vince la suit tandis que JC s’accroupit près du cadavre.

« Pourquoi le Mentor pense-t-il que cette affaire nous concerne ?

— Le retour de Lord Chrisler, l’enlèvement de Ruby et son départ, il est sur ses gardes et préfère que nous enquêtions, quitte à ne rien trouver, plutôt que d’être surpris par une quelconque attaque. 

— Qui voudrait nous attaquer ? 

— Les gens n’ont pas toujours besoin de raison pour ça. Un simple ennui suffit. Non pas que le Mentor ait particulièrement beaucoup d’ennemis – il faut avouer qu’il les a quasiment tous éradiqués de la surface du globe – mais on n’est jamais trop prudent.

— Donc on se méfie mais on ignore de qui.

— C’est ça. »

Tout en déblatérant, Ailec farfouille dans les réserves. Elle ignore ce qu’elle cherche mais elle le cherche. Un indice, infime, expliquant l’état du gérant peut-être ? C’est alors que JC s’adosse à la porte.

« Vous avez déjà vu ça ? »

Il tend sa main gantée vers les deux autres. Elle semble recouverte d’un liquide bleu visqueux.

« De la vase ? demande Ailec.

— Aucune idée. J’en ai pris un échantillon à envoyer au Maître pour qu’il l’analyse. Et vous, vous avez quelque chose ?

— Nop. Rien du tout. »

Elle a beau regarder dans tous les moindres recoins, il n’y a rien qui semble anormal. Tout semble être à sa place.

Ils ne s’attardent pas plus longtemps. Inutile d’attirer l’attention des gardes ou des autres flics qui risquent de venir prendre la relève. 

Récupérant la voiture et la moto, ils se rendent chez le Maître. Celui-ci est heureux de voir qu’Ailec est rétablie mais quelque chose semble le chagriner. Il laisse les garçons passer dans l’arrière-salle afin de donner l’échantillon à son fils pour qu’il commence à l’examiner. Il profite du tête-à-tête pour faire part de ses soupçons à Ailec.

« Est-ce que tout va bien ?

— Pourquoi cela n’irait-il pas ? » répond la jeune femme sur la défensive.

Il la prend par la main et l’entraîne vers un petit banc. Une fois assis, il plonge son regard dans le sien.

« Tu as cette ombre dans ton regard. Un léger voile dans le fond des yeux. Quelque chose te perturbe mais tu ne sais quoi.

— Je croyais que vous ne pouviez pas lire en moi, se souvient-elle.

— Je peux lire en chacun de vous mais il est vrai que tes barrières sont puissamment dressées autour de toi. Cela n’empêche que je te connais depuis de nombreuses années. Et je sais quand tu revêts ce masque.

— Je vous assure que tout va bien. Sans doute des résidus du rituel d’exorcisme de l’autre jour. Autrement, je vais bien. »

Il laisse peser son regard sur elle quelques instants avant d’ajouter :

« Comme tu voudras. »

Elle pose sa main sur son épaule, comme pour le rassurer.

« Cela te ferait sans doute du bien de laisser quelqu’un s’occuper de toi. Un homme peut-être. Accepter d’aimer.

— J’ai déjà trouvé l’âme-sœur, murmure-t-elle. Désormais, je cherche seulement à l’oublier. »

Le Maître n’a pas le temps de lui parler davantage, les garçons sont de retour. Il est temps de rentrer. Le Maître les appellera dès qu’il aura du nouveau.

Ailec entre dans sa chambre. L’air est de nouveau chargé d’une odeur florale. Rapidement allergique à tout ce qui comporte un pistil, elle se dirige vers la fenêtre pour aérer un peu. Son regard est alors attiré par une fleur déposée sur le rebord. De petits pétales bleus entourent un cœur jaune aux éclats blancs. Un myosotis. Symbole du véritable amour éternel, cette fleur peut également évoquer le souvenir d’une séparation ou d’un décès. Elle imprègne un lien qui résiste au temps, une relation forte de fidélité et de loyauté. 

Ailec tient la fleur du bout des doigts. Elle est partagée entre la crainte et la beauté du végétal. Un « ne-m’oubliez-pas » qui fait écho au passé. Comment est-il arrivé là ? Sur ce rebord de fenêtre ? Elle se souvient alors l’odeur de jasmin présente au café. Le jasmin est une fleur qui est également porteuse d’un message d’amour. Troublée, elle referme la fenêtre et dépose le myosotis sur sa table de nuit.

Revêtant une robe rouge parsemée de dentelle, elle s’apprête pour le repas du soir. Elle jette un rapide regard sur sa cicatrice qui semble en parfait état. Le rituel du Maître a fait des miracles. Elle poursuit la préparation de sa tenue. Plutôt bottes ou escarpins ? On lui a expliqué un jour qu’une paire de bottes c’est sexy, une paire d’escarpins, c’est classe. Vu la robe, autant la jouer simple. Les escarpins feront l’affaire. Un rapide passage dans la salle de bains pour se poudrer très légèrement le regard et elle s’élance dans le couloir où Vince l’attend déjà.

« J’espère que tu as faim », déclare celui-ci.

— Tu veux rire ? D’une j’ai toujours faim, et de deux, je n’ai rien avalé depuis ce matin alors, évidemment que j’ai faim ! »

Ils rient de bon cœur tout en se dirigeant vers l’entrée. Jetant un coup d’œil à sa belle tenue, Vince ajoute :

« Vu ta tenue on va éviter de sortir la bécane.

— Ah on peut, mais t’as pas intérêt de te louper.

— Hmm, hésite-t-il, je m’en voudrais d’esquinter ces belles gambettes. »

Pour parfaire ses dires, il approche sa main et caresse délicatement les jambes de la belle qui s’en mordille la lèvre inférieure.

« Allez, en route ! » déclare-t-elle.

JC arrive dans les escaliers avant que la porte ne se soit refermée. Il dévale la piste pour les retenir un instant.

« Vous comptez rentrer tard ?

— Pourquoi ? On te manque déjà ? » raille Ailec.

Il répond en lui tirant la langue puis poursuit :

« Ce serait pas mal qu’on aille jeter un coup d’œil du côté du port en fin de soirée. Il paraît que de nouveaux navires ont accosté.

— Ok, mec. On ira dès qu’on rentre, assure Vince. Mais ne nous attends pas de bonne heure. »

Il lance un clin d’œil à JC qui lève les yeux au ciel. Les autres se dirigent vers le garage quand lui ne s’attarde pas dans le froid hivernal. Se transformer en stalagmite ne fait pas partie de ses priorités.

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