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Oskal
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Auteur: Guillaume Coquery

PROLOGUE

Besançon 2010

Le commandant Jarier inspira. Il devait se calmer, retrouver le contrôle et composer son numéro. Il allait encore se prendre une réflexion cinglante, c’était certain.

– Allo ! Monsieur le préfet, c’est Jarier.

L’homme ne répondit pas de suite, il l’entendit soupirer, et ce n’était pas de l’admiration.

– Oui qu’y a-t-il ? Je vous ai dit de ne pas m’appeler, vous êtes con ou quoi ?

Le commandant se mit à bredouiller, c’était la première fois que le préfet Bergeron le traitait de con ! Imbécile, idiot, abruti, ça, il y avait eu droit, mais con, c’était inédit !

Le policier esquissa un sourire. Ce qu’il avait à lui dire était de nature à ébranler cet homme charismatique. Il allait se le prendre dans la gueule… Il savoura l’instant.

– Nous avons un problème.

Il s’en voulut immédiatement. Ce n’était pas la phrase qu’il avait préparée ! Il se mordit la lèvre. Il aurait dû lui dire : « VOUS avez un problème », mais, envahi par son mauvais stress, ce n’était pas ce qui était sorti ! Il apprécia tout de même l’effet. La réponse cinglante, habituelle, ne vint pas. Il avait marqué un tout petit point. Ce serait sa victoire temporaire, minuscule certes, mais face à lui, il savait se contenter de peu.

– Je vous écoute Commandant.

Ah ! Il lui donnait du commandant, maintenant !

Le haut fonctionnaire n’était pas né de la dernière pluie, si le flic lui téléphonait, ce n’était pas pour rien. S’il entamait la conversation, en lui disant que lui, préfet de la République, avait un problème commun avec cet idiot, c’est qu’il y avait bien quelque chose. Il serait désagréable un peu plus tard, voilà tout.

– La joggeuse qui a disparu il y a deux semaines, Séverine Bonaud…

Le commandant Jarier marqua une pause, pensant être interrompu, il n’attendit pas trop longtemps. Il ne fallait pas lui laisser trop d’ouvertures. 

– Comme vous le savez sans doute, on a trouvé une trace de sang sur un arbre, à l’endroit où elle est montée dans le 4x4.

– Non, je l’ignorais. C’est le parquet qui suit ce genre d’affaires, je ne m’intéresse pas à ces histoires.

– Vous devriez, monsieur le préfet, L’ADN a été décodé, j’ai reçu cet après-midi les résultats, il s’agit d’un homme. Il est inconnu du FNAEG.1

– Et alors, en quoi cela me concerne ?

– Le technicien qui a traité le dossier m’a appelé, il y a une correspondance partielle, avec un ADN du fichier central.

– Ce qui signifie ? Arrêtez avec vos devinettes, je n’ai pas le temps.

– Il s’agit d’un lien direct, fils, frère ou père.

– Cela veut dire que vous avez décelé une relation avec un individu déjà fiché ?

– Oui, c’est bien cela, mais le technicien n’a pas le niveau de sécurité suffisant pour entrer dans la base.

– Et donc ?

– Moi non plus, je n’ai pas l’accréditation. J’ai dû demander au commissaire divisionnaire Karpof, c’est lui qui m’a dit de vous appeler pour que vous soyez au courant.

– Où est le problème, bon sang ?

– Vous vous souvenez, lorsque les colis piégés étaient arrivés à la préfecture ? On avait prélevé l’ADN de tout le personnel préfectoral, pour pouvoir isoler l’empreinte génétique du terroriste ? C’est dans ce fichier que l’on a trouvé une correspondance.

– Vous voulez dire que l’auteur de l’enlèvement de cette bonne femme est parent avec un de mes employés ?

– C’est tout à fait ça, monsieur le préfet.

– Qui donc ?

– Euh, c’est un peu embarrassant, comme ça…

– Dépêchez-vous de balancer le morceau, triple idiot.

– Vous ! Monsieur le préfet.

 

L’homme ne dit rien. Jarier n’osait intervenir... Au bout d’un long moment, le haut fonctionnaire reprit la parole. Toute animosité avait disparu. Il se recentra sur l’essentiel, le seul sujet digne d’intérêt... lui !

– Écoutez-moi bien, Jarier, je n’ai plus que mon fils, et je suis sûr… non, je suis certain qu’il n’est pour rien dans cette affaire. Vous allez vous débrouiller comme vous voulez, mais vous me faites supprimer de votre foutu fichier. Je n’y suis pas et je n’y ai jamais été... Me suis-je bien fait comprendre ? 

– Mais, je ne sais pas si l’on peut le fai…

– Taisez-vous ! Je vous ai dit de trouver une solution. Vous dégotez un hacker, surtout choisissez en un bon, et tout est possible. Au besoin, faites vous aider par Karpof ! Ce n’est que de l’informatique, on peut tout faire. Les seuls freins sont le temps et l’argent, il se trouve que j’ai les deux. Vous m’avez compris ? Je ne suis pas… dans… ce… fi... chier !

 Martela-t-il, en détachant chaque syllabe, assénée comme autant de coups de masse dans le cortex de son subordonné. Avant que le flic n’ait eu le loisir d’ajouter quoi que ce soit, le préfet avait raccroché.

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