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CHAPITRE 05

Pablo

C'est bel et bien Patricia devant moi. Je viens de l'apercevoir il y a juste quelques heures, l'instant d'une soirée. Et là, je l'ai en face de moi. Elle est plus sublime que le mot même. Petit bémol, elle semble ne pas me voir.

Patricia : ok !

Elle se retourne vers Yolanda et se met à lui parler comme si je n'es jamais été là. 

Patricia : Bon, Yolanda! Il est trois heures du matin. On rentre. 

Yolanda :..mais je ..

Patricia : pas de mais qui tienne… je t'ai plusieurs fois refusé de t'accrocher à des inconnus de la sorte, à des gens que tu ne connais ni d'Adam, ni d'Ève.

Yolanda continuait de parler mais elle ne l'écoutait même pas. 

On aurait dit qu'elle rabrouait son gamin de cinq ans. 

Elle nous laissa là et s'en alla. J'étais choqué de voir que son comportement ne cadrait pas du tout avec la jolie jeune fille qu'elle est.

Son regard était hautain, dédaigneux, comme celui de sa mère. Elle est vraiment la fille d'Adriana. Il n'y a aucun doute.

Yolanda: je suis désolée, d'habitude elle n'est pas comme ça… 

Moi : non, t'inquiètes !

Elle prend mon contact et s'en alla elle aussi. 

Quelques minutes après, Anthony se dirige vers moi en titubant. 

Marita et lui veulent rentrer aussi. 

Marita : Pablo je,....

Moi : non, c'est bon. Je ne veux rien entendre. On rentre.

Son regard était incrédule. Elle ne m'a jamais vu comme ça depuis le peu de jours qu'on se connaît.

D'ailleurs moi aussi je ne sais pas ce qui m'a mis dans un état pareil. Sûrement le fait que la manière de se comporter de Patricia m'a fait redescendre de mon petit nuage. 

Marita

Nous venons de terminer la soirée. Anthony, Pablo et moi sommes en train de rentrer.

Vrapp!

C'est la portière de la voiture qui vient de résonner ainsi.

Et qui en est l'auteur ? Pablo, bien-sûr. Je ne sais pas quelle mouche l'a piqué mais le bon jeune homme est rouge de colère.

Il y a quelques minutes, je l'ai vu danser collé serré sur la piste de danse avec une petite fille de riche. Il était tout joyeux et content. 

Et là, il est dans tous ces états. Waouh !

Et comme si ça ne suffisait pas, il conduit à cent à l'heure.

Moi : Mais calme-toi ! Ne nous tue pas quand-même. Vas y molo!

Il ne m'entends même pas. On dirait qu'il est seul dans la voiture. 

Qu'est ce qui a bien pu le mettre dans cet état. 

Le pauvre Anthony est en train de vomir à travers la portière sur la voie. 

Estomaquée et incapable de faire quoi que ce soit, je me résigne et attache bien ma ceinture de sécurité en espérant qu'on va arriver sains et saufs à bon port. Pfff !

Patricia

Moi: Yolanda… combien de fois t'ai-je refusé de te comporter ainsi avec des inconnus?

Yolanda : bah, on n'a rien fait. On a fait que danser...et toi, tu viens de me couper un plan avec un aussi beau gosse….Pff

Assises derrière, le chauffeur nous conduit, nous avons cette discussion à couteaux tirés. Yolanda est presque énervée contre moi. 

Je ne sais pas ce qu'elle trouve à ce garçon qu'elle vient à peine de rencontrer. Néanmoins celà ne m'étonne guère d'elle. Elle a toujours été ainsi. 

Yolanda est ma meilleure amie, on se connait depuis assez longtemps. Nos mères sont amies. Le problème avec elle c'est qu'elle adore s'amouracher avec des inconnus. Je ne suis pas d'accord avec cette vie qu'elle mène. Je n'y peux rien, je l'aime telle qu'elle est. 

Moi :...Yolanda, je…

La tête penchée sur le côté, elle regarde à travers la vitre de la voiture.

Je la sens fâchée contre moi mais ce qui est bien avec elle c'est qu'elle n'est pas du genre rancunière.

Moi :...qui sait, peut-être que je t'ai fait éviter une MST…

Elle éclate de rire et moi également je pars d'un fou rire. 

À mon tour, j'ai le visage tourné de mon côté de la vitre. Je repense à cette soirée qui a été une totale réussite. Demain à la première heure, les médias et les journaux en feront des titres magistraux. Ma mère a énormément dépensé pour obtenir ce résultat. Je suis exagérément fière d'elle. Elle a su se relever depuis la mort de papa et elle a su gérer cet empire qu'il a créé à la perfection. 

Je suis consciente du fait qu'elle a souffert de son absence, Félix et moi aussi d'ailleurs. Mais la différence avec maman c'est qu'elle se noie dans le travail. J'ai peur qu'elle ne soit surmenée. D'un autre côté je connais ma mère et je sais qu'elle sait prendre soin d'elle. La preuve, elle est toujours autant rayonnante. Pour rien au monde quelqu'un ne lui donnerait cet âge qu'elle a.

Le bruit sourd de la voiture qui se gare nous indique qu'on est arrivés à bon port.  Yolanda et moi vivons dans la même maison. Nous avons nos appartements qui sont côte à côte. Nos mères nous ont acheté cette maison. Personnellement, je tenais à verser chaque mois la caution de loyer à ma mère. Mais elle n'a rien voulu entendre. Je peux dire que je suis une fille qui aime se sentir libre et indépendante. Néanmoins ma mère ne me traite plus comme un enfant depuis plusieurs années. Elle me témoigne tout le respect nécessaire.

Le chauffeur gare la voiture derrière les autres qui sont dans la maison. Il se dirige vers la sortie. Avant de s'en aller, il échange des salutations avec le concierge.

Yolanda titube et se dirige vers son appartement. Je reste debout et je l'observe. Elle commence par m'inquiéter. À chaque fois qu'on est de sortie, elle abuse aveuglément sur l'alcool et elle rentre toujours avec un inconnu. C'est déjà une chance qu'elle n'ai rien fait avec celui avec qui elle était ce soir.

Moi :... Yolanda...ça va ? 

Yolanda:...hmm… 

Sa voix inaudible traduit une affirmation. La seconde d'après, la porte de son appartement s'est refermée.

Souvent je me fais du souci pour elle. À vrai dire, elle n'a jamais connu une enfance stable. Sa mère changeait les hommes comme des culottes. Sa mère est une riche héritière qui a su faire de bons investissements qui lui ont été très rentables. Elle a toujours clamé qu'elle n'a jamais eu besoin d'homme dans sa vie. D'ailleurs, Yolanda est un enfant adopté. Ce qui fait qu'elle n'a jamais eu de figure paternelle. Du coup je crains qu'elle soit en train de suivre la même voie que sa mère. 

Autant de libertinage, c'est nuisible. On a tous besoin de stabilité dans notre vie. 

À mon tour, je ferme la porte derrière moi. J'enlève mes escarpins et je marche pieds nus sur le sol marbré. Je me dirige vers la cuisine et je me sers un verre d'eau que je bois d'un trait.

Je m'assois sur les chaises hautes du bar de la cuisine. La main dans les cheveux, je me masse la tempe. Je pense à Félix qui doit sûrement être en train de s'amuser comme un fou. 

Félix, je l'adore. Mais je crains pour son avenir. Certes nos parents ont assez d'argent mais ils ne seront pas là éternellement. Félix ne l'entend pas de cette oreille. Il a vingt ans et il ne pense qu'à dépenser l'argent de maman. Je mets son insouciance sur le compte de son âge mais j'espère vraiment qu'il va vite se reprendre.

J'enlève la robe hors de prix que j'ai portée pour me diriger dans ma chambre. Elle tombe sur le sol. Je dois rapidement prendre une douche et m'endormir. Demain, j'ai une journée très chargée. 

Pablo

Nous venons d'arriver au QG, je gare la voiture sur le parking. Je m'enfonce dans le siège et j'ai la main posée sur ma tête. 

Anthony : … Pablo! Mais qu'est ce qui t'arrives ?

Je ne réponds pas. Je suis trop en colère pour ça. Marita essaye de parler mais se ravise. 

Je ferme les yeux et je me mets à penser à… Patricia. Je n'arrive toujours pas à croire qu'elle m'ait autant rechigné. C'est la première fois que ça m'arrive.  J'ai les nerfs et je n'arrive plus à me contenir. 

Celà me prend quelques minutes avant que je ne me décide à sortir de la voiture. Les anciens nous ont un peu parlé d'Adriana et apparemment elle n'offre rien gratuitement. Certes nous avons eu droit à un bon moment de détente avec tous les avantages qui vont avec mais la prochaine mission ne va pas tarder.

Je souffle un coup et je me décide enfin à sortir de la voiture. Je me dirige vers mon appartement. Une fois à l'intérieur, je me déchausse et je me dirige, lasse directement sur mon lit. 

Adriana

Ça fait un bon moment que j'ai quitté la soirée de mon fils. Allongée dans la baignoire, je savoure ce bain de roses et de jasmins ainsi que d'huiles essentielles. Une flûte de champagne dans la main gauche, j'en bois quelques petites gorgées. 

Il y a également une assiette de fruits dans laquelle je pique quelques morceaux. Je sors de la baignoire et m'enroule dans ma serviette personnalisée conçue par un très grand couturier. 

Je me dirige vers la baie vitrée et je pense à cet empire que mon défunt mari a mis sur pied. Je me rappelle qu'à nos débuts, ses parents étant encore en vie à l'époque, ils n'ont jamais voulu de moi. Certainement parce que j'étais trop jeune et lui, très âgée. Du coup, ils se sont dit que j'étais avec lui pour son argent. C'est d'ailleurs ce que beaucoup de personnes ont pensé. Mais la vérité c'est que je l'ai réellement aimé. Il est d'ailleurs la personne que j'ai le plus aimé. Oui, parce qu'il a été pour moi plus qu'un bienfaiteur, il a été un protecteur, un père, un ami,un mari irréprochable.

Je ne lui serai jamais assez reconnaissante de ce qu'il a fait de moi, d'avoir construit cette femme que je suis devenue. 

La vérité c'est que je lui dois tout, absolument tout. 

Assise dans une chaise longue, le regard sur cette vue globale de la ville avec les gratte-ciel et les lumières étincelantes alignées par rangées, j'ai la tête qui retombe en arrière. 

Je replonge dans mon passé. Je repense à cette petite fille brisée que j'ai été, cette fille qui a souffert le martyre. Je n'aurai jamais imaginé que je puisse connaître cette vie aujourd'hui. Sans aucun doute, cette vie est un réel mystère. Et quand on pense que tout est fini, c'est à ce moment là que les choses les plus inimaginables refassent surface. 

Je repense à cette petite fille brisée, violée, violentée que j'ai été. Sans que je ne sache, une larme à coulé sur ma joue. Oui, aujourd'hui je vis une vie à cent à l'heure. Mais la vérité est que mon passé continue de me torpiller, de me pousser dans mes pires retranchements. 

Je repense également à cet enfant que j'ai abandonné. Le mot est dur mais il faut appeler les choses par leurs noms. Mon psychiatre dit que je fais une sorte de déni. En raison du fait que mes regrets n'ont pas encore fait surface. Il évoque également la théorie selon laquelle l'enfant est issu d'un viol que je ne l'accepte pas dans ma vie. Que j'essaye d'avancer, comme s'il n'avait jamais existé.  Personnellement, je ne saurai dire quoi que ce soit. Je vis juste au jour le jour et j'avance comme je peux en m'habituant à ma vie actuelle. 

C'est une partie de ma vie qui m'a touchée et qui continue de me toucher. Je ne peux l'ignorer. 

Pablo

Je viens de me réveiller en sueur. Ma veste est toute trempée, celle-là que j'avais à la fête d'anniversaire de Félix, le fils d'Adriana. Je viens d'ailleurs de me rendre compte que je ne l'ai pas enlevée depuis que je suis rentré.

Je viens encore de le faire, ce maudit rêve qui ne me lâche pas depuis vingt-cinq ans.

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