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Chapitre 1 / Partie 1

« Je fais semblant d'être une couverture de livre rigide mais j'ai des feuilles blanches froissées, grignotées par la peur de mon passé » Jaelly LaRose.

La clochette du café retentit, mais je suis trop occupée à envoyer un message à la gérante de l'endroit.

— Bonsoir, vous désirez ? balancé-je, machinalement.

Je jette des coups d'œil furtifs au client qui remarque très bien ma cachoterie. Il n'hésite donc pas à racler un bon coup sa gorge. Je range mon mobile avec embarras. Pas très pro', Jaliah.

— Eh bien mam'zelle j'aimerais une bonne Budweiser Nitro Gold, s'il vous plaît.

L'homme semble avoir la cinquantaine. Il affiche un sourire qui en dit long sur son hygiène buccale. Je fais donc mine de ne pas l'avoir vu, puis me retourne avec dégoût pour attraper un grand verre et une bouteille fraîche de Budweiser. En deux temps trois mouvements, celle-ci est décapsulée prête à être ingurgitée. Je lui tends le tout et dit d'un ton franc :

— Huit dollars, s'il vous plaît.

— C'est le prix pour une bouteille ?

— Oui m'sieur.

— Combien ça fait si je vous en offre une ? m'interroge-t-il en plissant les yeux.

C'est avec étonnement que je me contente d'étirer mes lèvres à mon tour de manière nerveuse, mais contrairement à lui, mon sourire est parfait, blanc et étincelant.

Bref, je pose mes mains à plat sur le comptoir. Au même moment, mes longs cheveux bruns tombent et glissent sur mes avant-bras.

— Toujours huit dollars, monsieur.

Il rit à pleine voix, et prend congé. Très bizarre, et mauvais dragueur en plus. Ça me dégoûte.

D'un air suspicieux, je prends garde à surveiller la boisson déjà ouverte sur le comptoir afin qu'il ne parte pas avec sans avoir payé. Je ne veux tout de même pas faire les choses de travers ! J'ai promis à ma patronne, Jocelyne, que je serai irréprochable et que je ferai la fermeture avec précaution et prudence.

J'ai déjà causé pas mal de dégâts dans cet endroit, donc autant faire la différence ! Ma maladresse me trahi toujours, et fait fuir les clients. Alors, c'était avec beaucoup d'hésitation qu'elle m'a confié les clés, me notifiant que c'était ma dernière chance de faire la différence. Je dois lui faire oublier les fautes que j'ai faites, pour lui montrer que je suis capable. Si elle n'est pas satisfaite, tant pis.

Depuis mon arrivée ici, le chiffre d'affaire a baissé. Eh bien, il ne faut pas être si bête pour deviner que ce taff n'est pas fait pour moi.

En effet, la restauration n'est pas mon fort, l'argent que ça m'apporte est la seule motivation. Même si j'adore la décoration rustique et naturelle de l'endroit, je m'obstine d'abord à payer ma dernière année de master en direction artistique. J'espère tellement décrocher le poste qui peaufinera mon rapport de fin de cursus, c'est si important pour moi.

Toutefois, le lieu est si paisible et tranquille en ce mardi soir. Ça me plaît, ça colle avec ma nature. Je hais bosser dans le bruit, car je me sentirai obligée de m'effacer de peur de me faire écraser.

Quelques instants après la disparition du l'inconnu, j'entends le sol gronder de manière irrégulière et des voix s'élever. Mon cœur rate un battement, et je pense d'abord halluciner, c'est toujours apaisant à ces heures ci.

— C'est quoi ce bordel... marmonné-je en tournant mon regard vers la porte.

Mes muscles se raidissent sous les vêtements qui les couvre, et ma respiration s'accélère. Mes ongles s'enfoncent dans les paumes de mes mains. Soudainement, je remarque deux hommes avancés en âge par rapport au mien, entrer et crier sur les clients habitués au café. Mais qu'est-ce-qui leur prend ?!

Je tente de venir à leur rencontre pour les calmer, mais ils commencent à hausser la voix et de là, une bagarre éclate. Ils se tapent dessus, et hurlent comme des animaux. Mes yeux s'attardent sur leur cou : ils détiennent un tatouage commun et très étrange. Tout ça a été programmé ou quoi ?

Pendant leur bataille, ils cassent tout sur leur passage, entraînant d'autres personnes dans l'action.

— Arrêtez... tenté-je avec hésitation.

Je regarde ma main qui s'est étendue comme pour les stopper. Je retiens celle-ci et la baisse. Je risque de me faire du mal... je ne veux pas refaire un séjour à l'hôpital.

Ils montent sur les tables et répètent sans cesse :

— Où est l'argent ?! clame l'un des deux brigands à la crête rouge.

De quoi il parle ?! J'étouffe un cri de surprise lorsqu'il se met à chercher du regard une personne qui travaille ici. J'ai le temps de saisir mon téléphone et de me dissimuler derrière le comptoir, à l'abri de ces gens barbares et effrayants. Je griffe le sol en bois, tentant de trouver une solution rapide. Il faut que je joigne Jocelyne... non, peut-être appeler la police serait plus efficace. Oh merde, merde, merde... cette crapule de patronne va me décimer ce soir, je le sens !

Les tonalités de la sonnerie s'éternisent, et accroissent ma panique, mais finalement, la voix rassurante d'un flic résonne dans mon oreille.

— Ici police centrale de Los Angeles, quelle est votre urgence ?

— Oui ! Mon...monsieur, des personnes bizarres se battent ici ! Je suis... je suis la seule en service ! m'exclamé-je un peu plus fort en entendant des verres se briser à terre, s'il vous plaît, venez m'aider ! Je ne sais pas me défendre... je... je...

Ma voix tremble de plus belle, et moi qui pensait que cet endroit était inoffensif ! Et bien je me suis rendue compte qu'aucun lieu n'est tranquille sur cette foutue Terre.

— Calmez-vous madame, quelle est la position de votre café ?

— C'est... c'est le "Jocelyne & Coffee" au 110th Olvera Street.

— Vous ont-ils blessée ?

— C'est là qu'on se cache ? intervient une voix grave et repoussante.

Je lève les yeux. Ceux-ci s'écarquillent lorsqu'ils croisent le regard rouge et bouffis d'un homme à la barbe rousse anormalement rasée : c'est l'inconnu du départ. Il émane une odeur de chien mouillé. Mon nez et mon menton se plissent. J'ai l'impression d'être dans un casting digne d'un film d'horreur bon marché.

Le policier, toujours au bout du fil, m'appelle avec insistance... mais je ne peux pas répondre : je suis tétanisée et paralysée par la peur. Cette frayeur viscérale me pousse à me souvenir de tous les moments de ma vie, de mes erreurs et de mes petites victoires. C'est comme ça que les héros font pour retrouver la force de combattre le méchant à la dernière scène, non ? Pourtant, je ne suis pas cette héroïne.

Que va-t-il faire maintenant ? Je repense à mon copain décédé, qui a dû ressentir une frousse aussi terrible que la mienne, alors qu'il était à la porte de la mort.

Reviens alors me chercher...

— Pitié... murmuré-je, avant de m'évanouir, ma tête claquant sur le sol.

Commentaires (1)
goodnovel comment avatar
malyse7p
Très belle intro
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