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3-L'art de tendre un piège

En jouant ce sale tour à l’enfoiré embauché par mes parents, je savais qu’ils allaient me le faire regretter. Mais je n’avais pas prévu qu’ils s’attaqueraient lâchement à ce que je chéris le plus dans cette foutue maison de merde.

Et pourtant, c’est ce qu’ils ont fait.

 Ils ont osé attribuer la chambre de ma sœur à cet enfoiré de Lawson.

Songer au fait que ce gros connard dormira dans son lit, utilisera sa douche, installera ses affaires dans sa chambre me donne envie de vomir.

_ De…de toutes les pièces vides qu’il y a ici pourquoi lui as-tu précisément donné celle-ci ?

La rage me fait buter sur les mots. Je fais un effort surhumain pour ne pas fondre en larmes. Mais c’est dur. Putain, ce que c’est dur !

_ Tant que tu resteras attachée à ces vieilleries, tu ne feras jamais ton deuil.

Ces vieilleries ?

Le souffle me manque une poignée de secondes. Une poignée de secondes durant laquelle j’ai l’impression qu’on me pompe de l’acide dans le ventre.

_ A ces vieilleries ? Putain, tu t’entends parler papa ? Comment peux-tu laisser ce sale petit…

_ Ne me pousse pas à bout Cheryl, sinon tu le regretteras. Tu en as déjà assez fait avec ton petit cinéma de tout à l’heure. N’en rajoute pas.

Ses yeux bleus se suspendent aux miens. Je n’y lis aucune compassion. Juste un profond ennui qui m’ulcère. Ne se rend-il réellement pas compte de la souffrance qu’il me cause ?

_ Je sais à quel point cette pièce est importante pour toi. Mais il est temps d’en finir avec tout ça.

_ Tout ça ? Je te rappelle que ce que tu qualifies de « ça » appartient à ma sœur. Ta fille !

La pièce qu’il s’amuse à faire rouler entre ses doigts s’immobilise. Le coin de ses lèvres se retrousse à demi.

_ Appartenait, me corrige-t-il d’un ton aigre. Camilia est morte. Il est grand temps de tourner la page.

_ Tu ne peux pas juste…

_ Je ne veux plus rien entendre à ce sujet, Cheryl. Christian dormira dans cette chambre comme je l’ai décidé. Et je préfère te mettre en garde.

Ses traits se durcissent davantage. Il pointe un index menaçant dans ma direction.

_ C’est la dernière fois que tu oses te conduire de la sorte avec lui. J’ai engagé cet homme pour qu’il puisse te protéger et…

_ Me protéger ou protéger tes intérêts ?

Ses épaules se relèvent en un geste désinvolte.

_ Les deux si tu y tiens. Je n’ai pas envie que ton comportement immature me coûte la présidence.

Un rire amer jaillit de mes lèvres entrouvertes par la stupeur. Ses ambitions, ses projets, la présidence, il n’a que ça à la bouche.

Il ne voit que ça.

Il ne respire plus que pour ça.

_ Vous ne pensez qu’à vous. Vous vous foutez royalement de ce que je peux ressentir. Vous ne faites que m’utiliser comme un putain d’objet pour assouvir vos putains de fantasmes politiques à la con. Je vous déteste !

Comme un ressort, Lionel bondit de son fauteuil. La main qu’il a levée me décoche une nouvelle gifle monumentale. La violence du coup me fait basculer la tête sur le côté.

Même si mes yeux se gorgent de larmes, je reste digne jusqu’au bout. Il ne me verra pas pleurer.

_ J’en ai marre de ton langage pourri et de tes caprices ! Tu devrais avoir honte de toi. Jamais, Camilia ne se serait conduit de cette manière.

Le fait qu’il la mentionne à cet instant précis me pousse dans une colère noire.

Oui, c’est vrai je suis différente d’elle.

Contrairement à moi, elle ne voyait pas les monstres que sont nos parents. Elle était prête à les seconder dans toutes leurs tâches. Elle n’étudiait justement rien que pour ça.

Et c’est justement ce qui l’a tué.

_ Ne la prends pas en exemple. Elle est morte à cause de vous. Tu auras beau me frapper, je n’arrêterai jamais de dire que vous êtes des monstres.

_ Tu vas la fermer oui !

Il lève de nouveau la main. Je ne cille pas, prête à recevoir cette deuxième gifle.

_ Lionel ! Arrête.

Il s’arrête net au son de la voix de ma mère, comme foudroyé.

Sur le seuil de la porte, Victoria nous dévisage tour à tour. Ses prunelles glaciales fondent ensuite dans les miens.

Elle me paraît pâle et légèrement amaigrie. De gros cernes lui creusent les yeux. Se rend-elle compte qu’elle se transforme de plus en plus en zombie ? Où est donc passée cette femme pleine de vie qui nous lisait autrefois des histoires avant de dormir ?

_ Ton psy nous a conseillé d’ôter tout ce qui était susceptible de te faire replonger. Cette chambre n’était pas une exception.

_ Vous pensez sérieusement que rayer son souvenir de cette maison est la meilleure chose à faire ?

Je bute sur les mots. Ma poitrine palpite au rythme de mes inspirations irrégulières.

_ Collectionner tous les objets de ta sœur ne la ramènera pas à la vie, Cheryl. Cesse donc tes enfantillages !

Sa voix détachée résonne implacablement.

Son regard est si terne qu’il donne l’impression qu’elle voit à travers moi. Son attitude hivernal contraste cruellement d’avec celui de mon père. Mais il me transperce le cœur tout autant. Suis-je donc réellement la seule à trouver cette installation nauséeuse ?

_ Vous n’aviez pas le droit de…

_ Nous avons tous les droits, me coupe-t-elle, sur un ton incisif.

Elle ferme la porte et se dirige vers papa. Il lui sert un verre de vin, qu’elle boit d’une traite.

_ Et puisque tu persistes à emmerder ce pauvre Lawson, je tiens à te rappeler que tu es la seule à blâmer si nous l’avons engagé. Tu as déjà prouvé que tu n’étais pas capable d’être responsable. As-tu oublié l’état dans lequel tu te trouvais lorsque nous avons commis l’erreur de t’offrir un peu de liberté ?

_ Ça suffit !

Le sifflement de Victoria sonne confusément à mes oreilles bourdonnantes. Un coup de poignard en plein cœur n’aurait certainement pas eu autant d’impact que les mots de mon père.

Malgré moi, je me rappelle de cette fameuse nuit. Mon corps luttait désespérément pour me maintenir en vie. Des spasmes douloureux me mitraillaient le ventre. A chaque vomissement, j’avais l’impression de cracher un peu de mon âme et cela me ravissait. Ce soir-là, j’avais souhaité que la mort me prenne dans ses bras et me conduise à elle.

Mon réveil dans cette clinique m’avait donné l’impression d’une claque. J’avais alors compris que j’étais condamnée à vivre. Avec eux.

_ Tu n’es plus une enfant, Cheryl. Alors arrête de te conduire comme telle.

Un sourire carnassier s’épanouit instinctivement sur mes lèvres, au mépris de mon cœur compressé.

_ Pas tant que vous continuerez à vous foutre de moi.

Je me hâte de quitter cette pièce merdique. Dehors, les larmes que je retenais depuis le début dévalent silencieusement mes joues. Je m’efforce de prendre de grandes goulées d’air, mais l’oxygène que j’inhale n’apaise en rien la fureur qui me fait trembler.

Un mouvement furtif sur le côté me fait tourner la tête. Je vois le garde-du-corps venir vers moi d’une démarche féline. Son regard inexpressif qui me nargue, me jette dans une rage folle.

Sans réfléchir je saisis le premier objet à portée de main. Un pot de fleurs. Je le lui jette au visage de toutes mes forces en priant pour qu’il se le prenne dans la gueule.

Malheureusement, cet idiot est doté de réflexes surhumains. Il évite le projectile de justesse et celui-ci se fracasse contre le mur.

_ Vous êtes malade ? aboie-t-il, les sourcils foncés.

_ Espèce d’ordure.

Si je m’écoutais, je me jetterai sur lui et le martèlerai de mes poings et de mes faux ongles jusqu’à ce qu’il finisse à l’hôpital. Au lieu de cela, je prends le chemin inverse et monte les escaliers quatre à quatre.

Je m’immobilise sur le seuil de sa chambre. Il me faut faire appel à tout mon self-control pour ne pas m’écrouler quand je vois les domestiques ranger ses affaires dans de gros cartons.

_ Sortez…, m’entends-je murmurer.

_ Mais…monsieur Caldwell a dit…

_ DEHORS !

Sur un signe de Marcella que je n’avais pas remarqué, ils s’éloignent sans protester. Lentement, je me traîne jusqu’au milieu de la pièce. Mes pieds se dérobent sous moi et je tombe à genoux. La fraîcheur mortuaire de la pièce me fait frémir.

J’étouffe un sanglot en regardant autour de moi. Désespérément, je cherche à imprimer dans ma tête tout ce qui lui appartenait.

Les murs peints en violets me font sourire par-delà mes pleurs. C’était sa couleur fétiche.

Je devais même souvent lui crier dessus durant nos séances shopping pour qu’elle puisse varier les couleurs de ses vêtements.

Je m’approche de la commode et prends avec précaution le cadre dans lequel est fixée la photo de sa remise de diplôme. Elle avait un sourire de conquérante ce jour-là. Elle avait bossé tellement dur pour obtenir son bac.

Tandis que je caresse l’image, je me perds dans la contemplation de ses yeux bleus, semblables à ceux de notre père. Elle avait un sourire communicatif qui dessinait sur ses joues légèrement rebondies, des mignonnes fossettes.

Sa main droite tenait le diplôme et la seconde faisait le « V » de la victoire.

« Ma vie vient enfin de commencer, Cheryl. Si tu savais tous les projets qui fourmillent dans ma tête ! » m’avait-elle dit lorsque nous rentrions à la maison.

Elle ignorait que la semaine qui suivrait, elle mourrait.

D’une main tremblante, j’ouvre son dressing. Je prends une de ses robes et y plonge le nez. Le tissu étouffe mon cri de désespoir.

Je ne sais pas combien de temps j’ai passé dans cette chambre. Lorsque je reprends conscience, je suis couchée par terre, la robe de Camilia pressée contre moi.

Doucement, je me relève. Je prends la photo, regarde autour de moi et sors de la chambre sans regarder en arrière.

Une fois dans ma chambre, je me précipite vers mes tiroirs. Je finis par mettre la main sur l’objet de mes désirs. Un petit flacon blanc enroulé d’une banderole rouge. L’inscription « à n’utiliser qu’en cas d’urgence » me lance des signaux d’alarmes que j’envoie valser.

J’avale deux comprimés et bois ensuite un demi-verre d’eau plate. Je me couche sagement et me blottis dans les bras rassurants de mon ours en peluche blanc.

La migraine reflue lentement. Mes paupières se ferment. La dernière image qui me vient en tête est la tête de l’abruti de Lawson.

Que vais-je bien pouvoir faire pour lui insuffler le même degré de souffrance que j’ai enduré aujourd’hui ?

                                               ***

Peut-on être plus belle que ça ?

Je tourne et retourne devant le miroir avec un sourire appréciateur. Il n’y a pas à dire, j’ai vraiment eu le coup d’œil avec cette robe. Elle est juste su-bli-ssime !

J’applique une couche de rouge sur mes lèvres, les presse et envoie un baiser à mon reflet. Bien, je suis prête !

Ma robe, d’une vive couleur rouge, me moule comme une seconde peau et est échancrée au niveau de ma cuisse gauche. Elle me donne même l’illusion de posséder une poitrine très généreuse.

Honnêtement, j’ai toujours été complexée par mes seins. Je ne pourrais jamais compter le nombre de fois où j’ai fantasmé devant les poitrines rebondies de certaines filles dont Aubree.

Avec l’argent de mes parents, je pourrais bien tenter une chirurgie esthétique, mais non. J’essaie d’apprendre à m’aimer telle que je suis. C’est vrai que c’est difficile mais on y arrive tôt ou tard à force de persévérance.

_ Cheryl Caldwell, si les hommes ne se prosternent pas devant toi ce soir, c’est qu’ils sont aveugles, dis-je à mon reflet, en me vaporisant.

La confiance en soi. C’est l’une des qualités que j’aime chez moi. Oui sérieusement. C’est une arme intemporelle. Elle permet d’accéder à tout et de se sortir de n’importe quelle situation. La plus merveille du monde !

J’enfile un manteau par-dessus ma tenue et attrape ma pochette. Perchée sur mes talons aiguilles, je sors de ma chambre le cœur léger.

Ce soir, je vais me faire ce Lawson. Il sera tellement dépassé par les évènements, qu’il jettera l’éponge et retournera dans son petit trou perdu. Foi de Caldwell !

Lionel est au salon, vêtu d’un peignoir blanc. Les jambes repliées, l’ordinateur posé sur ses genoux, il semble absorbé par son travail. Le bruit de mes talons lui fait néanmoins lever les yeux de son écran.

_ Peux-tu demander à ton chien de…enfin, Lawson de m’accompagner à la soirée privée de Michael ? lui demandé-je sèchement, sans prendre la peine de le regarder.

_ Une soirée privée ? Et en quel honneur ?

_ Je pensais que Dwight Patterson était ton ami. Tu n’as qu’à l’appeler pour le lui demander.

Sans attendre de réponse, je m’oriente vers le garage. Avec quelle voiture vais-je sortir ce soir ?

Le sauvage dégénéré et mon père font enfin irruption dans le garage.

Je ne peux retenir un soupir ennuyé en voyant le garde-du-corps habillé de noir de la tête aux pieds. Bon sang ! N’a-t-il aucune autre couleur dans son dressing ?

Son blouson en cuir moule parfaitement sa musculature impressionnante. Ses cheveux sont mouillés. Comme s’il venait juste de sortir de la douche. Le sourire qu’il lance à Lionel fait pétiller ses yeux verts.

Nos regards s’accrochent momentanément. Mon estomac se noue sans que je ne comprenne pourquoi. Ma gorge s’assèche.

A la fois énervée et émue par cette réaction bizarre, je jette mon dévolu sur mon téléphone. Tiens. Je n’ai pas répondu au message d’Amor.

« Que préfères-tu ? Robe blanche ou combinaison bleue? »

Je pianote sur mon clavier aussitôt.

« La robe argentée à côté de la combinaison est très bien. »

Sa réponse ne se fait pas attendre.

« Mais elle est très courte. Si je m’abaisse, on verra mes fesses. »

« Alors ne t’abaisse pas. »

_ Je pense que la Cadillac sera parfaite pour cette soirée privée. A moins que tu ne veuilles y aller en limousine ?

_ Pas de limousine.

_ Alors c’est réglé.

_ A quelle heure devons-nous rentrer monsieur ?

Il est sérieux lui ? J’ai vingt ans putain ! lls ne vont pas me flanquer un couvre-feu comme si j’en avais douze ! Fais chier !

Certains se demanderont ce que je fous en terminale à mon âge. Ah ! Si vous saviez !

_ Revenez aux alentours de trois heures du matin. Christian, je vous prie d’être très vigilant et d’empêcher cette tête de mule de se saouler.

_ Tu peux aussi me parler directement tu sais ? Ce n’est pas comme si j’étais sourde et muette.

Sitôt cette réponse lancée, je la regrette aussitôt. J’avais oublié qu’à ses yeux, j’étais une gamine irresponsable.

_ Ne la lâchez pas d’une semelle. Les jeunes gens ont tendance à faire n’importe quoi lorsqu’ils sont ensemble, continue-t-il sans tenir compte de mon intervention.

Cette fois, c’est trop. Je veux me taire mais ce n’est pas de ma faute s’il fait tout pour me provoquer !

_ Tant que tu y es, tu n’as qu’à lui demander d’être mon ombre, ricané-je.

Lawson se tourne vers moi. Son air suffisant me donne envie de lui frapper le crâne avec ma pochette.

_ Mais je le suis déjà.

_ Toi, je t’emmerde. Je ne t’adressais pas la parole.

Lionel pousse un soupir d’exaspération et s’éclipse silencieusement.

Lawson déverrouille la voiture. J’ouvre la portière et me dépêche de prendre place.

_ Je vois que tu as retenu la leçon de la dernière fois.

_ Ne m’adresse pas la parole, bouffon.

Je crois voir l’ombre d’un sourire sur ses lèvres. Mais je dois sûrement me tromper.

Deux heures plus tard, la voiture se gare devant l’hôtel le Standard. C’est un établissement de luxe qui surplombe la Highline de Manhattan. Au sommet, on accès au « bain. » La magnifique piscine construite sur le toit de l’hôtel où on peut admirer New-York et ses divines attractions.

Des dizaines de voitures sont garées dehors, signe que mon copain a invité tout le lycée. Sauf peut-être les « marginaux » qui ne font pas partie de son cercle d’amis.

Comme une diva, je marche vers les géants qui gardent l’entrée de l’hôtel. En lisant ma carte d’invitation, ils s’écartent et me souhaitent théâtralement une bonne soirée. Lorsque Lawson ducon s’approche, ils le repoussent sévèrement.

_ Il est avec vous ? me demande l’un d’eux, les sourcils froncés.

Mes lèvres me démangent. L’envie de dire non est si pressante. Mais si je fais ça, je dis adieu à mon joli petit plan. Ce qui serait dommage ma foi.

_ Oui.

Néanmoins, je jubile intérieurement. J’espère que ce connard s’est aujourd’hui rendu compte qu’il n’est rien. Et qu’il n’a pas à s’enorgueillir des stupides privilèges accordés par mes parents.

La salle est remplie de ballons noirs pétillants. Un écran géant repasse en boucle « Joyeux anniversaire Ange Michael Patterson »

Ange ? J’ignorais qu’il avait un deuxième prénom.

 Si ses parents comptaient en faire quelqu’un de vertueux en choisissant un tel prénom, bah c’est raté.

Michael est l’un des plus gros pervers qu’il m’ait été donné de rencontrer. Avant que nous ne nous mettions en couple, c’était un queutard invétéré. Je me doute bien qu’il doit me tromper mais vu que je ne l’aime pas, cela ne me fait ni chaud ni froid.

Les intérêts, c’est tout ce qui me lie à lui.

La piste de danse est envahie de couples survoltés qui chantent à tue-tête et se trémoussent au son de « Watch out for this » de Major Laser.

La musique s’arrête et l’un des projecteurs se braque sur moi.

_ La reine de notre roi vient de faire son entrée. Sublime de beauté et renversante de charisme. Bienvenue Cheryl.

J’esquisse un petit sourire. Matthews, officiellement disc-jockey ce soir, est l’un des amis de Michael. Tous deux jouent dans l’équipe de football américain du lycée.

Michael en est devenu le capitaine cette année. Si j’avais été pom-pom girl, nous aurions nagé dans l’un de ces clichés niais que les lycéens adorent.

Michael surgit du milieu de la foule. Sa chemise noire est retroussée sur ses avant-bras musclés. Le jeans semble beaucoup trop serré au niveau de ses cuisses. Arrive-t-il à bien marcher ?

Un sourire lumineux lui étire les lèvres. La culpabilité me serre le cœur. Chaque fois qu’il me sourit de cette manière, je me sens mal. J’ai l’impression qu’il tombe amoureux de moi. Se rend-il compte que tout cela n’est qu’un jeu politique ?

Ses bras se posent sur mes hanches. Il m’attire contre lui. Nos lèvres s’unissent. Nous échangeons un baiser beaucoup trop lent et langoureux à mon goût. Comme d’habitude, j’y mets du mien. Ne dit-on pas qu’il faut joindre l’utile à l’agréable ?

Evidemment, mes parents doivent se douter que Michael et moi ne faisons pas que nous embrasser. Mais ils n’ont jamais abordé ce sujet. Quand ça les arrange, ils préfèrent ne pas se mêler de mes affaires. Seuls comptent les privilèges que leur offre cette relation.

_ C’est bon de te voir. Tu es très belle, me chuchote-t-il à l’oreille.

_ Joyeux anniversaire, souris-je. Tu viens enfin de souffler ta dix-neuvième bougie.

Eh oui. Je suis plus âgée que lui d’un an. Mais, il ne le sait pas. Personne d’autre n’est au courant hormis Amor.

Il regarde quelque chose derrière moi. Sa physionomie se durcit.

_ Tu es venue avec lui.

A son ton de reproche, je devine automatiquement qu’il s’agit de Lawson.

_ Ne fais pas attention à lui. Il ne sera bientôt plus un problème.

_ Ah ouais ? Comment ?

_ Laisse-moi faire.

Je passe mon bras sous le sien. Il m’emmène où sont assis nos amis. La première personne que je remarque est Aubree. Fidèle à elle-même, sa tenue est carrément indécente.

Sa poitrine semble vouloir exploser dans son bustier. Ses lèvres écarlates se distendent en un sourire charmeur quand elle pose ses yeux bordés de faux cils sur le sauvage.

Amor a finalement choisie la combinaison. Pff, je suis déçue. La robe argentée lui serait allé comme un gant.

Nous nous asseyons et Michael commande deux « tequilas » pour lui et moi.

_ J’avais envie de tenter l’exotisme. Pas toi ma beauté ? me demande-t-il, en m’embrassant l’épaule.

_ Tu devrais essayer une Corona extra.

Sitôt ma réponse lâchée, je me mordille la lèvre. J’aurai dû la boucler. Je ne suis pas certaine que les enfants de riches connaissent ce genre de boisson.

Heureusement, il ne s’y attarde pas. Le serveur, un petit blond au sourire facile revient avec nos commandes. Je m’efforce de boire modérément, même si j’éprouve un besoin irrésistible de le vider d’un coup et d’en commander un autre.

_ Que comptes-tu faire pour nous débarrasser de ce pot de glue ?

Je lui caresse la joue et le tire vers moi pour l’embrasser de nouveau sous les gloussements de nos amis. Le sentir frissonner contre moi m’arrache un sourire. J’adore le pouvoir que je détiens sur lui.

_ J’ai un plan.

Je jette un coup d’œil derrière moi. Confortablement assis, les jambes légèrement écartées, Lawson déguste une bière brune. Nos yeux s’entrechoquent. A aucun moment il ne cherche à briser cet échange visuel.

Il a enlevé son blouson en cuir. Ses biceps se tendent dans les manches de son tee-shirt sombre. Je remarque alors sur cette partie de sa peau les lignes d’un tatouage.

_ Cheryl ?

Je sursaute et reporte mon attention sur Michael dont le visage s’est assombri.

_ C’est quoi ton foutu plan ?

_ Aubree est mon plan.

Amor lève les yeux de son portable.

_ Quoi ?

La concernée regarde par-dessus mon épaule avec un sourire coquin. Elle se caresse les lèvres de la langue sensuellement. J’ai l’impression de recevoir une douche glacée quand je réalise que c’est elle que Lawson regardait depuis le début et pas moi. Okkk…

_ Cheryl ? De quoi tu parles ? Comment ça Aubree est ton plan ? demande Amor, perdue.

_ Avant tout propos, je tiens à m’excuser Amor, réponds-je. C’est juste du cinéma.

_ Comment ça du cinéma ?

_ Je vais embrasser le garde-du-corps de Cheryl, déclare Aubree tout de go en se levant.

Les yeux d’Amor se dilatent. Elle émet un sifflement rageur.

_ Je ne suis pas d’accord. Non, non et non.

_ Amor je t’en prie. Ça ne durera qu’une poignée de secondes.

_ On peut être de la partie ? demande Ryan, un autre ami de Michael.

_ J’avais justement besoin de quelqu’un pour jouer le petit-ami furieux.

_ Surtout n’hésite pas à lui coller ton poing dans la gueule. Cela fait longtemps que j’ai envie de bastonner ce blanc-bec, renchérit Michael.

Aubree me fait un « check » discret et se dirige vers Lawson. Elle s’asseoit à ses côtés et sans perdre de temps, lui fourre sa langue dans la bouche. Surpris, il n’a pas le réflexe de la repousser et j’immortalise ce moment mémorable.

Je me demande quelle tête va tirer mon père quand je lui montrerai que son petit protégé n’est en fait qu’un sale queutard. Oh putain. Ça va être jouissif !

Ryan accourt dans leur direction, les sépare et fous son poing dans la gueule de Lawson comme convenu. Un attroupement ne tarde pas à se former autour d’eux. Michael se dépêche d’appeler la sécurité.

_ C’est le moment où jamais, me glisse Michael en me tirant à sa suite.

J’ai juste le temps de voir les agents de sécurité empoigner Lawson et Ryan se tenir le nez comme s’il avait reçu un coup. Oups ! Je pense que c’est ce qu’on appelle un dommage collatéral.

En voiture, Michael et moi rions comme des fous en visionnant la scène sur son téléphone.

_ Où va-t-on ? demandé-je, une fois ma crise de rire passée.

_ Je t’emmène dans un endroit où nous serons tranquilles toi et moi. Tu vas adorer, je te le promets.

Nous pénétrons dans l’enceinte de « ANGEL » l’hôtel de luxe appartenant à Léana Patterson, la mère de Michael.

C’est une femme de taille moyenne aux courts cheveux bruns. Contrairement à ma mère, elle est joviale, accueillante et pleine d’énergie. Mais bon. Les statistiques ont toujours montré que ce genre de personnes est à craindre. Ce sont généralement des ennemis redoutables si on n’y prend pas garde.

_ Encore joyeux anniversaire monsieur Patterson, minaude la réceptionniste en lui tendant une carte.

Ses yeux azurs se posent sur moi. Je ricane intérieurement face à l’éclair de jalousie qui les traverse. Pauvre petite jalouse.

Dès que nous entrons dans la suite, je n’ai même pas le loisir d’admirer les lieux car Michael se jette sur mes lèvres comme un affamé.

Ses mains se posent sur mes seins, glissent sur ma taille et mes fesses, qu’il presse durement. Son érection se frotte contre moi, urgente, réclamant certainement cette gâterie qu’il aime tellement.

_ Michael…

_ Mfffmmph.., grogne-t-il, son visage niché dans mon cou.

Je réussis à le repousser. Il me lance un regard teinté d’incompréhension.

_ Pourquoi se précipiter ? susurré-je, en le taquinant de mes lèvres, avant de le pousser dans un fauteuil.

Debout devant le minibar, je fais glisser la robe à mes pieds. Les yeux de Michael rétrécissent. Sa pomme d’Adam monte et redescend difficilement. Je devine qu’il a alors du mal à respirer.

Les lingeries. Que serait une femme sans ces merveilles ?

Nous portons un toast en l’honneur de son anniversaire. Je dégrafe mon soutien-gorge et monte à califourchon sur ses genoux. Tandis que je me déhanche au rythme d’un son langoureux, je ne peux m’empêcher d’imaginer la tête que doit avoir Lawson actuellement.

Et le pire, c’est qu’il n’a absolument aucune idée de l’endroit où je me trouve actuellement.

C’est ce qu’on appelle tendre un piège dans les règles de l’art.

Cheryl Caldwell, tu es un vrai génie du mal !

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