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Chapitre 3 : "Prends ton envol"

Chapitre 3

Musique du chapitre : https://youtu.be/pi39jgHPCHQ

"beaucoup t'appelleront "ami", mais très peu auront cette qualification" Jaelly LaRose

Une fille située à ma droite se penche vers moi.

—          Psst... eh, Sully !

—          Quoi ? répliqué-je, en ne quittant pas des yeux le tableau blanc.

—          Je pense que t'es dans la merde.

—          Comme toujours, ça ne change pas.

—          Mais vraiment, réaffirme-t-elle, elle est sur le point de te renvoyer. Et si elle te renvoie, tu iras où ?

Je rive les yeux sur mon cahier blanc, puis les plantent dans les siens.

—          T'es qui, en fait ?

—          Ah... euh, bah c'est moi Cassie ! L'informatrice hors-pair du lycée !

—          Cassie, ne te mêle pas de ce qui ne te regarde pas, sinon tu risques de me rencontrer en cours de route. Pigé ?

Ma voix a pris une autre tournure, celle d'une jeune fille vide et autoritaire. Je la vois commencer à jouer avec ses doigts, puis se raidir sur sa chaise.

—          Mademoiselle Everdeen ! s'exclame le professeur de chimie, va nous faire un plaisir de nous dire quelle loi appliquer pour ce cas-ci !

Quelle enflure celui-là... j'aimerais qu'on me renvoie pour ne plus jamais à le revoir. Mes yeux scannent le problème marqué au tableau, je prends un temps pour analyser, mais tous les cours de ma mère surgissent.

—          On dirait bien que tu n'as pas révisé pour-

—          On applique la deuxième loi de Kepler, le coupé-je brutalement, car la distance qui sépare le soleil va varier tout le long de son mouvement. Mais ça tout le monde le sait, en bref, la vitesse de la planète est maximale au niveau de son périhélie, et minimale au niveau de son aphélie.

Mes mots se brouillent dans le silence. Je sens d'ici l'embarras de mon professeur, quelle truie, qu'est-ce qu'il croyait ?

—          Euh... effectivement, mais tu n'as pas défini la période de révolution de-

—          La période de révolution est propre à la troisième loi de Kepler, monsieur Schmidt.

Un sourire satisfait se trace sur mes lèvres charnues.

—          Ton insolence est vraiment impitoyable, va voir Madame Mackenzie, maintenant ! Tu crois devenir ingénieur avec ce comportement ?

—          Hein ? Mais vous-

—          DEHORS ! s'écrit-il, à fleur de peau.

Il est totalement malade ! Je savais qu'il était jaloux de ma mère, mais pas au point de me haïr.

—          Je m'en bats les reins, je vais quitter votre établissement merdique ! injurié-je, en remballant mes affaires.

—          C'est ça, vous nous enverrez une carte postale aussi...

                  Mes poings se serrent davantage et mon souffle se coupe. S'il savait les atrocités que je veux lui faire subir... mon cœur bat contre ma poitrine avec une vitesse sans égale.  

—          Je dois vous rappelez que vous n'êtes rien à part un prof casse-couilles qui lèche les mineurs du lycée ? craché-je.

                  La classe se met à chuchoter, ce qui met le professeur de chimie en rogne.

—          VOUS NE-

—          Pas besoin de me dire de dégager, je le fais parce que j'ai justement envie de le faire.

                  Un sourire malicieux vient fendre mes lèvres, et je quitte la salle de classe. Mes pieds me dirigent vers le bureau de la proviseure. J'entre sans frapper.

—          Déjà les bonnes manières mademoiselle Everdeen.

—          Ouais, bon je veux mon renvoi maintenant, là. Vous n'avez aucune compassion envers vos élèves ! Ça fait une année que ça dure et vous êtes les seuls à être au courant de ce qui s'est passé, mais vous agissez comme des ignorants ! me rebellé-je, en frappant du pied.

                  Elle me toise, et range sa dernière pile de dossiers, en n'en gardant qu'un seul. Elle le tend vers moi.

—          C'est ton dossier scolaire. Tu vas pouvoir trouver ta voie ailleurs, m'annonce-t-elle en s'enfonçant dans le fond de son siège.

—          Je ne suis pas sûre d'avoir capté là... je viens de vous dire que-

—          C'est simple : le conseil et moi-même avons décidé de ton renvoi. Mais ne t'en fais pas, ta tante vient te chercher de Boston d'ici quelques temps.

—          Euh... hésité-je, totalement perturbée. Je viens de vous dire que vous ne foutez rien depuis une année pour moi et vous-

—          Les retards sont au compte de 60 sur cette année, les absences de 70. En bref, tu as été soit en retard soit absente pendant 140 jours sur 180 jours sur toute l'année scolaire. Navrée, mais une participation à seulement 40 jours, ce qui est la moitié d'un trimestre, est inscrit dans le règlement comme une négligence aux cours.

                  Ma main tenant mon dossier tombe le long de mon corps. Je serre la sangle de mon sac à dos, alors que la colère vibre dans mes veines. Quelle garce, comment ose-t-elle m'ignorer de la sorte ? Ils se sont tous passé le mot ou quoi ? Je relève la tête et affiche un sourire effronté, une lueur d'étonnement traverse les pupilles de madame Mackenzie.

—          J'ai longtemps rêvé que vous me dites ça. Mon coup a porté ses fruits ! m'exprimé-je en soutenant son regard.

                  Je m'avance vers elle, d'un pas sévère.

—          Par contre, je hais plus que tout que l'on me prenne de haut. Compris, Hortense ?

—          Je crois que tu ne te sens pas très bien, Sully... assieds-toi.

—          Ne me donne pas d'ordre, sale garce. Tu n'es pas ma mère.

                  Sa bouche s'ouvre en grand.

—          Vous êtes un monstre, et croyez-moi les monstres finissent en enfer. Vous finirez par cramer, et vos victimes se délecteront de cette scène.

Je me souviens qu'elle ne m'a même pas regardée, lorsque je lui ai annoncé la mort de mes parents, pour justifier certains de mes comportements. Elle est restée froide comme du marbre, et m'a traitée comme une moins que rien. Des courriels d'absence et de retard s'accumulaient dans ma boîte aux lettres, elle le faisait exprès pour me faire chier. Je suis heureuse d'en terminer là, et de passer à autre chose. De toute façon, à ce stade de ma vie, je n'ai plus rien à perdre si ce n'est du temps en compagnie de chiens pareils !

—          À bientôt, on se reverra lorsque je serai ingénieur ! lancé-je en lui brandissant mon dossier scolaire corné sur les coins.

                  Je me tire aussi vite que je suis entrée, et me dirige vers la sortie. Cependant, une grosse paire de lunettes me reluque avec un large sourire.

—          Tante Jaelly ?

—          Ma petite Sully ! Viens par-là ma belle suédoise ! s'écrie-t-elle en tendant ses bras vers moi.

                  Je n'entendais que sa voix quelques fois toutes les semaines. Elle est très bavarde, mais câline et protectrice. Tant Jaelly m'a souvent recommandée de venir avec elle, de passer quelques vacances dans le Massachusetts mais j'ai toujours donné des excuses bidons... je m'en veux de lui avoir menti tout ce temps.

—          Oh ! Mais t'as fait vite, je... j'capte pas là.

—          Suis-moi, on aura le temps d'en parler dans l'avion.

—          Dans l'avion ?! rabâché-je, en m'arrêtant en cours de route.

—          Bah oui ! Pour aller à Boston, on aura une heure devant nous ! m'informe-t-elle en prenant ma main.

                  Je me laisse entraînée par elle. Ses doigts sont si semblables à ceux de ma mère... je n'arrive pas à croire que... que j'ai enfin quelqu'un qui vient me chercher et prendre soin de moi.

—          Jack ! me souviens-je.

—          Jack ?

—          Oui, Jack, je ne peux pas partir en le laissant comme ça, on s'est réconciliés hier et... et-

—          Ma chérie, écoute-moi, m'interrompt-elle.

                  Elle pose ses mains sur mes épaules, et se rapproche de moi pour me regarder. Elle retire ses lunettes. Ses grands yeux clairs me captivent, et me contraignent à lui tendre l'oreille.

—          Dans tous les cas, tu viens avec moi. Je vois ton état, constate-t-elle, et ta maman m'a précieusement intimée de veiller sur toi...j'ai manqué en partie à ma promesse car tu t'es sentie seule et mal en point pendant un temps, mais je vais tout faire pour rendre ta vie heureuse maintenant. Donc si ton petit-ami va souffrir de ton absence, je te propose deux options. Va le voir sous peine que le départ soit plus douloureux, ou tourne la page directement en prenant ton envol.

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