Elle reprit subitement conscience d’une bruyante inspiration. Une quinte de toux ébranla son corps lourd et amorphe, comme si ses veines étaient maintenant remplies de plomb. Elle avait froid et se sentait dénudée jusqu’à son âme. Sa vision, floue, mit une éternité à faire le point sur ce qui l’entourait. Un plafond blanc, des murs blancs, des draps blancs; un décor aveuglant. Dans ses bras décolorés étaient plantées des perfusions, ses index étaient enfoncés dans des capteurs. Elle étouffait. Lorsque ses gestes–trop–lents l’eurent débarrassée du masque à oxygène qui l’oppressait inutilement, son ouïe fut déchirée par les cris d’une machine.La jeune femme ouvrit la bouche, mais sa langue pesait des tonnes. Le «bip» strident l’empêchait de se concentrer pour fouiller sa mémoire. Elle avait oublié: que faisait-elle ici? La porte s’ouvrit à la volée, plusieurs personnes firent irruption dans la pièce; un ba
20 août 2020Au milieu de la nuit noire qui avait fini par emporter la douce chaleur de l’été, Isobel ressassait les mots de sa jumelle. Celle-ci trouvait Finngall tordu. Combien de personnes en viendraient à la même conclusion? La police, le couple Raven, l’ensemble des gens ayant prêté attention à cette affaire médiatisée… tous pouvaient faire ce même lien douloureusement erroné. Plus l’enquête piétinerait, plus cette solution paraîtrait évidente à adopter. Son ami avait choisi de lui être fidèle. En refusant de parler de ses facultés aux autorités, il sacrifiait son honneur, son avenir et son image. Son secret était préservé et en échange, la Rêveuse le jetait en pâture à l’opinion publique. À une époque où il était si facile de désacraliser une personnalité, qu’adviendra-t-il du jeune étudiant? Ordinaire, passif, il se ferait dévorer par ce monde qui ne voulait plus cacher ses prédateurs. Postée à sa fenêtre, Isobel respirait la fraîche odeur de la te
Octobre 2020Isobel avait été sauvée de justesse. Trente minutes avant son agression, la police avait été prévenue par un appel anonyme que quelqu’un allait attenter à sa vie. Les autorités avaient bien essayé de remonter à la source de cette prédiction énigmatique, mais leur piste avait abouti à un téléphone prépayé. Impossible de relier la ligne à un propriétaire. La seule information qu’elles avaient pu obtenir, c’était que l’appel salvateur avait été passé depuis le Japon. À n’y rien comprendre…S’il y avait un bon côté à cet épisode effroyable, c’était qu’il bouclait son mensonge. La police écossaise et le FBI tenaient leur coupable. L’enquête conclut qu’il avait voulu finir son travail obsessionnel en traquant la seule rescapée de Kintra. Comme il avait succombé à l’assaut, Matthias Dwayne ne pouvait plus témoigner d’une version différente ni éclairer sur ses motivations. Il avait par ailleurs été identifié comme l
Né en 1990 dans la région parisienne où il a aussi passé le plus clair de sa vie, Elie est un mordu d’expressions artistiques. Il a envisagé des études en arts appliqués pour finalement choisir la musique… sans renoncer à l’écriture qui a jalonné sa vie depuis l’aube de l’adolescence. Féru d’histoires sombres – de préférence glaçantes, fantastiques ou horrifiques –, son imaginaire est particulièrement façonné par les écrits d’Anne Rice, Philip Pullman, Scott Westerfeld, JK Rowling et, plus tard, Karine Giébel. Très sensible aux symboles et aux émotions des expressions artistiques, son inspiration ne se borne pas au genre littéraire et puise allégrement dans le cinéma, la musique, la bande-dessinée ou encore le jeu vidéo…
Village de Wolf Creek, Oregon, États-Unis, janvier 1991Le ballet des pompiers était incessant. Les lances à eau se dressaient par dizaines pour combattre les flammes. L’incendie illuminait la nuit d’hiver, les gerbes de feu léchaient le ciel à en faire fondre les nuages. Les autorités présentes arboraient un air grave, spéculant sur ce qui avait pu se passer, faute de pouvoir commencer à enquêter. La violente déflagration avait embrasé le village entier; plus d’une centaine d’habitants, pour l’instant tous présumés morts. C’était une véritable tragédie. À leur tour, les journalistes arrivaient telle une nuée d’insectes nécrophages. Le désastre avait sans doute déjà un nom, un gros titre qui n’attendait que quelques déclarations supplémentaires pour être publié et faire sensation. La nuit allait être longue…FRAGMENT 1Shintown, Écosse, 18 septembre 2003
24 octobre 2019Isobel s’éveilla en sursaut. À bout de souffle comme après un marathon interminable, elle se redressa vivement. Ses draps étaient trempés, ses longs cheveux châtains collaient à son front et à ses joues ruisselantes de sueur. Dans l’ombre dense de sa petite chambre, elle tâtonna pour trouver la bouteille d’eau posée sur sa table de chevet. Elle avait fait un cauchemar. Depuis aussi loin qu’elle pouvait s’en souvenir, ils faisaient partie de ses nuits; alors elle s’y était habituée. Elle savait dompter la terreur qu’ils provoquaient. Après avoir bu, elle ne tremblait presque plus. Lâcher prise sur les images atroces était devenu facile, son subconscient les dissolvait aussi vite qu’il les avait créées. Malgré tout, ses rêves étaient toujours aussi éprouvants, car ils n’étaient pas ordinaires.Cette nuit, elle savait qu’elle ne retrouverait pas le sommeil. Elle était distraite par l’entêtante mélodie de la pluie automnale sur
26 octobre 2019Ce samedi de fin octobre, Isobel était prise d’un dilemme. Elle était invitée à une soirée dans la maison des parents d’Effie Dunn, une ancienne camarade de classe du secondaire. C’était à Golspie, sur la côte est des Highlands, à une trentaine de minutes en voiture. Autrefois, Effie était une de ces filles qui avait le don de faire jalouser ses consœurs. Populaire, éternelle première de la classe et athlétique. Sa beauté cuivrée avait fait un malheur pendant les deux années de fin de cursus obligatoire et elle n’avait même pas la décence d’être vaniteuse pour contrebalancer le tableau. Rayonnante et chaleureuse, elle avait donné quelques cours de soutien en anglais à Isobel, avant que celle-ci ne jette l’éponge. Elles ne s’étaient pas revues depuis la fin de leur scolarité et n’avaient d’ailleurs jamais été de grandes amies. Être conviée était supposé la flatter, mais comme toujours, la perspective de se rendre dans ce genre d’événement l’angoissai
16 novembre 2019Elle détestait novembre. Le seize du mois, c’était l’anniversaire de la mort de son père, victime d’un accident de la route six ans auparavant. Le choc avait été si violent que lorsqu’il fut amené à l’hôpital, il était déjà dans le coma. La jeune femme avait été profondément traumatisée. De sa mère et de sa sœur, elle était celle dont le deuil avait été le plus difficile. À quatorze ans, elle avait perdu le membre de sa famille duquel elle était le plus proche–plus encore que de sa jumelle. Un lien qui transcendait la chair et le sang. Lucy et Duncan Glenn, dans l’impossibilité d’avoir des enfants, avaient adopté les deux filles accouchées sous X. Ça n’avait jamais été un secret: pour éviter les dégâts d’une révélation brutale, les parents avaient choisi que cette vérité accompagne leur croissance. Jamais leur amour n’avait été remis en question, même pendant la tempétueuse période de la crise d’adolescence où il arrivait que