BaptisteAutour de moi tout est flou. Je me suis réveillé, préparé pour aller voir Kristin, et me suis retrouvé ici. Je ne reconnais rien. Il fait sombre – ça n’aide effectivement pas. En toute logique, ça ne devrait pas être le cas. Ma montre me serait bien utile – si elle fonctionnait. Je tape sur sa vitre, en vain. Je me demande dans quelle situation pourrie je me suis mis. Pourtant, je ne suis pas sorti, et depuis Kristin, je suis aussi sage – et sobre – qu’un moine tibétain.Le parquet sur lequel je marche craque. Une odeur de feu de bois me saisit, me rappelant la maison de mes parents – manquerait tout de même les cris de ces saletés de mouettes qui n’ont clairement pas encore fait la différence entre le jour et la nuit. Les murs de la pièce sont en pierre, une énorme armoire en bois massif à ma gauche jouxte une porte. Je fais un rapide tour sur moi-même, il s’agit d’une chambre. Un lit qui m’a l’air plus que moelleux – même si sacrément vieillot – trône au milieu
SimonVu l’heure, je sais qu’Elise n’est pas là, et pourtant me voilà devant chez Camille.Je n’ai pas dormi, j’ai déambulé en attendant de pouvoir venir la voir. C’est une envie à laquelle je n’arrive pas à me soustraire.Elle a dit que la situation actuelle était trop compliquée. Je me demande ce que cela veut dire.Je suis devant son bâtiment, ne sachant trop ce que je vais faire. Je n’ai ni ma guitare ni mon sombrero pour chanter la sérénade et il vaut sûrement mieux pour les oreilles de tout le monde que je m’abstienne de pousser la chansonnette.Une vieille dame sort de l’immeuble j’en profite pour me glisser à l’intérieur.J’entame la montée de l’escalier puis redescends, je devrais sûrement y aller.Seulement mes jambes s’en fichent des « je devrais sûrement ». Quand je me trouve devant la porte, j’hésite à faire demi-tour, pourtant je sonne.Elle se tient devant moi, la surprise se lit sur ses traits puis un sourire qui s
SolveigIl soupire à côté de moi, résigné, je le regarde faire alors qu’il s’approche et m’embrasse. C’est bon de le sentir contre moi, de sentir son odeur. Quand il se décide à me déshabiller, je le laisse faire, je le laisserai faire ce qu’il veut de moi, mais ça, il ne le sait pas. Pourquoi tendre le bâton pour se faire battre ? Et puis s’il savait, je perdrais tout intérêt. Je ne suis désirable que parce que je représente une sortie du quotidien. Une nouveauté.Il me guide, nous guide, il exige et prend tout. Et moi je lui donne tout, parce que ça vaut la peine, j’en suis sûre. Surtout quand j’entends sa voix au creux de mon oreille. Ça n’a rien de comparable. Rien. C’est le corps qui décide et l’esprit se réfugie dans un endroit qu’il tient secret. Une tornade de sensations dicte des mouvements qui ne nous appartiennent déjà plus. On peut mettre des mots. Décrire ces effleurements, ces gestes, mais jamais on ne pourra retranscrire avec justesse des moments comme ceux
EliseLes mots de ma meilleure amie résonnent dans ma tête. Ils m’ont donné à réfléchir. Si bien que je me suis décidée à passer chez nous pour le voir.—On boit un thé ? proposé-je à Simon.Il acquiesce, l’air perdu. J’ai peut-être exagéré. Je ne lui connais pas cet air et cela m’inquiète. Une fois nos tasses servies, je m’installe avec lui sur le sofa.—Je crois qu’on devrait parler, ajouté-je.—Je ne suis pas sûr.Je le regarde, hébétée.—Qu’est-ce que tu veux Elise ? Je pensais que tu voulais faire un break.—Je crois que j’ai dépassé les bornes.—Oh et bien, il était temps de t’en rendre compte !Je me lève d’un bond.—Es-tu obligé de m’agresser ?—Je crois qu’on devrait se séparer pour de bon.Je le scrute, ses yeux sont levés vers moi, aucune émotion ne transparaît alors que mes mains tremblent un peu.—Tu... Pourquoi ?Si
SolveigJe descends au bar de l’hôtel et commande un Daïquiri, puis deux, trois... jusqu’à ne plus compter. Le monde disparaît.Les fantômes de ma vie dansent devant mes yeux. Je suis complètement cuite, et seule – la honte.Il est temps que je remonte jusqu’à ma chambre. Il est minuit passé. Je titube, me prends les pieds dans le tapis, tombe à genoux sur le sol. Un rire incontrôlable m’agite. Je me relève difficilement et me dirige vers mon lit. Des larmes venues d’on ne sait où se mettent à dégouliner en trombes. Des litres de flotte qui surgissent de l’écran de fumée qu’est la vie. Je regarde mon téléphone. Toujours pas d’appel d’Elise. Je suis trop épuisée pour le faire à sa place et sombre.Je suis dans un nuage épais, gris, une brume opaque, qui peu à peu se dissipe.Erick, Baptiste et Elise sont côte à côte, comme paralysés. Erick a les yeux fermés, je m’approche de lui, il les ouvre brusquement, les écarquille. Rien d’autre ne bouge. Je tente
Solveig«Elle a de la chance, le body-scanner ne montre rien de dramatique.»«En même temps, qu’est-ce qu’ils fichaient tous en pleine forêt?»«Probablement la fête. Son alcoolémie est légèrement positive, on peut supposer qu’elle l’était bien davantage il y a quelques heures.»On fait la causette au-dessus de moi, je comprends des bribes de conversations. À nouveau on parle de moi, alors que je suis là. Pourtant il m’est impossible de pester, de dire à ces deux voix féminines d’arrêter. D’autant que je ne les reconnais pas. Et si j’essayais d’ouvrir les yeux, peut-être cela m’aiderait-il?Seulement c’est trop dur. Je crois que je vais plutôt me rendormir.Je me sens bien, détendue, tout s’efface, même moi.**Bip. Bip. Bip.Je me redresse sur mon lit.Mon tour, je n’ai pas fait mon tour.Solveig, essaie de te souvenir, dans quelle chambre y a-t-il un scope
SolveigJe suis dans un lit d’hôpital. Découverte miraculeuse du matin.Je ne suis pas dans une forêt étrange. Je ne suis pas non plus en train de dormir au travail.Mes pensées semblent s’éclaircir.À côté de moi, sur un fauteuil, un grand blond est endormi. Serait-ce Erick? Je tends le cou difficilement afin de mieux voir.Si ce n’est lui, c’est donc son frère…Je me laisse glisser à nouveau sur mon oreiller essayant de rassembler mes souvenirs pour comprendre quelque chose.—Tu es réveillée? Comment te sens-tu?Il se penche au-dessus de moi pour actionner la sonnette.—Je ne sais pas trop, je n’arrive pas à faire le tri entre la réalité et… Comment ai-je atterri ici?—Les secouristes nous ont extraits de la forêt dans laquelle nous étions avec Elise et Baptiste.Alors je n’ai pas déliré nous y étions vraiment.—Tu peux me dire ce qu’il s’est passé
SolveigMon corps entier me fait souffrir. La chute a été rude, mais l’état comateux dans lequel elle m’a plongé m’a permis d’aller récupérer tout le monde. Je fais glisser ma main sous les draps. The White Side est bien là. Tant que je ne suis pas sortie de l’hôpital, j’ai peur de l’égarer et que ce cauchemar devienne à nouveau notre réalité.On frappe à la porte.—Oui ?Erick passe sa tête dans l’embrasure. Je me tortille pour essayer de me rendre plus à mon avantage – douloureusement et inutilement. Je ne parviens qu’à gémir. Il se précipite vers moi.—Ça va ?—Oui, ne t’inquiète pas, le rassuré-je. Et toi ?Il incline la tête. Depuis que je suis hospitalisée, il me rend visite tous les jours. Nous avons parlé de sa disparition.Ce n’est pas vraiment son genre de déserter comme il l’a fait, mais il n’a pas supporté la pression. En sortant de chez L.V., il n’a pas compris ce qui lui arrivait. Cela faisait des s