lundi 27 février 2108J’attends, debout dans le froid, à l’endroit exact où il m’a donné rendez-vous. Seule, comme il me l’a demandé il y a deux jours, je me balance d’un pied sur l’autre en soufflant sur le bout de mes doigts afin de me réchauffer. Ce putain de Prophète a intérêt à vite se montrer s’il ne veut pas que je lui botte les fesses en bonne et due forme.J’inspecte une nouvelle fois du regard l’endroit où je me trouve. Il s’agit d’un immeuble abandonné en périphérie de Souppes-sur-Loing. Rakia m’a déposée à l’entrée de Dordives en jeep et j’ai fait le reste du chemin à pied; autre demande du Prophète. J’imagine qu’il a fait mettre le trajet sous surveillance pour vérifier que j’étais bel et bien seule.Déjà un peu énervée à l’idée de perdre autant de temps avec des précautions qui me paraissent démesurées, le dernier quart d’heure sous la pluie a exacerbé encore plus mon irritation. Mon frère est censé arriver dans la matinée à Corbeilles et
mercredi 29 février 2108Le réveil matin que j’ai récupéré dans la salle de dépôt me sort d’une nuit de sommeil complète. Ce n’était pas arrivé depuis un moment. Hébétée, je ne me souviens même plus de quoi je rêvais et c’est tant mieux. La veille, j’ai prétexté avoir un entretien par radio avec Belary pour m’éclipser d’une soirée qui s’éternisait, rentrer directement dans mes quartiers et me coucher, harassée de fatigue.Je sors mes jambes nues de sous la couette et m’étire de tout mon long en bâillant. Lorsque mes pieds touchent le sol glacé, je frissonne un moment avant de me lever. Je traverse la chambre lentement, laissant mes mains traîner le long des murs et des meubles. Dans le salon, je savoure un moment la douceur du tapis sous mes orteils avant de me diriger vers la cuisine. Je passe derrière le bar et me hisse sur la pointe des pieds pour ouvrir un placard et sortir un sachet de céréales. Piochant à même le paquet, je contemple mon nouveau c
lundi 19 au vendredi 23 décembre 2107J’avale deux grandes gorgées d’eau pour étancher ma soif, puis lève les yeux vers la vitre crasseuse. Dehors l’obscurité est encore dense, pourtant c’est l’heure de se remettre en route. Je mâche rapidement un abricot sec et bois une dernière gorgée d’eau avant de ranger la gourde dans mon sac.Ma main rencontre les morceaux de tissu noir que j’ai récupérés hier et j’en sors un pour le faire jouer entre mes doigts. Je me demande encore ce qui m’a pris de m’encombrer de ça. Délicatement, je plie le tissu qui va rejoindre les autres. Une fois assurée que tout est bien en place et ne risque pas de se faire la malle, je me relève et sors du magasin qui m’a servi d’abri pour la nuit.De la buée sort de ma bouche lorsque j’expire, ma
«L’image de cet enfant poignardé me hante chaque nuit. Je revois le bras du soldat qui s’abat, encore et encore. Le sang qui gicle. Le sang qui se répand au sol. Le souffle rauque et mourant de l’enfant. Son dernier soupir.Pendant plusieurs jours, j’ai senti l’odeur de son sang sur mes vêtements. Ces connards m’ont laissée mariner dedans jusqu’à ce qu’eux-mêmes ne puissent plus supporter cette puanteur. Ils m’ont alors récurée des pieds à la tête, sous leur jet d’eau savonneuse et glaciale. Mon débardeur et mes sous-vêtements ont été lavés aussi.Alors que je pensais pouvoir enfin trouver quelques heures de sommeil bien méritées, ils ont envoyé un garde taper dans les barreaux des cellules tous les quarts d’heure. Impossible de dormir. Donc je suis là, fixant le plafond de ma cellule à maudire mon geôlier et m’imaginer lui faire bouffer sa matraque jusqu’à la poignée. De toute façon, j’imagine qu’ils vont bientôt venir me chercher.En effet, la porte fini
mardi 27 au vendredi 30 décembre 2107Plusieurs fois, Djibril leur a dit de me laisser tranquille. À chaque fois, ils sont revenus, plus déterminés que jamais à me faire cracher je ne sais quelle vérité.L’épreuve de la baignoire n’a rien donné, pourtant ils m’y remettent de temps en temps. Sûrement pour passer leurs nerfs. Les miens sont mis à rude épreuve; le manque de sommeil, la douleur… parfois je me dis que je suis à deux doigts de craquer. Dans ces moments-là, je me sens happée par une brume blanchâtre, flottant entre deux eaux; celle trouble, qui m’attire dans les méandres de mes cauchemars et celle claire, qui me délivre de mes peurs.Pour l’instant je suis embourbée dans une mélasse infâme où des aiguilles me transpercent de part en part.—Attends, regarde, elle est mal mise, entends-je au loin. Si tu la mets avec cet angle, ça ne fait pas grand-chose, par contre, comme ça…Je tressaille et étouffe un cri de douleur
samedi 31 décembre 2107—Est-ce que ça te dérange de prendre ses affaires? Je vais l’installer à l’arrière du véhicule le temps que tout le monde finisse de se préparer.—Pas de problème.Quelqu’un me soulève dans ses bras. Mon frère, si je me fie à la voix du premier interlocuteur. J’essaye d’ouvrir les yeux, mais n’y parviens pas. Je ne sais pas ce qu’on m’a injecté dans les veines, mais pour que je sois KO à ce point, ça doit être puissant.Ma tête roule sur l’épaule de Xavier et j’agrippe faiblement sa veste.—Xal’? m’interpelle-t-il. Tu es avec nous?Pas de réponse de ma part.—Elle a dormi profondément toute la nuit. Tu sais ce que lui a donné Alexian?—Non, répond Khenzo dont je reconnais la voix grave. Mais visiblement c’est efficace, la fièvre est tombée.Je crois qu’il me touche le front avant de s’en aller. Xavier lui emboîte le pas et je me rendors aus
dimanche 01 janvier 2108Quelqu’un me secoue gentiment le bras pour me réveiller. Je lâche un grognement peu gracieux et enfouis un peu plus ma tête dans l’oreiller moelleux qui m’invite à continuer ma nuit. La personne se fait plus insistante et à contrecœur, je me retourne dans la couette épaisse pour me relever sur un bras et regarder autour de moi.Merde, je suis où? Je ne reconnais pas cet endroit.—Bien dormi?Je sursaute et me tourne de l’autre côté pour croiser le regard fauve de Thomas. Aussitôt, je bondis hors du lit, mais je me prends les pieds dans les draps et m’étale de tout mon long sur le sol. Constatant que je suis en t-shirt trop large pour m’appartenir, petite culotte et chaussettes en laine, j’attrape la couette pour me couvrir avec. De l’autre côté du lit, Thomas se retient de rire.—Je t’aurais bien laissé dormir plus longtemps, mais le général veut te voir.—On a dormi ensemble?
lundi 02 janvier 2108Il fait à peine jour, mais je suis déjà debout depuis un moment à faire les cent pas dans la cuisine. Cette nuit, j’ai eu le sommeil agité et je me sens un peu nerveuse à l’idée de taper l’incruste dans une réunion de militaires, qu’ils soient sur le terrain ou dans les administrations. Je serai probablement la plus jeune et je n’ai pas envie de passer pour une gamine qui ne comprend rien à ce qui se passe.Je finis par me faire un café et me servir un bol de céréales trouvées au fond d’un placard. Tandis que je touille d’une main le liquide noirâtre, je me palpe l’abdomen avec l’autre pour vérifier que le bandage posé après la douche tient toujours comme il faut. La douleur vive a disparu dès l’instant où Khenzo a retiré ces foutues aiguilles, en revanche je continue à ressentir un mal lancinant. Comme s’il jouait à cache-cache entre mes côtes.—Salut Xalyah.Je sursaute et tourne la tête vers la nouvelle venue. Camélia, l