lundi 19 au vendredi 23 décembre 2107J’avale deux grandes gorgées d’eau pour étancher ma soif, puis lève les yeux vers la vitre crasseuse. Dehors l’obscurité est encore dense, pourtant c’est l’heure de se remettre en route. Je mâche rapidement un abricot sec et bois une dernière gorgée d’eau avant de ranger la gourde dans mon sac.Ma main rencontre les morceaux de tissu noir que j’ai récupérés hier et j’en sors un pour le faire jouer entre mes doigts. Je me demande encore ce qui m’a pris de m’encombrer de ça. Délicatement, je plie le tissu qui va rejoindre les autres. Une fois assurée que tout est bien en place et ne risque pas de se faire la malle, je me relève et sors du magasin qui m’a servi d’abri pour la nuit.De la buée sort de ma bouche lorsque j’expire, ma
«L’image de cet enfant poignardé me hante chaque nuit. Je revois le bras du soldat qui s’abat, encore et encore. Le sang qui gicle. Le sang qui se répand au sol. Le souffle rauque et mourant de l’enfant. Son dernier soupir.Pendant plusieurs jours, j’ai senti l’odeur de son sang sur mes vêtements. Ces connards m’ont laissée mariner dedans jusqu’à ce qu’eux-mêmes ne puissent plus supporter cette puanteur. Ils m’ont alors récurée des pieds à la tête, sous leur jet d’eau savonneuse et glaciale. Mon débardeur et mes sous-vêtements ont été lavés aussi.Alors que je pensais pouvoir enfin trouver quelques heures de sommeil bien méritées, ils ont envoyé un garde taper dans les barreaux des cellules tous les quarts d’heure. Impossible de dormir. Donc je suis là, fixant le plafond de ma cellule à maudire mon geôlier et m’imaginer lui faire bouffer sa matraque jusqu’à la poignée. De toute façon, j’imagine qu’ils vont bientôt venir me chercher.En effet, la porte fini
mardi 27 au vendredi 30 décembre 2107Plusieurs fois, Djibril leur a dit de me laisser tranquille. À chaque fois, ils sont revenus, plus déterminés que jamais à me faire cracher je ne sais quelle vérité.L’épreuve de la baignoire n’a rien donné, pourtant ils m’y remettent de temps en temps. Sûrement pour passer leurs nerfs. Les miens sont mis à rude épreuve; le manque de sommeil, la douleur… parfois je me dis que je suis à deux doigts de craquer. Dans ces moments-là, je me sens happée par une brume blanchâtre, flottant entre deux eaux; celle trouble, qui m’attire dans les méandres de mes cauchemars et celle claire, qui me délivre de mes peurs.Pour l’instant je suis embourbée dans une mélasse infâme où des aiguilles me transpercent de part en part.—Attends, regarde, elle est mal mise, entends-je au loin. Si tu la mets avec cet angle, ça ne fait pas grand-chose, par contre, comme ça…Je tressaille et étouffe un cri de douleur
samedi 31 décembre 2107—Est-ce que ça te dérange de prendre ses affaires? Je vais l’installer à l’arrière du véhicule le temps que tout le monde finisse de se préparer.—Pas de problème.Quelqu’un me soulève dans ses bras. Mon frère, si je me fie à la voix du premier interlocuteur. J’essaye d’ouvrir les yeux, mais n’y parviens pas. Je ne sais pas ce qu’on m’a injecté dans les veines, mais pour que je sois KO à ce point, ça doit être puissant.Ma tête roule sur l’épaule de Xavier et j’agrippe faiblement sa veste.—Xal’? m’interpelle-t-il. Tu es avec nous?Pas de réponse de ma part.—Elle a dormi profondément toute la nuit. Tu sais ce que lui a donné Alexian?—Non, répond Khenzo dont je reconnais la voix grave. Mais visiblement c’est efficace, la fièvre est tombée.Je crois qu’il me touche le front avant de s’en aller. Xavier lui emboîte le pas et je me rendors aus
dimanche 01 janvier 2108Quelqu’un me secoue gentiment le bras pour me réveiller. Je lâche un grognement peu gracieux et enfouis un peu plus ma tête dans l’oreiller moelleux qui m’invite à continuer ma nuit. La personne se fait plus insistante et à contrecœur, je me retourne dans la couette épaisse pour me relever sur un bras et regarder autour de moi.Merde, je suis où? Je ne reconnais pas cet endroit.—Bien dormi?Je sursaute et me tourne de l’autre côté pour croiser le regard fauve de Thomas. Aussitôt, je bondis hors du lit, mais je me prends les pieds dans les draps et m’étale de tout mon long sur le sol. Constatant que je suis en t-shirt trop large pour m’appartenir, petite culotte et chaussettes en laine, j’attrape la couette pour me couvrir avec. De l’autre côté du lit, Thomas se retient de rire.—Je t’aurais bien laissé dormir plus longtemps, mais le général veut te voir.—On a dormi ensemble?
lundi 02 janvier 2108Il fait à peine jour, mais je suis déjà debout depuis un moment à faire les cent pas dans la cuisine. Cette nuit, j’ai eu le sommeil agité et je me sens un peu nerveuse à l’idée de taper l’incruste dans une réunion de militaires, qu’ils soient sur le terrain ou dans les administrations. Je serai probablement la plus jeune et je n’ai pas envie de passer pour une gamine qui ne comprend rien à ce qui se passe.Je finis par me faire un café et me servir un bol de céréales trouvées au fond d’un placard. Tandis que je touille d’une main le liquide noirâtre, je me palpe l’abdomen avec l’autre pour vérifier que le bandage posé après la douche tient toujours comme il faut. La douleur vive a disparu dès l’instant où Khenzo a retiré ces foutues aiguilles, en revanche je continue à ressentir un mal lancinant. Comme s’il jouait à cache-cache entre mes côtes.—Salut Xalyah.Je sursaute et tourne la tête vers la nouvelle venue. Camélia, l
«Il m’aura fallu au moins une semaine pour me remettre de la dernière séance publique. Une semaine avant que les douleurs musculaires, les maux de tête et les saignements de nez disparaissent. D’après le médecin qui m’a examinée plusieurs fois pour contrôler mon état: ce n’est rien. L’homme aux yeux vairons ne semble pas vraiment d’accord, mais on ne lui demande pas son avis alors il garde le silence, laissant l’autre blouse blanche établir son rapport.—Vous pouvez la ramener dans sa cellule, conclut-il à l’intention de mon geôlier préféré. On en a fini avec elle pour aujourd’hui.Le soldat s’approche et m’attrape par le bras afin de m’aider à me relever. J’ai les jambes tremblantes, malgré tout je suis contente d’apprendre qu’on ne viendra pas me chercher une nouvelle fois aujourd’hui. Peut-être vais-je enfin pouvoir me reposer un peu.—Allez, viens par-là, m’ordonne-t-il en poussant la porte pour me faire passer devant.Nous mar
jeudi 05 janvier 2108Dans la pénombre, mon reflet m’offre un pâle sourire et pour la cinquième fois, je m’asperge le visage pour me ressaisir. La fraîcheur de l’eau me fait frissonner et ma peau se hérisse à nouveau. Je n’arrive pas à chasser ces images qui me hantent inlassablement. Et ça m’épuise. Mes doigts se crispent sur la vasque du lavabo, j’inspire et expire lentement plusieurs fois pour dissiper la nausée qui me tord l’estomac.Lorsque je me suis réveillée en sursaut, cinq minutes plus tôt, j’ai bien cru avoir parlé tout haut, mais comme ni Jeremy ni Khenzo n’ont fait mine de bouger, mes mots sont certainement restés dans ma tête. Et ça vaut mieux ainsi.Je me rafraîchis une dernière fois le visage avant de m’essuyer avec ma serviette, bien décidée à passer une fin de nuit plus tranquille. Alors que j’accroche le linge sur le radiateur, la lumière s’allume brusquement, me faisant sursauter en même temps que pousser un petit cri de surprise. Très cl