Maud est retournée hier chez ses parents, afin d’y récupérer Sarah. Elle m’a appelé ce matin et donné rendez-vous pour le déjeuner, dans un petit restaurant de centre commercial. Que cela se passe là-bas ne m’enchante pas du tout, sauf qu’il va falloir que je m’y plie si je veux pouvoir échanger avec la petite fille. Maud paraît inquiète à l’idée que j’interroge Sarah – et je peux le comprendre –, seulement ce que cette dernière a dit à sa mère est bien trop troublant pour que j’en fasse abstraction.Je me gare, et rejoins le pôle où se trouvent tous les restaurants. Je n’y ai pas mis les pieds depuis l’accident. Maud est assise sur un banc, elle ne m’a pas vu arriver, et observe Sarah jouer avec d’autres enfants sur une grosse structure en forme de bateau. La jeune femme porte un chapeau, ou ce qui ressemble à un mixte entre un bonnet et un chapeau. Ce genre a sûrement un nom, mais je ne le connais pas. J’arrive à sa hauteur, elle me gratifie de son habituel sourire et se lève
Ce matin, ni Célia ni ma princesse ne partagent mon petit-déjeuner. Mais ça va. La veille, je suis rentré surexcité et enjoué par cette soirée passée. Maud me fait du bien, et Sarah aussi, c’est indéniable. Évidemment, j’ai aperçu la mélancolie se pointer à mon entrée, mais je l’ai ignorée. Je me suis rendu directement dans ma chambre et me suis couché. J’ai tenu le coup et les appels de ma bouteille sont restés sans réponse.J’ai pris beaucoup de temps à m’endormir, sans doute plusieurs heures. Je repensais à Maud, à ce que je lui avais dit. Ce matin, je ne regrette plus autant. Car après tout, lui dire qu’elle est jolie n’est que mettre en lumière une vérité, et ça n’a rien d’une quelconque déclaration de sentiments. Ma seule inquiétude va maintenant à l’interprétation qu’elle a pu en faire.C’est jeudi, et la rentrée aura lieu mardi, j’ai hâte. Je n’ai rien de prévu pour les cinq prochains jours et il va falloir que je m’occupe si je ne veux pas retomber dans mes affre
Je fais ce qu’elle dit et me laisse aller. Maud ne fait que poser ses lèvres sur les miennes, rien que quelques secondes, puis se retire. Elle rouvre les yeux, je n’ai pas fermé les miens.—C’est déjà une sacrée étape, dit-elle.Et je ne suis pas certain qu’elle réalise à quel point.—Vous acceptez de rester déjeuner ?J’acquiesce. Elle saisit sa tasse de café, qu’elle serre entre les mains, et se laisse tomber au fond du canapé. Je prends la mienne et la porte à ma bouche, il a tiédi.Je suis tout à coup envahi de remords. Non, nous n’avons rien fait, Maud n’a fait que poser ses lèvres. Il y a eu le mouvement, mais ni elle ni moi n’avons entrouvert la bouche au moment du baiser.Maud reste à côté de moi sans rien dire, elle doit également réfléchir à ce qui vient de se passer, probablement le sentiment de culpabilité en moins.Nous sommes coupés dans nos pensées par Sarah descendant les escaliers.—Maman ? appel
Ma vie prend une direction que je n’avais pas anticipée et est gratifiée d’une saveur que je n’aurais même pas osé espérer. Maud et Sarah deviennent toutes les deux mon quotidien, je les retrouve après mes journées passées à l’école, je dîne avec elles avant de rentrer dormir chez moi. Puis nos soirées s’allongent, il m’arrive de plus en plus de ne quitter Maud qu’au milieu de la nuit, jusqu’à ce qu’elle me propose de me réveiller avec elle.Je crois que le premier petit-déjeuner en compagnie de Sarah est plus perturbant pour moi que pour elle. Elle me découvre à son réveil et ne montre pas la moindre surprise, alors que Maud et moi redoutions ce moment. C’est pour ma part que c’est le plus délicat, attablé avec cette petite fille et cette jeune femme, je ne peux pas éluder le souvenir de ma vie d’avant. Ce moment me fait ressentir l’impression de les avoir remplacées. Et que cette impression est désagréable ! Je culpabilise. Je prétexte une sortie scolaire pour dîner seul chez
Je ne parviens pas à retrouver le sommeil, et lorsque le réveil sonne, ma décision est prise. Je ne parlerai pas de ce qui s’est passé à Maud, pas avant d’être certain de ne pas avoir tout imaginé. Je crains qu’elle me prenne pour fou, ou simplement que cela entache notre relation. Alors je fais mine de rien, observant néanmoins Sarah durant le petit-déjeuner, attendant qu’elle aborde le sujet de son cauchemar. Elle n’en fait rien.J’y repense toute la journée, tente de me faire revenir en mémoire l’intonation exacte, mais n’y arrive pas. Alors le soir venu, j’attends que Maud s’endorme pour redescendre. Je patiente un moment à côté de la porte de la chambre de Sarah et n’entends aucun bruit. Je me sers un whisky, puis demeure quelques minutes dans le couloir. Je dois y rester près d’une vingtaine de minutes, le temps de terminer mon verre et d’aller le laver afin de ne laisser aucune trace de cette entaille à la règle. Car je ne bois quasiment plus depuis que j’ai emménagé avec
J’arrive à peu près à me sortir la dispute de l’esprit, mais pas les mots de Sarah durant son sommeil. Mon sac est dans mon coffre, ma voiture le long du trottoir, et moi dans ce café où j’ai invité Maud lors de notre premier rendez-vous. Je n’imaginais pas notre relation se terminer ainsi, pas sur ce genre de malentendu. Je l’ai laissée me mettre dehors et le regrette, dorénavant, car j’ai besoin de Sarah pour y voir plus clair. Je ne peux pas laisser Maud faire barrage à mes espoirs d’expliquer ce phénomène.Mes réflexions sont coupées par l’intervention d’un serveur à qui je commande un whisky et un café, mais elles reprennent aussitôt le jeune homme reparti.Que vais-je faire de ma journée ? C’est l’été, et mon planning qui s’articulait jusqu’à maintenant autour de Sarah et de Maud va désormais se retrouver vierge. Je ne veux pas rentrer chez moi, peur de retomber. Seulement ai-je vraiment le choix ?Le serveur me sert, je le remercie et attaque aussitôt avec l
Il se passe trois jours. Je ne suis pas retourné chez moi car je sens que je perds l’esprit lorsque j’y suis, il me faut alors prendre mes distances. Est-ce une étape normale dans le processus du deuil ? Je n’en sais rien. Ce dont je suis certain, c’est que me morfondre chez moi est pour moi bien plus néfaste que dans cette chambre d’hôtel. Seulement mes finances ne me permettent pas d’y envisager les deux mois d’été, alors j’use d’excuses afin de convaincre Maud d’accepter un dîner.Elle et Sarah sont revenues depuis la veille, Maud me l’a confié tout en me priant de ne pas débarquer. J’ai respecté son souhait. Et c’est peut-être pour cette raison – ou parce que Sarah plaide en ma faveur – que Maud accepte ma requête.Depuis trois jours, je n’ai cessé de penser à Eléanore. Ses mots me hantent. Je me remets de plus belle à lui parler, mais sans Sarah, je ne peux rien espérer. Alors je me prépare à faire le maximum d’efforts pour renouer le contact avec Sarah et Maud. Pour
Maud me demande de garder mes distances avec Sarah et j’obéis pour ne pas envenimer la situation. Elle m’en veut, je peux néanmoins me satisfaire du fait qu’elle n’ait pas encore officiellement rompu. Et puis au moins, maintenant, elle me croit. Elle a assisté à la même chose que moi, et rien que ça, c’est déjà un sacré soulagement quant à mes inquiétudes sur ma santé mentale.Je suis donc de retour chez moi, toujours hanté pas mes vieux démons. Si Maud est bouleversée par la vision de sa fille s’exprimant avec l’intonation de la mienne, moi je me sens en colère. En colère, car je ne peux rien faire ni rien expliquer. Oui, c’est mon Eléanore qui parlait à travers Sarah, mais qu’essayait-elle de me dire ? Elle m’appelait à l’aide? Que pouvais-je faire ? Je n’en peux plus d’attendre, mais je comprends la réaction de Maud, c’est évident que voir Sarah parler en semi-inconscience était effrayant…Alors je ne peux plus que patienter. Il n’est plus envisageable de sollici