La mort peut être douce. Elle peut être brutale. Ou encore attendue. Elle peut décimer une personne en l’espace de quelques secondes. Elle atteint son entourage en faisant des ravages, bien pires que le cœur de la victime qui s’arrête. Elle peut amener à la dépression. Elle peut amener à la folie. Elle peut survenir après une maladie. La mort peut soulager. Elle peut horrifier. Elle peut être lente. Elle peut être rapide. Comme le corps, qui se tient juste sous mes yeux. Sans vie, et atrocement froid. Même l’odeur caractéristique de la mort semble avoir pris possession des lieux. Je continue à croire que ce n’est pas possible. Une vie ne peut pas s’arrêter comme ça. Zéphyr a été étranglé sous mes yeux. Mais Angie ? Il ne peut pas mourir ainsi. Il est plus fort que ça. Mes mains tiennent toujours sa tête froide, mon front collé au sien. Je ferme les yeux, essayant vainement de lui faire parvenir ma force. Je ne sais pas comment, mais j’essaie… Je sais que tu peux le faire, il te suffit
Je me précipite jusqu’à l’infirmerie. J’ignore les appels de Zéphyr et d’Angie qui tentent de m’en empêcher. Ils ont vraiment cru que je resterais là, les bras croisés, à assimiler la nouvelle sans rien faire ? Ce n’est pas mon genre. Je longe les couloirs du château et ne tarde pas à pousser la porte du dispensaire. Je jette un regard circulaire dans la salle et le trouve allongé dans un lit blanc, des machines reliées à son corps. Un corps qui m’a l’air amaigri. Il est visiblement toujours dans le coma. Je l’entends à peine respirer. Il est en train de mourir à petit feu... par ma faute. Mais qu’est-ce que j’ai fait ? Dès l’instant où je me suis retrouvée dans cet Isolement de malheur, Isaac a été là pour moi. Il m’a pris ma peine. Il m’a rassurée. Il s’est confié à moi. Du moins... un peu. Je ne connais pas toute son histoire, mais ce dont je suis certaine, c’est qu’il a traversé des moments affreux et qu’il ne s’attendait sûrement pas à mourir ainsi. Que s’est-il passé dans ma tête
Je la regarde claquer la porte derrière elle, inébranlable. Et c’est à ce moment que je me souviens du petit objet présent dans ma poche. Sa montre. Je voulais la lui rendre et j’ai encore raté une occasion de le faire. Cette fille est arrivée à me faire oublier ce pour quoi je suis venu jusqu’ici. Elle est vraiment douée. D’habitude, rien ni personne ne parvient à me détourner de mon objectif. Mais avec elle, c’est différent. Elle arrive à faire ressortir ce que j’essaie d’enfouir au plus profond de moi. Avant, jamais je ne me serais emporté ainsi. Je fixe une fois de plus le trou dans le mur. Ça ne m’était pas arrivé depuis longtemps. J’ai bien cru que j’allais frapper Evalina pour sa naïveté. Elle s’expose à des risques dont elle n’a même pas idée. Elle aurait pu mourir. Je ne sais pas pourquoi j’ai réagi aussi brusquement. Après tout, si elle meurt, c’est son problème. Mais la reine m’a chargé de veiller sur elle, et si je n’avais pas été là, elle serait morte. Bon sang. Je presse
Comment Angie en est-il arrivé à cette conclusion ? Je ne comprends pas. D’après ce que j’ai pu observer dans ce royaume, personne n’a le même pouvoir qu’un autre. Chacun possède le sien. Pourquoi aurais-je le même que celui d’Isaac ?—Tu te trompes.—Tu as pu utiliser la localisation psychique parce que des particules de mon pouvoir flottaient encore dans l’air, explique-t-il. Et tu as pu guérir Isaac parce que Zéphyr avait la main posée sur ton épaule. Ce sont des preuves suffisantes, non ?Effectivement, ce qu’il dit n’est pas dénué de sens. Et lui n’a relevé que deux preuves. Le jour où j’avais entendu ses pensées, il avait mis sa main sur mon épaule pour me soutenir au cas où le mal de tête me reprenait. Lorsqu’il l’avait enlevé, tout s’était arrêté. J’avais beau me concentrer encore et encore pour tenter de les entendre à nouveau, c’était peine perdue. Je crois bien que ceci fait office de troisième preuve.—Avant de partir pour l’Imp
Cela faisait longtemps que je n’étais pas venue ici. Je suis adossée au mur blanc de la pièce en coupole, appelée également «la salle d’attente du Siège ». J’attends que la reine veuille bien me recevoir, tout en essayant de ne pas croiser le regard d’Angie. Je tente par tous les moyens de ne pas détourner mes yeux de ce soleil brillant éclairant la pièce à travers la baie vitrée. Ces derniers jours, le ciel est toujours d’un magnifique bleu. À vrai dire, je n’ai même jamais vu de nuages à Réturis. Pas une seule fois. Comme les étoiles sur ce royaume, j’ai l’impression qu’ils sont inexistants. Ce monde est décidément très étrange.Et je suis loin d’en avoir fait le tour. J’aimerais tant sortir dehors ! Je voudrais visiter les villages qui jouxtent le Majestueux, mais je doute qu’on me donne un jour cette permission. D’après la reine, je suis bien trop précieuse pour que l’on prenne le risque que je sorte. Je déteste me sentir comme prisonnière. Je dois rester ici, à attend
Ce dernier tressaille à l’entente de son nom prononcé par la voix grave et hésitante d’Isaac. Il n’y a pas un bruit, mis à part les respirations de chacun d’entre nous. Et encore... Pour ma part, j’ai le souffle coupé. J’attends la réponse du Leader. Les autres ne doivent sûrement rien comprendre à la situation, tout comme moi. Même si intérieurement, j’avais cette impression que les deux garçons s’étaient déjà rencontrés. Reste à savoir si Angie va assumer, ou tout simplement nier.Mais il reste muet. Immobile. Aucune émotion ne traverse son visage. Isaac s’avance, jusqu’à s’arrêter face à lui. Ils font quasiment la même taille. Isaac ne dépasse Angie que de quatre ou cinq centimètres. Les secondes s’écoulent, interminables. Les deux hommes se dévisagent.—Oui, c’est bien toi, finit par dire Isaac. Tu as beau garder le silence, je ne connais personne d’autre possédant les mêmes yeux que les tiens.Angie reste muet. Pourquoi ne répond-il pas ? Mais lorsque je
Je descends précautionneusement de mon pégase noir. Ce dernier recule de quelques pas, les sabots claquant contre le sol de terre aride. J’attache sa corde autour d’un arbre non loin, dépourvu de feuillage. Je caresse une dernière fois sa magnifique robe noire, me demandant si j’aurais la chance de le revoir. Mais ce que je m’apprête à faire m’en fait douter. Je me détourne de lui, inspire un grand coup, puis m’élance. J’avance avec détermination jusqu’à l’Imposant qui se dresse face à moi. Peut-être que je signe mon arrêt de mort… Peu importe, j’y vais pour elle. Pour Tessia. Si je décide de faire demi-tour, plus jamais je n’oserai me regarder dans une glace.En espérant que la Démone ne bluffe pas ! Elle prétend détenir Tessia, mais je n’en ai jamais eu la preuve. Il n’y a qu’une seule façon de le découvrir... J’inspire à nouveau une grande bouffée d’air frais. Plus que quelques pas et j’atteins la grande porte en bois noir... J’avance une main tremblante vers la poignée. Je s
Mes yeux s’ouvrent lentement sur un espace sombre. Étrangement familier. Des toiles d’araignée dans les recoins, une fraîcheur à en faire dresser les poils sur la peau, une odeur de moisi, et des barreaux en acier. Je suis de retour à l’Isolement. Je me relève d’un bond, faisant abstraction des courbatures qui tétanisent mes muscles. Je me précipite jusqu’aux barreaux qui entravent ma liberté, et lorsque je les saisis à pleine main, la peinture qui s’écaille me vaut quelques égratignures.—Eh ! Il y a quelqu’un ? appelé-je.Seul l’écho de ma voix se fait entendre. L’Isolement est désert. Il n’y a personne à part moi. La Démone n’a donc pas respecté sa part du marché. À l’instant même où je me suis présentée à elle, elle s’est empressée d’envoyer l’un de ses nébors m’électrocuter. Je hurle de rage. Mes poings ne cessent de marteler les barreaux de ma cellule, seulement, je n’arrive pas à les briser comme la dernière fois. Et cela a le don de m’énerver davantage. Je n