—Elias!La jeune fille qui se jeta dans les bras d’Elias était méconnaissable. Ses grosses lunettes de métallurgie dont elle ne pouvait se passer avaient disparu. Ses cheveux d’habitude en désordre étaient bien coiffés. Ses cernes aussi s’étaient complètement envolés. On aurait même dit qu’elle portait du maquillage.—Tu as l’air en forme! s’écria-t-il en lui rendant son étreinte. Tu m’as manqué, c’est beaucoup plus calme à l’Unisson sans le bordel qui s’échappe de ton laboratoire!Un grand sourire illumina le visage de Chloé.—Crois-moi, avec tout ce que j’ai découvert à Élysia ce mois-ci, le calme ne va pas durer longtemps!Elle embrassa Maya et salua ensuite Obsidian, lequel entra directement dans le vif du sujet:—Pas de Prodiges alors ?—Non! Rien n’a activé leur radar.—Est-ce que les gardes ont changé autour de la porte ? Et le nouveau modèle de montre
Elias fixait les deux immenses arbres en face de lui, piliers du Concil. Il profitait de l’absence de Maya dans la journée pour visiter la ville de fond en comble. Animé de l’espoir futile de croiser Tom au coin d’une rue, il poursuivait aussi la recherche du contact avec les Élyséens. Il s’efforçait de découvrir, au sein de toutes les merveilles que la cité recelait, une réponse. Étaient-ils vraiment heureux ? Est-ce que ce simulacre de conscience était suffisant ?Après plus d’une semaine sans la moindre trace de Tom, il avait décidé que tenter de le retrouver dans sa vie civile plutôt que vespérale serait peut-être plus simple. Qu’aurait pu devenir son ami une fois l’Optimus passé ? Un Psy ? Peut-être. Plus vraisemblablement un Thêta. Tom n’avait jamais été intéressé par le pouvoir et la législation. Si l’Optimus les classait réellement dans le domaine où ils étaient le plus susceptibles de s’épanouir, alors Tom serait un Thêta. Un spécialiste de l’ingénierie, de la robotique
—Bordel ! cria Elias.Malgré la pénombre je vis sa position changer imperceptiblement en l’espace d’une seconde. Il passa d’une allure détendue, relâchée, à une posture prête pour le combat. Un pied en arrière stable, la jambe droite en avant, légèrement fléchie. Il tourna faiblement le torse, limitant sa zone d’exposition.D’un claquement de doigts, la lumière s’alluma à ma demande. Je sentis son regard me détailler, pendant presque une seconde.Puis, enfin, il me reconnut.—Toi ? s’exclama-t-il, encore incertain.—Moi, lui répondis-je, amusé.Il s’avança d’un pas, me dévisageant.—Qu’est-ce que tu fais là ?—Officiellement ou officieusement ?Son attention se tourna sur l’insigne de Psy à ma poitrine. Il grimaça et détailla ma silhouette, aux circuits magnétiques brillant faiblement d’une lueur bleutée. Le même bleu que mes yeux. Un regard si perçant qu’il avait la sensation qu’ils le transpe
Le retour à l’Unisson parut à Elias une éternité compressée en une seconde. Il suivait aveuglément Maya, un brouillard persistant refusait de se lever, obscurcissant ses pensées. La chevalière de Tom, accrochée à son cou, semblait peser une tonne. Il l’avait retirée de son doigt. Chaque once de sa peau en contact avec elle lui paraissait brûler.Il songeait parfois à l’image mentale du deuil qu’il s’était fait lorsqu’il avait appris l’existence de la Génogenèse. À chaque fois, un petit rire amer s’échappait de sa gorge. Il était si loin de la vérité.À peine la frontière de l’Unisson franchie, Elio lui sauta dans les bras. Elias lui rendit faiblement son étreinte et s’évanouit en direction de sa chambre.—Il ne va pas bien, Elias ? demanda le jeune garçon, ses grands yeux interrogatifs fixés sur Maya.—C’est compliqué bonhomme. Il a découvert qu’un de ses amis avait disparu…—Mais je vais l’aider à le retrouver moi, à nous trois on y
—On devrait placer une tour ici, là et là, désigna Elias, en pointant du doigt trois points à la frontière invisible qui séparait l’Unisson du reste du monde.—Dans ce cas, il nous faudra assurer une rotation avec nos meilleurs archers, ce qui les fixera à ces postes, répondit Maya, sa main couvrant ses yeux pour les protéger du soleil.—Les archers, oui, mais pas seulement. Nous devrions y engager les Prodiges avec des Nexus de projections offensives.—C’est encore trop tôt, ils ne sont pas prêts.—Je sais, soupira-t-il. Et j’aimerais qu’ils n’aient jamais à l’être. Mais les choses sont ainsi.Elias ignorait depuis quand il était devenu si cynique. La mort de Tom ? Avant ? Les trois derniers mois plongés dans tous les ouvrages de stratégie militaire n’avaient pas dû l’aider non plus. De Sun Tzu à Bonaparte en passant par César et Machiavel, il avait dévoré les récits des plus grands.À vrai dire, la sérénité de to
—C’est toujours mon moment préféré dans les contes mythologiques grecs, se réjouit Maya en sifflotant. Le grand départ du héros et de ses acolytes pour leur quête.—J’imagine que nous sommes ta vaillante troupe d’acolytes, ironisa Elias.—Exactement ! D’ailleurs, je ne crois pas me rappeler que les héros grecs portaient leur sac à dos…—Ne t’inquiète pas, on ne dira rien si on nous pose la question au retour ! Il ne faudrait pas entacher ta réputation !Barthélémy avançait en tête, défrichant un passage pas toujours tracé à travers la végétation. Les rires et la bonne humeur du couple le ragaillardissaient, mais pesaient sur sa poitrine. Il savait que ce voyage était loin d’être sans danger. Ils en avaient pour dix jours de marche, au bas mot, pour rejoindre le lieu dont Marc lui avait parlé.Les premières journées se déroulèrent sans accrocs, sous un doux soleil de fin de saison. Elias, à son habitude, s’émerveillait de tout c
—Bordel, mais c’était quoi ça ? cria Chloé, quand ils surgirent dans la forêt.Personne ne lui répondit. Tous fixaient Elio, qui s’était évanoui.—On ne sait vraiment rien de ses pouvoirs…, murmura Maya.—Non. Je ne suis pas sûr non plus qu’il soit conscient de ce qu’il fait, c’est un enfant. Il est guidé par des émotions plus primaires. Le désir de me revoir, la peur que nous mourions… Il a trop puisé en lui cette fois, répondit Barthélémy, en soulevant le petit garçon dans ses bras.La stèle de marbre avait disparu.*Elio reprit conscience avec un mal de crâne si lancinant qu’il lui fit immédiatement regretter de s’être réveillé. Le temps de l’Unisson était compté, ils ne pouvaient pas attendre qu’il se rétablisse. Elias et Barthélémy l’avaient porté sur leurs épaules à tour de rôle. Heureusement, comme Maya et Elias s’étaient accordés sur le chemin à suivre, les cris étaient limités.La fin de journé
Héléna n’avait jamais compris ce désir d’enfants que les générations précédentes avaient entretenu. L’intérêt de survie en prolongeant l’espèce était évident. Malgré ça, l’idée de s’occuper d’une créature complètement dépendante d’elle lui glaçait le sang. Pourtant, d’une certaine manière, c’était ce qu’elle faisait chaque jour avec Élysia. La perfection avait un prix. Au vingt et unième siècle, Héléna aurait sûrement été une femme d’affaires, sacrifiant sa vie personnelle pour son métier. Aujourd’hui, sa vie personnelle était son métier.Sous nos yeux s’étalait un immense complexe baignant dans une lumière bleutée. Des cuves embryonnaires synthétiques flottaient, reliées entre elles par un savant réseau semblable aux algues marines. La Nurserie. Les fœtus immergés dans un liquide nourrissant étaient monitorés chaque seconde de leur gestation. C’était là que prenait place la création à son état le plus pur. Essentielle à la survie d’Élysia. Ici, les généticiens et les ingénieurs