Chapitre 3
Le lendemain, je n'en finissais pas de guetter l'entrée du bureau du directeur. Faisant le pied de grue devant ma salle de classe, j'inspectais toute allée et venue. Je voulais revoir Ivan Clotaire. Que dis-je ? Le docteur Ivan Clotaire. Je voulais lui parler. Je voulais entendre sa version des faits au sujet de cette femme mystérieuse. Je voulais savoir qui elle était. Surtout, je voulais savoir si lui m'avait mentit ou non. Alors, j'ai attendu son arrivée. Allait-il venir ? N'allait-il pas venir ? J'étais aux aguets. Longtemps, j'ai patienté. Toute la journée d'abord et l'après-midi ensuite. Point d'Ivan Clotaire. Ce n'est que lorsque la sonnerie a retenti que j'ai enfin compris. Ivan n'allait pas se montrer. Pas ce jour en tout cas. Déception ! Toute la soirée, j' ai alors été de méchante humeur. Chez Gérard en compagnie duquel je passais la nuit, je n'ai pas cessé de me plaindre.
— Non mais tu le crois toi ? me suis-je indignée. Quel parent se comporte ainsi ? Son fils s'est fait presque kidnappé et lui, eh bien il s'en fiche.
Cachant difficilement son ennui, Gérard s'est forcé à m'écouter.
— Il était peut-être occupé, a t-il lâché quelque peu las. Ça arrive. Tu as toi-même dit qu'il est médecin non ? C'est un peu normal d'être surchargé dans ce corps de métier.
— Au détriment du bien être de son fils ? ai-je alors répliqué avec véhémence. C'est inadmissible !
— N'exagérons rien non plus, a marmonné Gérard qui a paru vouloir clôre au plus vite le sujet. Son fils n'était pas en danger de mort et heureusement toi tu étais là pour veiller sur lui. Tout est bien qui finit bien. Maintenant parlons d'autres choses tu veux ?
Au risque de l'agacé, je me suis résolue à ne pas insister. De mauvaise grâce, j'ai laissé Gérard me raconter à son tour sa journée. En apparence, j'ai fait semblant d'être intéressée. Mais à vrai dire, j'avais l'esprit ailleurs. Je repensais à la femme mystérieuse. Je repensais à Joël. Mais surtout, je pensais à Ivan.
Ce dernier d'ailleurs a débarqué à l'école le lendemain matin. Dès son arrivée, j'ai été convoquée dans le bureau du directeur. Sur un fauteuil, il se tenait assis. Exactement comme lors de notre première rencontre, il semblait toujours autant à côté de ses pompes. Et pourtant, je demeurais captivée. Comme attirée par un aimant géant. Moi, je lui étais totalement indifférente. A mon entrée, à peine s'il a daigné lever les yeux. Ce n'est que lorsque sous l'invitation du directeur j'ai commençé à raconter l'incident avec la jeune femme mystérieuse que j'ai parut capter son attention. Enfin, il me regardait ! Droit dans les yeux, il me fixait pendant que je relatais la scène. Quand je me suis tue enfin, il m'observait toujours.
— Comment vous remercier madame ? m'a t-il demandé d'une voix pleine de chaleur.
— C'est mademoiselle, me suis je pressée de rectifier. C'est mademoiselle Morgane Ella.
— Eh bien mademoiselle Morgane je vous dois une fière chandelle, a t-il alors déclaré. Sans le savoir vous m'avez rendu le plus grand des services.
Face à ces remerciements, je n'ai pas put m'empêcher de me sentir flatter. Sans cette stupide vanité de ma part peut-être aurais-je été interpellé par le brusque changement qui s'était opéré chez Ivan Clotaire ? Mais trop heureuse d'avoir enfin son attention, je n'ai rien trouvé d'anormal. Maintenant je le sais, ce que j'avais pris à tort pour un intérêt n'était rien d'autre qu'un leurre. En réalité, Ivan venait à cet instant là de flairer en ma personne une proie potentielle à manœuvrer. Me concernant, il n'avait d'autre intention que de m'utiliser. Pour se faire, il s'est fait passer pour la victime. A moi et au directeur, il a raconté une histoire triste à vous fendre le cœur.
— Cette femme que vous venez de me décrire ne peut être qu'Ida, nous a t-il expliqué. C'est la sœur de la mère de Joël. Elle m'a toujours tenu pour responsable de la toxicomanie de sa soeur. Depuis que le tribunal m'a confié la garde de mon fils, c'est pire. Elle veut me prendre tout ce qui me reste de précieux dans cette vie, mon garçon.
Émus par ces belles paroles, moi et mon directeur avons tout avalé.
— Je vous parie qu'elle n'est pas à son premier coup d'essai, a t-il ensuite ajouté sur de lui. Il faut vous renseigner. Maintenant !
Sans perdre de temps, le directeur s'est obtempéré. A l'issue d'un interrogatoire, le personnel de l'école a été interrogé. Finalement, l'un des gardiens a confirmé les soupçons du docteur Clotaire. Plus d'une fois, il a cru apercevoir une femme répondant à la description d'Ida à l'entrée de l'école. La fois où je l'ai surprise n'était donc pas une première. Fort embarrassé, le directeur a eu vite fait de se confondre en excuses.
— Je suis vraiment désolé monsieur. Je vous certifie que ce genre d'écart de notre part ne se reproduira plus.
—Vous avez intérêt, l'a sèchement menacé Ivan avant de se tourner vers moi. Mademoiselle Jordan...
— C'est mademoiselle Morgane, lui ai-je rappelé aussitôt.
Dans ses yeux, j'ai cru alors apercevoir un bref instant une lueur fugace d'agacement.
— Mademoiselle Morgane, je me fie entièrement à vous, a t-il déclaré en reprenant son rôle de victime. Voyez-vous, je suis le seul à m'occuper de mon fils. En plus de mon boulot, je n'ai pas le temps en plus de jouer le bodyguard. Je suis fort embêté de vous demander pareille faveur mais puis-je compter sur vous pour veiller personnellement sur Joël ?
Il m'aurait demandé de sauter d'un pont que je ne m'en aurais pas été senti plus honorée.
— Vous pouvez compter sur moi, lui ai-je alors assuré enflée d'orgueil. Je veillerai sur Joël comme la prunelle de mes yeux.
—Parfait ! a alors décrété Ivan visiblement ravi.
Il y avait de quoi. Sans faire trop d'effort, il venait de s'offrir un bodyguard pour son fils. Quant à moi, j'étais loin de me douter que je venais ainsi de faire le premier pas vers mon enfer.
Chapitre 4La lourde responsabilité pour laquelle je m'étais engagée n'a pas plû à Gérard. Certes, il n'a rien laissé paraître de son mécontentement. Mais tout de suite, je l'aideviné.— Ce n'est rien bébé, me suis-je alors sentie obligée de me justifier. Ce n'est rien qu'un service que je rends à ce pauvre monsieur.Assis à mes côtés sur son canapé, Gérard qui me tenait serré dans ses bras s'est enquit incrédule :— Vraiment Ella ?— Vraiment ! lui ai-je certifié. Il s'agira juste de garder un œil sur le petit le temps que son père passe le chercher à la sortie de l'école. En somme, je ne ferais rien d'exceptionnel que ce en quoi mon travail consiste déjà.Plus ou moins rassuré, j'ai senti Gérard se d&e
Chapitre 5Dominer les gens, pouvoir en faire ce qu'il voulait, voilà ce qu' Ivan Clotaire aimait. Le fait que je contrecarre ses projets la seconde fois qu'il s'est pointé en retard ne lui a que très moyennement plû.— Vous m'avez encore fait attendre docteur, me suis-je permise de lui signifier la main du petit Joël dans la mienne.Somnolant, le pauvre enfant se tenait accroché à moi comme un naufragé à une bouée de sauvetage. Ignorant la présence de son fils, Ivan s'est plutôt évertué à me déshabiller du regard.— Cette tenue ne vous va pas du tout, a t-il lâché sans gêne.Surprise, j'ai froncé les sourcils.— Je vous demande pardon ?Intriguée, j'ai tout de suite jeté un coup d'œil à mes vêtements. Pour la journée qui
Le jour où j'étais sensée tenir la promesse faite à Gérard a été celui de ma déchéance. C'était un mercredi. Je m'en souviens encore. Comme si c'était hier. Au cours de la matinée, tout avait semblé se dérouler normalement. Avec les enfants dans ma salle de classe, on a travaillé. J'ai continué la leçon qui consistait à leur apprendre à compter jusqu'à dix.Vous auriez dû voir mes petits bouts de chou. Ils étaient motivés comme jamais. Les doigts levés, ils participaient tous. Tous sauf un. Joël bien-sûr. Comme à son habitude, le petit garçon étrange se tenait à l'écart. Mais cette fois-ci, j'ai eu vite fait de remarquer que quelque chose n'allait pas. Recoquevillé sur lui-même, Joël grelottait. Une main posée sur so
Cette première fois dans le bureau d'Ivan reste à jamais gravée dans mon esprit. C'était quelque chose vraiment ! Du jamais vu pour moi. Comme tout bon sadique qui se respecte, Ivan avait une manière bien à lui de faire l'amour. D'ailleurs, ce qu'il faisait ce n'était pas l'amour. Il baisait. Ni plus ni moins. Je me demande aujourd'hui comment j'avais fait pour lui permettre de me faire tout ça. Plusieurs fois de suite, il m'avait secoué. Deux fois d'abord dans son bureau, le reste dans sa chambre de garde où je l'avais laissé m'entraîner. Les mains solidement agrippées au rebord du lit, j'avais courageusement enduré ses assauts. Ivan ne m'avait pas menagé. Il m'avait prise avec fougue. Il m'avait tiré les cheveux. Il m'avait claqué les fesses. Une vrai brute. Mais malgré la rudesse de ses gestes, la ferm
Chapitre 8Je dormais déjà quand Gérard frappa à ma porte. Dès qu'il me vit, il sû tout de suite que quelque chose n'allait pas.—Tout va bien ? Me demanda t-il une fois entré. Tu dormais ? Je t'ai réveillé ?Le regard fuyant, j'avais détourné la tête. Précipitamment, je m'étais à nouveau dirigée vers ma chambre.—Tu as une clé Gérard, je lui avais rappelé en me glissant dans mon lit. Pourquoi ne t'en sers-tu jamais ?—Donc je t'ai bel et bien dérangé, conclut-il en s'asseyant sur le bord du lit. Comme tu ne répondais pas à mes appels, j'étais inquiet.M'attirant à lui, il m'avait alors serré dans ses bras.—Pardon mon cœur.Malgré moi, je m'étais raidi. Vivement, je l'avais rep
Chapitre 9Cette nuit là, je la passai en compagnie de Gérard. Comme il lui arrivait quelques rares fois, mon petit ami dormit chez moi. Rêvant certainement au joli bébé qu'il espérait m'avoir mis dans le ventre, il ronfla joyeusement. Moi, j'avais bien du mal à trouver le sommeil. Les yeux grands ouverts, je scrutais les ombres dans l'obscurité. La tête posée sur le torse de mon petit ami, je réfléchissais. Je pensais. Je repensais. Desespérement, j'essayais de me comprendre. Je m'efforçais de me raisonner. Cela me prit toute la nuit. Le lendemain matin, c'est avec une sale tête que je me rendis au travail. Je peux vous l'assurer, enseigner mes petits élèves avec un mal de crâne persistant fût plus que pénible. Heureusement pour moi, la journée passa vite. Bien assez tôt, l'heure de la descente arriva. Enfin ! Press&e
Vous vous en doutez bien, je n'étais pas allée à ce fameux rendez-vous. Je ne pouvais pas. Je ne voulais même pas. J'en mourais d'envie pourtant. Mais il était absolument hors de question que je fasse ça. Que je lui obéisse comme ça. Aussi facilement. Non, je n'étais pas encore assez folle.Bien évidemment, Ivan le prit très mal. Considérant mon refus comme un affront, il choisit de passer à l'offensive. Le soir même, il s'introduisit chez moi, à mon domicile, dans ma chambre. J'étais paisiblement endormie dans mon lit. En l'apercevant, j'avais frôlé la crise cardiaque. Sur le moment, j'avais pensé à crier mais d'une main vite posée sur la bouche, il m'en avait empêché. Les yeux agards, j'avais scruté son visage proche du mien. Intensément. J'avais voulu m'assurer que c'était b
Comme pour Ivan Clotaire quelques mois plus tôt, j'avais reçu la tante de Joël debout devant ma salle de classe. C'était un jour ordinaire. Le soleil dans le ciel était très haut. La journée touchait presqu'à sa fin. L'heure du déjeuner approchait. Assis sur les bancs, mes petits élèves s'impatientaient. Les pauvres commençaient à avoir faim. Moi aussi. Mais ma faim à moi était d'un tout autre genre. Un genre qui se résumait à satisfaire mes plus bas instincts. Si vous voyez un peu ce que je veux dire. Pour combler cette furieuse envie, j'avais justement un rendez-vous à l'hôpital dans pas longtemps. Mon sadique de docteur m'attendait. Comme nous en avions pris l'habitude, je devais le rejoindre dans sa chambre de garde. Ivan ne tolérant que moyennement le retard, il me tardait de le retrouver. Face à