CHAPITRE
3Akpénè n'expose jamais ses problèmes de couple à quiconque. Même pas à sa daronne. Elle a toujours cet instinct-là, de la « bonne épouse » qui n'exhibe pas son toit à l'extérieur. Pis, à sa famille, comme si, jetant son mari en pâture et s'exposer soi-même, pour ne jamais le faire. Sauf, bien évidemment, à une seule personne : Enyovi, à laquelle, elle pouvait se confier encore des fois lorsqu’elle sentait le besoin de s'épancher avec le changement brusque de son mari qui la prenait en plein visage ; bien qu'elle soit de nature renfermée.
Enyovi était la meilleure amie d'Akpénè. Les deux femmes pouvaient se filer leurs secrets sans aucune crainte, ce, depuis les bancs. Akpénè est l’amie, la meilleure, de jeunesse de monsieur KPOMEGBE Ehli aussi. Grâce à elle d’ailleurs qu’Ehli fit même la connaissance de sa feue femme Enyovi en sa compagnie. Akpénè était même dirait-on, l'auteure ou le circuit de leur relation. Par Ehli, son ami Amézado fit la connaissance de sa femme Akpénè et les deux nouèrent aussi de relation. Ce fut le début de leur aventure.Fréquentant de lycées différents, l'année suivante, Ehli imposera sans aucune explication un changement d'établissement à ses parents. Il se retrouvera ainsi dans le même lycée que sa petite amie afin de l'avoir tout le temps à ses yeux. Et leur amour ne flétrit point jusqu'au dernier souffle de celle qui était devenue son épouse et mère de son unique garçon.En effet, les problèmes de couple d'Akpénè naissaient déjà [...], quand son amie mourut. Sitsopé aussi avait ses deux ans. Et de ses problèmes, Akpénè pouvait en parler à l'amie des fois. Et depuis plus de deux ans déjà qu'elle est partie, elle n'a plus de sœur, elle n'a plus d'amie, elle n'a plus de confidente [...]Ce soir, ces beaux souvenirs des derniers moments de sa femme à son extinction devant sa photo, réactivent les flammes ardentes de la détresse d’Ehli pour le consumer jusqu'aux moelles dans ses os. Il annule, à cet effet, sa visite à son enfant. Il ne pourrait plus tout simplement conduire, et ne pourrait pas poser son regard sur leur rejeton.
Il tire hystériquement sa chemise coûteuse, faisant sauter les boutons sur les carreaux luisants. Il se retire hâtivement dans la chambre à coucher se jeter dans le lit. Il fourre son visage enflammé dans l'oreiller et fond en sanglots. Il tape le matelas du point de la main droite : il pleure son malheur plus que le ciel ne coule d'averses. C'est dur ! Dur de perdre celle qui représentait tout. Dure la solitude. Dur de se retrouver chaque soir désormais dans le lit avec du vide à ses côtés, sans la chaleur, le corps de l'être aimé qui prête oreilles à ses mots. Maudite, la mort lui ayant sucé précocement le suc de sa vie !A un moment dans sa détresse, il pense s'esbigner : partir loin de toutes ces amertumes, de toute cette mélancolie. Partir où personne ne le reverrait plus. Et où, il se sentira en présence de sa chère épouse. Mais, il se rappelle lui avoir fait de promesse, qu'en son absence, lorsqu'elle partira à ses voyages, peu importe le temps qu'elle y fera, il prendra toujours soin de leur enfant. Il sera là pour lui sans le négliger à aucun moment. Si seulement, il savait qu'elle lui parlait plutôt sans cesse de sa mort, l'en avertissait, sous couvert de ses voyages d'affaire !Et alors, il décide de ramener leur enfant à ses côtés à la maison. Le ramener sous le toit de sa maman, dans sa chaleur qu'y est permanemment, pour ne pas faillir à ses promesses.Et comme dans "les chimères" de Gérard Labrunie, Ehli est ce soir :« Le Ténébreux, le Veuf, l'Inconsolé,Le Prince des Amertumes à la joie abolie : Sa seule Étoile est morte, et son luth constelléPorte le Soleil noir de la Mélancolie. »Amézado court les filles de tous les goûts pour sa concupiscence. Pourtant, à la maison, sa femme ne se refuse pas à lui, à aucune demande, sous quelque forme, tant qu'elle est disposée, pour qu'il prenne la mesure de se faire hors du foyer conjugal. Et de s'y plaire pour autant.
Akpénè a juste vu son mari changer comme par enchantement pour une telle vie de « sous les jupettes. » Mais, ça, n'est ses préoccupations douloureuses. Ce qui la dépite, c’est de le voir négliger la maison, au point de manquer, de cesser même d'être père pour sa fille. Elles lui sont devenues presque inexistantes ; tout fondement de couple, calciné.On ne dirait pas non plus qu'il est aussi beau que ça, pour les attirer, ces filles. Sauf qu’il ne leur a pas la main dure. Et dans ses conquêtes il tombe sur une : Massogblé.Teint clair, « symbole de beauté de notre génération-ci » à nos yeux hardis, Massogblé est plus ou moins élancée. Elle est d'une corpulence qu'elle sait imposer avec une démarche pour s'attirer de regards. Un sourire qu'elle s'est confectionné pour escher ses lèvres, tel un asticot [...], pour capter sa proie qu'y succombe... On ne parlerait pas de tant de beauté d'elle non plus, et oser la comparer à Akpénè. Mais, elle est faite de charme et de séduction desquels elle vit. Elle sait s'en servir pour ses fins.Massogblé devient la passion d'Amézado dans ses escapades. Tellement il l'adule qu'il en fait toute sa priorité. Avec cette jeune femme, il fait la vie. La belle. Et elle semble avoir une certaine influence sur lui. Il répond à ses attentes sans rechigner. Un sourire, un moment sensuel, et il la satisfait. Sa lubricité, en est la contrepartie. Elle est bien prompte à la lui offrir.Aussi, depuis qu'Amézado a commencé une telle vie avec sa femme, le circuit n'est plus fluide entre Ehli et lui. Mainte fois, son ami l'a vu en ville les soirs, en compagnie de fille pour l'interpeller. Hélas… !Un coup d'œil à l'horloge du Smartphone, dix-neuf heures vingt-trois se lisent. Akpénè se lève. Elle porte à sa chambre, Sitsopé, dormant dans ses bras dans le sofa devant l'écran. Elle l'avait fait brosser déjà les dents après le dîner. Par conséquent, elle la couche une fois à l'intérieur. Comme toujours, elle la bise, puis, prend soins de la couvrir avant de ressortir au salon reprendre sa place.
Amézado, dans un fauteuil aussi, est absorbé dans son appareil cellulaire. Ils sont ensemble mais c'est chacun qui se gère. Rien d'eux ne témoigne d'un couple. L'ambiance est monotone, déplaisante. Seul le petit écran au mur bavarde, sans que personne ne lui accorde intérêt.« Je dois faire le marché demain pour le ravitaillement. Notre provision est finie », fait savoir d'un ton livide, Akpénè à son mari en brisant d'un coup cette indifférence. Ce dernier tourne son regard sur elle comme si surpris qu'elle lui dise une telle chose qui ne le concernait en rien.-Et alors ! lui retourne-t-il.-Comment ça et alors ? Tu sais bien de quoi je parle non ?-Ah, je suis désolé, mais je ne puis rien actuellement.-Tu ne peux rien actuellement ! Ça n'a aucune tonalité qui soit compréhensible.-Ne m'étouffe pas cette nuit de plus, s'il te plaît ! Essaie de me coller un peu la paix. Pour l'amour de Dieu !-Attends ! On dirait que tu ne m'avais pas plutôt bien saisie. Je parle de victuailles que nous n'avons plus sous notre toit et nous devons nous en procurer !-Et c'est alors en quoi toi non plus tu ne me saisis pas quand je dis que je ne puis rien actuellement ?-Donc, que nous mourions de faim, tu veux me dire ?-Tu travailles et tu as de salaire non ? C'est quoi qui t'empêche de te débrouiller ?-Non ! Non ! Ce n'est pas possible ! Quelqu'un se doit d'écouter ceci avec moi. Tu es l'homme de cette maison et tu es responsable de nous. Mais là, je ne te demande pas grande chose encore. Juste me compléter pour nous nourrir. Combien de temps déjà tu t'en es occupé encore ?Comme si lassé d'elle, ou qu'elle jouait une cacophonie, la plus insipide, dans ses oreilles, et sa voix qui l'écœure plus que tout, il se lève, la quitte pour la chambre. Akpénè se lève à son tour et se met devant lui :-Pourquoi me traites-tu ainsi, comme un pourceau auquel tu jettes des restes [...] ? Je suis ta femme que tu as choisie délibérément, pour finir par me mettre sous ta responsabilité, et non ton ennemie sur un champ de guerre conquise pour me traiter de la sorte ! Je t'ai dit oui pour que nous soyons deux moitiés qui se complètent et non deux camps adverses constitués qui s'affrontent. C'est quoi tu as commencé à faire ainsi et puis ça perdure ? Je sais me prendre en charge, sans te titiller ! Mais la popote, tu ne sauras l'abandonner sur moi seule désormais. C'est notre toit ensemble. Et au cœur, notre enfant, lui dit-elle.Il la laisse finir de parler, la zieute, puis la bouscule de côté pour s'en aller. Les instants d'après, il ressort, avec pendue à son épaule gauche sur sa débardeur, une chemise. Akpénè, assise sur un bord du salon, tremblante, sa tête dans ses mains en train de verser des larmes, il la dépasse obstinément et sort au dehors. Il s'en va, pour ne pas passer la nuit à la maison.Akpénè se réveille sous des chatouillements de main sentie sur elle, mais ne voit pas son mari à ses côtés comme elle pouvait l'imaginer [...]Suite à de « disputes » la veille pour de vétilles, elle a dû prendre des cachets. Ceci, pour éviter des maux de tête et l'insomnie à force de se fourvoyer dans sa mélancolie. Cette autre nuit, elle ne voulait aucun de ces malaises outre mesure. Apparemment, les produits ont fait effets. Elle en a pris en quantité suffisante. Elle ne pouvait pas se passer de son amertume malgré elle. Ce faisant, le marchand de sable a mis du temps à passer. Même avec les comprimés. Toutefois, il a fini par être là et à jouer son rôle : lui jeter du sable aux yeux. Et à ce que l’on peut juger, sous la force de sa consommation, il lui en a jeté abondamment, au point de ne pas se
Akpénè sort ouvrir le portail. Devant elle, se tient Ehli. Un accueil de bienvenue, Ehli appuie la commande à sa voiture, et les deux rentrent.« Tonton ! » exulte Sitsopé devant la télé, à la vue de leur visiteur à leur arrivée au salon. Elle se lève pour aller se jeter dans ses bras, toute joviale.-Ma petite chérie ! lui répond celui-ci aussi.Il la soulève à son arrivée à lui, cachant son abîme dans un sourire de façade, pour ne pas atténuer sa bonne humeur.-Comment ça va, jolie princesse de tonton ? lui demande-t-il.-Ça va très bien, tonton. Et Selom ? Pourquoi il n'est pas là ?Selom il s'appelle, le petit garçon d'Ehli. Et d'après lui, demande Sitsopé. Toujours masquant son désarroi, bien que pincé encore plus au cœur par la demande, E
CHAPITRE6Elle était belle, heureuse, sa vie, pleine de promesses quand tu la rencontrais. En ma compagnie. Quand je lui parlais pour toi pour que tu trouvasses faveur à ses yeux. Jeunes lycéens, nous fûmes tous. Elle a fini par s’ouvrir à toi ; elle t’a dit oui. J’ai eu droit de lire un sourire gai sur ton visage ce jour quand je t’apportais son message agréable à ton cœur et à tes sens. Tu étais heureux, qu’elle acceptât d’aller avec toi. J’étais fier pour toi. Fier pour nous, car par elle, ses soins, j’avais gagné son amie en sa compagnie pour me plaire. Et toi mon ami, par mes soins minutieux, tu venais de la gagner aussi, elle, ma meilleure amie d’alors. Elle finit aussi amoureuse. Tout était mis en œuvre pour qu’elle n’eût pas d’autre choix. Et, elle a dû sacrifier des princip
CHAPITRE7Restaurant chic au bord du boulevard du Mono. Il sonne à peu près 19 heures. Le cadre est doux, sensuel. De lumières tamisées comme toujours. Amézado et Massogblé y sont, pour un dîner romantique dans un besoin de casser encore un peu la routine ce soir. Le temps que l’on leur serve leurs mets, ils s’occupent en sirotant du jus de fruits.Repas servis quelques instants après, regards libidineux, sourires enchanteurs, Amézado et Massogblé causent agréablement et consomment calmement. La partie, pour eux, est bien plaisante.Dehors, les va-et-vient des véhiculent sont continuels encore à cette heure. Et les bruits de leurs moteurs, et de leurs klaxons, absorbent le calme vespéral qui devrait commencer par régner. Cependant, ils ne parviennent pas à dompter les « vacarmes » des vagues ma
CHAPITRE8Akpénè ne songe pas un seul instant au petit déjeuner à préparer. Pourtant, elle devrait en emporter à la clinique aussi comme chaque matin. La nuit passée dans la chambre de sa fille, elle saute du lit, réveille aussitôt la petite pour se rendre directement dans les toilettes à deux.Sous la douche, la main d'Akpénè arrive à sa joue droite. Elle la retire d’un réflexe en y sentant de la douleur : la gifle de la veille a été conséquente. Mais, elle s'était privée de pleurer à ce coup. Elle avait juste décidé de dormir, de faire comme si de rien n'était pour ne pas charger encore plus, ses esprits déjà trop offusqués.Elle essuie la mousse du visage. Au lavabo, elle se met à apprécier devant le miroir, la joue victime qu'elle tâte de la main et se re
CHAPITRE9La pluie a fait ce qu'elle pouvait et est retournée dans les nuages il y a environ une heure. Mais, elle laisse le temps humide comme à chacun de ses passages les soirs en envoyant les humains dans les logis. Les bêtes qui en ont aussi. Dehors, où quelques rares personnes sont encore, les feuilles des arbres et quelques autres éléments de la nature ruissellent toujours de pluie et d'humidité. Les lampes distillent la beauté de la fraîche nuit dans leurs éclairages éblouissants sur les poteaux.Akpénè va coucher Sitsopé. En nuisette, elle revient au living pour aller à la cuisine chercher un verre d'eau. A sa sortie, elle va éteindre son portatif puis, reprendre le chemin de la chambre aux côtés de la petite. Son mari est dans le salon, le cœur amer au cœur de la mésintelligence qui ne veut pas se briser. La table s'es
CHAPITRE10Akpénè arrive toute éplorée à l’hôpital. Descendue très agitée de sa moto, les pieds mis à l’intérieur, qu’elle voit Akossiwa et leur tante en larmes à l’attente. Sa belle-sœur à leurs côtés, pareille. De toute lamentation, les trois femmes l’accueillent, le ciel semblant écraser leur tête. C’est donc réel, la mauvaise nouvelle de l’appel de sa sœur : leur maman, a poussé le dernier soupir. La peine s’intensifie, les cœurs plus pressés, les yeux sont plus larmoyants. Et, difficile est-il, voire impossible d’exprimer les douleurs à gorge déployée pour pleurer leur désormais chère regrettée, car dans un centre de santé, elles sont. Les yeux sur elles sont consolateurs et compatissants. La maman est toujours dans so
CHAPITRE11Au fil des jours qui s'enchaînent, et que l'on s'éloigne de ceux funestes, le visage d'Akpénè s'éclaircit, laissant tomber et à leurs rythmes les rides des afflictions. La reprise de la marche de la vie se refait, lestement certes, mais sûrement. Petit à petit, le sourire se fait distinguer de nouveau même si le cœur porte encore le deuil se décelant dans tout ce qui s'efforce à être affiché de gai à l'extérieur. Déjà trois mois s'écoulent [...]Mais aussi, à sa seule charge, Akpénè a désormais sa sœur, même si grande fille déjà elle est, et leur petit frère Miwôdzi. Alors même que, sa rétribution en fin de mois s'amincit pour ses prêts faits dans l'hospitalisation de sa maman. La petite boutique qui occupait la maman et servait à son ac