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Chapitre 4

Ethan sursaute de surprise devant ma réponse.

— Non ?!

On croirait qu’il n’a jamais encore entendu ce mot, mais je sais de source sûre que c’est faux. Je le lui

ai dit moi-même, hier. Juste avant de faire exactement ce qu’il voulait.

Mes joues s’empourprent à cette pensée, même si je sais que cette fois, ça va se passer autrement. Je

ne vais pas céder. Je ne peux pas. Même si j’en meurs d’envie.

— Non. Je suis désolée, mais c’est une mauvaise idée.

Je m’attends à ce qu’il proteste. Il penche la tête de côté et me dévisage longuement, comme s’il préparait ses arguments. Mais pour finir, il se contente d’une question.

— Pourquoi ?

— Parce que ! Ce stage est très important pour moi. Je me suis vraiment cassé le cul pour le décrocher, j’ai refusé d’autres propositions pour avoir une chance de bosser ici. Il est hors de question que je foute tout par terre, juste pour sortir avec vous.

— Juste pour sortir avec moi ?

Il semble plus amusé que vexé, mais j’éprouve tout de même le besoin de clarifier.

— Vous voyez très bien ce que je veux dire ! Je...

— C’est bon, Chloe. Mais je veux que vous sachiez que quoi qu’il se passe – ou pas – entre nous,

votre stage n’en souffrira pas. Vous avez mérité ce contrat, et personne ne vous le retirera sous prétexte que nous sortons, ou ne sortons pas, ensemble. Ce sont deux choses entièrement distinctes.

Et mes amies pensent que je suis naïve ? Je ne comprends pas comment Ethan peut prétendre de façon aussi convaincante que nos relations n’auront pas d’impact sur mon stage. Peut-être qu’il le croit vraiment, ou peut-être qu’il essaie de me faire changer d’avis, mais dans tous les cas, c’est une affirmation vraiment absurde. Les gens me regardent déjà d’un drôle d’air, et je suis certaine que depuis quinze minutes que nous sommes ici, les rumeurs ont commencé à circuler. Après tout, Ethan m’a avoué lui-même qu’il n’avait pas l’habitude de s’enfermer dans le local de la sécurité avec ses employées...

— Peut-être, mais je ne peux pas prendre le risque. Je suis désolée, Ethan.

Il m’observe un moment, comme pour évaluer la force de ma conviction. Mais cet air calculateur ne tarde pas à disparaître.

— Bon, au moins, j’ai réussi à vous persuader de m’appeler Ethan, et pas « M. Frost », comme dans cette lettre ridicule, constate-t-il avec un sourire. C’est mieux que rien.

Je pâlis en m’apercevant qu’il a raison. Et moi qui voulais que ça reste professionnel... Quand ai-je commencé à l’appeler Ethan dans ma tête ? Et comment ai-je pu être assez stupide pour le faire devant lui ? L’encourager est la dernière chose à faire. Et je n’ai pas intérêt à utiliser son prénom devant un membre de la boîte.

Ma contrariété doit se lire sur mon visage, car il recule d’un pas.

— Je vous taquine, Chloe. Je suis capable d’accepter un refus. Comment va votre bleu ? demande-t-il en enlevant la poche de glace.

Je suis désorientée par le changement de sujet, autant que par son brusque retour à un ton impersonnel. Son sourire s’est effacé, de même que les petites rides chaleureuses au coin de ses yeux, remplacés par un air froid de dirigeant d’entreprise habitué à cacher ses émotions.

J’éprouve aussitôt un sentiment de perte. Ce qui est stupide ; il fait exactement ce que je lui ai

demandé : il me traite comme tous les autres employés. Pourtant, alors qu’il s’éloigne de quelques pas, sa chaleur me manque. Sa proximité, son inquiétude pour moi...

— Ça va. Comme je vous le disais, ce n’est qu’une petite contusion.

— On n’est jamais trop prudent, réplique-t-il en me tendant le sachet de glaçons. Appliquez-le à nouveau dans un quart d’heure, ça vous évitera une belle bosse.

— Je n’ai pas besoin...

— Chloe.

Sa voix est bien plus tranchante que je ne l’ai entendue jusqu’ici, et je me concentre aussitôt sur ce

qu’il dit, comme s’il s’adressait à une partie enfouie de moi-même, que je ne comprends pas.

— Est-ce que vous pourriez obéir sans discuter ? Juste une fois. S’il vous plaît.

Je prends la poche avec un hochement de tête. Je ne sais pas pourquoi il y tient tellement, mais ça ne

me coûte rien d’accepter. Et ça me soulagera certainement. — Je dois y aller.

Il jette un coup d’œil à sa montre coûteuse.

— À quelle heure était votre réunion ?

— Huit heures et quart.

— Vous êtes en retard.

— Vous croyez que je n’ai pas remarqué ? C’est vous qui avez insisté pour mettre de la glace sur ce bleu ridicule !

Me voilà à nouveau agacée : à l’entendre, on croirait que c’est ma faute et non la sienne si je suis

tellement à la bourre.

— Il n’a rien de ridicule. Vous devriez prendre soin de vous.

— Je prends soin de moi. La preuve, j’ai réussi à atteindre mes vingt ans en un seul morceau.

— Vingt ans... Vous en parlez comme si c’était un exploit, commente-t-il avec une pointe de gourmandise.

L’image de Brandon, et de mes parents, surgit dans mon esprit.

— Plus que vous ne l’imaginez.

Les mots sont sortis de ma bouche avant que j’aie eu le temps de réfléchir. C’est une erreur. Regrettant

cet aveu, je lève les yeux vers Ethan, cherchant une remarque humoristique pour faire retomber la tension. Mais c’est trop tard : Ethan pince les lèvres, tendu, les yeux à nouveau sombres et orageux. Pendant une seconde, je crains qu’il me demande des détails, et je me mets à chercher désespérément quelque chose à lui raconter, autre que la vérité.

Heureusement, ce n’est pas nécessaire : il renonce, à regret semble-t-il. Au moins pour le moment.

— Venez. Je vous accompagne au bâtiment 3.

— Ce n’est pas la peine.

— Mais si : vous avez vingt minutes de retard. Ce n’est pas la meilleure façon de commencer sa

deuxième journée.

— Je sais.

J’ai l’estomac noué à l’idée de voir ma chef. Que vais-je lui dire ? Je doute qu’elle avale la vérité. En plus, je n’ai vraiment pas envie de lui raconter que j’ai paniqué et que j’ai manqué de dégringoler une volée de marches. Je préférerais ne pas être étiquetée « cinglée » ou « maladroite pathologique » dès la première semaine.

— Je vais expliquer à Maryanne que je vous ai retenue.

Il ouvre la porte et me fait sortir, sans me toucher cette fois. Ça me manque, même si je suis soulagée qu’il ait pris ma décision au sérieux. Pfff, cet homme me rend folle : je change d’avis à chaque seconde qui passe.

— Ce n’est pas la peine.

— Ça ne me dérange pas.

— Je ne suis pas une enfant. Je peux me débrouiller.

— Je sais que vous n’êtes pas une enfant, Chloe, rétorque-t-il en se tournant vers moi. Vous êtes une jeune femme brillante, à l’avenir prometteur. Je ne veux pas que vous commenciez votre contrat ici avec des casseroles. Pas parce que vous m’intéressez, ni parce que je vous trouve jolie, mais parce qu’après avoir consulté votre dossier hier, j’ai l’impression que vous serez un véritable atout pour Frost Industries à l’avenir.

Expliquer que je suis la cause de votre retard est quelque chose que je ferais pour n’importe lequel de mes employés. Pas juste pour vous. D’accord ?

Je suis tellement heureuse d’entendre la sincérité dans sa voix – et de savoir qu’il a une bonne opinion de moi – que j’ai du mal à parler.

— D’accord.

— Parfait. Merci, Jose. Merci, Danny, salue-t-il alors que nous passons devant les gardes.

— Est-ce que Mlle Girard est parfaitement remise ? demande Jose avec sollicitude.

— Je vais bien, dis-je, froissée qu’on parle de moi comme si je n’étais pas là.

J’ai fait partie des meubles trop longtemps, et je me suis trop battue contre ça, pour retomber dans ce

rôle. Encore une raison de fuir Ethan Frost comme la peste. C’est perturbant de constater avec quelle facilité il me pousse à faire ce qu’il veut, au lieu de ce que j’ai décidé.

Jose rougit un peu et m’adresse un signe de tête.

— Tant mieux. Prenez soin de vous, Mlle Girard.

Maintenant, j’ai l’impression d’avoir été impolie. Mais Ethan semble plutôt amusé tandis qu’il s’arrête

pour me laisser passer par la porte du bâtiment.

— Jose vous mange déjà dans la main, alors que vous n’êtes là que depuis vingt-quatre heures.

— Je crois plutôt qu’il vous mange dans la main. Il se comportait encore normalement quand je suis

arrivée ce matin. Et comme la seule donnée qui ait changé, c’est vous...

Nous marchons sur le trottoir d’un pas vif – mais pas trop, comme si Ethan devinait à quel rythme je

peux aller avec ma hanche douloureuse. Nous ne pouvons faire plus de quelques pas sans que quelqu’un le salue, et il répond chaque fois, appelant la plupart des gens par leur nom. Je ne sais pas comment il fait : il dirige une très grande entreprise, qui s’accroît chaque jour. Et pourtant, il connaît le nom de chacun de ses employés. Plus encore, il traîne à la cafétéria et leur sert des smoothies.

Je repense au gars d’hier. Pas le stagiaire, mais celui qui est venu commander une boisson pendant que j’attendais. Il s’est montré amical avec Ethan. De toute évidence, il savait qui c’était. Pourtant, il n’a pas trouvé curieux que ce soit le P.-D.G. de Frost Industries en personne qui lui prépare sa boisson.

Je ne comprends pas. Il est comme une énigme, un puzzle dont les pièces s’emboîtent mal... et ça va me rendre folle. Il faut que je tourne la page, que je chasse de mon esprit les comportements étranges d’Ethan, et que je vive ma vie, mais j’ai bien peur que ce soit plus difficile que prévu. Surtout que j’ai vraiment envie de le déchiffrer.

— Que faisiez-vous derrière le bar, hier, à préparer des smoothies ? Et pourquoi étiez-vous habillé comme un surfeur ?

Une fois encore, les mots sont sortis sans que je le veuille. — Je suis un surfeur.

— Je sais. Mais vous êtes aussi P.-D.G., et ici, c’est votre lieu de travail. Un short de plage n’est pas la tenue la plus appropriée.

— On voit que vous n’avez jamais croisé les gars du département de recherche et développement ! C’est déjà bien beau quand ils pensent à s’habiller avant de venir au boulot.

S’ils ont le genre de physique que j’imagine, je n’ai pas tellement hâte de voir ce spectacle.

— Vous n’avez pas répondu à ma question.

— C’est vrai.

Pendant une bonne minute, j’ai l’impression qu’il ne le fera pas. Mais il finit par secouer la tête d’un

air de regret.

— Pour être franc, c’est assez gênant. La Frost Foundation verse beaucoup d’argent à des associations

de protection de l’océan, et les gars des relations publiques ont pensé que ce serait bien d’avoir quelques images de moi sur ma planche. Ils jurent leurs grands dieux que ça va attirer l’attention de l’opinion, et permettre de récolter plus de fonds. Le shooting a eu lieu hier.

Bien sûr. Ethan Frost est aussi connu en tant que philanthrope que visionnaire. Mais comme il semble vraiment embarrassé, je m’abstiens de tout commentaire, et je change de conversation.

— Et les smoothies ?

— Je suis très tatillon sur la qualité des smoothies que je bois.

Il est tellement sérieux que je ne peux m’empêcher de trouver ça comique.

— Rodrigo faisait tout de travers, ajoute-t-il.

Je dois me mordre la joue pour ne pas rire.

— Ça existe, de rater un smoothie ?

— Chloe, ma puce, il n’y a rien qu’on ne puisse rater, répond-il avec une lueur diabolique dans le

regard.

Je regrette presque d’avoir posé la question. Presque.

Il ne faut que six ou sept minutes pour aller du bâtiment 1 au bâtiment 3. Mais quand nous sortons de l’ascenseur à mon étage, je suis une boule de nerfs. En partie parce que je n’ai pas envie de devoir affronter ma chef, et en partie à cause des regards qui nous suivent. Certes, les gens saluent Ethan, mais ils ne se privent pas de me lorgner. Il semble évident que ce n’est pas tous les jours qu’Ethan accompagne de jeunes recrues à travers les locaux, et surtout pas des stagiaires, repérables à leur badge vert pomme.

Je comprends trop tard qu’il aurait très bien pu se contenter d’envoyer un mail à ma chef, ou encore de demander à sa secrétaire de l’appeler. Le fait qu’il vienne me déposer comme un bouquet de fleurs dans la salle de réunion donne beaucoup trop d’importance à la chose. Plus que je ne veux qu’elle en prenne.

Arrivé devant la salle, il m’ouvre une fois de plus la porte. Il est tellement galant... alors que j’aimerais qu’il ne le soit pas. Moi qui suis fière de toujours affronter mes peurs, j’aurais tout de même préféré qu’il entre avant moi dans la pièce. Je me trouve face à face avec ma responsable, assise en tête de table. Les sept autres stagiaires, que j’ai rencontrés hier, semblent au garde-à-vous, suspendus à ses lèvres. Je suis certaine qu’ils étaient tous parfaitement à l’heure.

En entendant la porte s’ouvrir, Maryanne se tourne aussitôt vers moi. Elle ne distingue pas Ethan, qui est encore de l’autre côté du battant. Ça me convient – je ne veux pas qu’il me défende – mais mon premier pas dans la pièce est aussi plaisant que celui d’un condamné qui s’avance dans le couloir de la mort. J’ai l’impression d’être une femme morte, marchant tout droit vers une guillotine made in Frost Industries. Ou la chaise électrique.

— Mlle Girard, comme c’est aimable de vous joindre à nous, persifle Maryanne avec agacement. Mais la réunion est commencée depuis une demi-heure...

— C’est moi qui l’ai retenue, Maryanne, explique Ethan de sa voix la plus charmante.

Avec un regard enjôleur, il se dirige vers ma responsable afin de lui parler à voix basse. Nous n’entendons pas un mot de ce qu’il lui dit.

Les autres stagiaires me dévisagent, certains avec curiosité, d’autres franchement hostiles. Je me glisse sur l’un des sièges libres. Ma hanche proteste un peu, mais je n’en tiens pas compte. La dernière chose que je souhaite, c’est manifester une quelconque faiblesse en cet instant. Je sais bien qu’Ethan croit me faire une faveur – et c’est peut-être le cas, vis-à-vis de ma chef. En revanche, avec les autres stagiaires, il est en train de m’attirer des ennuis. Dans le regard des garçons, je vois qu’ils ont deviné la nature de ma conversation avec Ethan. Les filles sont plus discrètes – surtout Chrissy, ma tutrice d’hier, qui s’est montrée particulièrement accueillante –, mais elles aussi sont en train de se forger une image de moi qui ne me plaît pas.

À l’autre bout de la pièce, Maryanne hoche la tête, souriante. Ethan s’éloigne pour adresser quelques mots à l’ensemble du groupe. Il va jusqu’à s’arrêter à côté des stagiaires qui sont le plus près de la porte. Ils se rengorgent, tout heureux, et je devine qu’Ethan tente de me protéger. Si sa présence à mes côtés leur permet de briller à leur tour, peut-être qu’ils seront moins hostiles à mon égard.

Ça me fait chaud au cœur, bien que je doute de l’efficacité du procédé. J’ai déjà été mise à l’écart, et je sais comment ça fonctionne. Il est bien rare qu’il suffise de quelques mots du grand patron pour calmer le jeu.

Ça ne loupe pas : une fois Ethan parti, tous les yeux se tournent à nouveau vers moi. Je sors ma tablette de ma sacoche et me prépare à prendre des notes sur la tâche ingrate que mon retard va forcément me valoir.

Mais Maryanne ne fait pas mine de me confier un projet. Elle se contente de reprendre où elle en était, discutant les points importants des cas qu’elle a distribués pour la semaine. Chacun est chargé des recherches préliminaires d’un dossier bien précis, mais Chrissy m’a expliqué que Maryanne aimait discuter de l’ensemble des questions avec nous tous, afin d’élargir le champ de nos apprentissages. Ainsi, en cas de problème, n’importe lequel d’entre nous peut remplacer son collègue sans perturber les avocats dont nous préparons les dossiers.

C’est un très bon outil d’apprentissage, et je suis contente d’en bénéficier, même si je ne sais pas encore sur quoi je vais travailler. À 10 h 15, lorsque la réunion prend fin, j’ai accumulé des pages de notes, et je commence à avoir une idée assez claire des règles de la propriété intellectuelle dans le monde de la technologie de pointe.

Alors que les autres quittent la salle en file indienne, j’attends l’occasion de parler à Maryanne. Je n’ai toujours pas de projet, mais je ne voulais pas soulever la question pendant la réunion. J’ai eu ma dose d’attention pour l’été...

Chrissy traîne un peu devant la porte, jusqu’à ce que je me tourne vers elle. Elle me fait signe de la rejoindre quand j’aurai fini.

Ça me rassure un peu. Peut-être que j’ai tort de m’en faire. Peut-être que tout va bien se passer...

Mais ensuite, Maryanne termine sa conversation avec Rick, le plus ancien des stagiaires. Il n’a pas l’air content en se détournant, mais il garde une attitude professionnelle – du moins jusqu’à ce qu’il tourne le dos à Maryanne et croise mon regard. Il me dévisage avec haine en articulant silencieusement le mot « traînée ». Puis il quitte la salle de réunion avec un calme qui dissimule sa fureur.

C’en est fait de mes espoirs.

— Merci de m’avoir attendue, Mlle Girard, dit Maryanne en s’approchant. Je voulais vous entretenir de votre travail des prochaines semaines.

— Je suis vraiment désolée d’être arrivée si tard. Ça ne se reproduira pas.

Je sais qu’Ethan a déjà justifié mon retard, mais je tiens tout de même à m’excuser.

— Ne soyez pas idiote ! Je comprends parfaitement. Si Ethan avait voulu me parler ce matin, j’aurais sans doute zappé la réunion, moi aussi.

Merde. C’est pire que ce que je pensais. Elle ne veut pas le reconnaître, mais elle est en colère. Très en colère. D’où le caractère fielleux de sa remarque.

— Je suis tombée dans l’escalier, je me suis fait très mal à la hanche, dis-je en lui montrant les glaçons fondus. M. Frost a eu la gentillesse de m’aider et de me procurer une poche de glace.

— C’est ce qu’il m’a expliqué. Ça va mieux, maintenant ?

— Oui. Tout va bien.

— Tant mieux, parce que vous allez avoir beaucoup de travail sur le projet qui vous est confié.

— Le projet... ?

— Oui. Je ne sais pas de quoi vous avez discuté avec Ethan, mais il semblerait que vous lui ayez fait

une forte impression. Il m’a demandé de vous attribuer les recherches en vue de la fusion avec Trifecta. Vous en avez entendu parler ?

Le cœur battant, j’acquiesce. Je ne connais pas les détails – ils sont tenus secrets – mais je sais que c’est une grosse affaire. Qui pourrait faire gagner beaucoup d’argent à Frost Industries, et leur ouvrir les portes d’un nouveau champ de la biotechnologie.

Je fais part à Maryanne de ce que je sais de la fusion, bien que ça se résume à peu de choses. Elle semble un peu radoucie.

— Je viens de vous envoyer les grandes lignes par mail, ainsi qu’un calendrier que Rick a préparé, avec les dates auxquelles chaque point doit être prêt pour nos avocats. Tout changement de programme doit être validé par mes soins.

— Entendu.

— Avez-vous des questions ?

J’en aurai certainement, mais pas avant d’avoir consulté les informations qu’elle m’a communiquées. — Pas encore.

Elle doit lire dans mon esprit. Ou alors, elle sait à quel point ce projet me dépasse.

— Vous ne tarderez pas à en avoir. Dans un premier temps, consultez Rick. S’il ne peut vous aider,

n’hésitez pas à venir me trouver.

— D’accord.

— Parfait. Vous pouvez vous mettre au travail, conclut-elle en me montrant la porte d’un signe de tête. Elle semble à présent presque aussi ouverte que lorsque nous nous sommes rencontrées hier.

Je rassemble mes affaires et me dirige vers la porte aussi vite que ma hanche me le permet. Mais avant

que je quitte la pièce, Maryanne me hèle.

— Au fait, Mlle Girard...

— Oui ?

— C’est un très gros projet. Les avocats pour lesquels vous allez travailler sont très exigeants. Tâchez

de ne pas commettre d’erreur.

— Je serai attentive.

Elle ne répond pas, se contentant de me dévisager jusqu’à ce que je sorte. C’est plutôt intimidant.

Pas moins intimidant que le fait de me retrouver parmi les artisans de la fusion avec Trifecta. Je sais que les choses sérieuses sont entre les mains des avocats, des ingénieurs et des vice-présidents – sans parler d’Ethan lui-même –, mais la tâche qui m’attend n’en est pas moins herculéenne, surtout pour une nouvelle stagiaire qui ne sait même pas quelles bases de données utiliser.

Je devrais être terrifiée, et pour une part, je le suis, mais je ne vais pas le montrer. Ni à Maryanne, ni à Rick, dont je comprends mieux l’attitude, ni aux autres stagiaires qui me contemplent à présent comme si j’avais attrapé la rage – ou commis une horrible trahison. Je peux le faire. Je dois le faire. En approchant des box attribués aux stagiaires, je prends conscience des changements qui se sont opérés en une matinée. Non seulement à cause du travail qui m’est confié, mais parce qu’hier, Maryanne – comme tout le monde – m’appelait Chloe. Aujourd’hui, je suis soudain devenue Mlle Girard.

De la part de Jose, c’était une marque de politesse. Quelque chose me dit que de la part de ma chef, c’est exactement le contraire.

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