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Chapitre 6

Il me dévisage un long moment, l’air vraiment horrifié.

— Est-ce que j’ai bien compris ? finit-il par demander. Vous trouvez que je dépasse les limites ?

— Pfff, évidemment. Je pensais m’être fait comprendre.

Pendant une fraction de seconde, l’homme confiant que j’ai vu jusqu’à présent disparaît, et il semble déboussolé. Puis son visage se ferme, masquant toutes ses émotions.

— Je suis navré. Je pensais pour ma part vous avoir rassurée sur le fait que votre stage n’était pas remis en cause. Quoi qu’il puisse se passer ou ne pas se passer entre nous, vous n’avez rien à craindre de ce côté-là.

— Merde, Ethan, je n’ai jamais dit que vous me harceliez sexuellement. J’ai dit que vous aviez dépassé les limites en tant que patron, lorsque vous m’avez confié le meilleur dossier. Je n’ai pas besoin de vos faveurs. Surtout pas quand elles ne m’attirent que des ennuis.

Il se détend un peu.

— Au sujet de ce dossier, ce n’est pas ce que vous croyez.

— Oh, vraiment ? Vous sous-entendez que je l’ai obtenu au mérite ?

— Parfaitement, répond-il en me regardant dans les yeux. Je vous l’ai dit, j’ai consulté votre dossier hier soir. J’étais très impressionné, non seulement par les notes que vous avez obtenues à la fac, mais par l’article que vous avez joint à votre candidature. Sur la propriété intellectuelle.

— Je vois très bien de quel article vous parlez.

Soudain, j’ai le cœur qui s’affole, mais pour d’autres raisons.

— J’ai été fasciné. Votre argumentation était originale, bien documentée et construite, et elle correspond en tout point à mes convictions.

Je le regarde, surprise.

— Pourtant, ce n’est pas l’avis le plus répandu. J’ai même hésité à le joindre, parce que je craignais que ça joue en ma défaveur.

— Mais vous l’avez fait. Et bien que votre opinion diffère de celle de mon principal conseiller, elle s’accorde parfaitement avec la mienne. Si je ne vous avais pas rencontrée, je ne vous aurais peut-être pas confié le dossier Trifecta sur le seul mérite de cet article, mais j’aurais envisagé sérieusement de le faire. Après vous avoir rencontrée, et admiré votre tempérament et votre repartie, la question ne se posait plus. J’avais décidé de demander qu’on vous remette le dossier avant même de vous avoir revue ce matin.

J’essaie de savoir s’il est sincère. Il affiche un air de franchise, mais ça ne veut rien dire. Avec Être P.- D.G. pour les Nuls et tout ça, il doit savoir très bien mentir quand il en a besoin.

Mais j’ai envie de le croire, tellement envie que ça me brûle le ventre. Parce que s’il dit la vérité, s’il croit en moi à cause de mon intelligence et non de mon physique, alors je ne veux pas renoncer à ce projet. Je veux m’en saisir et lui montrer – à lui et au monde entier – ce que je sais faire. Peut-être que c’est arrogant, mais je m’en fous.

Je me suis documentée, pendant des heures, des jours et des mois, sur le droit de la propriété intellectuelle. Je sais qu’il me reste des choses à apprendre – évidemment –, mais je suis certaine que mes connaissances n’ont rien à envier à celles de Rick.

Soudain, l’envie de m’essayer à ce nouveau job se fait pressante. Finalement, tout ce qui s’est passé aujourd’hui n’est pas bien grave. Parce que du moment que je connais la vérité, du moment que moi, je sais que j’ai eu le dossier au mérite et pas parce que le patron voulait coucher avec moi, le reste n’a aucune importance.

— Vous le pensez vraiment ? Vous croyez vraiment que je suis à la hauteur pour ce dossier ? finis-je par demander.

— Mon entreprise ne serait pas aussi florissante si j’avais l’habitude de confier des responsabilités à des incompétents, Chloe. Je ne peux pas vous dire mieux que ça.

Il a raison. Je dois décider une bonne fois si je le crois ou non, parce que je ne vais pas lui reposer la même question éternellement. Finalement, j’accepte l’idée qu’il est sincère, et que ce n’est pas son attirance pour moi qui l’a poussé à me charger du dossier Trifecta. Pour la première fois depuis que j’ai ouvert le colis hier soir, je commence à me détendre.

— Merci de m’avoir donné ma chance, dis-je.

— On dirait une gamine le matin de Noël ! commente-t-il avec un sourire.

— C’est exactement ce que je ressens. Je ferai du bon travail.

— Je n’en doute pas un seul instant. Mais qu’est-ce qui se passe, là-bas ? Vous m’avez dit que vous

aviez des ennuis avec les autres stagiaires ?

Je repense à Rick et ses petits airs snobs, au changement d’attitude de Chrissy quand elle a su quel

dossier on me remettait. Rien de tout ça ne paraît très grave à présent, alors que je sais que j’ai décroché ce projet parce qu’Ethan croyait en moi.

— Rien de bien méchant. Je vais me débrouiller.

Ma réponse ne le satisfait pas.

— Vous allez vous débrouiller avec quoi, exactement ?

— Rien qui doive vous inquiéter.

— Vous en êtes bien sûre ?

— Certaine, dis-je en me levant. Merci pour le temps que vous m’avez accordé. Je ne vais pas vous retenir plus longtemps.

Il m’attrape par le coude.

— Et si moi, j’ai envie de vous garder ?

La question semble rester suspendue entre nous, et je me demande s’il parle d’autre chose que de cet

instant. De choses que je ne suis pas prête à envisager.

Je le perçois dans l’atmosphère électrique de la pièce, sur son visage, et dans l’assurance de sa voix.

Et à la façon dont il me caresse le creux du coude avec son pouce, en un effleurement léger comme une plume.

À la façon dont il se place entre moi et le monde, pour me protéger de je ne sais quoi.

Et dans les frissons que j’ai dans le ventre, les étincelles électriques qui me parcourent les nerfs.

J’ai tellement envie de dire oui que ça me choque. Oui pour un dîner, oui pour une promenade sur la plage, et oui pour ce qui se passera ensuite. Mais rien n’a changé depuis le moment où je suis entrée dans ce bureau comme une furie. Rien d’autre que mon point de vue. Le reste du monde est exactement comme avant. Aussi abîmé – aussi foutu – qu’auparavant.

Je ne veux pas qu’Ethan le voie, qu’il me voie telle que je suis. Si c’était le cas, il saurait à quel point je suis cassée, et j’ai passé trop d’années à tenter de cacher mon passé pour me laisser aller à tout dévoiler maintenant. Même si quelque chose en lui me donne envie de le faire.

— Je dois y aller.

En entendant ma voix devenue rauque, Ethan plisse les yeux et se lève. Il se rapproche de moi, et me regarde avec une intensité qui me montre qu’il a tout remarqué. Qu’il a tout vu.

C’est ce que je redoute, et que je désire le plus en même temps. Quelqu’un qui me voie pour de vrai, qui prenne le temps de regarder sous la surface, sous les mensonges et les « entrée interdite » que je porte comme une armure. Qu’Ethan en soit si facilement capable menace de faire tomber mes défenses, et je me surprends à m’agripper à lui, les doigts enfouis dans la soie de sa chemise. Il écarte les cheveux qui me masquent le visage et j’ai l’impression que mes boucles s’accrochent à ses doigts pour ne pas le lâcher, dans une tentative désespérée de le garder tout contre moi.

Il resserre son étreinte sur mon coude, sans me faire mal, juste pour que je sache qu’il est là. Pour que je sente sa présence. Puis, lentement, inexorablement, il m’attire plus près et je perçois le battement de son cœur contre ma poitrine. Et son érection, contre ma hanche.

J’attends la panique, la peur auxquelles je suis habituée. La crise d’angoisse qui m’a saisie chaque fois qu’un homme est entré dans mon espace personnel.

Mais elle ne vient pas. Je ne sais pas pourquoi, alors qu’il se tient aussi près de moi – et même plus que quiconque ne l’a été depuis des années. Pourtant, je suis anxieuse. J’ai le cœur qui bat la chamade et je sens une sueur froide couler le long de ma colonne vertébrale.

Mais je ne me sens pas menacée. Je sais qu’il ne cherchera pas à prendre plus que ce que je suis prête à lui donner. Peut-être que je me berce d’illusions. Peut-être que je suis aussi bécasse que n’importe quelle jeune femme consumée de désir pour un homme puissant.

Je secoue la tête et détourne les yeux. Il n’y a pas de « peut-être ». Ethan n’aurait jamais bâti une telle entreprise s’il s’était contenté de miettes, de demi-mesures. Il ne serait pas là s’il était incapable de dépasser la surface, de voir au-delà et de trouver les moyens d’atteindre son but. S’il a cette perspicacité dans le travail, comment puis-je douter une seconde qu’il n’en soit pas également doué en ce qui me concerne ?

Mais je ne doute pas. Alors que je contemple ses yeux bleu ciel, la vérité m’apparaît. Ethan Frost acceptera tout ce que je peux lui donner, et exigera plus. Tout. Puis il continuera à chercher ce qui se cache encore au-delà.

Cette pensée devrait suffire à me terrifier. Et peut-être que j’aurai peur, plus tard. Peut-être même que c’est déjà le cas. Mais pas assez pour que je m’enfuie de la pièce et de son emprise. Car au-delà de ses exigences, je perçois également de la douceur. Ethan veut certes tout de moi, mais il ne prendra pas plus que ce que je suis prête à lui donner.

Je ne sais pas d’où me vient cette certitude, mais elle est là. Pourtant, j’attends. Je refuse de céder. Je ne peux que résister, parce que tout en moi me dit que cette histoire – quelle qu’elle soit – ne peut que mal finir.

— Où es-tu partie ? murmure-t-il doucement, la bouche tout près de mon oreille.

Je retiens mon souffle. Il y a une telle électricité entre nous, une compréhension et un besoin qui palpite dans l’air que nous respirons. Je le sens quand j’inspire, crépitant jusque dans mes poumons. J’ai beau tenter de me détourner, je suis aimantée par ses yeux. Et ce sentiment se répand dans mon être à chaque seconde qui passe, jusqu’à ce que je ne me souvienne plus de ce que j’étais avant.

— Je suis toujours là.

Je ne devrais pas, pourtant...

— Je te veux, Chloe. Et je crois que tu me veux aussi, soupire-t-il en passant les lèvres sur ma joue, le

long de la mâchoire.

Je secoue la tête, mais c’est plus par assentiment que par refus, et nous le savons tous deux.

— Ethan...

Il m’attire vers lui et sourit. Je ne l’avais encore jamais vu aussi heureux.

— Tu m’as appelé Ethan, encore une fois. C’est un progrès.

Un progrès ? Était-ce ce matin encore que j’insistais pour l’appeler M. Frost ? Cela paraît tellement bizarre, alors que dans ma tête, c’était Ethan depuis le début. Ou plutôt, Smoothie Boy, puis Ethan. C’était uniquement par défi que je le nommais M. Frost.

— La plupart des hommes ne considéreraient pas ça comme un progrès.

— Je ne suis pas comme les autres, Chloe.

— Hum, hum. On me l’a déjà sortie, celle-là, dis-je en haussant les sourcils.

Je le taquine. Moi, Chloe, je le taquine. J’ai du mal à le croire.

— Ça ne sonnait pas aussi cliché dans ma tête, rétorque-t-il en riant.

— Vraiment ?

— Ou peut-être que j’aurais dû réfléchir avant de parler.

— Peut-être, en effet.

— À propos de clichés, j’en ai un autre à te proposer.

Cette fois, c’est lui qui lève un sourcil.

— Je dois avouer que je suis un peu jalouse. J’ai toujours rêvé de savoir faire ça.

— Faire quoi ? demande-t-il, perplexe.

Je passe les doigts sur le sourcil qu’il vient de hausser. Il reste immobile. Sérieux. Mais je continue à parler, pour ne pas laisser passer cet instant. Cette douceur, cette décontraction. Dans ma vie, j’en ai eu si peu !

— Bouger un seul sourcil à la fois. Je suis sûre que c’est plus difficile qu’on ne le croit.

— C’est vrai ? Peut-être que je t’apprendrai un jour.

— Avec plaisir.

Nous ne sommes plus qu’à quelques centimètres l’un de l’autre, encore plus proches qu’une minute auparavant, alors que je n’aurais pas cru ça possible. Mais avec chaque phrase, nous avançons inexorablement l’un vers l’autre. Comme des aimants, nous sommes attirés par un magnétisme que nous ne contrôlons pas.

Une fois de plus, je me dis que je devrais avoir peur – que j’ai peur, mais pas assez pour y mettre un terme. Pas assez pour m’en aller. Pas assez pour faire autre chose que rester là, à attendre qu’Ethan franchisse les derniers millimètres qui nous séparent.

Il le fait, lentement. Je suis presque folle d’angoisse, d’impatience et de désir.

Il est si proche que je discerne les petites rides au coin de ses yeux, et que je suis envahie par les vagues de chaleur qu’il dégage. Je perçois sa respiration haletante et son haleine mentholée. Ça ne me suffit pas. Je veux le goûter. Je n’en peux plus.

L’instant suivant, il est là, ses lèvres douces comme un murmure sur les miennes. Une fois, deux fois, et puis encore... Une pluie de baisers rapides qui ne font qu’attiser mon désir, me rendre folle. Je l’embrasse à mon tour, écartant les lèvres pour l’inviter à aller plus loin. Mais il ne mord pas à l’hameçon. Il me dépose une série de baisers sur la joue, la mâchoire, les commissures des lèvres, le pourtour de la bouche...

Frustrée, je glisse les mains le long de ses bras musclés, sur ses épaules tendues, puis son cou. Il pousse un grognement, et cette fois, lorsqu’il s’empare de ma bouche, toute légèreté est envolée. C’est un baiser intense qui me fait flageoler les jambes et tourner la tête, bien qu’il me maintienne fermement dans l’instant présent. Ici, avec lui.

Ethan me mordille la lèvre inférieure, et j’ouvre la bouche à mon tour avec un gémissement. Il en profite pour y glisser la langue. À présent qu’il me tient à sa merci, je m’attends à ce qu’il m’envahisse, qu’il prenne possession de moi. D’après mon expérience, c’est ce que font tous les hommes. Comme s’ils annexaient votre bouche, la proclamant mère patrie. Comme si vous étiez un trophée qu’ils devaient marquer, sous peine qu’on le leur vole.

Mais depuis le début, Ethan est différent, et il l’est aussi sur ce point. Il ne force pas sa langue dans ma

bouche, n’essaie pas de me conquérir par son enthousiasme effréné. Au contraire, il m’enjôle. Me charme. Me séduit. Et contre ça, je suis sans défense.

Il passe le bout de sa langue doucement sur la mienne, l’encerclant lentement, très, très lentement. Il me lèche d’abord le dessus de la langue, puis le dessous, avant de s’intéresser à l’intérieur de ma joue puis à mon palais. Il joue avec le frein de ma lèvre inférieure. Ça me fait frissonner. Personne n’avait jamais eu ce geste avant, et je suis surprise que ce soit si délicieux.

Il me prend le visage entre les mains et le lève vers lui afin d’entrer plus profondément dans ma bouche. Afin que je l’accueille en moi. Pendant ces quelques instants volés, hors du temps, j’accepte tout ce qu’il peut me donner.

Il a un goût de menthe et de citronnade. Et de myrtilles. Toujours ces myrtilles... sur lui, c’est délicieux. Doux et acidulé... je suis accro.

Le désir, puissant et inattendu, s’épanouit en moi, et j’enfouis les doigts dans ses cheveux pour le serrer contre mon visage. À présent, c’est moi qui l’agresse, moi qui suis en feu. Moi qui le désire et veux le conquérir. Et si une part de moi tremble de nervosité, de peur, je choisis de ne pas l’écouter. De la repousser au fond de moi, avec tout ce à quoi je ne veux pas penser, et de me concentrer sur l’instant présent.

Sur Ethan.

J’appuie la bouche plus fermement contre la sienne, me délectant du grognement qu’il ne tente même pas de réprimer. Et plus encore, de la sensation de son corps, dur, brûlant et excité, tout contre le mien. À cet instant, si je pouvais l’attirer en moi, je le ferais.

Mais je me contente de lui lécher les lèvres, d’abord celle du bas, puis l’autre, et enfin les commissures – il a un goût tellement délicieux – pour finir par le creux parfait de sa lèvre supérieure. Puis, quand je n’en peux plus, je prends sa lèvre inférieure entre mes dents pour la mordiller doucement. À plusieurs reprises. C’est sans doute le signe qu’il attendait, la permission. Car soudain, je me retrouve contre le mur, une jambe enroulée autour de sa taille alors que sa bouche reprend le contrôle de la mienne.

Il me met une main sur la cuisse pour me caresser le creux du genou, sans cesser de m’abreuver de ses baisers.

Je frissonne, m’agrippe à lui, me cambre contre lui. Il pousse un grognement sourd et resserre son étreinte sur mes cheveux et ma cuisse. Sans me faire mal, il me maintient à sa merci. Il me fait savoir qu’il n’a pas plus l’intention de me laisser partir que je n’en ai moi-même envie.

J’entremêle les mèches sombres et soyeuses de ses cheveux. Je les tire, les fais miennes. Et notre baiser ne s’interrompt toujours pas. J’en ai les lèvres brûlantes et gonflées, douloureuses. De même que mes seins et mon sexe.

En cet instant unique, parfait, j’en veux plus. Je veux tout. Tout ce que je me suis refusé depuis mes quinze ans. Tout ce dont je me suis persuadée que je ne voulais pas.

Ethan remonte la main sur ma cuisse, lentement, et la glisse sous ma jupe, le long de ma culotte. Je me raidis contre cette caresse inattendue – et tout me revient. La raison pour laquelle je suis là, ce que j’avais en tête en venant le trouver, la promesse que je me suis faite il y a quelques minutes à peine de ne pas me laisser entraîner dans cette histoire... Et la peur, que je fais tant d’efforts pour oublier.

Mais qui est pourtant bien là, montant en moi, et je ne sais plus comment la chasser. Comment la mettre à distance. Le contrôle rigide que j’exerce sur moi-même semble désormais aussi chancelant que la sécurité qu’il me procure.

— Ethan...

Je m’écarte de lui, luttant de mon mieux pour rester sereine. Pour rester avec lui au lieu de me laisser happer par une époque et un lieu que j’ai fait de mon mieux pour oublier.

— Tout va bien. Je suis là, Chloe. Je suis là. Laisse-moi te faire du bien. Rien d’autre..., me murmure- t-il à l’oreille, son souffle chaud me caressant la joue.

Il hésite, attendant une réponse que je n’ai pas. Je brûle du désir qu’il me touche, qu’il me fasse ressentir les affres et la joie de le laisser m’aimer. Mais en même temps, j’ai peur de paniquer et de tout gâcher. C’est ma spécialité, après tout. Tout foutre en l’air.

Encore une fois, j’essaie de séparer le présent du passé. Celle que je suis de celle que j’étais. Je ne sais pas si ça marche, mais je sais que je veux qu’Ethan me touche.

Je me rapproche pour enfouir le visage contre son torse. La tension, que je n’avais pas perçue en lui, le quitte lentement alors qu’il passe à nouveau les doigts sur mon sexe.

Je me sens toute molle, la tête appuyée contre le mur alors que j’offre à Ethan une intimité que je n’ai jamais accordée à quiconque.

Haletante, je me cambre au-devant de lui alors qu’il glisse un doigt dans ma culotte et jusqu’au plus profond de moi. Il se penche pour me murmurer quelques mots, mais je suis incapable de les comprendre. Peut-être qu’il tient des propos parfaitement cohérents, mais mon cerveau ne répond plus. Je ne parviens pas à me concentrer sur autre chose que ses doigts qui entrent lentement – tellement lentement ! – dans mon sexe.

Je suis trempée de désir. Et tremblante. Et brûlante. Et un tout petit peu anxieuse. Je n’ai jamais laissé un homme me faire ça avant ; jamais je ne me suis ouverte ainsi. Après ce qui m’est arrivé plus jeune, je n’ai jamais voulu laisser un homme s’approcher au point de pouvoir me blesser.

J’ai peur qu’Ethan le fasse. Certes, il est bien trop doux pour me faire mal physiquement. Mais sur le plan émotionnel ? Je suis face à Ethan Frost, l’un des meilleurs partis du monde. Un génie, un visionnaire. Un séducteur. Et comme je ne comprends même pas ce qu’il me fait, comment pourrais-je croire qu’il ne veut rien de plus que ceci ? Juste cette caresse ?

Je devrais le repousser, lui dire que je ne veux pas qu’il me touche. Il ne me croirait pas – je ne me crois pas moi-même. Mon corps est en feu, chaque nerf électrisé par son contact. Il appuie le pouce sur mon clitoris, décrit des cercles tout autour, et je sais que je ne le repousserai pas. Je ne ferai rien d’autre que le laisser me caresser, me désirer.

— Oh, Chloe, tu es tellement délicieuse...

Sa voix est aussi sombre, douce et séduisante que la barre chocolatée que je garde au fond de mon sac pour les situations d’urgence.

— Toi aussi, dis-je d’une voix haletante.

Il glisse un doigt, puis deux, entièrement en moi. Le souffle coupé, j’essaie de rester immobile pour profiter de ce qu’il me fait. Mais j’en suis incapable, mon bassin ondule de son propre gré, hors de mon contrôle. Envahie de plaisir, je chevauche sa main à la recherche d’une sensation nouvelle, dont je ne veux déjà plus me passer.

La pression monte en même temps que le plaisir, la peur marchant main dans la main avec la volupté, jusqu’à ce que je sache qu’au moindre faux mouvement, je risque d’exploser – mais pas de la bonne façon. Pas de la façon dont j’ai tellement envie.

Ethan s’agenouille devant moi, remonte ma jupe et pousse ma culotte de côté. Avant que j’aie pu imaginer ce qu’il allait faire, et encore moins lui donner la permission, il a posé la bouche sur mon sexe. Il plonge la langue en moi et soulève ma jambe, celle qu’il avait nouée autour de sa taille un peu plus tôt, pour la passer sur son épaule.

Je suis totalement offerte, vulnérable. Je m’empourpre et frissonne. Jamais je n’ai vécu de contact si intime, et je ressens mon traumatisme autant que le plaisir. Que le désir d’en avoir plus. Et d’atteindre l’orgasme, qui semble toujours m’échapper.

Je gémis des mots sans suite, suppliante, incapable de penser. Plus rien n’existe que mon désir. Pendant cet instant rare, ma peur s’est évanouie. L’anxiété, la douleur, les souvenirs... tout est parti, et mon corps, ma conscience, mon existence même, se concentrent dans ce moment hors du temps. Dans le plaisir, et l’orgasme que je poursuis comme un drogué cherche sa dose.

Ethan me calme d’un grognement sourd... et pose la langue sur l’épicentre de ma volupté. Il me titille le clitoris, tourne autour, avant de le sucer pendant une seconde, puis deux. Ce geste, et le va-et-vient de ses doigts en moi, sont tout ce qu’il me fallait. Avec un frisson et un cri de plaisir, je me laisse aller à un orgasme si intense, si délicieux que j’en oublie tout le reste. Qui il est. Qui je suis. Qui j’étais. Pourquoi on ne devrait pas faire ça. Pourquoi ça a de l’importance pour moi.

À cet instant, je ne connais rien d’autre que lui. Je ne sens rien d’autre que lui. Et la chaleur, le plaisir, la douceur – absolue et indescriptible – qu’il m’a donnés.

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