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Chapitre 4

Je passais un très bon moment mais Malana me ramena sur terre quand elle ne se retint pas de me faire entendre son mécontentement une fois rentrées :

« Tout le monde était en couple. J’étais la seule célibataire.

-Et moi ?

-Toi c’est par choix. »

Elle était visiblement de mauvaise humeur alors je ne dis rien au sujet de son ton de voix.

« Pourquoi est-ce que je ne peux pas avoir la même chose ?

-Tu vas l’avoir.

-Je n’ai couché avec personne depuis six mois. Six mois !

-Moi ça fait trente ans.

-Tu m’impressionnes de jour en jour.

-C’est juste de l’asexualité.

-Mais quand même. Tu les as vus ? Ils étaient amoureux ! Je les déteste. J’espère qu’ils vont tous casser et avoir le cœur brisé et ne plus jamais trouver l’amour.

-C’est un peu extrême tu ne trouves pas ?

-Pas du tout. Ils le méritent.

-Tu devrais être heureuse pour eux. Et toi aussi tu te mettras en couple je te le jure.

-Je ne devrais pas vouloir être en couple à ce point… Je suis une jeune femme indépendante et pleine de succès. Ça devrait me suffire. Mais je le veux tellement… Je veux tenir la main de quelqu’un la nuit et regarder une série dans ses bas. Est-ce tant demander ?

-Mais non.

-Pourquoi est-ce que je ne peux pas être plus comme toi ? Si tu ne te maris pas ta vie resteras tout aussi parfaite. Mais si je ne me marie pas j’aurais gâché ma vie.

-Nous n’avons pas tous les même plans. C’est normal.

-Je préfère le tien…

-Moi aussi.

-Super tu ne m’aides pas là.

-Mais c’est vrai.

-Je sais… Mais j’ai une question.

-Oui ?

-Qu’est-ce que tu veux faire de ta vie maintenant ?

-Comment ça ?

-Tu m’as dit ton plan plusieurs fois : faire des études, devenir chercheur, écrire des livres à côté, avoir un chien et des enfants… Tu as tout. Tu as ton appart avec ton chien que j’aime plus que tout au monde et tu vis pour ton métier de rêve où tu excelles. Tu as même vendu des dizaines de livres que je ne sais pas quand est-ce que tu as eu le temps d’écrire. Tu voyages beaucoup et tu lis autant qu’avant. Tu répètes que ta vie est parfaite mais à quand les enfants ? »

Je fronçais les sourcils.

« Tu as tout ce que tu voulais à part ça. Qu’est-ce que tu attends ? Tu es assez stable pour en avoir. Je le sais parce que tu as préparé ce plan depuis ta licence. »

Je réfléchis un moment essayant de garder mon calme mais je sentais mon cœur s’emporter de seconde en seconde.

« Tu as raison… J’étais tellement occupée jusque-là que je n’y ai même pas pensé. »

J’émis un petit rire comme pour évacuer un peu.

« Ca veut dire que tu es prête ?

-Je pense. La dernière fois que j’y avais pensé je me sentais encore trop jeune. J’avais l’impression d’être moi-même une enfant mais maintenant j’ai vraiment l’impression d’être une jeune femme. C’est presque la première fois. »

Malana se mit à sautiller de joie et je la suivais dans son euphorie. Ma vie était parfaite pour avoir un enfant maintenant. J’avais assez d’argent, j’avais ma maison, j’avais mon emploi… Il n’y avait aucune raison pour ne pas se lancer. De plus j’avais voulu avoir des enfants depuis ma tendre enfance. Ne pas en avoir n’avait jamais été une option.

Quand j’avais préparé mon plan j’avais été trop jeune pour une telle responsabilité mais à présent je me sentais fin prête.

« Et je serai là pour t’aider, Galila. Tu ne seras pas seule. »

Je serais la main de Malana dans la mienne.

« Je sais.

-Et peut-être que ça te rapprochera de tes parents.

-Oh, ils adoreraient avoir des petits enfants. Et peut-être qu’ainsi ils arrêteront de me demander quand je vais me marier. »

Malana leva les yeux au ciel.

« Ta famille a vraiment un problème avec les mariages.

-M’en parle pas. J’en entends parler toutes les semaines depuis mes quatorze ans.

-Tu m’étonnes qu’ils aient mal pris ton aromantisme.

-Ouais…

-Cet enfant sera le plus chanceux de la terre. »

J’avais les larmes qui commençaient à monter. Cette décision d’avoir un enfant pouvait sembler prise sur un coup de tête mais en vérité j’y avais pensé depuis une dizaine d’année. J’étais heureuse et apaisée à l’idée d’en avoir mais en même temps nostalgique. Comme si une partie de ma vie venait à une fin.

Comme je l’ai dit avant, je n’étais jamais tombée amoureuse. La seule fois où je m’étais mise en couple c’était parce que je pensais que je devais le faire mais pas parce que je voulais le faire. Je n’avais jamais été attirée par qui que ce soit et n’avais jamais eu envie d’être embrassée.

Cela ne m’avait jamais vraiment dérangée. J’étais heureuse dans ma vie et je ne me rendais pas compte que j’étais célibataire jusqu’à ce que les gens ont commencé à me poser des questions. Ma famille me demandait toujours la même chose : est-ce qu’un garçon te plait ? Et ils faisaient toujours des blagues sur le mariage.

Je riais sans rien dire mais au fond je ne m’étais jamais vraiment imaginée me marier. A part quand j’étais enfant mais seulement parce que la société me faisait croire que c’était le but ultime.

Je me sentais vide d’émotions par rapport aux autres alors j’avais fait des recherches. Encore une fois ce n’était pas que ça me dérangeait. Et je n’ai pas commencé à faire des recherches tant que je n’étais pas tombée sur une vidéo au sujet de l’aromantisme sur tiktok. En la voyant j’ai été surprise de voir que quelqu’un me décrivait parfaitement et j’ai donc continué à creuse.

L’aromantisme tout comme l’asexualité sont des spectres. Les personnes peuvent être à différents endroits sur ce dernier. Prenons l’asexualité. Ce sont des personnes qui ne sont pas attirées sexuellement mais ça ne veut pas dire qu’elles sont contre le sexe. Une personne asexuelle peut vouloir coucher avec quelqu’un d’important, s’en ficher complètement ou être complètement repoussé par l’idée. Il en va de même pour l’aromantisme.

Je ne savais pas où j’étais sur le spectre de l’aromantisme mais les seules fois dans ma vie où j’ai essayé de le découvrir j’étais devenue complètement perdue et j’avais pleuré dans mon lit. J’avais donc abandonné. Visiblement je pouvais développer des sentiments comme le prouvait Ikei mais je ne comptais pas me trouver un mari.

Je ne savais même pas si j’étais attirée que par les hommes. Certaines femmes m’avaient attirée ainsi que des personnes genderfluid mais comme pour l’aromantisme j’avais décidé de ne pas y réfléchir. Pendant dix ans j’avais donc vécu ma vie en me concentrant sur mes amis et ma carrière et j’avais été parfaitement heureuse.

Quand j’ai fais mon coming out à ma famille ils m’ont évidemment dis que c’était une phase et elle n’a jamais voulu revenir sur sa décision. Moi qui avais été énormément proche d’eux je l’avais très mal pris mais je ne leur ai jamais rien dis. Je n’avais pas la force d’expliquer qu’ils m’avaient détruite. Malana a été là pour moi. Tout le long. Et je savais que je pouvais compter sur elle.

Quand j’aurais un enfant je savais que ma famille aussi allait être heureuse. Au fond ils s’inquiétaient seulement pour moi et s’ils voyaient que j’étais heureuse ils allaient finir par accepter qui j’étais. Avec le temps ils avaient fini par arrêter de parler de mariage mais je voyais bien que c’était en travers de leurs gorges.

Je ne voulais pas que cela nous éloigne mais sans le vouloir j’ai pris mes distances. Je ne supportais plus cet étouffement. De me sentir comme si je n’étais pas normale. Comme si je devais vouloir être en couple et que je ne devais pas être heureuse comme je l’étais. Alors que ma vie était parfaite. Je n’aimais pas me sentir différente. Je ne m’en étais même pas rendue compte avant eux.

Au fond si je ne savais pas si je voulais tomber amoureuse c’était leur faute. Je ne savais pas si je voulais tomber amoureuse parce que la société me l’imposait ou si je le voulais. Ensuite je me suis rendu compte que je ne voulais vraiment pas être en couple mais après je me suis demandée si c’était par esprit de contradiction envers ma famille.

J’avais peur que si je trouvais quelqu’un ils allaient dire que c’était vraiment une phase. Qu’après dix ans j’avais enfin retrouvé la raison et ainsi effaceraient d’un revers de la main tout ce que j’avais traversé.

Je voulais simplement qu’ils arrêtent de parler de mariage. Il n’y avait pas que l’amour dans la vie. Je voulais qu’ils me félicitent pour mon travail, qu’ils lisent mon livre, qu’ils visitent mon chien. C’était tout. Mais s’ils ne pouvaient pas être une famille acceptante alors j’allais créer la mienne.

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