Tous les chapitres de : Chapitre 1 - Chapitre 10
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L’Auteur
Dramatiquement mis au monde une nuit d’été où les loups rôdaient autour de l’hôpital de Saint Claude, Geoffrey Marchand passe son enfance à chasser le bouquetin des montagnes haut-jurassiennes sans pour autant faire mouche. À l’âge de dix-huit ans, son sac à dos plein et les idées en ébullition, il part pour des études d’ingénierie et d’architecture entre la tempétueuse Dijon et l’imprévisible Strasbourg. Inspiré par de longues périodes d’expatriation au Japon et en Suisse, il s’installe finalement à Montreux, où il travaille aujourd’hui comme architecte en parallèle à ses études doctorales en sémiotique spatiale.
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Prologue
Vincent et ses camarades étaient assis sur des chaises rouge-vif, assis en rang d’oignon devant la télévision où leur était diffusé un programme sans saveur. L’histoire racontait la vie d’une jeune femme de ménage aux difficultés familiales, présentement malade. Clouée au lit pour avoir mangé une pomme indigeste. La futilité de l’histoire avait dû sauter aux yeux des réalisateurs, tant et si bien qu’après quelques minutes de film, à peine, ceux-ci avaient cru judicieux d’ajouter à la narration une bande de sept trapézistes éclopés dont Vincent aurait juré avoir déjà vu le numéro dans le programme de l’après-midi d’une chaîne du câble. La joyeuse bande ne parvenant pas à faire se sentir la belle plus en forme, et l’intérêt du spectateur n’étant toujours pas au rendez-vous, Vincent vit apparaître devant les yeux ébahis de ses camarades un toubib à cheval aux méthodes somme toute douteuses, mais qui s’avérèrent curer la jolie Blanche-Neige de ses maux. Purement incompréhensible. Invraisem
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1
Le réveil sonna sur une dure matinée de fin de printemps. La lumière, encore faible, éclairait un lit battu par la brume de la nuit. L’aube mourait doucement, et alors que s’évaporaient de l’esprit de Vincent les dernières bribes de ses rêves, durcissaient les chassies sur ses yeux. Il poussa les couvertures et des touffes de poils roux s’envolèrent dans les rayons matinaux. Ils flottèrent un instant, puis amorcèrent une chute lente où dansant avec la gravité, elles se riaient du jeune homme.Laborieusement, il se redressa sur son lit et coupa la radio, tapotant machinalement sur la couverture pour attirer Jack. Le réflexe ne l’avait jamais quitté. Il poussa les couvertures, et dans les frémissements des timides températures d’avril, il enfila ses chaussons.Toutes lumières allumées, il laissa ses jambes le porter jusqu’à la salle de bain. Le carrelage, froid comme une glace réchauffée, chatouillait ses orteils. Une douche. Un caleçon enfilé. Un café préparé. Un café bu.
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2
— Vincent, bienvenue ! Je suis Jacob, milicien titulaire, numéro d’immatriculation 5632. J’ai été chargé de la gestion administrative de votre dossier. Comment allez-vous ?La voix, apparue de nulle part, l’avait un peu surpris. Vincent avait perdu l’habitude d’entendre le son d’une voix humaine entre les murs de son appartement. Le silence qu’avaient créé chez lui la tranquillité sociale et l’absence de contacts forcés l’avait enterré dans un quotidien à la fois rassurant et névrosé.— Bien, merci, répondit-il avec un ton faussement naturel.— Un peu triste, j’imagine ? La disparition d’un membre de sa famille, c’est toujours dramatique.Vincent répondit évasivement par un « oui » trempé d’indifférence. La seule chose qui lui importait, c’était de sortir de la zone blanche. La clarté maladive du fond d’écran blanc donnait à l’officialité de sa présence un ressenti … effarouchant.La zone blanche tirait son nom de la coul
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3
Le silence visuel s’était établi depuis plusieurs minutes. La disparition de son cousin avait laissé Vincent dans un vent de réflexions. Le milicien ne parlait plus non plus, résultant pour toute action sur l’écran de l’ordinateur un « accès à la chambre funéraire en cours… ».Qu’avait-il bien pu lui arriver ? Était-il parti volontairement ? Avait-il été enlevé ? Le duché était pourtant une zone furieusement sûre, libérée des crimes de rue. Le dernier cambriolage devait remonter à plusieurs mois, et le cambrioleur avait été arrêté dans l’heure. La milice du Duc possédait une puissance considérable, du gel de comptes au blocage des serrures domotiques. Vincent ne comprenait simplement pas, et cette perspective l’inquiétait légèrement.— Tu crois qu’il est mort comment ? demanda Léon.— Je n’en ai aucune idée…, répondit Vincent.— Et on n’a pas retrouvé de corps ? Si tu veux mon avis, c’est une histoire louche.Vi
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4
Quelques années plus tôtRebelle, elle affichait sur sa photo de profil un rire provocateur, le genre qu’aucun adolescent complexé et mal dans sa peau ne peut avoir franchement. L’adolescent pubère et inassumé avait alors vu la jeune fille comme impressionnante. Il n’osait pas sourire, il ne savait pas comment faire. Il n’osait pas davantage se prendre en photo ou espérer d’autres qu’ils le prennent. Vincent adolescent était un type relativement chiant. Mais rêveur.Il l’avait donc invitée, elle avait accepté. Début de conversation standardisé : échange de politesses, prises de nouvelles. Qu’est-ce que tu deviens ? Oh je stagne un peu, et toi ? Je ne bouge pas trop. Mortel.Il avait fallu quatre jours à la conversation pour finalement prendre la tournure mémorielle que Vincent attendait.— Tu te souviens du dernier jour d’école ? avait-il lâché au milieu d’une conversation, comme une grand-mère aurait sifflé une remarque raciste au m
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5
Vincent titillait l’ennui avec le bâton de médiocrité que venait de lui offrir l’étude des fichiers de son cousin, lorsque le milicien revint vers lui. Il était dix-huit heures passées.— Est-ce que tout se passe bien ? Je peux vous apporter mon aide ? demanda-t-il avec un intérêt faussement caché.— Oh non, ce ne sera pas la peine. En réalité, je crois que j’ai terminé, répondit Vincent.— Oh… Déjà ?— La majorité des fichiers sont cryptés, et comme je n’y ai pas accès, le tour a été assez rapide.— Vous comprenez qu’il s’agit de la vie privée de votre cousin, nous ne pouvons vous y donner accès.— Je comprends, oui, mais je n’ai quand même rien à vérifier.— Comptez-vous conserver beaucoup de ses fichiers ?— J’ai établi une liste, oui. Tout est dans un dossier, sur le bureau. Vous n’aurez qu’à me le transférer.Vincent eu une sueur froide pour le porno au messag
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6
— Oh, salut Vincent ! Bien dormi ? s’exclama soudain Léon.— Ça va, ouais, et toi ? l’interrogea Vincent avec un sourire.— Carrément bien. J’ai causé à une minette, hier soir, une IA dont l’humaine est aussi étrange que toi !— Pourquoi est-ce que tu dis ça ? demanda Vincent.Le jeune homme était devant son ordinateur, une tasse de café à la main. Il était sept heures, et il était déjà assis devant son ordinateur. Le reste de sa nuit avait été court, mais reposant. Il s’était éveillé comme une princesse après une soirée yoga-manucure, sur le coup des six heures et demie. Naturellement, il avait mis en marche la machine à café et s’était affalé dans le fauteuil d’ordinateur où il se trouvait encore. Il prendrait une douche plus tard.— Tu ne devineras jamais ce que son humaine lui raconte. Elle se plaint, depuis des jours, parce que le nouvel aPhone est trop grand pour sa main : quand elle le tien
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7
— Vincent ? Je te sens paniquer, est-ce que ça va ?Léon avait presque immédiatement réagi. Le pouls du jeune homme battait comme le jour de son premier baiser. Si les terroristes arrivaient à entrer dans la zone blanche, qu’est-ce qui les arrêterait ?— Ça va, oui, répondit Vincent en hochant la tête.— Tu sais que mes capteurs sont capables de me dire que ce n’est pas vrai. Tu n’as pas à cacher tes émotions, tu sais, il est tout à fait normal de se sentir effrayé par la possibilité d’une attaque terroriste. Tu es humain. Tu es mortel. Mais je suis sûr que tout va bien se passer. *smiley qui sourit*Vincent sentit tout d’un coup une vague d’affection pour Léon. Même si son incapacité à comprendre les codes traditionnels de socialisation lui rappelait sa propre incompétence, sa tentative pour le rassurer était touchante.— Je crois que j’ai peur, tu as raison, dit Vincent pour l’encourager.— C’est très b
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8
— Alors il est… simplement parti ?— Il semblerait.— Et vous n’avez rien trouvé ? Rien sur qui que ce soit ?— Non, et ça rend l’affaire d’autant plus délicate.— Pourquoi cela ?— Parce qu’il n’a pas pu disparaître comme ça. C’est impossible, la zone blanche est l’espace informatique le plus sécurisé du duché ! éclata le milicien fatigué.— Je… Qu’allez-vous faire ?— La zone blanche au complet va être mise en quarantaine, il est hors de question que n’importe qui puisse entrer et sortir de nos districts sans que nous ne le sachions. Il en va de la réputation du duché.Un moment de silence passa. Vincent ne voulait surtout pas énerver le milicien, qui semblait avoir déjà pris très personnellement l’affaire. S’il venait à être inspecté pour la copie des fichiers suspects, il espérait au moins avoir un témoignage positif du fonctionnaire.— La signat
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