—Où est-il?—Je ne sais pas.—Menteuse! Salope de menteuse!Delta la gifla violemment, une fois de plus. Maria ignorait depuis combien de temps cela durait. La douleur était continue depuis deux, trois, cinq, peut-être dix jours. Elle n’arrivait plus à sentir son corps, tout en constatant de ses yeux les innombrables liquides qui lui étaient injectés. Elle n’avait plus aucune lucidité. Et plus le temps passait, plus son esprit s’embrumait. Il arrivait par moments qu’elle appelle Delta «Maître» et lui voue un respect infini. Or, lors des rares éveils de sa conscience, l’immense salopard qu’il était lui apparaissait clairement.Elle était allongée sur le dos, multi perfusée à chaque bras, et sa tête était maintenue vers le plafond. Mais là où elle n’aurait dû voir qu’un mur blanc banal, s’étendait un abîme chaotique, infini et profond, tournoyant et serpentant sous ses yeux captivés. Sa vision s’y perdait,
Un peu plus vigoureusement, un peu moins précautionneusement, Sacha taillait un bout de bois. Un autre. Il avait cassé le précédent. Fort heureusement, il ne croyait pas aux signes. Un terroriste superstitieux, voilà qui friserait le ridicule.Seulement, le morceau de bois précédent ne s’était pas cassé tout seul. Il avait cédé pour une bonne raison. Sacha était en colère. Très en colère. Tellement énervé que chacun de ses gestes risquait de lui coûter un doigt. Karim était passé quelques minutes plus tôt et avait vite compris qu’il risquait de prendre la place du bout de bois s’il ne déguerpissait pas fissa. Non, définitivement, Sacha n’était pas de bonne humeur. Et les récents évènements n’y étaient pas étrangers.À dire vrai, il ne savait pas ce qu’il se passait. Mais il se tramait quelque chose. Quelque chose dont il était tenu à l’écart et ça, il ne le tolérait pas. Il ne le pouvait pas. Il était probablement l’homme le plus intelligent de toute cette organisation te
Ce fut avec un drôle de sentiment que Victor redécouvrit le Grand Ascenseur. Pas vraiment nostalgique, mais sans appréhension, il redescendait dans la Basse-Ville, là où il était né et avait grandi. Il était déjà redescendu à l’occasion, mais cette fois-ci, c’était définitif. Le grand Victor Dubuisson, plus intelligent que tous, roublard et ambitieux, revenait la queue entre les jambes, battu à plates coutures.Le départ de la maison Luzzi se passa en bonne intelligence, jusqu’à l’intervention de Flora. Fabio lui avait accordé une somme colossale en échange de son engagement à ne plus jamais faire entendre parler de lui. Largement de quoi refaire sa vie comme borgne au pays des aveugles. Le reste de la famille Luzzi n’avait pas souhaité lui parler et cela l’arrangeait. Son honneur était bafoué, son moral au plus bas, son estime de lui-même remise à sa juste place, il n’avait pas besoin, en plus, d’affronter le mépris de son ex belle-famille. Mais, au moment de partir, avec pour
Comme toujours, Catherine Saulte monta seule en voiture pour se rendre à la Chambre des Familles. C’était ainsi depuis la mort de Douglas. Elle était traitée avec les égards dus à son statut d’épouse de Grande Famille, mais sans aucune forme d’affection. Elle avait pourtant fait tout son possible pour être considérée comme une Phillips, elle qui avait souffert de la mort de ses parents alors qu’elle n’avait que 5 ans. La petite Catherine, à l’époque, fut recueillie par une de ses tantes qui en fit la femme qu’elle était devenue. Mais aujourd’hui, sa tutrice –comme le reste de sa famille –, n’était plus, et seuls lui restaient les Phillips. Ainsi, quand elle avait épousé Douglas, elle avait espéré trouver, en plus d’un homme qu’elle aimait profondément, une nouvelle famille. Il n’en fut rien.Avant même la mort de son mari, Maxwell et Michelle Phillips ne l’avaient jamais considérée comme une des leurs. Et même là, alors qu’il ne leur restait plus d’enfants naturels, ils se
Deux de plus. L’opération Fourmi marchait admirablement bien et Delta ne pouvait que s’en réjouir. Encore quelques heures et il serait en position parfaite pour assouvir sa vengeance. Et, cerise sur le gâteau, il ne serait pas inquiété pour la mort de Suryena.Chaque nouveau Putra qui arrivait se voyait informé de la mort du maître de la secte. Le cérémonial était, peu ou prou, le même à chaque fois. Larmes, cris grandiloquents et questions existentielles. Delta avait l’habitude. Il mettait un point d’honneur à accueillir chacun personnellement et à lui annoncer la nouvelle. C’était pénible et chronophage, mais nécessaire pour la suite.Ys avait bien réglé l’opération, et il en était ravi. Il pourrait avoir confiance tant en ses capacités qu’en sa fidélité. Personne n’était mieux placé que lui-même pour succéder à Suryena, aussi ne le trahirait-il pas dans l’immédiat. Et c’était largement suffisant.Fourmi était une opération imaginée par le cerveau fertile de son
Le plan était parfaitement rodé. Et le jour était arrivé. Gaël et F avaient vu et revu chaque détail. Rien n’avait été laissé au hasard. Les Martyrs allaient retrouver leur lustre d’antan, et Menel Ara serait bien obligée de compter avec eux.À l’aube, Gaël réveilla David.—C’est l’heure, lui dit-il.Tous deux s’habillèrent et se mirent en route. Marcus LaMonza les attendait à l’entrée du tunnel que Gaël avait emprunté lorsqu’il était arrivé chez les Martyrs. Une éternité…, pensa-t-il. Tous les trois firent le trajet sans trop se presser, avec les pauses réglementaires pour permettre aux dos meurtris de se reposer. Finalement, lombaires endolories, ils émergèrent dans le bar «Chez Hugo».—Voilà les gars, c’est à vous de jouer, leur annonça Marcus en leur serrant chaleureusement la main.Tous deux le remercièrent.Ils cheminèrent en remontant vers le nord. Une grosse journée les attendait. Une très grosse journée. Et s’il
«… Un jour comme un autre, j’ai donc été convoqué dans le bureau de Youri Komniev pour y apprendre que j’étais libéré de mes fonctions de conseiller. Ma demande d’explication est restée lettre morte et le chef de la Chambre a utilisé un ton péremptoire auquel je n’avais, jusque-là, jamais eu droit. Pour avoir travaillé en étroite collaboration avec lui pendant un an, cela me conforta dans l’idée selon laquelle quelqu’un contrôle Komniev. Bien sûr, je n’ai aucun moyen de prouver une telle accusation et cela reste une pure supposition. Mais cet épisode, ajouté à la réaction troublante de Komniev lors de la révélation de l’infiltration de la Chambre par un Putra, met clairement en doute son indépendance et sa crédibilité en tant que maître incontesté de la politique menelarite. Et, à mon avis, il apparaît totalement illogique que la personne jouant les marionnettistes en coulisse soit membre de la Chambre. Si c’était le cas,
Certains deviennent acariâtres, d’autres transparents. Certains se sentent las, d’autres bouillants d’énergie. Certains ne sortent plus de chez eux, d’autres vont courir plusieurs kilomètres…Chaque personne exprime de manière différente sa tristesse, sa rage, son désespoir. Du bouclier de l’humour à la mauvaise humeur la plus crasse, chacun réagit selon ses instincts.Moussa N’Goubili inspirait la crainte chez ceux qui ne le connaissaient pas. La faute à un gabarit digne d’un champion de boxe poids lourds. Cependant, ce géant au grand cœur était incapable de la moindre violence, ni même du plus petit accès d’humeur. Quand Moussa était contrarié, quel qu’en soit le degré, il l’exprimait d’une façon invariable: il ne pêchait pas. En général, cela ne durait jamais bien longtemps.Or Moussa ne pêchait plus depuis une dizaine de jours. Il venait parfois au port, regarder la mer. Il lui arrivait même d’aller faire un tour sur l’eau, mais sans jamais plonger ses fi