Comme toujours, Catherine Saulte monta seule en voiture pour se rendre à la Chambre des Familles. C’était ainsi depuis la mort de Douglas. Elle était traitée avec les égards dus à son statut d’épouse de Grande Famille, mais sans aucune forme d’affection. Elle avait pourtant fait tout son possible pour être considérée comme une Phillips, elle qui avait souffert de la mort de ses parents alors qu’elle n’avait que 5 ans. La petite Catherine, à l’époque, fut recueillie par une de ses tantes qui en fit la femme qu’elle était devenue. Mais aujourd’hui, sa tutrice –comme le reste de sa famille –, n’était plus, et seuls lui restaient les Phillips. Ainsi, quand elle avait épousé Douglas, elle avait espéré trouver, en plus d’un homme qu’elle aimait profondément, une nouvelle famille. Il n’en fut rien.Avant même la mort de son mari, Maxwell et Michelle Phillips ne l’avaient jamais considérée comme une des leurs. Et même là, alors qu’il ne leur restait plus d’enfants naturels, ils se
Deux de plus. L’opération Fourmi marchait admirablement bien et Delta ne pouvait que s’en réjouir. Encore quelques heures et il serait en position parfaite pour assouvir sa vengeance. Et, cerise sur le gâteau, il ne serait pas inquiété pour la mort de Suryena.Chaque nouveau Putra qui arrivait se voyait informé de la mort du maître de la secte. Le cérémonial était, peu ou prou, le même à chaque fois. Larmes, cris grandiloquents et questions existentielles. Delta avait l’habitude. Il mettait un point d’honneur à accueillir chacun personnellement et à lui annoncer la nouvelle. C’était pénible et chronophage, mais nécessaire pour la suite.Ys avait bien réglé l’opération, et il en était ravi. Il pourrait avoir confiance tant en ses capacités qu’en sa fidélité. Personne n’était mieux placé que lui-même pour succéder à Suryena, aussi ne le trahirait-il pas dans l’immédiat. Et c’était largement suffisant.Fourmi était une opération imaginée par le cerveau fertile de son
Le plan était parfaitement rodé. Et le jour était arrivé. Gaël et F avaient vu et revu chaque détail. Rien n’avait été laissé au hasard. Les Martyrs allaient retrouver leur lustre d’antan, et Menel Ara serait bien obligée de compter avec eux.À l’aube, Gaël réveilla David.—C’est l’heure, lui dit-il.Tous deux s’habillèrent et se mirent en route. Marcus LaMonza les attendait à l’entrée du tunnel que Gaël avait emprunté lorsqu’il était arrivé chez les Martyrs. Une éternité…, pensa-t-il. Tous les trois firent le trajet sans trop se presser, avec les pauses réglementaires pour permettre aux dos meurtris de se reposer. Finalement, lombaires endolories, ils émergèrent dans le bar «Chez Hugo».—Voilà les gars, c’est à vous de jouer, leur annonça Marcus en leur serrant chaleureusement la main.Tous deux le remercièrent.Ils cheminèrent en remontant vers le nord. Une grosse journée les attendait. Une très grosse journée. Et s’il
«… Un jour comme un autre, j’ai donc été convoqué dans le bureau de Youri Komniev pour y apprendre que j’étais libéré de mes fonctions de conseiller. Ma demande d’explication est restée lettre morte et le chef de la Chambre a utilisé un ton péremptoire auquel je n’avais, jusque-là, jamais eu droit. Pour avoir travaillé en étroite collaboration avec lui pendant un an, cela me conforta dans l’idée selon laquelle quelqu’un contrôle Komniev. Bien sûr, je n’ai aucun moyen de prouver une telle accusation et cela reste une pure supposition. Mais cet épisode, ajouté à la réaction troublante de Komniev lors de la révélation de l’infiltration de la Chambre par un Putra, met clairement en doute son indépendance et sa crédibilité en tant que maître incontesté de la politique menelarite. Et, à mon avis, il apparaît totalement illogique que la personne jouant les marionnettistes en coulisse soit membre de la Chambre. Si c’était le cas,
Certains deviennent acariâtres, d’autres transparents. Certains se sentent las, d’autres bouillants d’énergie. Certains ne sortent plus de chez eux, d’autres vont courir plusieurs kilomètres…Chaque personne exprime de manière différente sa tristesse, sa rage, son désespoir. Du bouclier de l’humour à la mauvaise humeur la plus crasse, chacun réagit selon ses instincts.Moussa N’Goubili inspirait la crainte chez ceux qui ne le connaissaient pas. La faute à un gabarit digne d’un champion de boxe poids lourds. Cependant, ce géant au grand cœur était incapable de la moindre violence, ni même du plus petit accès d’humeur. Quand Moussa était contrarié, quel qu’en soit le degré, il l’exprimait d’une façon invariable: il ne pêchait pas. En général, cela ne durait jamais bien longtemps.Or Moussa ne pêchait plus depuis une dizaine de jours. Il venait parfois au port, regarder la mer. Il lui arrivait même d’aller faire un tour sur l’eau, mais sans jamais plonger ses fi
Komniev trépignait derrière son bureau. Sans sa blessure à la jambe, il ferait sans doute les cent pas, fou de rage. Il était hors de lui et capable de prendre des décisions improbables dans ces cas-là. Mais la situation demandait du sang-froid.Face à lui, James Brandon se tenait debout, les mains jointes dans le dos. Il attendait que son supérieur lui explique les raisons de sa convocation, mais il devinait assez aisément qu’il y avait un lien avec l’attentat. Pourtant, le chef de la Chambre lui avait déjà passé un savon à ce sujet. Peut-être allaient-ils enfin évoquer la stratégie à adopter pour apaiser la cité.—Bon, James, on ne va pas y aller par quatre chemins. La ville est surexcitée et j’ai besoin de certitudes.—Je comprends, Monsieur.—Les Martyrs ont failli exploser le Grand Palais avec une bombe qui venait du bas. Deux types seuls ont tourné en ridicule tout notre système de sécurité. Ils ont tué des dizaines de personnes et m’
Durant les premiers jours qui suivirent l’attentat, F s’employa à profiter de l’élan suscité pour remotiver ses troupes. Il avait sous son commandement des centaines et des centaines d’âmes errantes prêtes à tout pour retrouver des conditions de vie acceptables. Son boulot à lui avait été de les convaincre que les Grandes Familles étaient responsables de leur misère. Mais avec cette explosion, il leur offrait plus qu’un bouc émissaire: désormais, ils avaient un espoir.Le lendemain de l’attentat, il réunit tous les Martyrs pour s’adresser à eux dans une posture solennelle rare chez lui.—Allumez vos Hi-Nan, leur dit-il alors, écoutez vos radios, lisez les journaux. Imprégnez-vous des nouvelles du jour, car les Martyrs sont de retour.Un formidable cri unanime accueillit ces mots, chacun étant déjà au courant du succès de l’opération menée par Gaël et David.—Nous avons perdu deux frères dans cet attentat, mais les Martyrs sortent grandis. I
En quelques jours à peine, La Vigie avait changé de dimension. Il était passé de petit journal contestataire, fouineur et rêveur, à l’étendard de toute une frange de la population basse-menelarite. Partout se multipliaient les publicités incitant à découvrir la nouvelle formule du quotidien et notamment son produit d’appel phare: la chronique de Victor Dubuisson.Trois éditions avaient suffi à faire de Dans les coulisses du Grand Palais le blockbuster de la Basse-Ville. Chacun attendait désormais les lundis, mercredis et vendredis pour découvrir quels secrets de la Haute-Ville Dubuisson allait révéler. Le tirage de La Vigie avait presque quintuplé et les fonds injectés par le nouveau propriétaire pour la communication n’expliquaient pas tout. Victor avait plus fait pour le journal comme chroniqueur que comme mécène. Et cela constituait, en soi, une grosse surprise pour le principal intéressé.Assis dans son bureau, les pieds sur le rebord de la fenêtre, Victor s’all