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Le constat

Dans le train…

Il avait déjà fait presque la moitié du chemin ce convoi ; Michelle voulut piquer un petit somme, mais elle n’y parvint pas. Les souvenirs de ces deux dernières années la minaient un tout petit peu. Elle avait décliné les petits en- cas proposés par les hôtesses ; elle n’avait vraiment pas faim. Ses voisins, ce jeune couple de mariés, remarquèrent son attitude. Ils l’observaient depuis un moment et avaient presque deviné ce qui se passait dans sa tête. La jeune dame l’aborda en premier.

– Excusez-moi ! Vous m’avez l’air un peu nostalgique ; mon mari et moi nous vous observons depuis un moment. On veut juste faire la conversation, si ça ne gêne pas ! Moi c’est Sandrine et lui c’est Robert…

– Enchantée, moi c’est Michelle, c’est gentil !

– Alors Yaoundé ? C’est pour les vacances ou bien ? On peut se tutoyer.

– Non, en fait c’est pour le boulot ! Mais je ne m’attendais pas à ce qu’on m’envoie là-bas !

– Ah ok ! Je comprends ! Moi tu sais la vie à Douala c’est tout un autre monde, j’y ai vécu toute mon enfance, et quand on a affecté mes parents à Yaoundé, j’étais tout aussi triste que toi, tous mes potes, les ambiances, ce n’était pas facile aussi, mais t’inquiète tu vas t’y faire tout doucement !

Qu’est-ce qu’elle en savait ? Pensa Michelle. De toutes les façons elle ne lui donnerait pas les vraies raisons de sa déprime. Le couple l’avait abordée tout naturellement ; il fallait bien qu’elle leur rende la sympathie, bien que ça ne l’enchantait guère. Elle s’efforça de leur sourire gauchement. Dans la foulée comme ça elle leur demanda, question de meubler la conversation.

– Comme ça vous vivez tous les deux à Yaoundé ? Vous vous êtes connus là-bas ?

– Oui… on peut dire, mais notre rencontre s’est déroulée de manière un peu inhabituelle ! Répondit Sandrine.

– Un peu inhabituelle ? Comment ça ?

C’est comme si Sandrine n’attendait que cette occasion ; il n’y avait qu’à voir son attitude ; elle lança un regard à son mari, pour avoir son approbation car on sait comment les hommes sont moins portés sur le fait d’étaler publiquement les détails croustillants de leur vie intime. Ce qui est très souvent le contraire chez certaines femmes qui adorent ça et s’en vantent même des prouesses sexuelles de leur conjoint.

Michelle le comprit très vite; Sandrine voulait juste se faire voir, se la raconter, bref s’exhiber un tout petit peu, question de prouver que son histoire était digne d’un vrai conte de fée, où le prince charmant est tombé raide dingue de cendrillon et tout le baratin. Cette dernière sauta sur l’occasion ; excitée, elle répondit.

– En fait, c’était à une soirée, un mariage, si je me rappelle bien, il m’a abordée directement, et il m’a fait comprendre que je lui plaisais bien, et moi aussi il me plaisait bien et le même soir on a… Tu vois un peu ? Et ensuite nous avons...

– Ah !!! Je vois ! L'interrompit Michelle, tout en feignant l’étonnée.

Au fond tout ça la laissait de marbre ; elle en était blasée. Elle aurait aussi pu, si elle le voulait, lui raconter une partie de sa vie à cette femme ; mais elle s’en méfiait ; ils n’étaient que de simples inconnus voulant tout juste faire la conversation dans ce wagon.

Son mari à côté n’arrêtait pas de glousser ; Michelle ne sut si c’était de la gêne ou autre chose; elle ne sut s’il confirmait ou infirmait les dires de sa compagne. Elle redevint silencieuse juste après ; ne voulant surtout pas donner une nouvelle occasion à Sandrine d’en rajouter. D’un autre côté tout ça la rendait quand même nostalgique Michelle. Le simple fait de voir ce couple en apparence si heureux lui rappelait un peu son histoire, sa relation avec Mike…

Le travail à Camex-Co battait son plein ; très affairée, Michelle voyait très peu ses copines, même pas les vendredis comme il avait été convenu selon leur code. Elle ne se sentait plus d’aplomb. Elle essayait de peaufiner son mémoire au quotidien avec ses professeurs et maître d’études ; c’étaient des allées et venues interminables entre le bureau et l’université, mais très souvent entre la maison, le bureau et l’université. Elle avait besoin de repos, et les week-ends ça devenait crucial.

Elle ne daigna même pas décrocher l’appel de Jenna ce vendredi soir. Elle savait que Jenna et Arlette la convaincraient de sortir. Elle avait prévu de se coucher assez tôt. A peine avait-elle fermé l’œil qu’elle entendit frapper à sa porte… Jenna et Arlette firent leur apparition, ne laissant pas le temps à Michelle de réaliser…

– Vous… vous m’avez fait peur ! Vous sortez d’où ? Drôle de façon de frapper à la porte ! J’ai cru que…

Impatiente, Jenna lui coupa la parole.

– C’est comment ? On ne te sent pas depuis ! Tu veux dire que tu bosses plus que qui Michelle ?

– Weee ! Est-ce que j’ai dit ça ? J’ai dit que je me reposais parce que le rythme est fort. Mon mémoire aussi je…

- On sort alors ce soir ! Lui lança Jenna. Débrouille-toi ! Ce sont les potes d’Arlette, deux gars-là qui viennent d’Allemagne, ils nous invitent ! Hein ? Arlette dis-lui toi-même !

– Oui oui !!! Il faut que tu viennes ! C’est gratuit pour nous ! Ils m’ont demandé d’amener mes copines… On va bien rigoler !

– Arlette ! Tes gars... je te le dis, ils sont souvent trop nases ! Mais alors!!! Rétorqua Michelle.

– Qui t’a dit ça Michelle ! Les gars sont frais et bien même ! Tu vas voir ! Vas te laver dis donc ! On s’en va !

– On s’en va où ? Qui vous a dit que je…

Jenna un peu agacée l’interrompit encore une fois de plus.

– Clara et son gars nous attendent déjà !

– Ekie* !!! (Manière familière d’exprimer l’étonnement, la perplexité) Clara ??? Elle ne m’a rien dit pourtant ! S’étonna Michelle.

– Changement de programme ! Dit Jenna. Allez ! Ne joue pas les grand-mères à ton âge ! En plus ton pater n’est pas là !

– Et ça veut dire quoi ?

– Ça veut dire que pour une fois qu’il n’est pas là c’est le moment que tu choisis pour dormir ? A vingt heures ! Et un vendredi en plus !

– Ok c’est bon je viens ! Je fais juste une à deux heures de temps et je rentre !

Deux heures plus tard, elles avaient rejoint Clara et son copain Thierry dans un snack et ensuite toute la bande se rendrait dans ce fameux club, le même que celui de la dernière fois. Michelle qui se la jouait un peu rabat-joie fit cette remarque à Arlette à propos des deux gus venant d’Allemagne.

-Hé mais ! Arlette ? Où sont-ils tes « potes d’Allemagne ? » Ne me dis pas qu’ils t’ont plaquée !

– T’es bête des fois hein ! On les retrouve tout à l’heure en BT* ! (Boite de nuit, discothèque) On vient de s’écrire là tout à l’heure, ils me feront signe…

– Enfin… j’espère qu’ils ne seront pas barbant ! En tout cas je ne vais pas trop traîner… Clara vous allez me raccompagner… Jenna et Arlette m’ont forcée à…

– Ooooh mais qu’est-ce que tu es chiante !!! T’aurais même pas dû venir! S'irrite un peu Jenna.

– Jenna ! Je suis chiante ? Mais c’est toi qui…

– Ça va ! Tais-toi un peu ! On sent que tu es en manque de gars ! L'interrompit Jenna.

– Quoi ? Ehhh je ne vous ai même pas dit !

– DIS-NOUS !!! Répondirent-elles à l'unisson.

– Vous vous rappelez la dernière fois en boîte, le mec qui avait renversé sa boisson sur mon chemisier ?

Toutes à l’unisson :

– OUI !!!

– Devinez quoi ? Je l’ai revu là-bas où je travaille ; il vient constamment à Camex ! C’est un partenaire du Dg !

Pas très surprise, Jenna lui demanda.

– C’est tout ? Il est comment encore ?

– Je vous l’avais montré non ? Grand de taille comme ça, il était aussi dans un carré VIP avec ses amis, juste à côté du nôtre.

– Et ?

– Et quoi Jenna ? C’est tout !

-Tsuiip tu déranges ! Je sens qu’il te fait les appels de balles mais tu n’as rien compris !

– Quels appels de balles ? Je dis qu’on s’est juste revu au boulot rien de plus !

– Mais si tu en parles comme ça, ça veut tout simplement dire que tu en pinces pour lui !

– Tu es folle Jenna !

Clara qui tentait de les calmer en douce demanda plutôt.

– Non ! Attendez, tu dis que le mec de la dernière fois- là ? Celui que tu nous as montré et qui t’avait versé sa boisson par mégarde ? C’est bien le même que tu as revu à ton boulot ?

Et Arlette d’en rajouter.

– En tout cas Michelle s’il te fait les appels de balles fonces, n’hésites pas je l’ai bien vu il n’est pas mal ! Ironise Arlette.

– Avec les lumières tamisées là tu as pu distinguer la beauté là comment ? S’étonne Michelle. Pour toi tous les mecs sont beaux ! Tu entends ça Clara ?

– Ahahah !!! En tout cas ! Est-ce que tu as remarqué quelque chose de particulier chez lui ? Je veux dire son attitude vis-à-vis de toi ? Lui demanda Clara.

– Il est normal ! Il m’a juste souri l’autre jour parce qu’on s’est reconnus, c’est tout !

Et Jenna d'en conclure...

– Tu es bien son genre de fille… Je le savais !

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