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chapitre 4

~𝒞𝒽𝒶𝓅𝒾𝓉𝓇𝑒 4~                                                   

Point de vue de Chad

Flashback

Après avoir attendu Alexis, pendant je ne sais combien de temps, là voilà enfin. Elle descend les escaliers, vêtu d'une robe beige bouffante, s'arrêtant à ses genoux, ses converses à la main et le sourire jusqu'aux oreilles. Ses cheveux blonds, eux, sont légèrement bouclés. Je l'interroge du regard face à ses converses et elle se met à rire.

- Tu m'as dit de bien m'habiller, mais tu sais très bien que je ne peux pas me passer de mes converses. Les humains ont besoin deau et de nourriture, eh bien moi mon besoin c'est mes converses. Lance-t-elle avec un clin d'œil.

Je lui souris et l'aide à descendre. Celle-ci s'assied sur une de ces marches pour enfiler ses fameuses chaussures et soudain son père débarque.

- Tu es magnifique.

Alexis le regarde et lui adresse un léger sourire, son sourire forcé. Je m'empresse de prendre le bandeau dans ma poche, l'attrape par le bras et la tire à l'extérieur.

- Mon dieu merci. Je n'ai pas compris ce qu'il s'est passé là.

- Alexis, c'est ton père. Il essaye sûrement de se faire pardonner, tu sais très bien qu'il s'en veut.

- Oui si tu le dis.

J'entre dans la voiture et la blonde fait de mĂŞme.

- Bon, maintenant je vais devoir te mettre ça.

Alexis lève les yeux au ciel, et se laisse faire. Je lui cache les yeux avec le bandeau, et la conduit jusqu'Ă  l'endroit souhaitĂ©. 

Arrivé, je la laisse deux minutes dans la voiture et rejoins vite Andrew pour voir où il en est. Les ballons se promènent dans le jardin et la musique y résonne.

- Tu t'en sors ?

- Tu fais quoi lĂ  ? Mais tu es idiot ou quoi Chad, tu connais Alexis, curieuse et maline qu'elle est, elle va enlever son bandeau et venir d'elle-mĂŞme. Va la voir, bouge-toi !

J'éclate de rire en entendant ce qu'il vient de me dire et me rends compte qu'il a tout à fait raison. Alexis est vraiment maligne et à tous les coups elle a déjà enlevé ce maudit bandeau, et la surprise est fichu. Je me précipite vers elle, surpris, je remarque qu'elle n'a pas bougé d'un seul millimètre. Au contraire, elle est encore assise et patiente. Je m'approche et ouvre la portière.

- Je te soupçonne d'avoir triché et d'avoir jeté un coup d'œil mademoiselle.

Elle attrape ma main et la sert.

- Je n'ai rien fait, pour une fois. J'ai patienté, et j'ai été sage comme une image Chad.

Je souris et l'amène jusqu'à notre fameuse surprise. J'espère de tout cœur que ça va lui plaire. Alexis avait refusé d'aller à ce bal, on avait beau insisté avec Andrew, c'était perdu d'avance. Alors on en a discuté avec Nathalia et celle-ci nous a proposé de faire cette petite fête entre nous trois. Nous avons tout de suite organisé ça, c'était impossible de laisser notre meilleure amie toute seule, le soir de notre bal de promo, le soir de l'achèvement de cette année. Dans quelques mois, nous ne serons plus dans la même école, mais à la fac. Cependant je suis sûr d'une chose : notre relation à nous trois ne changera jamais. On sera toujours ensemble, quoi qu'il arrive.

Je la laisse toute seule et m'installe, juste en face d'elle avec Andrew, les bras remplis de boite de pizzas.

- Tu peux enlever ton bandeau ! sécrie Andrew, qui ne manque pas de me briser le tympan.

Alexis s'exécute et observe le jardin remplis de ballon et surtout la petite guirlande : BAL DE PROMO. Elle explose de rire et nous la rejoignons.

  - Vous ĂŞtes complĂ©tement tarĂ©s les mecs. Vous n'auriez pas dĂ», mais merci beaucoup.

Une heure plus tard, nous sommes tous les trois installés au milieu du jardin avec nos délicieuses pizzas. La musique en fond, le soleil prêt à se coucher. Un paysage de rêve. Andrew a toujours eu de la chance sur ce coup-là. Il vit dans une petite baraque, mais le paysage est magnifique et lorsque la nuit tombe, les couleurs orangés et roses, peaufine le tout. Mais rien ne battra, notre endroit, notre pont à nous. Celui-là, c'est le meilleur. Il nous donne une vue magique sur la ville entière. Nous nous rendons toujours rendez-vous là-bas. Chaque soir, chaque matin avant les cours. C'est notre endroit à nous.

- C'est comme ça que vous vous amusez les jeunes ?

Nous sursautons en entendants la voix de Nathalia et Ă©clatons de rire.

- On mange Mamie.

Nathalia sapproche et nous montre sa tenue pour « faire la fĂŞte avec vous les jeunes ». Sa robe verte laisse apparaitre sa peau mate, la mĂŞme qu'Andrew. Ces deux-lĂ  se ressemblent comme deux gouttes d'eau. Andrew Ă  les mĂŞme yeux foncĂ©s que sa grand-mère, le mĂŞme regard doux et bienveillant.  Soudain, les deux mères de mon meilleur ami s'invitent elles aussi. DĂ©cidĂ©ment tout le monde veut faire la fĂŞte avec nous. Alexis pose sa part de pizza dans la boĂ®te et s'empresse d'aller Ă  la sono pour augmenter le son. La chanson We Found Love de Rihanna retentit dans tout le jardin.  Alexis attrape Nathalia et se mettent Ă  danser toutes les deux, comme des folles, en balançant leurs bras dans tous les sens et en sautillant comme des enfants. Nathalia m'Ă©patera toujours, elle a soixante-huit ans mais elle a toujours cette âme d'enfant. Toujours cette envie de vivre la vie Ă  fond. Elle a ce petit truc, qui dès que vous parlez avec elle, votre mauvaise humeur est effacĂ©e en un coup de vent.  Tout d'un coup, Jenna et Sarah, elles, s'y mettent aussi, mains dans les mains. Elles balancent leurs corps, droit dans les yeux, le sourire aux lèvres.  Durant toute mon enfance, je n'ai jamais vu mes parents comme ça, aussi tactile, aussi heureux. Je ne les ai jamais vu se regarder comme ça, avec tant d'amour. Non, j'ai l'impression qu'il n'y a jamais eu vĂ©ritablement d'amour entre eux, du moins après que je sois arrivĂ©.  Jenna et Sarah sont vraiment adorable. J'aurais moi aussi aimĂ© avoir une famille comme la sienne, rĂ©uni et heureuse. Je sais que ça na pas toujours Ă©tĂ© facile pour Andrew, mais sa famille a toujours Ă©tĂ© lĂ . Dans les bas comme dans les hauts. Lorsque je l'ai rencontrĂ©, cela ma fait une drĂ´le de sensation en voyant le lien qu'ils avaient tous. Je n'avais jamais vu des personnes s'aimer Ă  ce point. Voir deux femmes ensembles, ça cela ne m'avait mĂŞme pas choquĂ©, j'Ă©tais totalement perturbĂ© par l'amour que tout le monde se portait. Mais quelques attends après, je ne vais pas mentir, je me suis quand mĂŞme posĂ© la question sur ses parents. J'avais huit ans lorsque je l'ai rencontrĂ© et Ă  cet âge vous ne connaissez rien. A huit ans on est encore naĂŻfs, encore innocent. Mes parents ne m'avaient jamais parlĂ© de ce cas-lĂ , ni mĂŞme Ă  l'Ă©cole. La sociĂ©tĂ© nous mettait dans la tĂŞte que pour avoir un enfant il fallait absolument y avoir une femme et un homme. Lorsque j'ai posĂ© cette fameuse question, nous Ă©tions tous Ă  table en train de prendre le goĂ»ter. Jenna, Sarah et Nathalia Ă©taient prĂ©sentes et ont mĂŞme rigolĂ© lorsqu'elles m'ont entendu. J'ai fini par apprendre que deux femmes pouvaient avoir un enfant, et notamment qu'Andrew Ă©tait nĂ© d'une FIV (fĂ©condation in vitro). J'ai posĂ© Ă©normĂ©ment de questions, et mĂŞme si je ne comprenais pas la moitiĂ© de ce quelles m'expliquaient, je l'avoue, je me sentais fier d'avoir appris ça. Je me sentais comme un grand, un adulte. Et puis on ne s'est plus quittĂ©, lui et moi, plus jamais. Sa famille Ă©tait devenue la mienne. Je passais mes journĂ©es chez lui et surtout chez Nathalia.

Après avoir insisté, je ne sais combien de fois, Andrew se lève pour rejoindre ses mères. Jenna attrape ses mains et les bougent dans le vide pour qu'il se mette à danser, son mécontentement est maintenant remplacé par un sourire qui laisse apparaitre toutes ses dents. Je souris en les voyants, tous les cinq s'amuser comme des fous, en sirotant mon coca-cola. Soudain, Sarah et Andrew s'approchent de moi, le visage rayonnant de bonheur.

    - Bouge ton cul mon vieux, tu ne vas pas rester assis toute la soirĂ©e, tout seul.

    - Mais ça ne me dĂ©range pas Andrew, va danser, je suis bien ici. Regarde je mange.

Andrew rigole, pousse ma boîte de pizza sur le côté et se rapproche pour attraper mes mains.

    - Je crois que tu ne m'as pas compris mon coco. Hors de question de me ridiculiser tout seul, tu viens avec nous danser.

Mon meilleur ami me soulève et essaye de me faire rejoindre les autres. Sarah pose sa main derrière mon dos et m'adresse un grand sourire. Je lui rends et m'en vais m'amuser avec tout le monde.

Une heure plus tard, nous voilà assis, tous les trois sur notre pont. Je balance mes pieds dans le vide tout en observant la ville éblouie par les lumières, qui s'étend devant nous. J'extirpe une clope de mon paquet et l'allume. Je tire une taffe et la fumée s'évapore dans l'obscurité.

   - Merci pour cette soirĂ©e, merci du fond du coeur. DĂ©clare Alexis.

- C'est normal. Lui répond Andrew en lui donnant un coup de coude.

Je leur souris mais soudain Alexis nous regarde un par un puis observe la ville, comme nous le faisons tous les trois. Son regard est vitreux et elle a l'air soucieuse. Ces derniers jours, Alexis a été assez bizarre. Il y a des moments où elle est complétement ailleurs, où elle ne nous écoute plus. Je ne sais pas trop pourquoi, et on a essayé d'en discuter avec elle mais son argument est que c'est la fin de notre année et que ça la rends mélancolique. Je la crois, mais le problème c'est que cela devient assez fréquent ces derniers jours.

-Tu veux tirer une taffe Alexis ? lui questionnai-je pour l'extraire de ses pensées négatives, et cela marche.

- Non, non. Merci.

    

- Il va falloir que j'y aille les gars. Ma mère me bombarde de message.

- Mais tu ne veux pas dormir à la maison ? Ne t'inquiète pas, cela ne dérange pas mes mères, au contraire, elles seront contentes !

- C'est adorable Andrew, mais tu sais comment elle est.

Après nous avoir fait la bise à tous les deux, elle nous fixe longtemps puis nous ordonne de lui faire un gros câlin. Je jette ma clope au sol, et l'enlace suivi d'Andrew.

- Merci encore pour tout, je vous aime tellement fort.

C'est très rare que nous employons le mot « aimer » entre nous et même dans la vie de tous les jours. Voir quasiment jamais. Nous n'avons jamais aimé l'employer. Nous le savons, pertinemment que nous comptons tous mais c'est quelque de fort et pas besoin de l'employer à chaque fois. Ce mot est devenu bien trop banale pour beaucoup de personnes, ce qui est malheureux. Je crois que ce mot n'est jamais sorti de ma bouche, de vive voix. Ni même pour mes parents. Je n'ai jamais eu de vrais sentiments, je n'ai jamais aimé vraiment quelqu'un. Et même à mes meilleurs amis, ce mot est inconnu au bataillon. Pourquoi ? je ne sais pas, j'ai peut-être la trouille de déballer ce que je ressens. Alexis et Andrew sont ma famille, ils sont tout pour moi. Nous nous complétons ensemble. Et si l'un venait à mourir, à disparaitre, une partie de nous disparaitrai. Nous avons un lien inexplicable, un lien si fort que rien ne le détruira.

- Alexis tu nous Ă©touffes. Je lui lance en rigolant.

Elle s'Ă©carte et je fais mine de m'Ă©touffer en toussant. Celle-ci me colle un doigt devant le nez avant de nous faire un clin d'Ĺ“il puis s'apprĂŞte Ă  partir.

  - Attends Alexis, on a encore quelque chose pour toi.

Andrew balance le pot de glace dans les mains à la blonde. Son visage s'illumine de bonheur et son petit corps se met à sautiller partout. Alexis a toujours adoré les glaces ben & jerry's, ce sont ses préférées. Pas un jour ne passe sans qu'elle en mange une. C'est un peu son piché mignon. Elle nous colle un baiser sur la joue à tous les deux, s'en va en courant, le sourire jusqu'aux oreilles.

Et ce soir-lĂ  c'Ă©tait notre dernière soirĂ©e, notre dernière soirĂ©e Ă  tous les trois avant le cauchemar. Si seulement je m'en Ă©tais aperçu...

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