Elara
Le lendemain matin, le château semblait plongé dans un calme étrange, presque irréel. Le banquet de la veille n’était plus qu’un souvenir lointain, les nobles repartis vers leurs terres, et la cour retrouvait son rythme habituel. Mais pour moi, rien n’était comme avant. La promenade de la nuit précédente avait marqué un point de non-retour. Les mots du roi résonnaient encore dans ma tête, et plus que jamais, je sentais qu’il y avait quelque chose d’inexprimable entre nous. Quelque chose qui allait au-delà de l'ordre social, de mon statut de domestique, et de mon rôle de simple observatrice dans l'ombre de la cour.
Alors que j’effectuais mes tâches habituelles, je ne pouvais m’empêcher de penser à la conversation que j'avais eue avec Aldric. Je me souvenais de ses paroles, de la douleur qui transparaissait dans sa voix, de la vulnérabilité qu’il avait laissée entrevoir. Le roi, dans toute sa gloire et son pouvoir, était un homme brisé, hanté par ses choix, et je me demandais si je pouvais réellement l’aider, ou si je ne faisais que l’empirer en me rapprochant de lui. Mon rôle, après tout, était de rester en retrait, invisible, et de servir sans poser de questions.
Mais comment pouvais-je rester éloignée de cet homme dont je commençais à comprendre les tourments ?
Je n’eus pas le temps de m’appesantir davantage sur mes pensées, car le son des lourdes portes du château retentit. Un messager entra en courant, un parchemin à la main. Le regard des domestiques se tourna immédiatement vers lui, et je m'approchai discrètement. Le messager, essoufflé, s’inclina devant un conseiller du roi et lui remit la lettre, un geste rapide et professionnel, mais sa nervosité était palpable.
"Que se passe-t-il ?" murmurai-je à une autre servante, une vieille amie, qui se tenait près de moi.
"Une nouvelle venant du sud", répondit la servante d’un ton inquiet. "Le duc de Darven, un seigneur puissant, a levé une armée. Il semble qu’il ait l’intention de marcher sur le royaume."
Un frisson parcourut mon dos. Une guerre ? Le duc de Darven était un homme ambitieux, connu pour ses tentatives d’accroître son pouvoir au détriment des autres seigneurs du royaume. Si ses intentions étaient telles que la rumeur le laissait entendre, cela signifiait une guerre imminente. Une guerre qui changerait tout.
Le messager, toujours tremblant, s’éloigna après avoir salué le conseiller, et la tension dans le château monta d'un cran. La nouvelle circula rapidement, atteignant même les oreilles des domestiques. Tous savaient que si ce conflit devenait réalité, tout le royaume serait bouleversé.
Pourtant, je ne pouvais pas me concentrer sur cela. Ma rencontre avec le roi pesait encore lourdement sur mon cœur. Je n'arrivais pas à me détacher de ce lien que je sentais naître entre nous, un lien qui semblait défier toutes les règles. Tout dans ma vie m’avait appris à maintenir une distance, à ne jamais franchir les lignes invisibles entre les classes. Mais chaque fois que je voyais Aldric, chaque fois que je pensais à lui, cette ligne semblait devenir de plus en plus floue.
Je me rendis dans les cuisines pour préparer un peu de nourriture pour les membres de la cour. À ce moment-là, un autre messager arriva, plus précipitamment cette fois. Son regard se posa sur moi.
"Le roi demande à vous voir", dit-il simplement, avant de se hâter vers les appartements royaux.
Mon cœur s’emballa. Le roi… il avait demandé à me voir ? Je pris une grande inspiration, m’efforçant de cacher mon trouble. Ce n'était pas la première fois qu’il me convoquait, mais chaque appel semblait plus significatif que le précédent. Je me hâtais de me rendre dans ses appartements, mon esprit tourbillonnant.
Lorsque les portes des appartements royaux s’ouvrirent, je pénétrai à l’intérieur. Aldric se tenait là, près d’une grande carte du royaume, les mains derrière le dos, ses traits tendus. Il n'était plus l'homme pensif que j'avais rencontré la veille, mais un souverain à l'apparence plus ferme, comme si les préoccupations politiques et militaires avaient repris le dessus.
Il tourna son regard vers moi en me voyant entrer, et ses yeux se durcirent légèrement. "Elara", dit-il, sa voix marquée par l'urgence. "Il semble que la situation avec Darven soit bien plus grave que prévu. Le duc a rassemblé une armée conséquente et se dirige droit vers nos frontières. J'ai besoin de vous."
Je m'inclinai, bien qu’étonnée. "Majesté, que puis-je faire ?"
"Je dois partir en guerre", dit-il, ses yeux se perdant brièvement dans la carte. "Mais avant cela, il y a une tâche qui m’incombe. Vous avez vu la robe que vous avez faite pour la fête de la cour. Elle est magnifique. Mais il y a autre chose. Une armure… une armure spéciale que je dois porter pour cette guerre. Je veux que vous la conceviez. Pas une armure ordinaire. Une armure qui symbolise le royaume et la puissance. Quelque chose de… unique."
Je fus surprise. "Moi, Sire ? Mais je ne suis pas une armurière…"
Aldric se tourna vers moi, un regard d'intensité nouvelle dans les yeux. "Vous ne l'êtes pas, c’est vrai. Mais vous avez des talents que beaucoup ignorent. Vous avez une vision des choses que les autres ne voient pas. Et j’ai confiance en vous. J’ai besoin de cette armure, Elara. Il s’agit non seulement de la protection du roi, mais de la symbolique. Cette armure sera un message. Le message que le royaume ne se laissera pas abattre."
Les mots du roi résonnèrent dans mon esprit, et quelque chose en moi se réveilla. Il me confiait non seulement une tâche physique, mais une mission d’une importance stratégique. Il me offrait sa confiance. Je n'avais jamais envisagé une telle responsabilité, et pourtant, cette confiance était exactement ce dont j'avais besoin pour me rapprocher de lui.
"Je… je ferai de mon mieux, Sire", répondis-je, ma voix plus ferme qu'elle ne l’avait imaginé.
Aldric sembla me regarder plus intensément que jamais, un léger sourire se dessinant sur ses lèvres. "Je le sais, Elara. Vous êtes plus que ce que vous semblez être."
Il tourna à nouveau son regard vers la carte du royaume, comme s’il s’apprêtait à replonger dans ses préoccupations. Mais avant cela, il ajouta, presque comme une pensée évasive : "Je vais avoir besoin de vous plus que vous ne l’imaginez."
Je m'inclinai une nouvelle fois, me sentant plus proche du roi qu’avant, mais aussi plus distante que jamais. Nous étions liés par des circonstances qui échappaient à tous deux. Je savais que cette mission allait changer notre relation à tout jamais. Mais jusqu’où cette confiance mutuelle pouvait-elle nous mener ? Et quel rôle exactement devais-je jouer dans les bouleversements à venir ? Seul l’avenir le dirait.
Alors que je sortais des appartements royaux, un vent froid soufflait dans la cour, comme si le royaume
lui-même pressentait la tempête qui s’annonçait.
Pensé par AldricLe vent souffle fort ce soir-là, une promesse d'un changement imminent. Je me tiens une fois de plus sur les remparts du château, observant l'horizon avec une intensité nouvelle. La guerre que j'ai espéré éviter est désormais inévitable. Les dernières semaines ont été marquées par des alliances secrètes, des intrigues et des manœuvres politiques qui se sont intensifiées à mesure que la tension montait. J'ai pris ma décision finale : il est temps d'agir.Elara, à mes côtés, observe également la vaste étendue du royaume. Je sais que le poids du pouvoir pèse lourd sur mes épaules, mais je sais aussi qu’elle est prête à affronter ce qui va venir. "Ils ne nous laisseront pas de répit, Aldric. Ils veulent tout ou rien. Cette fois, il n’y a pas de place pour les demi-mesures."Je tourne mon regard vers elle, un sourire fatigué mais résolu sur les lèvres. "Je l'ai toujours su. Mais chaque choix a un prix. Et ce prix, Elara, pourrait bien être notre dernier test."La guerre qu
Par AldricLes jours qui suivent sont remplis d'une tension qu'on ne peut ignorer. Le royaume se trouve à un carrefour dangereux, et bien que la confrontation directe avec les traîtres et conspirateurs ait laissé des cicatrices profondes, la véritable épreuve est encore devant nous : comment maintenir la stabilité après avoir révélé la vérité sans sombrer dans le chaos qui semble tout engloutir ?Après la réunion, certains seigneurs se sont retirés dans un silence lourd, leurs visages marqués par l'incertitude. D'autres, plus audacieux, ont ouvertement défié mes décisions, et leurs murmures de mécontentement se propagent à une vitesse alarmante. Ceux qui s’opposent à mes réformes semblent se regrouper, transformant une simple crise de loyauté en un véritable combat pour l’avenir du royaume.Elara et moi savons que la paix fragile que nous avons obtenue se fissure lentement. De nouvelles alliances se forment, des trahisons se trament dans l'ombre. Le vent, toujours porteur de rumeurs,
(Aldric)Le château est plus tendu que jamais. Les seigneurs arrivent un à un, leurs visages marqués par l’anticipation, mais aussi, pour certains, par la nervosité. Je me suis préparé à cette réunion comme jamais auparavant. La vérité, même si elle est douloureuse, doit être confrontée. Je ne peux plus reculer.Elara, toujours à mes côtés, observe les arrivées avec une attention aiguisée. Elle sait que les enjeux sont plus élevés que jamais. Les murmures qui circulent sur la corruption et les trahisons au sein même du conseil sont désormais un poison qui se répand à travers tout le royaume. Il est crucial de répondre à ces accusations de manière décisive et sans hésitation.Je prends place sur mon trône, mon regard perçant scrutant la salle. Les seigneurs, bien que dissimulant leurs émotions, ne peuvent s’empêcher de ressentir le poids de la situation. La salle est remplie, mais l’atmosphère est tendue, presque palpable."Mes seigneurs", je commence d’une voix calme mais ferme, "nous
Par AldricLes jours qui suivent la grande réunion sont étrangement calmes. Une tranquillité précaire s’étend sur le royaume. Le vent, jadis porteur de rumeurs de rébellion et de dissidence, semble plus doux désormais, comme si la tempête avait été temporairement dissipée par mes paroles et les compromis obtenus. Mais je sais que la paix n’est jamais aussi simple. Chaque geste, chaque décision, porte son lot de conséquences.Elara, toujours vigilante, ne partage pas totalement mon optimisme. "Vous avez gagné une bataille, mais la guerre, elle, n'est pas terminée", me rappelle-t-elle un matin alors que nous nous entretenons dans le bureau du roi. "Il y a encore des forces dans l'ombre, des alliés de ceux qui conspirent encore contre vous. Ils attendent le bon moment."Je hoche la tête, contemplant la carte étendue devant nous. Le royaume semble plus stable, mais la fragilité de la situation reste là, tapie sous la surface."Je sais", lui réponds-je. "Mais nous avons donné à ceux qui do
AldricElara me regarde longuement, la lumière qui filtre par les fenêtres illuminant ses traits décidés. Elle semble hésiter, mais son instinct ne la trompe jamais. "Que veux-tu dire, exactement ?"Je prends une profonde inspiration avant de répondre, mes pensées se formant lentement. "Je vais proposer une grande réunion. Tous les seigneurs, les nobles du royaume, et même ceux qui s’opposent encore à nos réformes. Une réunion où chacun pourra exprimer ses préoccupations et ses idées. Peut-être que, dans cet échange, nous pourrons trouver une voie commune."Elara me scrute, un air de défi dans ses yeux. "Une réunion… avec ceux qui conspirent encore contre toi ?""Oui", dis-je simplement, la certitude d’avoir choisi la voie la plus difficile s’installant en moi. "Mais c’est la seule façon de dissiper la rumeur avant qu’elle ne se transforme en tempête. Si nous n’agissons pas maintenant, nous serons pris au piège, et il sera trop tard."Elle réfléchit un instant avant de hocher lentemen
AldricLe calme qui règne sur le royaume depuis la confrontation à la forteresse est trompeur. Il est trop parfait, trop silencieux. Un souffle d’air froid s’infiltre à travers les fenêtres entrouvertes de mon bureau, soulevant les lourdes tentures sombres. Je fixe les flammes vacillantes des bougies, perdu dans mes pensées.Les seigneurs qui ont hésité à se rallier à la rébellion ne sont pas tous convaincus. Je l’ai vu dans leurs yeux, senti dans leur manière de parler. Ils n’ont accepté qu’en surface, attendant le moment propice pour se détourner. Certains attendent encore que l’ombre du chaos s’abatte de nouveau pour se positionner du côté qui leur sera le plus avantageux.Un mouvement près de la porte attire mon attention. Elara entre, silencieuse comme une ombre. Ses pas ne font aucun bruit sur le sol de pierre, et pourtant, sa présence remplit la pièce d’une tension familière.— Ne nous laissons pas endormir par cette accalmie, dit-elle d’un ton calme mais tranchant comme une la
AldricLa lumière du matin filtre à peine à travers les fenêtres du château, projetant des ombres allongées sur le sol de pierre. Je suis déjà debout, incapable de trouver le repos alors que le vent souffle fort à l’extérieur, hurlant comme un présage funeste. Ce matin, il ne charrie pas seulement l’air glacé des hautes montagnes, mais aussi une rumeur persistante, une rumeur dangereuse qui s’immisce dans les couloirs du royaume comme un poison silencieux.Un complot. Une nouvelle rébellion en gestation.Je ferme les yeux un instant, inspirant profondément. La paix que nous avons tant lutté pour instaurer est plus fragile que jamais. Nous avons apaisé les guerres, apaisé les tensions, mais nous n’avons pas éradiqué la haine de ceux qui désirent l’ancien ordre. Et aujourd’hui, ils montrent à nouveau les crocs.Les portes de la salle du trône s’ouvrent sans bruit, et je n’ai pas besoin de lever les yeux pour savoir qui entre. Je ressens sa présence avant même qu’elle ne parle.Elara.El
AldricLe royaume de Varek semble en paix, du moins en surface. Les murs du château sont solidement réparés, les routes commercent de nouveau, et les terres autrefois dévastées par la guerre se couvrent d’une verdure renaissante. Pourtant, dans les ombres, le souvenir des batailles, des trahisons et des pertes demeure. Les cicatrices invisibles sont toujours là, prêtes à se rouvrir au moindre choc. La paix, aussi précieuse soit-elle, n’est jamais totalement acquise.Je me tiens devant la grande table de la salle de guerre, une carte du royaume étendue devant moi. Mon regard parcourt les différentes régions, chaque territoire portant les stigmates de notre lutte passée. La reconstruction avance, mais quelque chose en moi refuse de croire que tout est terminé. Cette stabilité me semble fragile, comme un château de sable menacé par la marée.La porte s’ouvre doucement, et Elara entre dans la pièce. Son regard est doux, mais je vois l’inquiétude qui y brille. Elle sait que je porte le poi
AldricLa salle du trône est étrangement calme, baignée dans la lumière pâle de l'après-midi. Les échos des derniers événements résonnent encore dans les couloirs du château, mais l'ombre de la trahison commence lentement à se dissiper. Assis sur mon trône, je fixe l'horizon par les grandes fenêtres. Le vent léger fait flotter les rideaux, comme un présage de renouveau, un souffle annonçant le changement.La douleur de la trahison est encore vive, un poison qui s’infiltre dans mes pensées. Mais aujourd’hui, je n’ai plus le luxe de m’y attarder. Le royaume a besoin d’un roi fort, capable de le guider à travers les cendres de cette période sombre.Des bruits de pas résonnent sur le marbre froid. Je n’ai pas besoin de lever les yeux pour savoir de qui il s’agit.Elara.Sa présence est une constante, un ancrage dans le chaos. Elle avance d’un pas mesuré, mais je décèle l’inquiétude dans son regard. Lorsqu’elle s’arrête devant moi, elle s’incline légèrement avant de parler d’une voix posée