Du coté de chezle proviseurAu sommet de la tour qui surplombait le Lycée Vile, dans un sombre bureau faiblement éclairé par quelques chandeliers vieux comme le temps, assis sur une grande chaise en bois incrustée de saphirs, le proviseur Vile réfléchissait. C’était un homme de très haute taille. Il avait le regard perçant et sévère et ses yeux, d’un noir intense, avaient la capacité de rendre docile n’importe quel élément perturbateur du Lycée Vile. Telle était la façon dont il nommait toute personne ne respectant pas les règles qu’il avait lui-même instaurées. Car ici, c’était lui le maître et nul ne pouvait le contester. Si le Lycée Vile était ce qu’il était à ce jour, c’était grâce à lui. Tant qu’il serait là, dans ce bureau froid, le Lycée Vile ne faillirait jamais. En d’autres termes, le proviseur Vile ne dirigeait pas seulement le Lycée Vile. Il était le Lycée Vile.
L’homme à la veste noireL’homme à la veste noire prenait son maigre repas dans son salon et attendait. Rien ne le perturbait. Pas même le tic-tac incessant de la petite horloge qui lui faisait face. Une fois son déjeuner terminé, il débarrassa la table et se servit une tasse de thé. Il l’avala lentement. C’était très important pour lui. Il partit ensuite dans sa cuisine pour laver la tasse. Il avait un lave-vaisselle, mais aujourd’hui il utiliserait l’évier et ses mains. Il prit le temps de bien la frotter. Il la rinça, l’essuya et la rangea dans un des placards. Celui juste dans l’angle de la pièce. Satisfait, il revint dans son salon et s’assit. Il leva les yeux et attendit. Tic-tac. Tic-tac. Tic-tac. Il regarda l’heure. Il était trois heures vingt-quatre.Il décida alors qu’il était temps. Il se leva et se dirigea vers la porte d’entrée. Il mit ses chaussures, ferma sa veste et prit ses clefs. Il posa la main sur la poignée de
Avant la fête— Tiens-la bien, mec !Jérémy opina du chef, saisit la banderole et grimpa sur l’escabeau de droite. Yvan s’approcha de celui de gauche.— Je l’accroche d’abord ici et juste après tu t’occupes de l’autre partie. Pigé ?Jérémy leva le pouce non sans trembler, nerveux. Yvan monta sur l’escabeau. Il se mit sur la pointe des pieds et tendit la banderole vers le mur. Le jeune homme, à l’inverse de son ami à lunettes, avait été doté par la nature d’une taille assez imposante. Jérémy se souvint de ce détail technique assez vite, mais malheureusement trop tard.— Attends deux secondes, laissa-t-il échapper un instant à peine avant de s’étaler sur le sol.— Qu’est-ce que tu fous ? s’exclama Yvan. Allez, au boulot ! Un peu de classe, mec !Jérémy jeta à son ami un regard implorant.
Le traItreLe hall brillait de mille éclats. Tout n’était qu’étincelles et farandoles de couleurs, le rouge côtoyant le vert, le bleu et le violet. Un véritable festival de lumières.Antoine avait du mal à y croire. L’endroit ressemblait davantage à une gigantesque salle de bal qu’à l’entrée d’un établissement scolaire. Une énorme banderole colorée, affichant en lettres d’or « l’ouverture de la fête annuelle de mi-semestre du Lycée Vile », était suspendue au-dessus de la grande porte. Des tables drapées de nappes blanches sur lesquelles étaient entreposés mets et boissons – tout particulièrement bon nombre d’alcools divers et variés que pouvait apprécier n’importe quel lycéen voulant se retrouver à danser la macarena en slip sur la piste – étaient alignées çà et là dans le hall. Là où l’on pouvait apercevoir habituellement un grand espace vide sans intérêt se trouvait à présent une sorte de large podium en bois. À la vue des instru
Bloody DrugsJosie flottait. Ou du moins, elle rêvait qu’elle flottait. Elle se sentait apaisée. Son corps lévitait au milieu d’un grand ciel noir où se trouvaient de nombreux nuages couleur neige. Elle se demanda si elle arriverait facilement à traverser tous les nuages d’affilée. Elle passa au travers de chaque cumulus, allant de plus en plus vite, se sentant de plus en plus légère et aussi naïve qu’une petite fille jouant à la poupée. D’abord gênée, elle décida finalement d’en rire. Alors qu’elle passait au travers du dernier nuage, le paysage changea soudain autour d’elle. Elle se trouvait à présent dans l’espace. Un espace où brillaient mille et une étoiles argentées. Josie ne put s’empêcher de lâcher un hoquet d’admiration. Jamais elle n’avait vu spectacle aussi magnifique. Elle explora l’espace infini, volant à côté des étoiles, admirant les confins de cet univers de ténèbres si effrayant et pourtant si merveilleux.Et alors
Le plan— C’est encore loin Jonathan ?— Non. On est presque arrivés.Antoine scruta les environs. Il n’était jamais encore venu ici auparavant. Le couloir où il se trouvait semblait comme oublié par le temps.— On est où exactement ? finit par demander Marianne.— Le bâtiment H du lycée, répondit Jonathan en avançant. C’était un peu le coin repos des surveillants avant que le proviseur ne décide de le fermer.Ils s’arrêtèrent devant une solide porte en fer. L’inscription RÉSERVÉ AU PERSONNEL semblait les narguer.— Jonathan ? dit Antoine. Comment tu sais autant de choses sur le Lycée Vile ?Le jeune homme aux cheveux roux sourit et, sans un mot, frappa cinq fois contre la porte. Antoine entendit alors des bruits de pas. De l’autre côté du mur, quelqu’un s’approchait.
Que le nouveau proviseur se lève !Josie marchait dans les couloirs du lycée. Elle se laissait aller là où ses pieds la menaient, les yeux dans le vague, l’esprit ailleurs. Elle repensait à la conversation qu’elle avait eue avec Mathieu la veille. Devait-elle vraiment aller de l’avant ? C’était simple à dire. Pas forcément à faire.Josie se mordit nerveusement les doigts. Elle avait déjà tellement réfléchi à la question. Elle s’était remémoré chaque phrase, chaque mot qu’elle avait prononcé en sa présence. Elle en avait beaucoup souffert. Suffisait-il alors pour elle de simplement laisser tomber ? Enfin, non. Pas laisser tomber. Tourner la page. Ce n’était pas de la lâcheté. Elle n’abandonnait rien. Elle changeait simplement son but, sa pensée.Mais Marianne dans tout ça ? Si elle l’abandonnait, ne serait-elle pas triste de leur séparation ?— Surtout qu’on est peut-être censées…
773HAntoine avait faim.Pas le genre de faim que l’on pouvait ressentir après une longue journée de travail dans un bureau étouffant à trier des papiers administratifs pour le patron. Non. La faim d’Antoine était bien plus forte. Il était tout de même étonnant d’être surpris en premier lieu par la faim quand le métier exercé consistait à donner des coups de pioche dans ce qui ressemblait à un puits de pétrole vide et abandonné au milieu d’un désert aride et brûlant. Antoine supposait qu’un être humain normal avait surtout soif dans ce genre de situation. Ce n’était pas la seule chose que supposait Antoine d’ailleurs. Petit déjà, il supposait...Il supposait quoi en fait ?Antoine réfléchit. Il ne savait pas pourquoi, mais il avait comme une impression de déjà-vu. Le puits. Le désert. La faim. À ses côtés, Pierre, son partenaire, donnait des coups de pioche dans le sol. Pourquoi don