Chapitre 0010

Inès ne se souvenait absolument pas comment elle avait pris un taxi pour revenir à la villa de Tiago. Tout au long du trajet, la voix de Bella résonnait dans son esprit : il est revenu… Pourquoi était-il revenu, et pourquoi maintenant ? Après son départ si déterminé des années auparavant, sans même un adieu, pourquoi était-il revenu ?

Totalement perturbée, Inès n'a retrouvé un semblant de normalité qu'en entrant dans la villa et en voyant Tiago assis dans le salon.

« Tu es rentré si tôt aujourd'hui ? » s'est-elle étonnée.

« Oui. » La réponse de Tiago était froide, juste au moment où Thomas et Julia entraient dans le salon avec des valises.

« Julia, Thomas, vous partez… ? »

« Inès, notre fils se marie demain, nous allons à son mariage », a expliqué Thomas avec douceur.

« Oh, c'est une bonne nouvelle, félicitations, » a répondu Inès.

« Combien de temps allez-vous rester ? »

« C'est juste un dîner à Paris, nous serons de retour demain soir, » a répondu Julia avec un sourire tendre, mais son regard se posait sur Tiago avec inquiétude.

« Seulement, avec la santé de Tiago… »

Inès comprenait que Julia était préoccupée par qui s'occuperait de Tiago pendant leur absence.

« Oui, » a ajouté Thomas.

« Tiago, ne devrions-nous pas faire venir plus de serviteurs de la famille Vincent pour prendre soin de vous ? Sinon, demain matin… »

« Pas besoin, » a interrompu Tiago d'un ton calme mais ferme.

« Mais sans personne à la maison, qui préparera le petit-déjeuner pour Tiago ? » Julia semblait anxieuse.

Inès se sentait mal à l'aise. C'était typique des familles aisées, même pour un simple petit-déjeuner, il fallait faire appel à du personnel. Elle a aussi remarqué la mention de la famille Vincent…

« Ce n'est pas grave, » a dit Tiago, sa voix coupant court aux spéculations d'Inès. Il a posé la question suivante avec une curiosité apparente, mais derrière son regard intense, il y avait une étincelle de quelque chose de plus, c’était peut-être un intérêt inattendu ou une évaluation silencieuse.

« Inès, tu sais cuisiner, n'est-ce pas ? »

Inès, surprise par ce changement soudain de sujet, a été prise au dépourvu. Levant les yeux vers Tiago qui la fixait intensément, elle a senti une légère pression, comme si sa réponse avait plus d'importance qu'il n'y paraissait.

« Je… oui, un peu. » Sa réponse, hésitante au départ, a été suivie d'une précipitation, comme si elle cherchait à minimiser ses compétences pour éviter de créer des attentes trop élevées. Elle se souvenait du petit-déjeuner copieux préparé par Julia ce matin-là et, se comparant à cette norme, elle a ajouté précipitamment : « Un peu… »

Un semblant de sourire est apparu dans les yeux de Tiago, une lueur qui semblait adoucir son visage habituellement impassible.

« Un peu, c'est suffisant, » a-t-il dit doucement, une assurance dans sa voix qui laissait entrevoir une acceptation bienveillante, voire un encouragement discret. Se tournant de nouveau vers Julia et Thomas, il a posé cette affirmation comme un fait, cherchant à rassurer non seulement Inès, mais aussi ses interlocuteurs.

Thomas et Julia, pris dans cette atmosphère de convivialité forcée, ne pouvaient évidemment pas insister davantage, bien que leur préoccupation pour Inès soit évidente. Mais en les accompagnant à la porte, Julia, avec une prévenance maternelle, n'a pas pu s'empêcher de prendre la main d'Inès.

Son conseil était empreint d'une sollicitude qui dépassait le simple partage de recettes. En lui parlant des gâteaux qu'elle avait préparés et des instructions pour le petit-déjeuner du lendemain, elle lui a transmis non seulement des conseils culinaires, mais aussi un message tacite de soutien et de soin.

« Et fais attention aux détails, Tiago est exigeant avec la nourriture. » Inès se sentait dépassée.

« Puis-je acheter quelque chose au supermarché ? »

« Non, les aliments de l'extérieur ne sont pas propres, » a répondu Julia avec une pointe de réprobation.

Résignée, Inès a hoché la tête, regardant Thomas et Julia partir.

Le lendemain matin, Inès a réglé son réveil une heure plus tôt, baillant en descendant préparer le petit-déjeuner. Après une heure d'effort, elle a réussi à préparer un repas décent, bien que moins copieux que celui de Julia, mais le goût n'était pas mauvais.

Alors qu'elle s'apprêtait à appeler Tiago pour le petit-déjeuner, en sortant de la cuisine, elle l'a vu sortir de l'ascenseur. La villa était équipée d'un ascenseur pour faciliter les déplacements de Tiago, dont les jambes étaient handicapées.

Inès s'apprêtait à dire « le petit-déjeuner est prêt », quand elle a vu Tiago lever la main, tenant quelque chose et demander avec un air légèrement embarrassé : « Tu as des piles ? »