Chapitre 0009

Au sommet du bâtiment du Groupe Halo, dans le quartier financier de Paris, Tiago était assis à son bureau, ses doigts volant rapidement sur le clavier, les images et les chiffres sur l'écran changeant à une vitesse vertigineuse. La sonnerie du téléphone sur le bureau a brusquement retenti, et Tiago a décroché sans regarder, reconnaissant immédiatement la voix de Peuplier à l'autre bout du fil.

« Tiago, Jérémy est là. »

« Fais-le entrer. »

La porte du bureau s'est ouverte rapidement, et un homme portant une chemise rose, au visage séduisant, est entré à grands pas.

« Tiago, tu es encore au travail ? » s'est exclamé l'homme avec exagération.

« Je pensais qu'avec ton mariage, même sans cérémonie, tu prendrais au moins le temps pour une lune de miel. »

Les yeux de Tiago n'ont pas quitté l'écran de son ordinateur, répondant brièvement par un « Je n’ai pas le temps. »

Jérémy s'était déjà installé au bureau de Tiago, habitué à son indifférence, il n'était pas offensé, mais a simplement plissé les yeux et a souri de nouveau.

« Pauvre belle-sœur, épouser un homme comme toi. »

Tiago a finalement tourné son regard vers lui, restant cependant impassible.

« Jérémy, qu'est-ce que tu veux dire ? »

Les beaux yeux de Jérémy se sont transformés en croissants de lune.

« Je m'ennuyais juste, je voulais voir ma belle-sœur. »

« Pas besoin. » Tiago a refusé sans hésiter.

« Tu devrais savoir pourquoi je l'ai épousée. »

« Bien sûr que je sais. » Jérémy a tordu la bouche, son sourire s'estompant lentement.

« Mais quoi qu'il en soit, tu es maintenant un homme marié. Les événements du passé, tu peux les laisser derrière toi, n'est-ce pas ? »

L'annonce de Jérémy a fait que les mains de Tiago sur le clavier se sont serrées imperceptiblement.

« Il n'y a rien à laisser derrière. » Après un moment de silence, Tiago a lentement répliqué.

« Les morts ne reviennent pas à la vie. »

Jérémy l'a regardé, ouvrant la bouche pour dire quelque chose, mais au final, il n'a rien dit.

« Et cette petite fille de l'époque ? » Jérémy n'a pas pu s'empêcher de demander à nouveau.

« As-tu trouvé des indices à son sujet ? »

« J'ai déjà quelques pistes. » Tiago a répondu simplement.

« C'est vraiment une bonne nouvelle. » Jérémy a alors souri de nouveau.

« Je me demandais comment tu allais la remercier. Je pensais que tu utiliserais ton corps comme récompense, mais je ne m'attendais pas à ce que tu te sois déjà marié. »

Tiago n'a pas réagi à la plaisanterie de Jérémy.

Voyant qu'il ne réussissait pas à obtenir de réaction, Jérémy a paru un peu embarrassé, mais son regard, en tombant sur le fauteuil roulant de Tiago, a trahi une lueur de pitié.

« Euh... Tiago, as-tu parlé à ta femme de ta condition ? »

Tiago, qui avait commencé à examiner le rapport financier que le département lui avait soumis, a marqué une pause à cette question.

« Non », a-t-il dit après un moment.

Jérémy a froncé les sourcils, marquant une profonde préoccupation sur son visage habituellement serein.

« Tiago, ce n'est pas que je veuille me mêler de toi, mais maintenant que vous êtes mariés, tu comptes continuer à lui cacher ? Peut-être... » Sa voix trahissait une hésitation, comme s'il marchait sur un terrain glissant, conscient de toucher à un sujet délicat, mais poussé par une inquiétude sincère pour son ami.

Il a marqué une pause, pesant ses mots avec soin, puis a poursuivi, sa voix légèrement plus ferme, comme pour insuffler du courage dans ses paroles : « Peut-être devrais-tu essayer de voir si tu peux accepter ta nouvelle femme.

Tu ne peux pas vivre éternellement dans l'ombre du passé. » Jérémy connaissait bien le caractère de Tiago, une complexité mêlée de fierté et de vulnérabilité. Bien que Tiago prétende s'être marié pour apaiser les anciens de sa famille, Jérémy savait, par les non-dits et les silences, que si Tiago n'avait pas eu un minimum d'affection pour la personne, il n'aurait jamais accepté ce mariage.

Tiago est resté silencieux, un masque d'impassibilité sur le visage, ne répondant pas à Jérémy.

Après avoir rapidement terminé de parcourir le rapport devant lui, comme pour gagner du temps, il a finalement murmuré, sa voix basse et empreinte de mélancolie : « Ce n'est qu'après avoir connu l'immensité de la mer qu'on réalise la valeur de l'eau. » Cette métaphore, chargée d'une profondeur inattendue, a laissé Jérémy pris de court, révélant les tourments intérieurs de Tiago d'une manière qu'il n'avait pas anticipée.

Il a observé le visage impassible de Tiago, cherchant derrière cette façade une brèche dans l'armure, une lueur de compassion traversant son regard. L'accident de voiture d'il y a dix ans, ce cauchemar que tous pensaient connaître, avait laissé des cicatrices invisibles mais profondes.

Tout le monde pensait que Tiago avait perdu ses jambes dans cet accident, une perte physique qui, bien qu'immense, ne représentait que la surface de ses souffrances.

Mais ils se trompaient tous, ne voyant pas au-delà de la manifestation physique de son épreuve, ignorant les abysses de la douleur et de la perte que Tiago portait en lui, un secret bien gardé derrière son silence et son apparente froideur.

Dans cet accident, Tiago n'avait pas perdu ses jambes, mais son cœur.