— On peut parler ?
Les heures ont passé et nous sommes blottis dans le lit d’Ethan après avoir pris un long bain et dévalisé le frigo pour confectionner une omelette. C’est un peu ridicule, quand j’y pense. Ethan a dépensé au moins dix mille dollars pour le dîner de ce soir au Marine Room, et malgré tout, nous nous sommes retrouvés à manger une omelette au fromage, debout dans sa cuisine.Il y a trois mois, une telle idée m’aurait horrifiée. En même temps, il y a trois mois, je n’aurais jamais imaginé être ici, comme cela, avec Ethan.— Tu y tiens vraiment ? dis-je en me mettant à plat ventre, la tête dans les bras. Il est tard. Je suis fatiguée.— Je sais. Mais j’aimerais qu’on en finisse une bonne fois.Il se penche pour m’embrasser les épaules et le dos.Avec— C’est quoi, ça ? dis-je le samedi matin suivant, alors qu’Ethan apporte une énorme boîte dans mon appartement.Il est là de bonne heure car nous sommes censés aller voir des soldats à l’hôpital militaire, avant de visiter un ou deux musées dans Balboa Park. Je pensais qu’on partirait dès son arrivée, mais, vu la tête du colis, je n’en suis plus si sûre.— Un Vitamix, répond-il avec un grand sourire éclatant et un regard innocent. J’ai remarqué l’autre jour que le tien avait disparu...— Disparu. On peut dire ça comme ça, intervient Tori depuis le canapé. — Chut ! sifflé-je dans le dos d’Ethan.Mais il se retourne et me surprend à la fusiller des yeux.— Il y a un truc qui m’échappe ? demande-t-il.— Environ quatre cents do
— Qu’est-ce que c’est que ce bordel ?! s’écrie Ethan en titubant sous le coup.Au lieu de s’effondrer, il saisit le type sur le seuil et le fait entrer en le tenant par le cou avant de le pousser fermement pour le plier en deux.Je me préparais à voir Brandon, ici, chez moi. Qui d’autre que lui irait frapper Ethan ainsi ? Mais je me trompe complètement. Car ce n’est pas le frère d’Ethan qui se tient au milieu de l’entrée, plié en deux et jurant comme un charretier.C’est le mien.— Miles ! Qu’est-ce que tu fiches ici ? dis-je en me levant d’un bond. Ethan, lâche-le !— C’est lui qui s’est jeté sur moi sans crier gare, proteste Ethan. Pourquoi c’est moi qui me faisengueuler ?— Je vais l’engueuler aussi, tu peux me croire, quand j’aurai compris ce qu’il fait l&agr
Les paroles de mon frère continuent à me hanter longtemps après son départ pour Boston. Malgré tous mes efforts, je ne parviens pas à les oublier.Non que je pense que Miles ait raison. Au contraire.Je connais Ethan. J’aime Ethan. Il m’aime.Il ne me trahirait jamais.Sauf... sauf... que je me suis déjà trompée par le passé. Vraiment. Et comment cela s’est-il finipour moi ?Violée, tuméfiée et ensanglantée sur un parking désert.Déchirée, dévastée et anéantie dans le bureau d’un avocat sans âme.Terrifiée, vulnérable et triste, tellement triste, dans les cages d’escalier et les couloirs déserts demon école.Si j’ai survécu à tout ça, c’est parce que je me répétais que j’en sorti
— Eh, pourquoi on s’installe ici, aujourd’hui ? dis-je à mon ami Austin en posant mon plateau sur la table de la cafétéria.Nous nous sommes rencontrés lors de ma première semaine à Frost Industries. Lui et nos deux autres amis, Romeo – mais ne l’appelez pas comme ça sous peine d’en subir les conséquences – et Zayn, effectuent leur stage dans les laboratoires tandis que je travaille à la propriété intellectuelle. Lorsque les internes de mon service se sont mis à me traiter comme une moins que rien – merci, Rick et sa bande – à cause de ma relation avec Ethan, ils m’ont laissée m’asseoir avec eux. Nous nous sommes vraiment bien entendus et, depuis, nous déjeunons ensemble presque tous les jours. Mais, d’habitude, nous sommes à l’autre bout de la cafétéria, un peu à l’écart.Assise sur l’avant comme aujourd’hui, j’ai l’impression d’être dans une vitrine. Rick et les autres se sont arrangés pour que ma liaison avec Ethan soit connue de toute la boîte. Non que nous nous cachions –
Il me faut du temps pour décider ce que je veux faire, comment gérer la situation.D’un côté, je voudrais vraiment entrer dans le bureau d’Ethan comme une furie et exiger des explications.D’un autre, je me dis que trop c’est trop, que je dois me précipiter chez Ethan pour effacer toute trace de ma présence dans sa maison.Au fond de moi, j’ai envie d’appeler Ethan, de le supplier de venir me voir, de me serrer très fort et de me dire que j’ai mal compris... que j’ai tout interprété de travers. Que ce reportage est mensonger. Qu’il n’a pas collecté de fonds pour Brandon. Qu’il ne soutient pas sa candidature. Qu’il ne m’a pas lâchée à cause des aspirations politiques de son frère. À cause de la mort terrible de son père.Pour finir, cependant, je ne fais rien de tout ça. J
Comment est-ce que tout a pu de nouveau dérailler à ce point ?Cette question me hante alors que je cours sur la plage presque déserte. Je chemine tout au bord de l’eau, car il est plus facile de fouler le sable mouillé et ferme. Et ce soir, je ne veux pas gaspiller d’énergie. Je veux courir loin.Peut-être que si je cours assez longtemps, j’arriverai à laisser derrière moi ce champ de bataille qui me tient lieu de vie.Je ne sais pas quoi faire.Je ne sais pas quoi penser.Ce n’est pas que je ne croie pas Ethan. Au contraire. Son explication est bien plus logique quel’idée qu’après notre rupture causée par son frère, il ait couru organiser une collecte de fonds pour lui. Certes, les paroles de Miles me hantent, me traversent la tête quand je ne m’y attends pas et que je ne le veux pas – mais c’est tout. Ce ne sont que des mots. Ce n’est pas parce qu’il les croit que je dois les croire aussi. Ça ne veut pas dire qu’ils sont vrais.Mais il n’a pas complètement t
Mon alarme sonne à 6 h 30, à peine une heure après qu’Ethan et moi sommes finalement entrés d’un pas chancelant dans la maison pour nous coucher. Avec un grognement, je tends la main vers mon réveil pour l’éteindre, en me disant que je ne dois pas le lancer à travers la pièce... après tout, ce n’est pas sa faute si je suis une véritable idiote.Il en réchappe de peu, pourtant. Ça aurait pu mal finir, mais Ethan me le prend des mains et le dépose par terre doucement avant de m’attirer vers lui, tout contre son torse.— Il faut qu’on se lève..., dis-je.L’idée d’ouvrir les yeux suffit à me donner la nausée. Je suis épuisée, et courbaturée à cause de ma fuite éperdue sur la plage, la nuit dernière. Fuite qui me semble stupide quand on sait comment elle a fini, par une union si totale entre Ethan et moi que, pendant un moment, je n’étais plus consciente des limites de nos deux corps.— J’ai une réunion. Et toi, tu dois sans doute acheter un petit pays.— Deux petits pays,
— C’est un vignoble. Pour de vrai.— Je te l’avais bien dit.Nous venons d’atterrir chez Ethan à Napa et je me tiens derrière la maison principale, au sommetd’une énorme colline qui domine des hectares et des hectares de vignes.— Oui, mais je pensais que tu n’avais que quelques pieds...Avec un haussement d’épaules, il lève les mains comme pour se déprécier. — J’ai un peu plus que quelques pieds.— Je vois. Tu as aussi des camions, des vignerons et une salle de dégustation. Et tout l’équipement qui va avec. Tu as un domaine viticole, quoi.— Je ne t’ai pas menti.— Non. Mais...— Mais quoi ?— Mais c’est un vignoble !Il sourit d’une oreille à l’autre, comme s’il n’avait jamais rien vu de plus fou que moi. — Tu l’as déjà dit.— Je sais, mais c’est...— ... un vignoble. Oui. C’est vrai. Et même si cette conversation est très profonde, je me demandais si on pouvait passer à autre chose...— Je ne sais pas. Peut-être. Qu’est-ce qu’il y a d’au