MasukÀ l’autre bout de la ville, bien loin du cliquetis des casseroles de Rose, des rues cabossées de Yassa et des rendez-vous louches dans des dépôts abandonnés, s’élevait La Maison du Haut.
Une villa majestueuse, perchée sur une colline résidentielle, entourée d’un mur en pierres blanches et d’une grille automatisée qui coulissait sans bruit. Devant la grille, deux vigiles en uniforme bleu nuit surveillaient les allées et venues, oreillette vissée à l’oreille, main toujours proche de la hanche.
Le jardin, lui, ressemblait à une brochure de paysagisme : haies parfaitement taillées, allées en marbre rose, et une fontaine centrale en forme de fleur de lys. Le genre d’endroit où même le vent semblait discipliné.
À l’intérieur, la salle à manger baignait dans une lumière naturelle filtrée par des rideaux crème. Sur une longue table en acajou, le petit-déjeuner resplendissait : jus de grenade fraîchement pressé, salades de fruits tropicaux, viennoiseries dorées à point, charcuterie fine, fromages importés.
C’était 7h. Toute la famille Mbala était là.
— Papa, tu n’as pas oublié mon défilé vendredi, hein ? lança Nina, 22 ans, les cheveux tirés en un chignon élégant, tout en tranchant sa mangue comme une pro.
Nathan leva les yeux de son café.
— J’ai dit que je viendrai, princesse. Et j’y serai. Premier rang, caméra en main, comme tous les papas modernes.
Emilia, la cadette, 18 ans, affalée dans sa chaise, grogna :
— Elle, elle a toujours droit à des promesses VIP. Moi, je mentionne juste mon audition de chant, et c’est déjà “réunion au Parlement, ma chérie…” C’est pas juste.
Nathan éclata de rire.
— Ta sœur prépare un projet solide, voilà tout. Elle veut lancer sa marque. Toi, tu veux devenir Beyoncé d’Afrique centrale avec une guitare que tu touches trois fois par semaine…
— Et alors ? Même Beyoncé a commencé quelque part, non ? marmonna Emilia, croissant à la main.
— Je suis sûr qu’elle avait un planning, elle.
— Tsss… vieux jaloux.
Pendant qu’ils s’échangeaient des piques, Samuel, 11 ans, la mine concentrée sur son bol de céréales au chocolat, leva la tête.
— Moi, j’veux juste que papa m’achète la PlayBox. La vraie. Pas les contrefaçons de la boutique à côté du collège.
Nathan, amusé, lui ébouriffa les cheveux.
— On dit s’il te plaît, mon fils. Et seulement si tu m’apportes un 20 en maths ce trimestre.
— Haan ! C’est injuste ! Toi-même, t’as jamais eu 20 en maths !
— Mais j’avais du charisme, rétorqua Nathan en souriant.
— Moi aussi j’ai du charisme ! protesta Samuel.
— Les filles ont jamais eu besoin de notes pour avoir leurs cadeaux, ajouta-t-il, boudeur.
— Parce que nous, on est déjà des cadeaux, lança Nina, espiègle.
Un éclat de rires résonna dans la pièce. Même leur mère, Clarisse, assise au bout de la table avec son café, laissa échapper un petit sourire derrière sa tasse.
Nathan regarda la scène avec une fierté discrète. Il était ce qu’on appelait dans les médias un homme d’État intègre, un patron respecté dans les affaires, redouté dans les négociations. Mais à cette table, il n’était rien d’autre que papa.
Son regard se posa un instant sur Nina. Sa fierté. Sa princesse. Elle avait hérité de sa droiture, de son ambition, mais aussi de cette étincelle qu’il redoutait. Une étincelle qui attire la lumière… et parfois, le feu.
Son téléphone vibra. Il y jeta un œil.
Chauffeur : Le véhicule est prêt. Départ possible dans 5 minutes.
Nathan soupira légèrement et se leva, époussetant son veston noir.
— Bon, mes trésors… le pays m’attend.
Il fit le tour de la table, embrassa sa femme sur le front, donna un clin d’œil à Emilia, tapota la tête de Samuel, et s’arrêta près de Nina.
— Vendredi. Je n’oublie pas. Tu es mon étoile.
Elle détourna les yeux, un peu gênée.
— Papa… arrête avec tes phrases de film, là.
— Un film de ta vie, alors.
Il se dirigea vers la porte d’entrée. Le marbre blanc de l’allée scintillait sous le soleil. Les vigiles se redressèrent à son passage. Il entra dans sa voiture comme un roi dans son carrosse, et referma la portière.
Le convoi s’éloigna doucement, les pneus glissant sans un bruit sur le bitume chaud.
—
Dans l’arrière-cour de la ville, des destins moins dorés prenaient forme. Dans des ruelles oubliées, des mains échangeaient des colis, des visages se masquaient de sourires factices, et l’argent circulait en silence.
Nathan ne le savait pas encore, mais le monde parfait qu’il avait bâti allait bientôt croiser celui de Fabrice, celui des illusions, des risques, et des vérités qu’on préfère ignorer.
Et parfois, ce sont les routes les plus éloignées qui finissent par se percuter avec le plus de bruit.
Il y a des nuits où tout bascule. Le jour suivant la pose des caméras, la ville semblait respirer plus doucement — comme si elle attendait, elle aussi, le point d’orgue. Pour Fabrice, chaque seconde était une goutte de plomb.Matin — Les preuves parlentDans un bureau anonyme du quartier administratif, Nathan, le procureur anticorruption et deux officiers de la brigade spéciale s’installèrent autour d’un écran. Nathan brancha la clé USB que Fabrice lui avait remise en secret la nuit précédente. Le fichier se lança.Sur la vidéo, la caméra miniature, placée dans le socle de la lampe du bureau de Vital, montrait d’abord la pièce vide, puis Vital entrant, sûr de lui, parlant au téléphone. La qualité était imparfaite, mais les mots étaient nets. La voix de Vital, posée, arrogante :— « Les trois conteneurs partent vendredi. Tu connais le code : étiquette “médicaments”, papiers propres. Le Gouverneur et moi, on a tout verrouillé. »— « L’argent ? Tu sais comment on le blanchit : sociétés é
Minuit passé – Bureau de VitalLe vaste bureau de Vital baignait dans une lumière tamisée. Tout semblait parfaitement en ordre : les dossiers rangés au millimètre, le parfum du cuir et du cigare flottant encore dans l’air.Mais ce soir-là, un intrus s’y trouvait.Fabrice, ganté, silencieux, referma doucement la porte derrière lui. À ses côtés, Lewis, son fidèle allié, scrutait la pièce à la lampe torche.Lewis (à voix basse) :— T’es sûr que c’est le bon moment, mec ? Si Vital débarque maintenant, on est cuits.Fabrice (froid, concentré) :— Il est à sa réunion du parti jusqu’à deux heures. On a vingt minutes, pas plus.Lewis hocha la tête et sortit le matériel : de minuscules caméras, des micros de haute précision, et un dispositif d’émission sécurisé.Fabrice s’agenouilla près du bureau. Il dévissa discrètement une vis sous la lampe et glissa une caméra miniature, parfaitement dissimulée dans le socle.Puis une autre sous le tiroir gauche, et enfin, une dernière au-dessus de la bibl
Lieu : Maison de Nathan – 22h45Le salon était plongé dans la pénombre. Les rideaux tirés, les lumières tamisées, seuls les reflets bleus d’un ordinateur éclairaient les visages graves de Nathan, Fabrice, et Nina.Sur la table basse, des documents, des clés USB, et plusieurs photos étalées en désordre : réunions secrètes, transferts de fonds, et même des images satellites des entrepôts du gouverneur.La tension était palpable.Nathan (d’une voix basse mais ferme) :— Vital a fait tomber des gens puissants avant moi, mais il ne s’attendait pas à ce qu’on le frappe de l’intérieur.Il tourne son regard vers Fabrice.— Tu es notre seule porte d’entrée. Tant que tu restes dans son cercle, on a une chance.Fabrice (soupirant, les mains jointes) :— Ce n’est pas simple, Nathan. Cet homme ne dort presque jamais tranquille. Il fait suivre tout le monde, même ses proches. Si je bouge trop, il saura que je prépare quelque chose.Nina (calme mais déterminée) :— Alors, on ne bouge pas trop. On la
Lieu : Villa secondaire de Vital — 20h30La nuit était tombée sur la colline boisée où se trouvait la résidence privée de Vital. Le portail automatisé était fermé, deux gardes discutaient à voix basse à l’entrée.À l’intérieur, Bryan, son fils unique, jouait à un jeu vidéo dans le salon. Casque sur les oreilles, il ne se doutait de rien.Dans une ruelle plus bas, un van noir était garé, phares éteints. Lewis ajustait sa cagoule tandis qu’un autre homme vérifiait les cordes et les menottes factices.Lewis (bas, à son complice) :— On fait ça propre, net et sans bavure. Deux minutes chrono, pas une de plus.Le complice :— Reçu. On l’embarque, puis on file au hangar. Fabrice fait le reste.Lewis :— Parfait. Que le spectacle commence.---21h00 — L’EnlèvementLe portail s’ouvre furtivement grâce à un badge électronique volé. Lewis s’avance, silencieux, les bottes effleurant le gravier.Un bruit de métal. Un garde tombe, neutralisé.Le second n’a même pas le temps de comprendre.En trent
Lieu : Résidence officielle du Gouverneur – 10hNathan, costume sombre et regard dur, était assis à la droite du Gouverneur. Devant eux, un écran géant, et un enregistreur audio posé sur la table. Deux journalistes d’investigation, un officier de la brigade anti-corruption et un conseiller de la présidence étaient également présents.Nathan (froidement) :— Je suis venu avec des éléments concrets. Cet homme, Vital, n’est pas celui qu’il prétend être. Drogue, enlèvement, blanchiment. Tout est là.Il appuya sur "lecture". La voix de Vital résonna dans la pièce :> « …avec ce plan, je gagne cinq millions. Nina n’a qu’à rester là quelques jours. Ensuite, on la relâche. Personne ne saura rien. »Silence tendu. Les regards se croisèrent. Le Gouverneur pâlit.Le Gouverneur (abasourdi) :— Il… Il parle de la fille de Nathan ? Vous plaisantez ?Nathan (ferme) :— Elle est saine et sauve. Et c’est moi qui ai organisé son retour, sans faire de bruit. Maintenant, je veux qu’on frappe fort. Pas en
Lieu : Bureau privé de Vital – 18h30Le bureau sentait le cigare froid et le whisky de luxe. Vital était assis dans son fauteuil en cuir, le regard planté sur son téléphone posé à l’écran noir. La télévision muette diffusait les actualités locales, mais il ne regardait rien.Il fixait le vide, les sens en alerte. Un de ses hommes, Lewis, entra.Lewis :— Le colis est bien parti. Aucun souci sur la route. Les gars sont bien positionnés pour la suite du transport.Vital (distrait) :— Bien. Et Fabrice ? Tu l’as surveillé comme je t’ai dit ?Lewis (hésitant) :— Oui, chef… mais quelque chose m’échappe chez lui. Il passe beaucoup de temps au resto. Il a vu une fille plusieurs fois. Une brune. Discrète.Les yeux de Vital s’allumèrent.Vital (froid) :— Tu as des images ?Lewis :— Juste une photo, prise de loin. (Il sort son téléphone, montre un cliché.)C’est flou, mais… c’est bien Nina.Vital resta silencieux un long moment.Vital (calmement) :— Il me ment.Lewis (prudent) :— Il t’a di