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Marché de Nuit

Author: Seth
last update Last Updated: 2025-04-28 19:59:35

Le lendemain matin, Fabrice se leva avec un goût métallique dans la bouche, comme si la nuit lui avait laissé des résidus de peur au fond de la gorge. Il attrapa son téléphone machinalement.

Winner :

Frère, c’est aujourd’hui qu’on va toucher gros. On a un stock à écouler. Le boss est chaud. Si le marché tient, on empoche lourd. 22h, c’est l’échange.

Fabrice fixa l’écran sans bouger. Il savait exactement ce que “le stock” voulait dire. Ce n’était plus des téléphones ni des sacs à main. Ce n’était plus de la petite combine. C’était la drogue. Le niveau supérieur. Le point de non-retour.

Il inspira lentement, puis répondit :

Fabrice :

Ok. J’te suis. On fait ça propre.

Mais rien ne serait propre, il le savait.

À 14h, il retrouva Winner à la sortie de la ville, dans une maison délabrée aux murs craquelés. Des graffitis recouvraient les fenêtres murées, et l’air sentait le métal rouillé et la solitude. Une table bancale avait été installée au centre d’une pièce vide, et dessus trônait une valise noire, grande ouverte.

À l’intérieur, des sachets soigneusement rangés, avec des étiquettes rouges et jaunes. L’odeur âcre du plastique et un léger parfum de chimie flottaient dans la pièce.

— Voilà la came, dit Winner d’un ton neutre. Tu veux toujours en être ?

Fabrice s’approcha lentement. Il s’arrêta à un mètre de la valise. Il n’avait pas besoin de la toucher pour sentir le poids du danger.

— J’ai dit que je suis là, donc je suis là, répondit-il.

Tu sais… faut que je continue à jouer le fils modèle. Maman croit toujours que je vais à la pépinière couper des haies.

Winner éclata d’un rire court.

— Frère, oublie les haies. Après ce soir, on peut s’acheter une forêt. Une vraie, avec des lions dedans.

Ils rirent ensemble, mais leur rire sonnait faux. Même Winner avait les yeux plus sombres que d’habitude.

À 21h45, la nuit était tombée depuis longtemps. Les lampadaires de la périphérie créaient des halos jaunes sur l’asphalte usé. La station-service abandonnée où se faisait le deal n’était plus qu’un squelette : toit effondré, pompe à essence arrachée, herbes folles entre les pavés.

Fabrice et Winner attendaient, silencieux, dans leur vieille berline grise. Le moteur était éteint. Seul le bruit lointain d’une moto dans la nuit rompait le silence.

22h pile. Une voiture noire surgit dans l’obscurité. Vitres teintées. Silencieuse comme un animal de chasse. Elle s’arrêta à une dizaine de mètres. Deux hommes en sortirent d’abord. Costauds, armés, nerveux.

Puis, le troisième.

Costume noir. Barbe taillée au millimètre. Lunettes sombres malgré la nuit. Il avançait lentement, comme s’il possédait le temps.

Winner sortit à sa rencontre, valise en main.

— Boss. Voilà les trucs. Qualité, comme toujours.

L’homme ne répondit pas tout de suite. Il ouvrit la valise, inspecta un sachet, le huma brièvement, puis fit un signe à l’un de ses gardes. Celui-ci s’approcha avec une lampe UV, vérifia les étiquettes, hocha la tête.

Le patron s’adressa alors, d’une voix grave et calme :

— Vous êtes ponctuels. J’aime ça. Combien vous espérez ?

— 12 millions. Marchandise pure. Prix du marché.

Un sourire ironique étira les lèvres du boss.

— Le marché ? Le marché, c’est moi. Dix. Pas un de plus.

Fabrice sentit son cœur accélérer. C’était un test. De nerfs. De loyauté. De pouvoir.

Winner ne broncha pas. Il regarda Fabrice, puis le patron.

— On prend. Mais la prochaine fois, c’est douze. Sinon, on cherche ailleurs.

— Si vous êtes encore là la prochaine fois…, répondit le boss, l’air amusé.

Il claqua des doigts. Un sac fut déposé à leurs pieds. Des liasses de billets, compressées, organisées. Sans un mot de plus, les trois hommes remontèrent dans leur voiture. Elle disparut aussi vite qu’elle était venue.

Sur le trajet du retour, l’ambiance dans la voiture était lourde.

Fabrice tenait le sac sur ses genoux. L’argent pesait. Lourd. Trop lourd pour être innocent.

— T’es tendu ? demanda Winner en gardant les yeux sur la route.

— T’as pas aimé le boss ?

— C’est pas lui. C’est... tout ça. Cette pression. Ce jeu dangereux. J’me demande encore comment j’ai atterri là.

Winner haussa les épaules.

— On fait ce qu’on doit faire. Tu fais ça pour ta mère, non ? Pour ta sœur ?

Fabrice ne répondit pas. Il regardait par la vitre. Les lampadaires défilaient. Un à un. Comme les choix qu’il n’avait pas faits. Ou qu’il n’avait pas pu éviter.

Minuit approchait quand il rentra à la maison. Il ôta ses chaussures à l’entrée, marcha à pas de loup. Le salon était plongé dans l’ombre. Dans la chambre de sa mère, il entendit sa respiration calme. Dans celle de Diane, un souffle plus rapide, ponctué de petits ronflements. Un cahier de mathématiques était tombé sur le tapis.

Fabrice entra dans sa chambre, ouvrit l’armoire, glissa le sac sous une pile de vêtements. Puis il s’assit sur le bord du lit. Immobile.

Il resta là longtemps. Très longtemps. Seul. En silence.

Puis, dans un murmure presque inaudible, il dit :

— Jusqu’où ça va m’emmener, tout ça…

Mais au fond de lui, il connaissait déjà la réponse.

Trop loin. Et peut-être trop tard.

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