Le lendemain matin, Fabrice se leva avec un goût métallique dans la bouche, comme si la nuit lui avait laissé des résidus de peur au fond de la gorge. Il attrapa son téléphone machinalement.
Winner :
Frère, c’est aujourd’hui qu’on va toucher gros. On a un stock à écouler. Le boss est chaud. Si le marché tient, on empoche lourd. 22h, c’est l’échange.
Fabrice fixa l’écran sans bouger. Il savait exactement ce que “le stock” voulait dire. Ce n’était plus des téléphones ni des sacs à main. Ce n’était plus de la petite combine. C’était la drogue. Le niveau supérieur. Le point de non-retour.
Il inspira lentement, puis répondit :
Fabrice :
Ok. J’te suis. On fait ça propre.
Mais rien ne serait propre, il le savait.
—
À 14h, il retrouva Winner à la sortie de la ville, dans une maison délabrée aux murs craquelés. Des graffitis recouvraient les fenêtres murées, et l’air sentait le métal rouillé et la solitude. Une table bancale avait été installée au centre d’une pièce vide, et dessus trônait une valise noire, grande ouverte.
À l’intérieur, des sachets soigneusement rangés, avec des étiquettes rouges et jaunes. L’odeur âcre du plastique et un léger parfum de chimie flottaient dans la pièce.
— Voilà la came, dit Winner d’un ton neutre. Tu veux toujours en être ?
Fabrice s’approcha lentement. Il s’arrêta à un mètre de la valise. Il n’avait pas besoin de la toucher pour sentir le poids du danger.
— J’ai dit que je suis là, donc je suis là, répondit-il.
Tu sais… faut que je continue à jouer le fils modèle. Maman croit toujours que je vais à la pépinière couper des haies.
Winner éclata d’un rire court.
— Frère, oublie les haies. Après ce soir, on peut s’acheter une forêt. Une vraie, avec des lions dedans.
Ils rirent ensemble, mais leur rire sonnait faux. Même Winner avait les yeux plus sombres que d’habitude.
—
À 21h45, la nuit était tombée depuis longtemps. Les lampadaires de la périphérie créaient des halos jaunes sur l’asphalte usé. La station-service abandonnée où se faisait le deal n’était plus qu’un squelette : toit effondré, pompe à essence arrachée, herbes folles entre les pavés.
Fabrice et Winner attendaient, silencieux, dans leur vieille berline grise. Le moteur était éteint. Seul le bruit lointain d’une moto dans la nuit rompait le silence.
22h pile. Une voiture noire surgit dans l’obscurité. Vitres teintées. Silencieuse comme un animal de chasse. Elle s’arrêta à une dizaine de mètres. Deux hommes en sortirent d’abord. Costauds, armés, nerveux.
Puis, le troisième.
Costume noir. Barbe taillée au millimètre. Lunettes sombres malgré la nuit. Il avançait lentement, comme s’il possédait le temps.
Winner sortit à sa rencontre, valise en main.
— Boss. Voilà les trucs. Qualité, comme toujours.
L’homme ne répondit pas tout de suite. Il ouvrit la valise, inspecta un sachet, le huma brièvement, puis fit un signe à l’un de ses gardes. Celui-ci s’approcha avec une lampe UV, vérifia les étiquettes, hocha la tête.
Le patron s’adressa alors, d’une voix grave et calme :
— Vous êtes ponctuels. J’aime ça. Combien vous espérez ?
— 12 millions. Marchandise pure. Prix du marché.
Un sourire ironique étira les lèvres du boss.
— Le marché ? Le marché, c’est moi. Dix. Pas un de plus.
Fabrice sentit son cœur accélérer. C’était un test. De nerfs. De loyauté. De pouvoir.
Winner ne broncha pas. Il regarda Fabrice, puis le patron.
— On prend. Mais la prochaine fois, c’est douze. Sinon, on cherche ailleurs.
— Si vous êtes encore là la prochaine fois…, répondit le boss, l’air amusé.
Il claqua des doigts. Un sac fut déposé à leurs pieds. Des liasses de billets, compressées, organisées. Sans un mot de plus, les trois hommes remontèrent dans leur voiture. Elle disparut aussi vite qu’elle était venue.
—
Sur le trajet du retour, l’ambiance dans la voiture était lourde.
Fabrice tenait le sac sur ses genoux. L’argent pesait. Lourd. Trop lourd pour être innocent.
— T’es tendu ? demanda Winner en gardant les yeux sur la route.
— T’as pas aimé le boss ?
— C’est pas lui. C’est... tout ça. Cette pression. Ce jeu dangereux. J’me demande encore comment j’ai atterri là.
Winner haussa les épaules.
— On fait ce qu’on doit faire. Tu fais ça pour ta mère, non ? Pour ta sœur ?
Fabrice ne répondit pas. Il regardait par la vitre. Les lampadaires défilaient. Un à un. Comme les choix qu’il n’avait pas faits. Ou qu’il n’avait pas pu éviter.
—
Minuit approchait quand il rentra à la maison. Il ôta ses chaussures à l’entrée, marcha à pas de loup. Le salon était plongé dans l’ombre. Dans la chambre de sa mère, il entendit sa respiration calme. Dans celle de Diane, un souffle plus rapide, ponctué de petits ronflements. Un cahier de mathématiques était tombé sur le tapis.
Fabrice entra dans sa chambre, ouvrit l’armoire, glissa le sac sous une pile de vêtements. Puis il s’assit sur le bord du lit. Immobile.
Il resta là longtemps. Très longtemps. Seul. En silence.
Puis, dans un murmure presque inaudible, il dit :
— Jusqu’où ça va m’emmener, tout ça…
Mais au fond de lui, il connaissait déjà la réponse.
Trop loin. Et peut-être trop tard.
Lieu : Bureau privé de Vital – 18h30Le bureau sentait le cigare froid et le whisky de luxe. Vital était assis dans son fauteuil en cuir, le regard planté sur son téléphone posé à l’écran noir. La télévision muette diffusait les actualités locales, mais il ne regardait rien.Il fixait le vide, les sens en alerte. Un de ses hommes, Lewis, entra.Lewis :— Le colis est bien parti. Aucun souci sur la route. Les gars sont bien positionnés pour la suite du transport.Vital (distrait) :— Bien. Et Fabrice ? Tu l’as surveillé comme je t’ai dit ?Lewis (hésitant) :— Oui, chef… mais quelque chose m’échappe chez lui. Il passe beaucoup de temps au resto. Il a vu une fille plusieurs fois. Une brune. Discrète.Les yeux de Vital s’allumèrent.Vital (froid) :— Tu as des images ?Lewis :— Juste une photo, prise de loin. (Il sort son téléphone, montre un cliché.)C’est flou, mais… c’est bien Nina.Vital resta silencieux un long moment.Vital (calmement) :— Il me ment.Lewis (prudent) :— Il t’a di
Lieu : Résidence de Nathan – 3h du matinDans le grand salon faiblement éclairé, Nathan faisait les cent pas, toujours en chemise, les manches retroussées, les veines de son cou tendues. La bouteille de whisky de la veille était encore sur la table, à moitié vide. Le silence pesait lourd, presque malsain.Il venait de raccrocher avec un ancien contact des renseignements intérieurs, et l’appel l’avait laissé plus troublé que rassuré.Nathan (murmurant, à lui-même) :— Vital… Tu avais ma fille. Et tu l’as lâchée… Pourquoi ?Parce que tu sens le piège ? Ou parce que tu caches pire encore ?…Il attrapa une tablette, fit défiler des dossiers. Photos. Transferts bancaires. Extraits de contrats d’entreprises écrans. Plans d’aménagement. Procès-verbaux falsifiés.Tout pointait vers Vital, mais aussi vers le Gouverneur lui-même.Nathan (frappant la table du poing) :— Bande d’enfoirés. Vous utilisez le pouvoir comme un paravent. Mais tout ça va tomber.---Lieu : Bureau privé de Nathan – 3h30
Lieu : Maison sécurisée dans les hauteurs – 7h30Le soleil se levait timidement sur la colline. Dans une petite maison discrète, entourée de pins et de silence, Fabrice était déjà debout. Il préparait du café pendant que Nina dormait encore sur le canapé-lit, recroquevillée sous une couverture.Son téléphone vibra. Nathan. L’heure était venue.Fabrice (au téléphone, voix basse) :— C’est le moment. J’ai ton trésor avec moi. Elle va bien. On doit parler… Tous les trois. Sans garde, sans voiture blindée.— Un plan ?Nathan (au bout du fil) :— Oui. Et une seule règle : personne d’autre ne doit savoir qu’on travaille ensemble.---Lieu : Maison de secours – 9h00Nina, encore en pyjama, tenait une tasse chaude entre ses mains. Elle regardait les deux hommes devant elle : son père, Nathan, en veste sobre, fatigué mais soulagé… et Fabrice, silencieux, concentré, tendu.Nina (confuse) :— Alors maintenant, vous deux, vous êtes alliés ? C’est moi le prix ou la raison ?Nathan (calme, doux) :
Lieu : Bureau privé de Nathan – 23h45La pièce sentait encore le whisky. Mais cette fois, Nathan était parfaitement sobre. Devant lui, une photo imprimée en grand format. Une jeune fille. Belle, souriante, posant dans une voiture de luxe.L’homme en costard sombre (regard dur) :— C’est elle ?Nathan (calme, précis) :— Oui. La fille de Vital. Elle a 19 ans. Étudiante en droit. Elle vit dans une résidence privée à la colline des Magnolias.Le second homme (plus jeune, hoche la tête) :— On l’a déjà localisée. On peut l’approcher sans problème. Mais… Patron, vous êtes sûr ? C’est une gamine.Nathan (froid) :— Justement. Je veux que Vital sente ce que c’est. Ce que ça fait de chercher sa fille, de sentir sa gorge se serrer, de se demander si elle est en vie… ou pas.Un court silence. Nathan se leva, se dirigeant vers la fenêtre. La lune projetait son ombre sur le parquet.Nathan (lentement) :— J’ai reçu un message de Nina. Elle est vivante. Et elle ne veut pas que j’intervienne. Mais
Lieu : Bureau de Nathan – 18h30Nathan était assis à son bureau, les traits tirés, les nerfs à vif malgré le verre d’eau glacé qu’il faisait tourner depuis dix minutes. La disparition de Nina, le message étrange reçu la veille, la surveillance accrue autour de sa maison… tout cela le rongeait.Son téléphone vibra. Numéro inconnu. Pas un appel. Un message vocal.Il mit ses écouteurs. Voix modifiée, brouillée. Mais le ton… grave, lent, précis.> Voix anonyme :"Monsieur Nathan. Je ne peux pas vous dire qui je suis. Mais je peux vous dire que votre fille est en vie. Elle n’est pas loin. Elle n’est pas seule. Et surtout : elle n’est pas entre de bonnes mains. On veut l’utiliser contre vous."Nathan se redressa, fixant l’écran du téléphone.> "Ce soir, à 21h, dans le parc central, banc 17. Vous trouverez une enveloppe sous le siège. Ne venez pas armé. Venez seul. L’heure est venue d’ouvrir les yeux. Et de bouger avant qu’il ne soit trop tard."Nathan (murmurant à lui-même) :— Qui es-tu…?
Lieu : Appartement sécurisé – 23h45Nina dormait sur un matelas de fortune, emmitouflée dans un plaid épais. Fabrice, lui, n’avait pas fermé l’œil depuis deux jours. Il buvait du café noir, assis sur une chaise face à un mur où il avait accroché des papiers, des photos, des noms. Tout tournait autour de Vital.Il griffonna au feutre rouge au centre :"L’abattre sans qu’il voie venir."---Flashback : La vidéo truquéePlus tôt dans la journée, Winner lui avait livré la vidéo. Nina y apparaissait, visiblement changée, prononçant un message manipulé :Nina (voix modifiée) :— Papa, je pars vivre ma vie. Ne me cherche pas. J’ai besoin de disparaître… seule.La mise en scène était parfaite : une chambre d’hôtel anonyme en arrière-plan, sac à dos prêt, une atmosphère de décision personnelle.---Plan B : Les preuves contre VitalFabrice savait que pour éliminer un homme comme Vital, il ne fallait pas des balles, mais des preuves.Il se rendit chez un ancien contact : Marvin, un informaticie