INICIAR SESIÓNLéoLes jours qui suivent l’arrivée de Tomas sont empreints d’une tension sourde. Les regards que me lancent les villageois ont changé. La curiosité respectueuse a cédé la place à une méfiance palpable. Ma connaissance de la chose verte dans la forêt m’a marqué, à leurs yeux, comme étant de son côté, ou pire, comme en étant la cause.Je tente de vaquer à mes occupations, de préparer des remèdes, de conseiller Finn, mais mon esprit est ailleurs, tendu vers le nord, épiant la progression silencieuse de Kael. Son avancée est lente, méthodique. Il ne se presse pas. Le temps, pour lui, n’a pas la même urgence.Puis, au début de la semaine suivante, un autre événement vient jeter de l’huile sur le feu de la peur.C’est le fermier Alric qui découvre la bête. Une de ses meilleures vaches laitières, Bessie, gît dans le pré, raide et froide. Aucune trace de lutte. Aucune morsure de loup. La peau est intacte, mais le pelage est parsemé de plaques de givre qui ne fondent pas, même au soleil. Et l
L'île grecque était censée être une pause. Une parenthèse de bleu et de blanc après le gris sibérien. Ils avaient loué une petite maison cubiste accrochée à la falaise, face à une mer Égée d'un calme trompeur.Mais le silence, ici, est différent. Ce n'est pas le silence complice des nuits sur la route, chargé de promesses et de projets. C'est un silence lourd, vide. Il n'y a personne à traquer, rien à voler, aucun système à déjouer. Il n'y a que le bruit des vagues, monotone, et le soleil, implacable.Clara est assise sur la terrasse, un livre ouvert sur les genoux qu'elle ne lit pas. Ses doigts tambourinent nerveusement sur la couverture. Elle observe Alyss, allongée sur un transat, les yeux fermés. Son corps est immobile, trop immobile. Clara connaît chaque tension, chaque micro-mouvement de ce corps. Elle sait qu'Alyss ne dort pas. Elle simule. Comme elle simule, elle, de lire.La dague Tchétchène est posée sur la table entre elles, un rappel incongru de leur autre vie. Elle semble
LéoLa douleur dans mes mains est une brûlure vive, un rappel constant du prix de ma liberté. La chair est noircie, sensible au moindre souffle d'air. Chaque pas est une épreuve, mais c'est mon épreuve. Personne ne me porte. Personne ne me guide.Je quitte le cœur de la forêt, ses zones les plus denses et les plus magiques. Les arbres deviennent plus espacés, le sol plus familier. Je reconnais les sentiers que j'empruntais lors de mes premières errances, avant de connaître Kael, avant de croiser le regard d'Elias. C'est un retour en arrière, mais je ne suis plus le même.Je m'arrête au bord de la rivière qui marque la frontière entre la forêt sauvage et les bois domestiqués. De l'autre côté, je vois le toit de la maison de mon grand-oncle. Elle semble si petite. Si fragile. Un jouet à côté des forces que j'ai côtoyées.Je me retourne pour regarder une dernière fois la forêt. Elle est silencieuse. Je ne sens plus la présence obsessive de Kael. Je ne perçois plus le feu lointain d'Elias
LéoLes jours se fondent en une routine de survie brute. Je suis un fantôme dans le royaume de Kael, évitant les sentiers qu’il parcourt, me cachant lorsque je sens l’approche de sa présence verte et étouffante. Je sais qu’il me cherche. Je sens son appel parfois, un murmure doux et persistant à la lisière de mon esprit, une promesse de sécurité et de chaleur. C’est un aimant pour ma solitude, un poison doucereux.Elias, lui, est un spectre d’une autre nature. Je trouve ses traces partout. Des proies tuées avec une efficacité brutale. Une odeur musquée qui persiste dans l’air froid du matin. Parfois, je le vois de loin, une silhouette sombre et solitaire sur une crête, observant les vallées. Il ne m’approche plus. Il me regarde. Comme on observe un phénomène étrange.Je suis coincé entre eux. Trop sauvage pour le sanctuaire de Kael. Trop humain pour le monde d’Elias.La faim me pousse plus loin, dans une région rocheuse et austère que ni l’un ni l’autre ne semble fréquenter. C’est ici
LéoLa forêt de Kael était un jardin ordonné. Celle dans laquelle je marche maintenant est une cathédrale sauvage et indifférente. Chaque ombre cache un danger, chaque bruissement une menace. La faim, que les nourritures magiques de Kael tenaient à distance, me tord l'estomac. La peur est devenue mon ombre permanente.Je me souviens des leçons d'Elias. Je me déplace avec une prudence de voleur, j'écoute le langage du vent, je lis les signes sur le sol. Je suis lent. Maladroit. Mais je suis vivant.Je trouve des baies qu'il m'a appris à reconnaître comme non vénéneuses. Je bois à un ruisseau glacé, espérant ne pas avaler de maladie. La nuit, je me blottis dans des creux d'arbres, grelottant, écoutant les bruits de la forêt qui m'entoure, une symphonie de vie et de mort dont je ne suis plus qu'un simple instrument, et non le chef d'orchestre.Un après-midi, je tombe sur une scène qui me fige le sang.Un cerf, magnifique, aux bois imposants, gît dans une flaque de son propre sang. Son fl
LéoLa forêt renaît. La lumière de la jeune pousse, que Kael appelle désormais "L'Espoir", imprègne chaque feuille, chaque brin d'herbe. Les couleurs sont plus vives, les chants d'oiseaux plus mélodieux. L'air lui-même semble plus facile à respirer. Kael rayonne d'une satisfaction tranquille. Son domaine est sauvé, purifié. Et moi, je suis le héros silencieux de cette victoire.Mais le héros est devenu un prisonnier.Kael ne me quitte plus. Il me fait dormir dans une alcôve de racines vivantes, douce mais inflexible, à l'intérieur de son arbre-sanctuaire. Il me nourrit de fruits et de sève magique qui m'engourdissent l'esprit et apaisent mes muscles endoloris. Il parle de "consolidation", de "renforcement de notre lien". Ses mains, lorsqu'elles effleurent ma peau pour guérir les dernières traces de mes blessures, ne sont plus celles d'un amant ou d'un professeur. Ce sont celles d'un propriétaire qui vérifie l'état de sa possession.— Tu es en sécurité ici, Léo, murmure-t-il tandis que







